Château de Caernarfon

Définition

Mark Cartwright
par , traduit par Cécile Loiseau
publié sur 27 novembre 2019
Disponible dans d'autres langues: Anglais
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Caernarfon Castle, Wales (by Matt Buck, CC BY-SA)
Château de Caernarfon, Pays de Galles
Matt Buck (CC BY-SA)

Le château de Caernarfon ou Carnarvon se trouve au nord du Pays de Galles et fut construit dès 1283 par le roi d’Angleterre Édouard Ier, qui régna de 1272 à 1307. Ce château et d’autres grandes forteresses devaient aider à contrôler cette région nouvellement conquise. Étant la capitale administrative de cette province encore hostile à Édouard Ier, le site de Caernarfon fut mis à l’épreuve lors d’attaques militaires et des modifications furent alors apportées dans les défenses du château, telle l’énorme Porte du Roi. Le château fut considérablement amélioré au cours des cinquante années qui suivirent et plus ou moins achevé vers 1330. Aujourd’hui, le château est en bon état de conservation et tient toujours une place importante dans les affaires de la famille royale. Le prince Charles y fut ainsi intronisé prince de Galles en 1969 comme plusieurs de ses prédécesseurs. Le château est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1986.

La construction du château par Édouard Ier

À partir de 1272, le nouveau roi d’Angleterre Édouard Ier conquit la majeure partie du Pays de Galles et l’intégra au système de comtés en vigueur en Angleterre. Après la mort du Prince de Galles Llywelyn en 1282, la seule partie encore libre était le nord du Pays de Galles, une région sauvage et montagneuse. C’est là que le roi bâtit plusieurs forteresses dont Caernarfon, le plus important de ces châteaux. Sur ce site choisi le long du détroit de Menai et à l’embouchure de la rivière Seiont, il y avait déjà eu un fort romain, Segontium, abandonné en 394 apr. J.-C., puis une motte féodale normande avec basse-cour vers 1093. Le site avait aussi été le siège de la cour royale galloise à partir de 1115 jusqu’à la prise de pouvoir par Édouard Ier. C’est l’ancien fort romain qui donne son nom au château, les Gallois l’appelant y gaer yn Arfon, c’est-à-dire « la forteresse sur la terre faisant face à Mon », en référence à l’île de Mon ou Anglesey. La motte du château normand fut ensuite intégrée à la cour supérieure du nouveau château, construit comme les autres avant lui sur une péninsule facile à défendre.

En 1294, le château fut attaqué, pris et incendié par le chef gallois Madog ap Llywelyn.

L'architecte en chef et ingénieur qui imagina le château d’Édouard Ier et qui suivit les travaux fut le maître Jacques de Saint Georges (1235-1308) qui œuvra aussi à la construction des autres nouveaux châteaux d’Édouard Ier au Pays de Galles, comme ceux de Harlech, Conwy et Beaumaris. En raison du terrain, le château de Caernarfon ne put être construit de façon concentrique avec des murs intérieurs et extérieurs. Le parti pris fut de construire deux basses-cours fortifiées côte à côte et d’ériger une longue muraille tout autour de la bourgade qui se développait au pied du château.

Inner Ward, Caernarfon Castle
Vue de la cour intérieure, château de Caernarfon
James Petts (CC BY-SA)

Les travaux commencèrent lors de l’été 1283. Des documents d’archives nous indiquent que les coûts des matériaux s’élevèrent à 150 livres. Leur transport coûta cependant 535 livres. La plus grande part de ces matériaux coûteux correspondait à la pierre, utilisée pour la construction des murs énormes, d'une épaisseur de 6 m à certains endroits. À l’achèvement de la première phase de travaux en 1294, le coût s’élevait à 12 000 livres (plus de 16 millions d’euros aujourd’hui). Le château devint le siège administratif et judiciaire d’Édouard Ier au nord du Pays de Galles. Une seconde grande phase de travaux coûtant un petit peu plus que la première s’ouvrit à partir de 1295 et s’acheva en 1323. Enfin, jusqu’à 1330, date à laquelle les documents d’archives s’arrêtent, même s’il y eut d’autres ajouts, mais le château ne fut jamais complètement terminé.

Les courtines

Les courtines du château enserrent deux cours, la basse-cour et la haute-cour. Sur les douze tours construites, quatre étaient aménagées sur plusieurs étages afin de loger les 350 serviteurs employés au château. La Tour de la Reine était connue au départ sous le nom de Tour de la Bannière parce qu’elle était la plus haute et parce que le drapeau y était hissé. La Tour de la Citerne sur le côté sud fut construite pour récupérer l’eau de pluie dans une citerne bordée de pierre. La Tour du Puits contenait, elle, un puits d’une profondeur de 15 m. L’eau servait dans les cuisines adjacentes contenant encore des cheminées circulaires en pierre dans lesquelles étaient placés d’énormes chaudrons en cuivre. La puissance de tir depuis certaines portions des courtines était impressionnante pour l’époque puisqu’un seul archer pouvait tirer depuis trois archères différentes ou alors trois archers pouvaient tirer depuis la même fenêtre de tir équipée de trois embrasures différentes.

Même si les bâtiments dans les cours du château n’existent plus, les fondations et des décrochements sur les courtines permettent de déterminer leur emplacement et leur fonction. Dans la basse-cour, par exemple, il y avait la Grande Salle qui mesurait 30,5 m de long et qui était reliée à la Tour du Chamberlain. En 1316, la salle des princes de Galles, traditionnellement en bois, fut déplacée du château de Conwy au château de Caernarfon et remontée dans la basse-cour.

The Eagle Tower, Caernarfon Castle
La Tour de l'Aigle, château de Caernarfon
James Petts (CC BY-SA)

La Tour de l’Aigle

La Tour de l’Aigle correspond au donjon du château. Elle fut construite à partir de 1283 et achevée vers 1317. Elle domine le château avec ses trois puissantes tourelles et doit son nom à l’aigle sculpté dans la pierre au sommet de l’une d’elles. La tour mesure environ 30 m de haut et s’élève sur trois étages au-dessus d’un sous-sol qui donnait à l’origine accès à la rivière par une double porte avec herse. La tour polygonale a un diamètre de 10,5 m et ses murs ont une épaisseur de 5,4 m ce qui permit de créer des pièces et des couloirs dans l’épaisseur des murs de l'étage supérieur. Un escalier à colimaçon donne accès aux différents étages. La tour abritait vraisemblablement les appartements privés du personnage le plus illustre logeant au château. La tour est protégée par une poterne équipée d’une herse donnant accès à la cour intérieure.

Le château protégeait une bourgade importante située à proximité et entourée de murs et de tours.

La Porte du Roi

Le château fut attaqué en 1294, pris et incendié par le chef gallois Madog ap Llywelyn. L’année suivante, Édouard Ier reprit son château grâce à la supériorité de ses troupes et grâce au contrôle sur la mer. Mais l’épisode entraîna la reconstruction du rempart de la ville et amena à repenser la conception du château. Il en résulta le programme de reconstruction évoqué plus haut et en particulier la construction de la Porte du Roi entre 1296 et 1323. Cet ouvrage énorme sur trois étages bénéficiait des moyens les plus modernes pour contrer les attaques à l’époque : un pont-levis au-dessus d’une fosse, une herse double ouvrant sur un passage et d’autres portes avec une autre herse double, puis en angle droit, une autre porte avec une herse.

Il y avait aussi quatre postes de garde et des mâchicoulis (ouvertures en surplomb des courtines permettant de jeter des projectiles sur les assaillants). La construction était tellement complexe que la partie à l’arrière du château, inutile à la défense, ne fut jamais achevée. On ne peut qu’imaginer certains des détails des plans originaux du maître-maçon Walter de Hereford. L’autre grande porte du château était la Porte de la Reine, également inachevée et située maintenant en hauteur, car la rampe d’accès et l’escalier d’origine ont été supprimés.

Les remparts de la ville

Le château protégeait une bourgade importante située à proximité, dont la sécurité fut renforcée par des remparts longs de 734 m. Sur ces remparts, il y a avait huit tours et deux entrées pour se protéger essentiellement des attaques qui pouvaient survenir à tout moment, des hourds en bois, une porterie ouest et une porterie est, ainsi qu’une chapelle Sainte-Marie. Il était onéreux de fortifier ainsi la ville, mais cela avait aussi l’avantage de protéger cette partie du château. Au cas où une brèche aurait été faite dans les remparts de la ville, une large douve sèche était également présente entre le château et la ville.

Un monument symbole de la monarchie

En construisant son château sur un site déjà si riche en histoire, Édouard Ier s’assurait que Caernarfon serait remarqué. Avec le coût énorme de sa réalisation, son ouvrage de maçonnerie gigantesque et ses hautes tours de forme polygonale innovantes, il envoyait un message très clair : le roi anglais n’était pas simplement là pour écraser tous ceux qui l’avaient précédé, mais pour rester. De plus, certains historiens ont relevé la similitude entre la maçonnerie du château de Caernarfon et celle de la muraille de Théodose à Constantinople, la capitale byzantine, montrant de la part des constructeurs du château une volonté d’établir un parallèle avec l’empire.

Par ailleurs, la Tour de l’Aigle et la façade colorée du château rappellent toutes deux une description trouvée dans un conte romantique traditionnel gallois repris dans Les Mabinogion et qui relate un rêve fait par Maxime, empereur romain de 383 à 388 apr. J.-C. Dans ce rêve, l’empereur appelé ici Macsen Wledig, a la vision d’une ville fortifiée dans un pays lointain et montagneux ainsi que d’un puissant château aux murs colorés et aux nombreuses tours, renfermant un trône d’ivoire décoré d’aigles. Ayant aussi vu une magnifique princesse au cours de ce rêve et ayant identifié le pays comme étant celui de Caernarfon, il envoya ses hommes pour aller l’y chercher. Ce conte romantique était très populaire au XIIIe siècle et il est peu probable que Édouard Ier n’en ait pas eu connaissance. Ainsi le roi anglais prenait-il la terre de Galles, mais il s’appropriait aussi l’héritage culturel local.

Caernarfon Castle by Turner
Château de Caernarfon par Turner
The British Museum (CC BY-NC-SA)

Pour bien faire comprendre et bien montrer l’arrivée d’un nouvel ordre, le roi fit aussi usage du grand apparat. D’abord, son fils Édouard naquit au château le 25 avril 1284, probablement dans la Tour de l’Aigle, et y fut montré au public. Le roi informa ensuite le peuple de Galles que son fils était le nouveau prince de Galles (titre qui lui fut donné officiellement en 1301) et c’est ainsi que ce titre fut par la suite donné au fils aîné du monarque anglais régnant. La statue sur la façade de la Porte du Roi est une représentation du prince en la personne d’Édouard II d’Angleterre qui régna de 1307 à 1327.

Plus récemment

En 1403 et 1404, le château fut assiégé à deux reprises par Owain Glyn Dwr qui fut prince de Galles de 1404 à 1415. Au milieu du XVIe siècle, une forte présence militaire n’étant plus nécessaire dans la région, le château tomba en ruines. Seules la Porte du Roi et la Tour de l’Aigle possédaient encore leurs couvertures en 1620. Le château avait perdu de son éclat et certaines parties servaient même de prison du comté. Néanmoins, il joua un rôle pendant la guerre civile anglaise de 1642-1648 et fut tenu par les partisans du roi avec à leur tête le commandant John Byron, 1er baron Byron (décédé en 1652) jusqu’à ce qu’il ne se rende aux forces parlementaires en 1646. Heureusement pour la postérité du monument, personne au sein du gouvernement ne donna jamais d’ordre de démolir le château en 1660.

Au cours du XIXe siècle, la région se développa grâce à la production d’ardoise et l’arrivée du chemin de fer. Le château se dressait encore fièrement et sa vue splendide inspira de nombreux artistes, notamment J.M. William Turner qui en fit une peinture en 1833. Alors que l’intérêt pour le passé ne cessait de grandir à cette époque, de très grands travaux de restauration commencèrent, qui furent supervisés par Sir Llewelyn Thomas (1823-1903). En 1908, le Bureau de Travaux prit la relève pour réaliser davantage de réparations.

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Au XXe siècle, le château revint sur le devant de la scène grâce à des cérémonies publiques. Charles, le fils aîné de la reine Élisabeth II (reine depuis 1953), y reçut le titre de Prince de Galles en 1958 et en 1969, comme pour Édouard II sept siècles plus tôt et comme en 1911 pour son grand-oncle, le futur Édouard VIII (roi de janvier à décembre 1936), l’investiture officielle y eut lieu. Depuis 1984, le site est géré par le service de l'environnement historique du gouvernement gallois, appelé Cadw. Et même s’il reste ouvert au public, il est, comme il l’a toujours été, propriété de la Couronne.

À propos du traducteur

Cécile Loiseau
Guide-interprète puis guide-conférencière depuis plus de 20 ans, Cécile est à présent aussi traductrice. Ces deux activités ont plus en commun qu'on pourrait le penser, comme la curiosité, le goût pour les langues et la communication.

A propos de l'auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer ce travail

Style APA

Cartwright, M. (2019, novembre 27). Château de Caernarfon [Caernarfon Castle]. (C. Loiseau, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17645/chateau-de-caernarfon/

Le style Chicago

Cartwright, Mark. "Château de Caernarfon." Traduit par Cécile Loiseau. World History Encyclopedia. Dernière modification novembre 27, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17645/chateau-de-caernarfon/.

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Cartwright, Mark. "Château de Caernarfon." Traduit par Cécile Loiseau. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 nov. 2019. Web. 20 nov. 2024.

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