Karakorum

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 24 septembre 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Stone Turtle, Karakorum (by Jody McIntyre, CC BY-SA)
Tortue de pierre, Karakorum
Jody McIntyre (CC BY-SA)

Karakorum (alias Qaraqorum, nom moderne: Kharkhorin) est située dans la vallée de l'Orkhon en Mongolie centrale et fut la capitale de l'Empire mongol de 1235 à 1263. Ögedeï Khan (r. de 1229 à 1241) ordonna sa construction et fit ériger un palais fortifié. Il fit de la ville un centre commercial prospère en y attirant des marchands de toutes nationalités et de toutes confessions.

Karakorum fut ensuite remplacée comme capitale mongole par Daidu (Pékin) et Xanadu. La ville connut ensuite un long déclin, mais elle est aujourd'hui un site archéologique majeur et abrite un important monastère bouddhiste du XVIe siècle, Erdene Zuu.

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Situation géographique

La cour impériale des khans n'avait pas de résidence fixe car les racines nomades des chefs mongols et leurs fréquentes campagnes militaires les amenaient à se déplacer d'un camp à l'autre dans leur vaste empire. Néanmoins, l'administration mongole avait un besoin urgent d'une capitale où elle pourrait accumuler des revenus et tenter de mettre en place un gouvernement centralisé pour gouverner les territoires conquis. C'est pourquoi Ögedeï fit venir de Perse en Chine des artisans, des maçons et des ouvriers qualifiés et ordonna la construction d'une capitale fortifiée en 1235.

La ville était peut-être compacte, mais elle était cosmopolite et comptait parmi ses habitants des Mongols, des tribus des steppes, des Chinois Han, des Perses, des Arméniens et des captifs venus d'Europe.

Karakorum est située dans la vallée de l'Orkhon, en Mongolie centrale, à 400 km au sud-ouest de l'actuelle capitale de la Mongolie, Oulan-Bator. Le choix de cet emplacement fut peut-être influencé par son utilisation traditionnelle en tant que lieu de rassemblement et par Gengis Khan (r. de 1162/67 à 1227), qui avait utilisé le site comme lieu de campement semi-permanent quelques décennies auparavant et l'avait peut-être même désigné comme candidat à l'établissement d'une future capitale en 1220. Bien avant cela, les Turcs ouïghours avaient établi leur capitale à Qarabalghasun dans la vallée de l'Orkhon au 8e-9e siècle. Outre sa situation centrale au sein de l'empire mongol, comme c'était le cas en 1235, le site bénéficiait d'un bon approvisionnement en eau, de montagnes proches offrant des pâturages variés au bétail et de vents frais qui empêchaient les moustiques de s'y installer.

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Le nom Karakorum (souvent orthographié Qaraqorum ou Caracorum) pourrait provenir d'une rivière du même nom qui coulait à l'ouest de la ville, bien qu'il puisse s'agir d'une interprétation erronée de la part d'érudits ultérieurs. Une autre origine du nom serait la tradition mongole des fêtes hivernales ou qurim, une coutume particulièrement associée aux Mongols "noirs" ou qara (ceux qui n'appartenaient pas à l'élite). Une troisième théorie veut que le nom signifie "Rocher noir" ou "Murs noirs".

Palace Model, Karakorum
Modèle de palais, Karakorum
Brücke-Osteuropa (Public Domain)

En raison de son éloignement et de sa situation dans des prairies impropres à l'agriculture, des centaines de charrettes de nourriture devaient être transportées chaque jour dans la ville pour nourrir sa population. Malgré cet inconvénient, la ville faisait partie de l'excellent réseau de routes et de messageries mongoles, le Yam, et elle devint effectivement un centre logistique important et un dépôt des ressources de l'empire. En outre, de nombreux marchands s'y rendaient, encouragés par sa situation sur les routes de la soie et par les prix généreux que le khan offrait pour leurs marchandises - souvent le double de ce qui était payé partout ailleurs. En conséquence, la ville s'enorgueillit rapidement de grands marchés réguliers où tout se monnayait, des chèvres aux prostitués.

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Les Mongols firent construire de grands entrepôts remplis de trésors et de produits prélevés sur les peuples conquis en guise d'impôts.

Caractéristiques

Karakorum n'était pas très grande, seulement 10 000 personnes y résidaient à son apogée (bien que certains érudits préfèrent un chiffre proche de 30 000), ce qui lui valut une description plutôt désobligeante de la part de l'historien Guillaume de Rubruck (vers 1220-1293). Le missionnaire franciscain, qui s'était rendu sur place dans les années 1250, la compara défavorablement aux capitales occidentales et la décrivit comme n'étant pas plus impressionnante qu'un village de la banlieue du Paris médiéval.

La ville était peut-être compacte, mais elle était cosmopolite et comptait parmi ses habitants des Mongols, des tribus des steppes, des Chinois Han, des Perses, des Arméniens et des captifs venus d'Europe, dont un maître orfèvre de Paris nommé William Buchier, une femme de Metz, une certaine Paquette, et un Anglais connu seulement sous le nom de Basil. Il y avait aussi des scribes et des traducteurs de diverses nations asiatiques qui travaillaient dans la bureaucratie, et des représentants officiels de diverses cours étrangères telles que les sultanats de Roum et de l'Inde. Cette diversité se reflétait dans les différentes religions pratiquées et, avec le temps, dans la construction de nombreux bâtiments en pierre par les adeptes du taoïsme, du bouddhisme, de l'islam et du christianisme. Les Mongols firent construire de grands entrepôts remplis de trésors et de produits prélevés sur les peuples conquis en guise d'impôts. Avec eux, une énorme bureaucratie, impliquant peut-être un tiers de la population de la ville, se développa pour garder une trace de tout, et il y avait des cours de justice pour entendre des affaires spéciales provenant de n'importe quel endroit de l'empire et des ateliers où les matières premières étaient transformées en marchandises précieuses.

Silver Drinking Tree, Karakorum
Arbre à boire en argent, Karakorum
Mathieu-Richard-Auguste Henrion (Public Domain)

Ögedeï Khan s'y rendait de temps à autre et s'était fait construire un palais pour les moments où il s'y arrêtait. Cette résidence palatiale comportait des colonnes dorées, des pavillons, des bassins d'or et d'argent, une cave à vin, et ses murs étaient décorés de belles peintures réalisées par des artistes khitan. Une caractéristique célèbre du palais servait l'une des passions d'Ögedeï. Le Grand Khan était connu pour ses prodigieuses beuveries, et il fit installer dans son palais une énorme fontaine en argent en forme d'arbre qui servait toutes sortes de boissons alcoolisées à partir de becs aux formes fantastiques. Guillaume de Rubruck, plus impressionné par l'arbre que par la ville, en donne une longue description:

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Dans l'entrée de ce grand palais, comme il était inconvenant d'y apporter des outres de lait et d'autres boissons, maître Guillaume le Parisien fit faire pour lui [le Grand Khan] un grand arbre d'argent, dont les racines sont quatre lions d'argent, chacun traversé d'un conduit, et qui tous crachent du lait blanc de jument [la boisson alcoolisée appelée koumiss]. À l'intérieur de l'arbre, quatre conduits mènent à ses sommets, qui sont courbés vers le bas, et sur chacun d'eux se trouve un serpent doré, dont la queue s'enroule autour de l'arbre. De l'un de ces tuyaux s'écoule du vin, d'un autre du cara cosmos, ou lait de jument clarifié, d'un autre du bal, une boisson à base de miel, et d'un autre de l'hydromel de riz, appelé terracina; pour chaque liqueur, il y a au pied de l'arbre une coupe spéciale en argent destinée à la recevoir. Entre ces quatre conduits au sommet, il fit un ange tenant une trompette, et sous l'arbre, il fit une voûte dans laquelle un homme peut être caché. Des tuyaux montent à travers le cœur de l'arbre jusqu'à l'ange. Il avait d'abord fait des soufflets, mais ils ne produisaient pas assez de vent. A l'extérieur du palais, il y a une cave dans laquelle les liqueurs sont entreposées, et des serviteurs sont prêts à les verser lorsqu'ils entendent l'ange jouer de la trompette; il y a des branches d'argent sur l'arbre, ainsi que des feuilles et des fruits. Quand on veut boire, le maître d'hôtel crie à l'ange de sonner de la trompette. Alors celui qui est caché dans le caveau, entendant cela, souffle de toutes ses forces dans le tuyau qui mène à l'ange, et l'ange met la trompette à sa bouche, et souffle très fort dans la trompette. Alors les serviteurs qui sont dans la cave, entendant cela, versent les différentes liqueurs dans les conduits appropriés, et les conduits les font descendre dans les bols préparés à cet effet, et alors les majordomes les tirent et les portent au palais aux hommes et aux femmes.

(cité dans Lane, 156-7)

Ce dispositif ingénieux s'avéra peut-être trop tentant, car Ögedeï Khan, âgé de 56 ans, mourut à Karakorum le 11 décembre 1241 après une forte consommation d'alcool qui provoqua probablement une attaque ou une défaillance soudaine d'un organe.

Un pion politique

En 1263, Karakorum fut remplacée comme capitale mongole par Xanadu (alias Shangdu), située en Mongolie intérieure. Cette dernière serait elle-même remplacée par Daidu (Pékin) en 1273, bien que Xanadu ait continué à fonctionner comme capitale d'été des Mongols. À partir de 1268, Kubilaï Khan (r. de 1260 à 1294) s'empara de morceaux de plus en plus importants de la Chine de la dynastie Song (960-1279), ce qui rendit nécessaire la création d'une capitale plus centrale. Karakorum avait également des associations désagréables pour Kubilaï, car son grand rival en tant que chef suprême des Mongols, Ariq Boke (1219-1266), avait utilisé la capitale originale comme base avant que Kubilaï ne s'en empare en 1262.

Le déplacement de la capitale de Kubilaï vers l'est posait un problème: il lui était plus difficile de garder le contrôle de l'Asie occidentale. Un autre rival, Kaidu (petit-fils d'Ögedeï Khan), se mobilisa en direction de Karakorum en 1288 et Kubilaï fut obligé d'envoyer l'un de ses meilleurs généraux, Bayan, en garnison dans la ville de 1290 à 1293.

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Histoire ultérieure

Karakorum ne fut pas totalement abandonnée et, même si elle n'avait plus d'importance politique ou commerciale, elle resta un puissant symbole du contrôle mongol sur l'Asie. Après la chute de la dynastie mongole des Yuan (1271-1368) en Chine, le dernier empereur des Yuan, Toghon Temur (r. de 1333 à 1368), se réfugia dans l'ancienne capitale où il mourut en 1370. Les Mongols auraient pu perdre la Chine, mais en 1372, une armée de la dynastie Ming (1368-1644) fut vaincue près de Karakorum, ce qui mit fin aux ambitions chinoises en Mongolie. Au fil des siècles, Karakorum subit le pillage de ses pierres pour les reutiliser ailleurs, notamment au monastère bouddhiste d'Erdene Zuu en 1586.

Des fouilles furent menées, d'abord par des archéologues russes en 1899, puis en 1948-1949 et, plus récemment, par les autorités mongoles, notamment au palais d'Ögedeï. Nous savons maintenant que le palais était autrefois situé sur une plate-forme surélevée et entouré d'un mur, qu'il comportait des appartements privés, des trésors et des entrepôts, ainsi qu'un espace dans un coin pour que le khan puisse ériger ses yourtes (gers), les tentes traditionnelles des Mongols. Il existe des preuves que d'autres parties de la ville étaient également utilisées comme site pour les camps de yourtes, ce qui montre qu'au milieu du 13e siècle, l'élite mongole continuait à perpétuer ses traditions nomades.

La plus grande pièce architecturale conservée de Karakorum est une énorme tortue de pierre provenant du palais, qui aurait autrefois porté une stèle sur son dos. L'archéologie a également révélé les vestiges d'une mosquée et d'un temple bouddhiste, ainsi que des échoppes d'artisans. D'autres indices de la richesse du Karakorum et de sa position en tant que plaque tournante du commerce sont les découvertes de sceaux administratifs, de tuiles ornées de dragons, de miroirs en cuivre, d'objets en or, de bijoux finement ouvragés et de céramiques chinoises de grande qualité. Nombre de ces objets sont aujourd'hui exposés au musée de Kharkhorin, à Kharkhorin, en Mongolie.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2019, septembre 24). Karakorum [Karakorum]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18485/karakorum/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Karakorum." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le septembre 24, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18485/karakorum/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Karakorum." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 24 sept. 2019. Web. 12 oct. 2024.

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