L'empereur du Japon est un rôle de chef d'État qui remonte traditionnellement au 7e siècle avant notre ère et à la figure légendaire de l'empereur Jimmu (r. de 660 à 585 av. J.-C.). Les empereurs sont connus sous le nom de Tenno ou "souverain céleste", en référence à la croyance largement répandue selon laquelle ils descendent directement de la déesse shintoïste du soleil Amaterasu.
À partir du 9e siècle de notre ère, les empereurs et les impératrices commencèrent à être manipulés par les fonctionnaires du clan Fujiwara et, au 12e siècle, ils furent entièrement remplacés par des seigneurs de la guerre et des shoguns en tant que chefs de gouvernement. Malgré la perte de pouvoir, l'institution de l'empereur resta un élément permanent de la politique japonaise, et les souverains impériaux continuèrent à remplir une fonction cérémonielle et à conférer prestige et légitimité au pouvoir d'autres personnes. Les empereurs firent leur retour avec la restauration de Meiji de 1868 et, comme la fonction perdure encore aujourd'hui, elle est considérée comme la monarchie ayant survécu le plus longtemps au monde.
Les fils du ciel
À partir du VIIe siècle, les empereurs commencèrent à être considérés comme les descendants des kami ou esprits shintoïstes et donc comme les fils du ciel, comme dans le modèle impérial chinois, et ils avaient donc un double rôle de chef politique et religieux du pays. Parmi les autres idées importées de Chine à cette époque, citons la structure de la bureaucratie d'État, l'agencement des palais et le changement de nom des empereurs décédés en utilisant un nom de règne posthume.
Le premier empereur, du moins dans la légende, remonte à bien avant le 7e siècle de notre ère. L'empereur Jimmu, qui monta sur le trône en 660 avant notre ère, est considéré comme l'arrière-arrière-petit-fils d'Amaterasu, la déesse shintoïste du soleil, et le conquérant de Yamato (préfecture de Nara). Cependant, le premier candidat pour un véritable empereur historique est généralement l'empereur Sujin, bien que les dates de son règne varient énormément, de 97 à 30 avant notre ère au plus tôt à 318 après notre ère au plus tard. En raison de ces doutes sur les premiers empereurs, de nombreux historiens considèrent aujourd'hui l'empereur Kimmei (r. de 539 à 571) comme le premier souverain dont l'existence historique et les dates de règne sont absolument sûres.
Au Japon, la fonction d'empereur est généralement héritée par la lignée masculine (bien que le fils aîné n'hérite pas nécessairement de la fonction), mais neuf femmes ont occupé cette fonction, la première étant l'impératrice Suiko (r. de 592 à 628) et la dernière l'impératrice Meisho (r. de 1629 à 1643). Les empereurs, associés aux familles de l'élite aristocratique du Japon dans une combinaison connue sous le nom de kuge, ont exercé le pouvoir pendant la période Nara (710-794) et, dans une moindre mesure, pendant la période Heian (794-1185).
Insignes impériaux
La tenue impériale du Japon, le shinki, se compose d'un miroir, d'un bijou et d'une épée. Selon le plus ancien texte japonais, le Kojiki (712), ces trois objets appartenaient à Amaterasu. La déesse donna ensuite ces objets précieux à son petit-fils Ninigi, le premier ancêtre de la famille impériale, pour l'aider à établir son règne et son autorité sur le monde. Le miroir, appelé Yata, avait été fabriqué par les dieux pour tenter Amaterasu de sortir de sa grotte lorsqu'elle avait caché le soleil au monde. Le Yasakani est un fabuleux bijou (ou des perles ou des perles magatama), source de l'ancienne querelle entre Amaterasu et son frère Susanoo, le dieu de l'orage shintoïste. L'épée, appelée Kusanagi, est la grande épée que Susanoo avait arrachée à la queue d'un monstre et qu'il avait offerte à Amaterasu en guise de réconciliation. Aujourd'hui, ces trois objets sont vénérés comme des éléments clés de l'histoire japonaise et sont conservés au temple d'Atsuta, près de Nagoya.
Gouvernement Fujiwara et Insei
Le rôle des empereurs japonais fut sérieusement remis en question et finalement manipulé par le puissant clan Fujiwara qui, à partir du milieu du IXe siècle, domina le gouvernement du Japon tout au long de la période Heian. Les membres du clan Fujiwara jouaient le rôle de régents (Sessho) auprès des empereurs (en particulier ceux qui accédaient au trône alors qu'ils étaient mineurs) et veillaient à ce que leurs filles épousent des membres de la famille impériale.
Même lorsque l'empereur atteignait l'âge adulte, il était toujours conseillé par un nouveau personnage, le Kampaku, qui garantissait le maintien de l'influence des Fujiwara. Pour garantir la perpétuation de cette situation, les nouveaux empereurs étaient nommés non pas par leur naissance mais par leurs parrains et encouragés ou forcés à abdiquer lorsqu'ils atteignaient la trentaine en faveur d'un successeur plus jeune et plus facilement manipulable. Au total, 21 régents Fujiwara se succéderaient de 804 à 1238.
Les Fujiwara n'ont pas toujours fait ce qu'ils voulaient, car certains empereurs s'opposèrent à eux, notamment l'empereur Shirakawa (r. de 1073 à 1087) qui tenta d'affirmer son indépendance en abdiquant en 1087 et en permettant à son fils Horikawa de régner sous sa tutelle. Shirakawa régna ensuite dans l'ombre pendant plus de trois décennies. À partir de cette époque, les empereurs céèrent également leur propre bureaucratie du pouvoir (In-no-Cho), semblable à celle du clan Fujiwara. L'In-no-Cho s'occupait des droits fiscaux et fonciers liés au trône, et certains de ses fonctionnaires travaillaient même dans la bureaucratie gouvernementale.
Cette stratégie de "retraite" des empereurs, qui continuaient à gouverner, fut connue sous le nom de "gouvernement retiré"(insei), car l'empereur restait généralement à l'abri des regards dans un monastère bouddhiste. La stratégie du "gouvernement retiré", outre qu'elle permettait d'échapper aux cérémonies sans importance liées au trône, permettait également à l'empereur de se soustraire aux intrigues politiques de la capitale et d'avoir la liberté de s'entourer de ses propres conseillers et non de ceux proposés par les Fujiwara.
L'une des conséquences de l'octroi de droits fonciers par les empereurs était que les personnes qui les recevaient étaient des courtisans et ne quittaient donc souvent jamais la capitale. En déléguant la gestion de leurs domaines à des députés locaux, l'indépendance des régions par rapport au gouvernement central s'accrut, ce qui conduisit les seigneurs de la guerre à exploiter l'absence de contrôle et à priver l'État de précieuses recettes fiscales. Le clan Fujiwara n'avait pas disparu non plus, et il allait être remplacé par des clans similaires créés par le processus de délestage dynastique (lorsqu'un empereur ou un aristocrate avait trop d'enfants, ils étaient retirés de la ligne d'héritage). C'est ainsi que naquirent deux groupes importants, les clans Minamoto (alias Genji) et Taira (alias Heike), qui poursuivirent tous deux la politique consistant à maintenir les empereurs aussi éloignés que possible de la prise de décision réelle au sein du gouvernement. Le résultat de cette bureaucratie confuse et de ce gouvernement hautement centralisé fut l'arrivée des shoguns, les dictateurs militaires qui allaient s'emparer du pouvoir politique au cours de la période médiévale du Japon.
Gouvernement impérial
L'empereur et sa cour étaient basés d'abord à Nara, puis à Heiankyo (Kyoto), où il y avait un appareil de gouvernement impérial. Au-dessous de l'empereur se trouvaient les princes impériaux les plus importants, qui étaient au nombre de quatre:
- Premier ordre (ippon)
- Deuxième ordre (nihon)
- Troisième ordre (sanbon)
- Quatrième ordre (shihon)
En dessous, 30 fonctionnaires, tous classés dans l'ordre, d'autres princes et fonctionnaires du gouvernement japonais, portaient des titres tels que le quatrième rang supérieur (shosji-ijo), jusqu'au dernier rang, le premier rang inférieur (shosho-ige). Ces postes pouvaient être occupés par des hommes ou des femmes, mais la plupart d'entre eux étaient dominés par des familles particulières, et le droit d'héritage primait généralement sur les compétences.
La monarchie japonaise présidait également divers départements au sein du gouvernement impérial, eux aussi organisés de manière hiérarchique. Au sommet se trouvaient le Département du Shinto (Jingikan) et le Conseil d'État (Daijokan). Au-dessous, il y avait deux branches: le Conseil de contrôle de gauche (Ubenkankyoku) et le Conseil de contrôle de droite (Sabenkankyoku) qui supervisaient les ministères subsidiaires tels que le ministère des cérémonies (Shikibusho), le ministère de la guerre (Hyobusho) et le ministère du trésor (Okurasho).
Les palais impériaux
Nara fut la capitale du Japon de 710 à 784, et c'est là que fut construit un vaste palais royal composé de deux grandes enceintes. L'empereur Shomu (r. de 724 à 749) rendrait le complexe encore plus grandiose. Le palais Heijo, comme on l'appelait, occupait 5 % de la superficie totale de la capitale. L'enceinte fortifiée comportait 12 portes et abritait non seulement les résidences royales et les salles de banquet, mais aussi un grand nombre de bâtiments gouvernementaux et de bureaux. Les bâtiments royaux étaient construits dans le style japonais, avec du bois simple et des toits en bardeaux, tandis que les bâtiments gouvernementaux arboraient le bois peint en rouge et les tuiles vertes de l'architecture chinoise Tang.
La capitale du Japon fut transférée à Heiankyo en 794, et les empereurs en firent de même. Un palais royal rectangulaire, connu sous le nom de Grand Palais Impérial ou Daidairi, y fut construit. Il mesurait environ 1,2 x 1,4 km (7 % de la superficie totale de la ville) et était entièrement entouré d'un haut mur de terre percé de 14 portes, dont la plus importante était la porte du Moineau vermillon. À l'intérieur se trouvaient 200 structures d'une nature ou d'une autre, y compris des résidences de palais, des salles de banquet, des bureaux gouvernementaux et des entrepôts, des sanctuaires shintoïstes, des pagodes, des tours, des allées couvertes, des jardins, des arbres et des cours d'eau. L'architecture suivait les modèles chinois, le plus grand bâtiment étant le Daigokuden ou Grand Hall d'État, qui contenait la salle du trône impérial. Cette immense structure , avec ses tuiles vertes, ses épis de dauphins et ses piliers vermillon typiques de tous les bâtiments gouvernementaux, mesurait 53 m (175 pieds) sur 20 m (65 pieds). Victime d'un incendie, il fut reconstruit à plus petite échelle et fait aujourd'hui partie du sanctuaire de Heian.
Mécènes
Les empereurs étaient d'importants mécènes des arts et de l'architecture du Japon. Par exemple, l'empereur Temmu (r. de 672 à 686) fit construire le Yakushiji original en 680, qui fut ensuite déplacé à Nara, l'empereur Shomu (r. de 724 à 749) fonda le temple Todaiji, achevé en 752, et l'empereur Uda (r. de 887 à 897) fonda le temple Ninna-ji en 888.
En 905, l'anthologie de poèmes Kokinshu fut compilée par Ki no Tsurayuki à la suite d'un décret de l'empereur Daigo (r. de 897 à 930). En 1205, Fujiwara no Sadaie compila le Shin Kokinshu, un autre recueil de poèmes impériaux, commandé cette fois par l'empereur retraité Go-Toba (r. de 1183 à 1198). Les empereurs composèrent même leurs propres poèmes, comme dans cet exemple de l'empereur Jomei (r. de 629 à 641) tiré de l'anthologie Manyoshu (c. 759):
Innombrables sont les montagnes
de Yamato,
mais parfaite est
la colline céleste de Kagu:
Quand je la gravis
et que j'observe mon royaume,
Sur la vaste plaine
les volutes de fumée s'élèvent et s'élèvent,
sur la vaste mer
les mouettes s'envolent;
c'est un beau pays,
Akitsushima,
le pays de Yamato.
(Keene, 96)
Défi posé par les Shoguns
Les empereurs jouissaient encore d'un certain pouvoir pendant la période Kamakura (1185-1333), mais une nouvelle force politique était alors en train de s'établir: la classe militaire et, à son sommet, de puissants seigneurs de la guerre, les shoguns (dictateurs militaires) et les régents shogunaux, qui commandaient de grandes armées pour imposer leur volonté. Après la nomination du premier shogun proprement dit, Minamoto no Yoritomo, en 1192, le rôle principal de l'empereur était de conférer le titre de shogun afin de donner à son titulaire une plus grande légitimité. L'importance des empereurs diminua davantage encore après la création par la famille Hojo des régents shogunaux et des régents impériaux à partir de 1203. Le clan Hojo commença également à intriguer dans la succession des empereurs et imposa des restrictions légales au rôle de l'empereur dans le gouvernement. La famille royale ne fut cependant jamais totalement négligée et certains shoguns financèrent même de nouveaux palais et accordèrent à l'empereur une bourse généreuse.
Tentatives de reconquête du pouvoir
Plusieurs empereurs, peu enclins à accepter l'absence d'un véritable pouvoir impérial, tentèrent de rétablir leur statut d'antan. L'empereur Go-Toba profita de l'occasion pour lancer une tentative de coup d'État en 1221 - ce que l'on appelle les troubles de Jokyu - qui tenta d'exploiter le malaise causé par le meurtre mystérieux du shogun. N'ayant pas les moyens militaires de défier Hojo Masako, le coup d'État finit par échouer et se solda par l'exil de l'empereur, alors retraité, dans les lointaines îles Oki. C'est au moins là qu'il trouva le temps et l'espace pour écrire ses célèbres poèmes pendant les 18 années qui lui restaient à vivre.
Le mécontentement causé par la nécessité de maintenir le Japon en état de guerre pendant et après les invasions mongoles de 1274 et 1281 fut exploitée par l'empereur Go-Daigo (r. de 1318 à 1339) qui chercha à revenir au bon vieux temps des empereurs, celui avant la période des Shoguns lancée par Minamoto no Yoritomo. L'empereur tenta à deux reprises de s'emparer du pouvoir, l'une en 1324 et l'autre en 1331. Aucune n'aboutit et il fut exilé pour avoir semer le trouble. Vint alors ce que l'on a appelé la restauration Kemmu, qui dura de 1333 à 1336. Go-Daigo revint d'exil et tenta d'obtenir l'aide des seigneurs de la guerre mécontents du shogunat de Kamakura. L'empereur trouva un allié de bonne volonté en la personne du traître Ashikaga Takauji, commandant de l'armée, envoyé par le shogunat de Kamakura pour s'occuper de Go-Daigo. Takauji attaqua Heiankyo tandis qu'un autre seigneur de guerre rebelle, Nitta Yoshisada, attaqua Kamakura. Victorieux, Takauji voulut devenir le nouveau shogun, mais Go-Daigo refusa de lui donner ce titre car il ne voulait pas revenir à une position de soumission. Takauji battit le principal allié de Go-Daigo, Yoshisada, et s'empara de Heiankyo en 1336; l'ancien empereur fut exilé pour la seconde fois (bien qu'il ait alors établi sa propre cour à Yoshino, au sud de Heiankyo). Ashikaga Takauji se trouva un empereur plus docile, Komyo, pour agir en tant que figure de proue de l'État et devint shogun en 1338, inaugurant ainsi le shogunat Ashikaga (alias shogunat Muromachi, 1338-1573).
Cours du Nord et du Sud
La décision de Go-Daigo d'établir une cour impériale rivale à Yoshino signifiait qu'il y avait désormais deux empereurs au Japon, un système connu sous le nom de "double cour" ou "cour du Nord et cour du Sud" (1337-1392). Les cours n'étaient pas seulement divisées par la géographie, mais aussi par les lignées impériales majeures et mineures, chacune étant issue de l'un des deux frères empereurs - le Jimyoin (descendant de Go-Fukakusa, r. de 1246 à 1259) et le Daikakuji (descendant de Kameyama, r. de 1259 à 1274). Chaque lignée avait alterné la position d'empereur pendant le shogunat de Kamakura (1192-1333). La scission entre la Cour du Nord (Hokucho) et la Cour du Sud (Nancho), qui dura pendant les règnes de six empereurs du Nord, ne fut résolue qu'en 1392, lorsque la Cour du Sud cessa d'exister après qu'une promesse eut été faite, puis rompue, d'alterner à nouveau les empereurs entre les deux lignées.
Restauration de Meiji et empereurs modernes
La restauration de Meiji - Meiji signifiant "Règle éclairée" - intervint en 1867/8, lorsque le shogunat Tokugawa, en proie à des troubles, dut faire face à une agitation croissante dans tout le Japon. On reprochait aux shoguns de ne pas avoir su faire face à la menace de puissances étrangères telles que les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il y avait même des slogans populaires dans l'air tels que sonno joi ou "vénérer l'empereur, expulser les barbares". Le dernier shogun Tokugawa, Tokugawa Yoshinobu (r. de 1867 à 1868) démissionna et, du moins en théorie, les pleins pouvoirs furent restitués aux empereurs (bien que l'empereur Meiji n'ait eu que 15 ans à l'époque). Le palais impérial fut transféré à Tokyo. Par la suite, l'empereur fut un monarque constitutionnel, bien que les militaires ait manipulé le pouvoir jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Le 126e et actuel empereur du Japon est Naruhito, qui est monté sur le trône en 2019 après l'abdication de son père.
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