L'ancienne Dongola (alias Dongola el Agouz ou Old Dongola), située dans le Soudan moderne, était la capitale de l'ancien royaume nubien de Dongola (alias Makurie ou Makourra) qui prospéra du 6e au 14e siècle. Royaume chrétien pendant au moins 750 ans, puis musulman après les incursions des Mamelouks d'Égypte au début du 14e siècle, Dongola prospéra grâce à l'agriculture et aux relations commerciales avec l'Empire byzantin via l'Égypte et les royaumes africains au sud et à l'est. Aujourd'hui, les églises en pierre et le palais royal de l'ancienne Dongola, en ruines, laissent un témoignage fascinant de la richesse dont jouissait autrefois ce mystérieux royaume du désert. Il ne faut pas la confondre avec la ville soudanaise moderne de Dongola, qui se trouve à environ 160 km au nord-ouest.
Aperçu historique
La région de Dongola fut habitée dès 6 000 ans avant notre ère au moins, les poteries découvertes étant datées par radiocarbone à environ 5 000 ans avant notre ère. Ces petites communautés agricoles et ces groupes de pasteurs commerçaient probablement avec l'Égypte ancienne au nord pendant la période dynastique précoce en Égypte (c. 3150 - c. 2613 av. J.-C.), si ce n'est avant. La colonie de l'ancienne Dongola se développa à partir du 6e siècle de notre ère et était située sur le coude du Nil, entre la troisième et la quatrième cataracte, dans ce qui est aujourd'hui le nord du Soudan. Le royaume prospéra grâce à l'utilisation de la roue hydraulique (saqia), qui permettait d'irriguer des terres auparavant impropres à l'agriculture. Les cultures de la région comprenaient le blé, l'orge, le millet, les dattes et la vigne. Les animaux élevés étaient les bovins, les moutons, les poulets et les ânes.
Adoption du christianisme
Le royaume de Dongola adopta le christianisme (orthodoxe melkite) à la suite d'une mission envoyée à l'origine par l'empereur byzantin Justinien Ier (r. de 527 à 565), qui arriva entre 540 et 543 après être descendue de l'Égypte alors chrétienne. Cependant, il y avait déjà des missionnaires chrétiens dans le royaume avant cela et la date précise de l'adoption officielle de la religion n'est pas connue. Des tombes ont également indiqué que certaines pratiques pré-chrétiennes se poursuivaient encore bien après l'ère chrétienne de la Nubie. Environ un siècle plus tard, le royaume adopta la doctrine monophysite du christianisme suite à l'influence du royaume chrétien d'Aksoum (alias Axoum dans l'Éthiopie moderne, 3e-6e siècle de notre ère) et d'une autre mission byzantine, cette fois dirigée par un évêque Longinos qui forma le clergé local. Par ailleurs, c'est le patriarche d'Alexandrie qui nommerait les évêques du royaume de Dongola pendant toute la période médiévale. La religion se répandit ensuite dans tout le royaume grâce à la création d'églises dans les villes et de monastères ruraux.
Au VIIe siècle, le royaume de Dongola absorba les petits royaumes chrétiens voisins de Faras (alias Nobadia), situés au nord, et peut-être aussi d'Alodia au sud, pour former un État unifié dirigé par le roi Mercure de Dongola (r. de 697), et la ville resta la capitale. L'unification était probablement une réponse à la menace croissante des États musulmans d'Afrique du Nord, en particulier l'Égypte, bien que les guerriers nubiens, armés de javelots, d'épées et d'arcs, aient pu tenir bon et maintenir l'indépendance du royaume. Cependant, en 651, un grand raid musulman, comprenant une force de 5 000 hommes, avait attaqué la capitale Dongola el Agouz à l'aide de catapultes. À la suite de ce siège, une trêve fut déclarée et un traité fut signé entre le royaume de Dongola et l'Égypte vers 652, connu sous le nom de baqt. En échange d'un tribut annuel de 360 esclaves, les chrétiens recevraient des céréales, des tissus et du vin. Tous les musulmans devaient bénéficier d'une protection lors de leur passage dans le royaume, toute personne devait être autorisée à pratiquer son culte dans une mosquée de Dongola el Agouz et tout esclave qui s'échappait devait être renvoyé directement vers le nord. En contrepartie, Dongola el Agouz devait être laissée tranquille. Bien que quelques conflits mineurs aient éclaté, le traité fut largement respecté pendant les six siècles suivants.
Commerce
La paix et l'unité des royaumes nubiens apportèrent la prospérité. Des réseaux commerciaux reliaient Dongola aux États voisins, notamment l'Égypte, comme en témoigne le grand nombre d'amphores égyptiennes trouvées à Dongola el Agouz et sur d'autres sites nubiens. L'ivoire était exporté vers l'Empire byzantin tandis que l'or allait en Éthiopie. Dans l'autre sens, la céramique et la verrerie étaient importées en grande quantité depuis l'Égypte. L'influence byzantine ne se manifestait pas seulement dans la religion et les relations commerciales, mais aussi dans la culture générale, les habitants aisés de Dongola adoptant des vêtements byzantins et les femmes portant de longues robes colorées ornées de broderies complexes. L'administration politique était également calquée sur les idées byzantines, avec un éparque gouvernant les provinces. Une autre influence byzantine était l'utilisation des langues grecque et copte dans le royaume, ainsi que (à partir du 9ème siècle) du vieux nubien indigène. Peu de détails de la vie quotidienne et de la culture sont connus en dehors de ceux mentionnés ci-dessus, bien que, les fermiers de Dongola étaient des métayers car le roi était propriétaire des terrains et les taxes lui étaient payables en fonction des terres occupées.
La conquête mamelouke
La stabilité durable dont jouissait Dongola fut brutalement brisée par les Mamelouks d'Égypte (1250-1517) qui attaquèrent le royaume en 1276. Heureusement, Dongola demeura juste à la limite de l'empire mamelouk et ne semble pas avoir été considérée comme assez riche pour s'en préoccuper outre mesure. En 1315, cependant, les Mamelouks manifestèrent à nouveau leur intérêt pour la région et, revenant en force, installèrent un souverain fantoche. La cathédrale et le palais de l'ancienne Dongola furent convertis en mosquées en 1317. Le souverain mamelouk musulman et le royaume de Dongola furent alors attaqués par les Arabes nomades Juhayna qui envahirent le Soudan depuis le nord de l'Égypte à une certaine époque du XIVe siècle. Il est certain qu'en 1365, le royaume avait déplacé sa capitale de Dongola à Daw (dont l'emplacement est incertain mais qui pourrait être le Gebel Adda au nord).
Le royaume de Dongola, et ce n'est pas la première fois de son histoire, disparaît ensuite dans l'obscurité historique pendant quelques siècles et ne reçoit que les plus brèves allusions à son existence de la part de missionnaires européens en visite en Éthiopie qui entendirent parler d'un mystérieux royaume chrétien quelque part dans le désert à l'ouest. Au XVIIe siècle, la route des caravanes de chameaux du Darb el-Arba'in passait par l'ancienne Dongola et les souverains nubiens percevaient des droits à Argo, près de Kerma, dans le nord du Soudan. La présence de grandes tombes islamiques en pierre, appelées qubbas et ayant la forme d'immenses ruches, témoigne de la capacité de la région à générer des richesses à cette époque. Cependant, au 18e siècle, la route des caravanes se déplaça ailleurs et Dongola fut définitivement abandonnée, ses ruines étant laissées aux sables du désert. Des archéologues polonais fouillent les dunes de l'ancienne Dongola depuis 1964.
Architecture
Au VIIe siècle, Dongola el Agouz comptait deux grandes églises chrétiennes construites selon une version nubienne de la basilique byzantine. La première, connue aujourd'hui sous le nom d'église des colonnes de granit, avait une croix dans un plan carré avec une large nef et une allée de chaque côté. Les colonnes de granit, qui donnent leur nom à l'église, sont aujourd'hui au nombre de 16, atteignent une hauteur de 5,2 m (17 ft) et sont surmontées de chapiteaux en volute bien sculptés. Les murs étaient construits en briques cuites et renforcés par des poutres en bois horizontales occasionnelles et des traverses aux angles. Le toit était plat et fait de bois avec des chevrons de soutien horizontaux. On ignore d'où provenaient ces longues et lourdes poutres en bois. La deuxième église, connue sous le nom d'église du Mausolée, présente un plan en croix symétrique avec un grand espace central carré. Un mausolée rectangulaire attaché à l'arrière du bâtiment donne son nom à l'église.
Outre les vestiges de deux autres églises, la ville s'enorgueillit également d'un mur d'enceinte, de grandes maisons et de larges rues. Un palais à deux étages en briques rouges cuites, autrefois doté de coupoles, date d'environ 1002, tandis que la plupart des habitations ordinaires étaient construites en briques de terre crue non cuites. Ces domaines s'étendaient sur une superficie de quelque 35 hectares ou 350 000 mètres carrés à Dongola el Agouz. Les habitations utilisaient peut-être des matériaux simples, mais beaucoup de celles qui ont été fouillées, et qui datent du 9e siècle, possèdent leur propre salle de bains, leur propre alimentation en eau et leur propre système de chauffage.
Arts
L'intérieur des bâtiments et surtout des églises du royaume était peint de grandes fresques, celles de la cathédrale de Faras sont parmi les plus belles et montrent des scènes de la Bible et des portraits de dignitaires locaux. Les potiers du royaume de Dongola produisaient leurs propres céramiques fines, supérieures à celles de l'Égypte contemporaine. Au IXe siècle, les céramiques étaient de couleurs vives et décorées de scènes d'animaux et de motifs floraux. Le tissage était une autre industrie importante. Les tissus fabriqués à partir de laine et de poils de chameau présentaient des rayures ou des motifs à carreaux aux couleurs vives et étaient très recherchés par les royaumes voisins. Les outils en fer, les paniers en fibre de palmier et les articles en cuir étaient également fabriqués en grande quantité, et il existe encore aujourd'hui une forte tradition locale de fabrication de ces articles quotidiens.