Khanat de Djaghataï

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 08 novembre 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais
Écouter cet article
X
Imprimer l'article
Chagatai Khan (by Enerelt, CC BY-NC-SA)
Djaghataï Khan
Enerelt (CC BY-NC-SA)

Le khanat de Djaghataï (également Tchaghataï ou Chagatai, c. 1227-1363) était la partie de l'empire mongol (1206-1368) qui couvrait ce qui est aujourd'hui la majeure partie de l'Ouzbékistan, le sud du Kazakhstan et l'ouest du Tadjikistan. Le khanat fut établi par Djaghataï (1183-1242), le deuxième fils de Gengis Khan (r. de 1206 à 1227). C'est peut-être le seul khanat mongol qui soit resté fidèle à ses racines nomades, mais cela signifie aussi qu'il se développa moins que les autres en termes économiques et culturels. La capitale administrative et la ville la plus connue était Samarcande, plaque tournante des caravanes de chameaux qui traversaient l'Asie. Constamment en guerre avec ses voisins, le khanat cconnut rarement la stabilité et fut dominé par le chef mongol Qaïdu II pendant trois décennies, de 1272 à 1301. Au cours des dernières décennies de leur règne, les khans de Djaghataï promurent notamment l'islam, mais des querelles dynastiques conduisirent à la division de l'État en deux et à sa désintégration finale en 1363.

Fondation

Le khanat de Djaghataï fut fondé lorsque Gengis Khan donna à chacun de ses quatre fils un territoire à gouverner de manière autonome au sein de l'empire mongol qu'il avait créé en 1206. Djaghataï (alias Chaghadai) était le deuxième fils le plus âgé et il se vit confier la partie de l'empire située en Asie centrale, qui couvre principalement le sud du Kazakhstan d'aujourd'hui et certaines parties de ses voisins. Son État était donc entouré par ce qui allait devenir les trois autres khanats mongols: l'Ilkhanat à l'ouest, la Horde d'or au nord et l'Empire du Grand Khan (Empire de la dynastie Yuan) à l'est.

Supprimer la pub
Publicité
Le khanat de Djaghataï était impliqué dans la guerre civile entre les frères Kubilaï et Ariq Boqa pour savoir qui serait le Grand Khan des Mongols.

Le khanat de Djaghataï, tel qu'il allait être connu par la suite, fut formé à partir des anciens territoires orientaux de l'empire khwarezmien qui avaient été conquis par les armées de Gengis Khan en 1220. Djaghataï était un souverain conservateur et, après sa mort en 1242, la plupart de ses successeurs continuèrent dans cette voie, préservant autant que possible les traditions des tribus mongoles nomades sur leur territoire, tout en se mêlant aux tribus turques nomades déjà présentes dans la région. En outre, les tribus khitanes formaient une minorité importante dans l'État.

Four Khanates of the Mongol Empire
Quatre khanats de l'empire mongol
Arienne King (CC BY-NC-SA)

Éclatement de l'empire mongol

Lorsque Möngke Khan, le "souverain universel" ou Grand Khan de l'Empire mongol (r. de 1251 à 1259), mourut en 1259, une guerre civile s'ensuivit entre les deux principaux candidats à sa succession, ses deux frères cadets Kubilaï (1215-1294) et Ariq Boqa (1219-1266). Kubilaï avait le soutien de Houlagou, qui régnait alors sur l'Ilkhanat, tandis que le souverain djaghataï de l'époque, la reine régente Orghina (r. de 1251 à 1260), avait choisi de ne soutenir ni l'un ni l'autre et de rester neutre. Cependant, le khanat de Djaghataï attirait Ariq Boqa qui choisit Alghu, un petit-fils de Djaghataï, pour prendre le trône vacant du khanat et lui fournir ainsi une base d'hommes et de matériel dont il avait grand besoin dans sa guerre contre Kubilaï. Malheureusement pour Ariq Boqa, Alghu (r. de 1260 à 1266) avait ses propres ambitions et déclara le khanat totalement indépendant. Pire encore, Alghu attaqua le khanat voisin de la Horde d'or, allié d'Ariq Boqa, puis déclara son soutien à Kubilaï.

Supprimer la pub
Publicité

Entre-temps, Kubilaï, qui disposait de loin des ressources les plus riches, fut reconnu comme le nouveau Grand Khan en 1260, même si la guerre civile allait durer encore quatre ans. C'est essentiellement à ce moment-là que les quatre khanats devinrent des États pleinement indépendants, Kubilaï se concentrant sur la Chine où il fonda la dynastie Yuan (1271-1368) qu'il dirigerait en tant qu'empereur de Chine jusqu'en 1294.

En Asie centrale, Ariq Boqa, chassé de la capitale mongole de Karakorum, se mobilisa contre le khanat de Djaghataï, mais fut contraint de se retirer par manque de ravitaillement. Puis, dans un savant mélange entre l'ancien et le nouveau régime, Alghu épousa Orghina en 1264. Grâce à l'expertise du ministre des finances Masud Beg, l'État était désormais en bonne voie pour atteindre la stabilité dont il avait tant besoin.

Supprimer la pub
Publicité

Mongol Archer
Archer mongol
Stonnefrety7777 (CC BY-SA)

Qaïdu II

Après avoir éliminé un prétendant, il restait aux Djaghataïs un autre ennemi dangereux à affronter, Qaïdu II (1235-1301), petit-fils d'Ögedeï Khan (r. de 1229 à 1241). Möngke Khan, qui appartenait à la branche Tolui des descendants de Gengis Khan, s'était lancé dans une purge impitoyable du clan rival Ögedeï, mais Qaïdu était alors trop jeune pour être considéré comme une menace et il réussit à s'échapper en Sibérie. Qaïdu vit alors sa chance d'obtenir un véritable khanat, d'autant plus qu'il avait obtenu l'accord de la Horde d'or pour attaquer le territoire d'Alghu. À la mort d'Alghu en 1266, alors que Kubilaï était en guerre à l'est, Qaïdu saisit sa chance. Avec le soutien militaire de la Horde d'or et des anciens partisans d'Ariq Boqa, Qaïdu poussa à la fois vers l'est et vers l'ouest au cours des cinq années suivantes, capturant Almaliq, battant le successeur d'Alghu, Baraq (r. de 1266 à 1271), lors de la bataille de Khodjent et s'imposant comme le souverain dominant de la région, une position qu'il conserva de 1272 à 1301. La menace pour la stabilité de toute la région était telle qu'un accord de paix fut conclu entre la Horde d'or, le khanat de Djaghataï et le royaume de Qaïdu, avec un partage de certains territoires et des revenus du commerce caravanier traversant la région. Cet accord est parfois appelé le Pacte de Talas.

Le contrôle précaire de son propre État n'empêcha pas Qaïdu d'essayer de s'étendre à l'est au détriment du territoire de Kubilaï Khan.

Les nouveaux accords avec leurs voisins du nord et de l'est permirent au Djaghataï d'essayer de s'étendre vers le sud aux dépens de l'Ilkhanate. En 1270, Baraq attaqua mais fut vaincu par Abaqa, souverain de l'Ilkhanat (r. de 1265 à 1282). Il s'avéra que Qaïdu avait soutenu Abaqa et, après la mort de Baraq l'année suivante, Qaïdu se fit déclarer souverain de l'État de Djaghataï, bien qu'il ne prît pas le titre de khan, préférant nommer ses propres candidats à ce poste. Néanmoins, les descendants de Baraq continuèrent à se rebeller et, en 1273, Abaqa mit même Boukhara à sac.

Le contrôle précaire de son propre État ne dissuada pas Qaïdu d'essayer de s'étendre à l'est au détriment du territoire de Kubilaï Khan, une ambition dans laquelle il était soutenu par de nombreux chefs mongols traditionnels qui considéraient Kubilaï comme trop sensible aux méthodes chinoises et qui, ayant ainsi abandonné ses racines mongoles, perdait de la même manière le soutien des Mongols en Asie centrale. La frontière entre les deux États fluctua constamment au gré des batailles gagnées et perdues, des villes capturées et abandonnées. Ce n'est qu'après la mort de Qaïdu, en 1301, que le conflit prit fin et, en 1304, l'Asie connut enfin une paix relative, une période connue sous le nom de Pax Mongolica. À partir de 1309, la lignée Ögedeï n'obtint aucune position de pouvoir et les Djaghataïs reprirent le contrôle de leur État.

Supprimer la pub
Publicité

Kebek et Tarmashirin

Malgré la "paix" générale, les conflits frontaliers se poursuivirent de part et d'autre, mais le règne de Kebek (r. de 1318 à 1327) permit au moins de retrouver une certaine prospérité économique, en grande partie grâce à la promotion de l'utilisation de la monnaie. Les petites pièces d'argent désormais largement utilisées dans tout le khanat étaient appelées kebeks, du nom du khan lui-même, et leur nom survivrait en Russie, le terme kopeika devenant kopeks. Kebek centralisa également l'État et créa une nouvelle capitale plus sûre à Qarshi (ou Karchi, dans le sud de l'Ouzbékistan).

Le souverain suivant fut Tarmachirin (r. de 1331 à 1334), qui se convertit à l'islam et promut cette religion dans son royaume. Cette conversion n'empêcha cependant pas le khan de lancer des raids contre le sultanat musulman de Delhi. Les Mongols traditionnels, dont la plupart pratiquaient le chamanisme, le bouddhisme tibétain (lamaïsme) ou le christianisme nestorien, considéraient l'évolution vers l'islam comme une trahison de leurs racines mongoles. Ce malaise culmina dans une rébellion qui renversa Tarmachirin en 1334, bien qu'en fait, la plupart des khans suivants aient également été musulmans et que la partie occidentale de l'État, en particulier, ait été dominée par cette religion.

Samarcande

La principale richesse économique du khanat de Djaghataï provenait de la région sédentaire autour de Boukhara et du passage des caravanes de chameaux le long des routes de la soie. Une autre ville célèbre, l'un des grands noms romantiques de l'Asie, est Samarcande, qui servit de centre administratif aux Mongols après sa prise en 1220 et après que la destruction de Boukhara ait rendu cette ville inhabitable en 1219. Une grande partie des murs de fortification en briques crues a été mise au jour à Samarcande et des sections d'un mur similaire se dressent encore aujourd'hui sur la citadelle de Boukhara. Après avoir été reconstruites dans une certaine mesure, les deux villes furent ravagées une seconde fois, de façon presque incroyable, par le propre dirigeant du khanat de Djaghataï, Baraq. Cela montre bien que les Djaghataïs étaient encore très nomades, qu'ils se méfiaient des villes et qu'ils étaient prêts à les piller pour obtenir des gains faciles, mais à court terme, surtout en temps de guerre. La capitale officielle du khanat était Almaliq, située au nord-est de l'État, mais ce n'était en fait qu'un point géographique permettant aux marchands d'accéder à la cour impériale.

Supprimer la pub
Publicité

Marco Polo Statue
Statue de Marco Polo
Krzysztof Golik (CC BY-SA)

L'explorateur vénitien Marco Polo (1254-1324) voyagea à travers l'Asie et servit à la cour de Kubilaï Khan entre 1275 et 1292. À son retour en Europe, Marco Polo relata ses expériences dans son livre Les voyages de Marco Polo ou Voyages (description du monde), diffusé pour la première fois vers 1298. Dans le livre 1, chapitre 31 de cet ouvrage extraordinaire, Marco Polo décrit Samarcande, qu'il appelle Samarcan, comme suit :

...une ville noble, ornée de beaux jardins et entourée d'une plaine où sont produits tous les fruits que l'homme peut désirer. Les habitants, en partie chrétiens et en partie mahométans, sont soumis à la domination d'un neveu du grand khan, avec lequel il n'est cependant pas en bons termes, mais au contraire en conflit perpétuel et en guerres fréquentes.

Déclin

Le khanat souffrit effectivement de guerres incessantes et connut un nouveau déclin après le renversement de Tarmachirin, car différentes factions mongoles se disputèrent le contrôle et une série de khans au règne court s'ensuivit. En conséquence de cette faiblesse, l'État se divisa effectivement en deux parties, l'une orientale (Transoxiane) et l'autre occidentale (Mogholistan), de nombreux chefs tribaux locaux ignorant alors les gouvernements des deux parties. En outre, des émirs turcs locaux prirent le contrôle de la partie méridionale de l'État. L'arrivée de la peste noire dans la région au cours des années 1340 provoqua d'autres perturbations. Au milieu du XIVe siècle, l'élite mongole s'était largement intégrée aux sociétés sédentaires qu'elle avait cherché à conquérir et le dernier khan, Tughlugh Timur (r. de 1347 à 1363), ne put empêcher la désintégration du khanat en tant qu'entité politique définissable. À partir des années 1370, les anciens territoires du khanat de Djaghataï furent repris par Timur (alias Tamerlan), fondateur de l'empire timouride (1370-1507) et nouvelle force dominante dans la région.

Supprimer la pub
Publicité

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2019, novembre 08). Khanat de Djaghataï [Chagatai Khanate]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18561/khanat-de-djaghatai/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Khanat de Djaghataï." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 08, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18561/khanat-de-djaghatai/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Khanat de Djaghataï." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 08 nov. 2019. Web. 02 déc. 2024.

Adhésion