Richard II d'Angleterre

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 22 janvier 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Richard II of England, National Portrait Gallery (by National Portrait Gallery, CC BY-NC-ND)
Richard II d'Angleterre, National Portrait Gallery
National Portrait Gallery (CC BY-NC-ND)

Richard II d'Angleterre régna en tant que roi de 1377 à 1399. Fils de feu Édouard le Prince Noir (1330-1376), Richard devait succéder à son grand-père Édouard III d'Angleterre (r. de 1327 à 1377), mais comme il n'avait que 10 ans, il dut d'abord co-gouverner avec ses barons les plus puissants. La révolte des paysans de juin 1381 fut réprimée avec succès, mais une campagne ratée en Écosse, un favoritisme malavisé à la cour et l'ambition de certains nobles rivaux sont autant de facteurs qui limitèrent le pouvoir d'un roi qui se considérait, à tort, comme divinement élu pour gouverner comme il l'entendait. En août 1399, Richard fut emprisonné et, au mois de février suivant, il fut assassiné et remplacé par son cousin et rival Henri Bolingbroke, duc de Lancastre, qui devint Henri IV d'Angleterre (r. de 1399 à 1413).

Famille et succession

Édouard de Woodstock, plus connu sous le nom de Prince Noir en raison de son armure distinctive ou de sa réputation martiale, était le fils aîné d'Édouard III d'Angleterre. Fait prince de Galles en 1343 et l'un des plus grands chevaliers du Moyen Âge, Édouard ne deviendrait cependant pas roi. Le Prince Noir mourut, probablement de dysenterie, le 8 juin 1376 et le Parlement choisit alors comme héritier officiel d'Édouard III le fils survivant du prince, Richard de Bordeaux (né le 6 janvier 1367). La mère du jeune futur roi était Jeanne, la comtesse de Kent (1328-1385), et il avait eu un frère, Édouard, qui était mort en 1371. Richard fut préféré à un autre fils d'Édouard III, Jean de Gand (1340-1399), duc de Lancastre, en grande partie parce que ce dernier avait soutenu un certain nombre de fonctionnaires et de nobles identifiés par le Parlement comme étant coupables de corruption et de mauvaise gestion. Comme prévu, à la mort d'Édouard III, le 21 juin 1377, Richard devint roi.

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La révolte des paysans de juin 1381 fut le soulèvement populaire le plus ignoble du Moyen Âge.

Richard fut couronné le 16 juillet 1377 à l'abbaye de Westminster, mais il n'avait que 10 ans et son royaume en difficulté fut gouverné par un conseil renouvelable de nobles. La guerre de Cent Ans entre l'Angleterre et la France (1337-1453) avait remarquablement bien commencé pour l'Angleterre, avec de grandes victoires à Crécy (1346) et à Poitiers (1356), mais en 1375, Charles V de France, alias Charles le Sage (r. de 1364 à 1380), s'était assuré que les seules terres françaises appartenant à la Couronne anglaise étaient Calais et une petite partie de la Gascogne. La guerre contre la France et son alliée l'Écosse avait également fait payer un lourd tribut financier au royaume avec une série incessante de taxes infligées au peuple, une situation qui ne fit qu'empirer avec l'arrivée de la peste noire en 1348 qui apporta la mort et la ruine économique. L'incapacité à prendre l'initiative militaire contre la France, les impôts élevés et les perturbations économiques durables reviendraient hanter Richard plus tard dans son règne.

Westminster Portrait of Richard II of England
Portrait de Richard II d'Angleterre par Westminster
The Bridgeman Art Library (Public Domain)

La révolte des paysans

La révolte des paysans de juin 1381 fut le soulèvement populaire le plus ignoble du Moyen Âge. Les troubles commencèrent lorsqu'un groupe de yeomen du Kent et de l'Essex, excédés par les problèmes causés par la peste noire et, surtout, par les impôts incessants qui, depuis 1377, comprenaient des taxes de trois groats (un shilling) visant tout le monde sans distinction de ressources, défilèrent à Londres pour protester. Le groupe, qui comptait plusieurs milliers de personnes, fit des ravages en chemin en pillant, saccageant et assassinant. Une fois arrivés à Londres, les émeutiers incendièrent le palais de Savoie du duc de Lancastre et assassinèrent qui ils voulaient au passage- le chancelier, l'archevêque Simon de Sudbury, serait l'une des victimes, décapité sur Tower Hill. Les exigences de la foule comprenaient l'abolition du servage, l'abrogation des lois limitant les augmentations de salaire introduites après la peste noire, une plus grande participation des paysans au gouvernement local et la redistribution des richesses de l'Église (cette dernière idée étant défendue par le théologien John Wycliffe, c. 1325-1384). Bien qu'il n'ait eu que 14 ans, le roi Richard rencontra courageusement les manifestants à Smithfield, près de Londres, le 15 juin, et les persuada de se retirer. Il s'agit d'un véritable exploit si l'on considère que William Walworth, le maire de Londres, s'avança et tua Wat Tyler, l'un des chefs rebelles, dans la confusion, pensant peut-être que Tyler était sur le point de faire du mal au roi. Richard s'avança néanmoins et déclara avec audace :

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Messieurs, voulez-vous tuer votre roi ? Je suis votre capitaine légitime, et je serai votre chef. Que tous ceux qui m'aiment, me suivent.

(Cité dans Jones, N., 75)

Richard utilisa ensuite la tactique très utilisée consistant à faire un tas de promesses extravagantes qu'il n'avait pas du tout l'intention de tenir, mais cela suffit pour éviter de nouvelles émeutes et la foule se dispersa. Totalement impitoyable, Richard s'assura qu'environ 150 des rebelles soient pendus. D'autres rébellions mineures eurent lieu par la suite, mais elles furent impitoyablement réprimées et leurs meneurs exécutés comme traîtres.

Sculpture of Richard II of England
Sculpture de Richard II d'Angleterre
National Portrait Gallery (CC BY-NC-ND)

L'Impitoyable Parlement

Richard II fut peut-être acclamé pour avoir réussi à réprimer la révolte des paysans, mais les espoirs de voir l'Angleterre se doter d'un bon roi, vrai et juste, furent vite déçus. Le jeune monarque était obstiné et colérique, et il s'avéra être un peu trop confiant dans son droit divin à régner, ce qui le rendit intolérant à toute opinion contraire à la sienne. Ignorant ses barons, le Parlement et les roturiers, Richard préférait passer son temps avec ses favoris, comme Robert de Vere, comte d'Oxford, et son cercle de flagorneurs.

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L' impitoyable Parlement de 1388 fit des lords appelant les souverains de l'Angleterre.

On attendait souvent des rois médiévaux qu'ils accomplissent de grandes actions sur le champ de bataille, mais la seule campagne de Richard en Écosse en 1385 fit long feu, sans même entrer en contact avec l'ennemi. En 1388, l'un des grands chevaliers médiévaux, Sir Henry "Hotspur" Percy (1364-1403), mena une armée contre les Écossais mais fut battu à plates coutures à la bataille d'Otterburn. Sir Henry subit même l'ignominie d'être capturé et de faire l'objet d'une demande de rançon, ce que le Parlement et le roi Richard acceptèrent.

Richard dut faire face à une crise bien plus importante à l'intérieur du pays lorsque, en 1386, il fit de l'impopulaire de Vere le Duc d'Irlande et qu'il semblait que la France se préparait à envahir l'Angleterre. En décembre 1387, les barons mécontents passèrent à l'action en battant de Vere et ses partisans à la bataille de Radcot Bridge, près d'Oxford. Sous la houlette de personnalités telles que Thomas Woodstock, le duc de Gloucester (l'oncle du roi) et Henry Bolingbroke (né vers 1366, cousin du roi et fils de Jean de Gand), un groupe de cinq barons forma ensuite un conseil connu sous le nom de Lords Appellant afin de mieux gérer le roi, encore considéré mineur à l'époque. Ce conseil convoqua un Parlement en 1388, qui fut connu sous le nom d'"Impitoyable Parlement" et qui installa essentiellement les Lords Appellant comme dirigeants de l'Angleterre. Ils insistèrent pour que Richard reprenne son serment de couronnement et purgèrent la cour royale de toute personne jugée indésirable.

Mécène des arts

Richard, qui atteignit la maturité en 1389, opta sagement pour un profil politique bas et se retira dans les arts en nommant à la cour son propre cercle d'amis partageant les mêmes idées. Le roi résista peut-être à la tentation de persécuter ceux qui s'étaient opposés à lui, mais il ne put se départir de son amour constant pour le faste et les cérémonies. Glorifiant sa propre image, il semble que Richard ait été amoureux de lui-même en tant que roi et insistait même pour qu'on l'appelle "Votre Majesté" ou "Votre Altesse" plutôt que le traditionnel "Monseigneur". Fait peut-être significatif, Richard fut le premier roi anglais à faire peindre son portrait de son vivant ; l'artiste choisi pour cet honneur pourrait être André Beauneveu de Valenciennes (1335-1400). La peinture achevée fut accrochée dans l'abbaye de Westminster et montre le roi en tenue d'apparat.

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Arms & White Hart of Richard II of England
Armoiries et cerf blanc de Richard II d'Angleterre
Unknown Artist (Public Domain)

L'emblème de tournoi de Richard était un cerf blanc, qui devint un emblème que ses partisans portaient comme marque d'identification et qui faisait partie de la livrée de ses serviteurs. Richard fit rénover le palais de Westminster en 1393 à grands frais, rendant l'intérieur beaucoup plus coloré. Le Westminster Hall reçut un nouveau toit, des statues de différents rois furent ajoutées et les cerfs blancs de Richard apparurent à la base des fenêtres. Pendant ce temps, la Tour de Londres fut également rénovée, et des vitraux coûteux furent ajoutés. Le roi soutint également la littérature médiévale, en particulier le poète Geoffrey Chaucer (1343-1400) qui fut nommé Clerk of the King's Works en 1389, un poste qui lui permit de s'occuper des propriétés royales.

Irlande et France

En 1394, Richard conduisit une armée en Irlande, un acte très rare pour un roi anglais, mais la campagne ne fut pas concluante. 80 chefs irlandais rendirent hommage au roi et les revendications anglaises sur les terres irlandaises furent reconnues. Les relations avec la France s'améliorèrent cependant le 12 mars 1396, lorsque le roi épousa Isabelle de France, la fille de Charles VI (r. de 1380 à 1422). Isabelle n'avait que sept ans, mais cette union cimenta une trêve de trois décennies entre les deux pays. Richard avait déjà été marié à Anne de Bohême, la fille de l'empereur romain germanique Charles IV (r. de 1346 à 1378) à partir de 1382, mais elle mourut en juin 1394, probablement de la peste. Aucun de ces mariages ne produisit d'enfants, ce qui serait exploité par les ennemis de Richard. L'arrangement avec Charles VI n'inclut pas l'abandon par Richard de ses prétentions au trône de France (prétentions qui avaient débuté avec Édouard III) et la guerre de Cent Ans était donc, pour l'instant, simplement mise en pause.

Le retour de Bolingbroke

En 1397, se sentant peut-être plus en sécurité sur son trône et donnant libre cours au désir de vengeance qu'entretenaient tant de monarques médiévaux, Richard commença enfin à comploter contre ceux qui l'avaient trahi dix ans auparavant. Le roi fit arrêter les lords appelant, dont Bolingbroke, et les fit exiler ou exécuter ; leurs domaines devinrent des cadeaux utiles pour d'autres personnes à la cour ou pour la Couronne elle-même. De nombreux barons réalisèrent alors que le roi était tyrannique et que personne n'était à l'abri de ses caprices.

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The Entry of Richard & Bolingbroke into London
Entrée de Richard et Bolingbroke à Londres
Art UK (CC BY-NC-SA)

En 1399, Richard commit alors une erreur fatale. Le roi avait envie de poursuivre ses affaires inachevées en Irlande, mais pendant ce temps, Bolingbroke, considéré par certains comme l'héritier légitime d'Édouard III depuis la mort de son père Jean de Gand (3 février 1399), revint de son exil en France. En juin-juillet 1399, Bolingbroke ne disposait que d'une petite armée d'invasion, peut-être 300 combattants, qui débarqua à Spurn Head dans le Yorkshire. Heureusement pour Bolingbroke, les barons anglais, parmi lesquels figuraient des personnalités telles que Sir Henry 'Hotspur' Percy, n'étaient que trop heureux de prêter allégeance à l'usurpateur, et l'armée rebelle s'agrandit en se déplaçant vers le sud, et le soutien au roi s'évapora.

Richard revint d'Irlande mais se cacha sagement dans le château de Conwy au Pays de Galles. Le roi fut ensuite amené par la ruse à se rendre le 20 août et fut emprisonné dans la Tour de Londres, le premier monarque anglais à y être enfermé. Le 29 septembre 1399, Bolingbroke obligea ensuite Richard à signer un document officiel d'abdication, une autre première contestable dans l'histoire anglaise. Le libellé de ce document était le suivant :

Moi, Richard, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre et de France et seigneur d'Irlande... je démissionne de toute ma majesté royale, de ma dignité et de ma couronne... Et par mes actes et mes paroles, je les quitte et les abandonne et je m'en éloigne pour toujours, car je sais, je reconnais et je considère que je suis, et que j'ai été, insuffisant, incapable et improductif, et que pour mes mérites, je dois être abattu.

(cité dans Jones, N., 80-81)

William Shakespeare (1564-1616), dans sa pièce Richard II, fait exprimer au roi des sentiments plus réalistes concernant sa mort :

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(ibid, 81)

Pontefract Castle
Château de Pontefract
Art UK (Public Domain)

Mort et successeur

Le 30 septembre, le Parlement désigna officiellement Henry Bolingbroke comme successeur de Richard. Richard fut transféré dans son dernier lieu de détention, le château de Pontefract dans le Yorkshire, en septembre 1399, où il mourut le 14 février 1400. L'échec d'un soulèvement des partisans de Richard ne fit que sceller le sort de l'ex-roi ; il ne pouvait être autorisé à vivre. Richard mourut peut-être de faim, ou empoisonné, ou encore tué par un groupe d'assassins, telles sont les différentes théories sur la mort rapide du roi. Richard n'avait que 33 ans et son corps fut exposé en public dans la Tour de Londres, au cas où d'éventuels rebelles, le croyant encore en vie, n'aient été prêts à lancer un coup d'État. Finalement, Richard fut enterré dans l'abbaye de Westminster, où l'on peut encore voir son effigie.

Entre-temps, Henry Bolingbroke fut couronné Henry IV d'Angleterre dans l'abbaye de Westminster le 13 octobre 1399 et il régna jusqu'en 1413, bien que son règne ait été marqué par des rébellions en Angleterre et au Pays de Galles. Son fils Henri V d'Angleterre (1413-1422) lui succéda et le surpassa en devenant l'un des plus grands monarques combattants de l'histoire européenne, mais l'éviction du roi légitime Richard viendrait hanter les descendants des Lancastre lorsque les deux maisons de Lancastre et d'York s'affronteraient pour le trône lors de ce qui serait connu sous le nom de Guerre des deux Roses (1455-1487).

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2020, janvier 22). Richard II d'Angleterre [Richard II of England]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18673/richard-ii-dangleterre/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Richard II d'Angleterre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 22, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18673/richard-ii-dangleterre/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Richard II d'Angleterre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 22 janv. 2020. Web. 22 nov. 2024.

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