Soundiata Keïta (alias Sunjaata ou Sundjata, r. 1230-1255) fut le fondateur de l'Empire du Mali (1240-1645) en Afrique de l'Ouest. Prince de la tribu des Malinkés (ou Mandingues), Soundiata non seulement renversa les régents du royaume de Sosso (vers 1180-1235), le plus grand héritier de l'Empire du Ghana (6e-13e siècle), mais il conquit également les royaumes voisins, établit un gouvernement stable depuis sa capitale Niani et fit de son empire le plus grand et le plus riche jamais vu en Afrique de l'Ouest. Soundiata Keïta joua un rôle si fondamental dans la création de l'Empire du Mali et dans l'histoire des Malinkés que les anciennes traditions orales autochtones en ont fait un grand guerrier et un chasseur-magicien dont les exploits ont permis à ses descendants de régner sur la région pendant des siècles.
Vie et légendes
La vie et les exploits de Soundiata Keïta proviennent en grande partie des traditions orales répétées par les griots, les conteurs oraux dont les récits, racontés au fil des générations, finirent par être mis par écrit puis traduits par les historiens européens au XIXe siècle de notre ère. Comme le dit l'historien P. Curtin, " la position de [Soundiata] dans la littérature orale du Soudan occidental est équivalente à celle de Charlemagne en Europe occidentale " (94). Les travaux des chroniqueurs arabes médiévaux s'ajoutent à ces récits, mais ne les égalent pas toujours entièrement.
Selon la légende, Soundiata était un prince de l'ethnie indigène malinké (ou mandingue). Né dans une famille royale en 1210, Sundiata eut un désavantage immédiat: il ne pouvait pas marcher, une difformité peut-être liée à sa mère qui était bossue dans certaines versions des histoires de Sundiata. C'est pour cette raison qu'un ennemi de son père avait épargné sa vie, le monarque suspicieux ayant déjà tué 11 autres descendants mâles du père de Soundiata pour parer à une future rébellion contre son règne. À l'âge de sept ans, Soundiata commença à porter des attelles en fer pour ses jambes. Grâce à ces attelles et à un entraînement douloureux, le jeune prince fut finalement capable de marcher sans aide. Dans une version de l'histoire, Soundiata eut d'autres problèmes car il fut exilé au royaume de Mema tandis qu'un frère, Dankaran Tuman, prit la tête des Malinkés. Cependant, Soundiata fut plus tard persuadé de rentrer chez lui pour aider à libérer son peuple de la domination étrangère oppressive.
L'effondrement de l'empire du Ghana
L'empire du Ghana (qui n'est pas géographiquement lié au Ghana moderne) commença à s'effriter à la fin du 12e siècle, après avoir dominé le commerce du centre de l'Afrique de l'Ouest dans la haute vallée du fleuve Niger depuis le 6e ou le 7e siècle. Véritable conglomérat de villages dirigés par un seul roi, l'empire avait prospéré grâce à une armée bien entraînée et à l'accès à des matières premières telles que le minerai de fer pour fabriquer ses armes et les gisements d'or pour payer ses soldats. Le contrôle du commerce régional était une affaire lucrative pour les rois du Ghana qui transmettaient des marchandises comme l'or et l'ivoire aux marchands musulmans qui envoyaient des caravanes de chameaux traversant le Sahara depuis l'Afrique du Nord et qui apportaient du sel très apprécié dans le sud.
Le déclin commença lorsque d'autres routes commerciales concurrentes s'ouvrirent et lorsque le climat devint anormalement sec pendant une période prolongée, ce qui affecta la production agricole. Les souverains du Ghana ne firent rien pour arranger les choses non plus, l'empire étant en proie à une série de guerres civiles. Comme toujours, les empires tombent et d'autres s'élèvent, et Sundiata Keïta avait l'intention que ce soit son étoile qui s'élève au-dessus de toutes les autres en Afrique de l'Ouest. Les terres malinké se sont toujours avérées difficiles à contrôler pour les rois du Ghana et les rébellions étaient fréquentes dès les premières années du 13ème, surtout lorsque les derniers souverains de l'empire du Ghana, les Sosso imposèrent des restrictions sur le commerce dans certaines parties de leur territoire.
À partir des années 1230, Sundiata mena une guerre totale contre les Sosso et leur roi Soumaworo (alias Sumaoro Kanté, r. à partir de 1200). Sundiata avait formé une puissante alliance avec d'autres chefs mécontents, fatigués de la dureté du règne de Soumaworo, et surtout, il bénéficiait de l'aide précieuse de sa sœur, Nâna Triban. Nâna avait été forcée d'épouser Soumaworo, et elle avait découvert le secret selon lequel son totem (tana) ou source de force était un ergot de coq blanc. Nana vola l'ergot et Soumaworo se retrouva dans une position très désavantageuse lors de la bataille de Kirina en 1235. Soundiata et ses alliés furent victorieux, et Soumaworo s'enfuit pour sauver sa vie, et on ne le revit plus jamais.
Soundiata, aidé par des généraux doués - en particulier Tiramakhan Traore et Fakoli Koroma - remporta d'autres victoires et finit par s'emparer de l'ancienne capitale du Ghana en 1240. Non seulement Soundiata obtint l'indépendance pour son peuple, mais il établit également son propre royaume connu sous le nom d'Empire du Mali (1240-1645), Mali étant le terme local pour "l'endroit où vit le roi".
Le gouvernement et l'Empire du Mali
La tradition orale attribue à Soundiata l'établissement d'un code de gouvernement qui couvrait les règles de comportement politique et social dans l'Empire du Mali. Tout d'abord, une grande assemblée de chefs de tribus se réunit pour proclamer officiellement Sundiata monarque suprême. En effet, Soundiata allait acquérir un nombre de titres suffisamment important pour un souverain aussi puissant, notamment Maghan ou Mansa (roi), Nfa Mansa (mon père, le roi), Simbon Salaba (maître chasseur) et Mari Diata (seigneur lion).
Les chefs de clan décrétèrent également que tous les futurs rois du Mali seraient choisis parmi les descendants de Soundiata. Les clans furent réorganisés, parfois en fonction des professions, et reçurent des noms nouveaux ou alternatifs afin d'établir une plus grande unité dans le royaume. L'assemblée décréta également que les métiers tels que forgeron, tisserand et cordonnier seraient rendus héréditaires. En bref, Soundiata attribua soigneusement à chaque groupe tribal et à chaque personne qui le composait un rôle défini dans le cadre d'un empire plus vaste où la loyauté et la solidarité étaient encouragées.
Niani, aujourd'hui disparue et probablement située dans une plaine près du fleuve Sankarani, navigable toute l'année, fut choisie comme nouvelle capitale de l'empire du Mali. Protégée par des montagnes et proche des deux principals aspects du commerce: les forêts et les voies navigables, la ville devint rapidement un centre cosmopolite, déclaré par Soundiata territoire impérial où tous les peuples de l'empire étaient les bienvenus. Le gouvernement central de Soundiata à Niani était composé de chefs tribaux loyaux auxquels s'ajoutait un nombre restreint de commerçants arabes, utiles pour leurs contacts commerciaux et politiques à l'étranger. L'empire dans son ensemble était divisé en deux parties, le nord et le sud, et chaque partie était dotée d'un gouverneur militaire. Pour garantir le respect des règles dans tous les territoires de l'empire, de nombreux chefs locaux étaient autorisés à poursuivre leurs activités comme auparavant, mais ils étaient nommés gouverneurs (farin) et parfois une garnison payée par le gouvernement était établie. Ainsi, l'empire fonctionnait réellement comme une fédération de petits royaumes.
L'empire du Mali allait devenir le plus grand et le plus riche empire jamais vu en Afrique de l'Ouest, contrôlant, comme l'empire du Ghana, les routes commerciales régionales par voie terrestre et fluviale et les ressources locales telles que l'or, le cuivre, le fer et l'ivoire. Si la majorité de la population était composée d'agriculteurs, la riche élite était composée de marchands qui servaient d'intermédiaires entre les commerçants du sud et les caravanes contrôlées par les Berbères qui traversaient le Sahara vers l'Afrique du Nord et le monde musulman. Sundiata continua à mettre de nouveaux territoires sous son contrôle, et à la fin de son règne, l'Empire du Mali contrôlait les anciens royaumes du Ghana, de Oualata, de Tadmekka et de Songhai. De manière significative, ces territoires comprenaient les riches régions aurifères de Galam, Bambuk et Bure.
Soundiata et l'Islam
Des voyageurs et chroniqueurs musulmans de renom comme Ibn Battuta (1304 - c. 1369) et Ibn Khaldoun (1332-1406) rapportèrent que Soundiata (parfois appelé par eux Mari-Jata) se convertit à l'Islam comme la plupart de ses successeurs - cette religion ayant été propagée par les marchands arabes dans la région. Cependant, la tradition orale malinké, tout en reconnaissant que l'Islam était présent au Mali bien avant le règne de Sundiata, maintient que le premier souverain de l'Empire du Mali ne rejeta pas la religion animiste indigène et qu'il était un puissant magicien qui ne s'était certainement pas converti à une foi étrangère. Soundiata devait cependant être conscient des avantages qu'il y avait à gagner la faveur de ses puissants partenaires commerciaux et nous savons que le fils de Soundiata, Mansa Waali, se rendit en pèlerinage à la Mecque dans les années 1260 ou 1270. Il faudra cependant attendre le XIVe siècle et le règne de Mansa Moussa Ier (1312-1337) pour que l'islam se propage avec succès parmi les populations urbaines de l'empire du Mali. Les communautés rurales, en particulier, continueront, quoi qu'il en soit, à adhérer à leurs croyances religieuses traditionnelles.
Mort et successeurs
Soundiata Keïta mourut en 1255, mais on ne sait pas exactement comment. Certains documents font état d'une blessure accidentelle mais fatale par flèche, d'autres d'une noyade dans la rivière Sankarani. Sa tombe n'est pas connue en raison de la tradition malinké de ne jamais révéler où un roi est enterré. L'héritage de Soundiata est plus certain, car le roi avait établi un empire relativement stable sur lequel une longue lignée de ses descendants allait régner, à commencer par son fils Mansa Waali (r. c. 1255-1270). L'empire du Mali ne cessa de croître, notamment sous le règne du petit-neveu de Soundiata, Mansa Moussa I, qui supervisa la plus grande expansion territoriale en Afrique de l'Ouest, répandit la religion et l'architecture de l'Islam et dépensa des tonnes d'or lors d'une visite au Caire en 1324.