Le royaume d'Oyo prospéra du 17e au 19e siècle dans ce qui est aujourd'hui le sud-ouest du Nigeria. Les Oyo forgèrent un véritable empire grâce à leurs formidables unités de cavalerie et en vinrent à dominer les autres peuples Yoruba de la région. Le royaume d'Oyo, dont la capitale se trouvait à Oyo, près du fleuve Niger, prospéra grâce au commerce régional et devint un facilitateur central du transport des esclaves de l'intérieur de l'Afrique vers la côte et les voiliers européens en attente. Le commerce d'êtres humains était si important que cette partie de l'Afrique fut tout simplement appelée la "Côte des esclaves". Les Oyo finirent par succomber face à l'expansion des États islamiques au nord, et au milieu du 19e siècle, le royaume s'était désintégré en petites chefferies rivales.
Origines
Le royaume d'Oyo, comme d'autres États du peuple Yoruba dans la zone côtière méridionale de l'Afrique de l'Ouest (le Nigeria moderne), revendique la descendance d'un roi exilé d'Ife (11-15e siècle). Bien que l'archéologie n'ait pas encore découvert de liens concrets entre les différents États successifs de ce qui est aujourd'hui le Nigeria, les traditions orales, comme celles du royaume du Bénin (13-19e siècle), situé juste à l'est d'Oyo, parlent d'un roi d'Ife qui non seulement envoya un prince pour gouverner d'autres zones de la région, mais aussi un maître artisan pour diffuser ses compétences en matière de sculpture. Selon les traditions orales, le fondateur de l'État d'Oyo était un certain Oranmiyan, fils d'Oduduwa, le fondateur d'Ife. Une impressionnante colonne de granit sculptée à Ife mesure 5,5 mètres (18 pieds) de haut et est connue sous le nom d'Opa Oranmiyan ou "bâton d'Oranmiyan". L'art d'Oyo présente en général une ressemblance frappante avec celui d'Ife et du Bénin. Grâce à ce processus de transfert culturel, les Oyo héritèrent d'une longue tradition culturelle qui remonte à la culture Nok de l'ancien Nigeria (du Ve siècle av. J.-C. au IIe siècle de notre ère).
Les principaux établissements d'Oyo se trouvaient à Ife, l'ancienne capitale du royaume d'Ife, et dans ses environs, à Oyo, Kusu et Igboho. À partir de 1450, la région prospéra grâce au commerce avec des États du nord comme le Hausaland (15-19e siècle) et, au sud, avec les voiliers portugais qui sillonnaient les côtes de l'Afrique de l'Ouest. À la fin du XVIe siècle, les Portugais furent rejoints par les Britanniques, les Français et les Néerlandais, tous désireux d'obtenir une part du lucratif commerce régional.
Le commerce des esclaves
Le territoire des Oyo finit par englober un véritable mélange d'environnements avec des portions de forêt tropicale, de forêt sèche, de savane et de mangrove. Les Oyo tirèrent surtout parti des régions de savane qui facilitaient les déplacements et les contacts commerciaux avec les États voisins. Comme les États qui prospérèrent dans la région tout au long du deuxième millénaire, l'empire Oyo exploita les ressources locales telles que le gombo, les ignames, les dattes, l'huile de palme et le poisson. La technologie de la fonte du fer permettait la production d'outils et d'armes en fer, tandis que les biens échangés comprenaient des noix de kola, du poivre, de l'ivoire, de l'or et des esclaves. Les marchandises importées comprenaient des chevaux et des marchandises en provenance de la Méditerranée qui avaient traversé le Sahara grâce aux caravanes de chameaux, puis avaient voyagé vers le sud à travers la savane et le fleuve Niger.
Au XVIIIe siècle, la moitié des esclaves africains provenaient de la côte sud de l'Afrique de l'Ouest, et la zone contrôlée par le royaume d'Oyo, le royaume du Dahomey (c. 1600 - c. 1904, le Bénin moderne) et le royaume du Bénin (la Baie du Bénin) était connu sous le nom de "Côte des esclaves" (la "Côte de l'or", autre plaque tournante du commerce lucratif, était plus à l'ouest). Deux raisons principales expliquent pourquoi le commerce des esclaves se concentra à cet endroit : premièrement, il s'agissait de l'une des régions d'Afrique les plus densément peuplées que les Européens pouvaient atteindre, et deuxièmement, l'empire d'Oyo, et dans une plus large mesure encore le royaume du Dahomey, fournissait les infrastructures de commandement nécessaires pour organiser le déplacement des esclaves de l'intérieur vers la côte. En retour, les Oyo recevaient des marchandises européennes qu'ils pouvaient utiliser eux-mêmes ou échanger avec les États voisins. Malgré une tradition orale qui minimise l'implication des Oyo dans le commerce d'esclaves, l'Empire Oyo utilisa bel et bien des esclaves au sein de ses propres structures étatiques - de nombreux fonctionnaires de l'administration et de l'armée, par exemple, étaient d'origine esclave - bien plus que dans d'autres États de la région.
Expansion
Bien que les Oyo n'aient pas formé de grandes villes dignes d'intérêt, les souverains purent forger un petit empire grâce à leur redoutable cavalerie et à leurs archers - grâce aussi à leurs tentacules commerciales qui s'étendaient jusqu'aux routes commerciales transsahariennes. Par conséquent, le royaume s'étendit pour inclure des régions du sud-ouest et, dans la savane au nord, il acquit des territoires de ses voisins les états Borgu et Nupe. Les Nupe conquirent Oyo vers 1535 et la conservèrent jusqu'à ce que les rois Oyo ne la reprennent vers 1610. Owu, au sud, et Ede, au sud-est, devinrent des États vassaux d'Oyo lorsque l'empire atteignit son apogée dans la première moitié du XVIIe siècle, conquérant ainsi 13 royaumes rivaux.
La motivation de cette expansion territoriale était de prendre le contrôle des lucratives routes commerciales régionales le long desquelles le sel, l'or et les esclaves étaient transportés. Cela était particulièrement vrai pour les zones côtières qui entretenaient depuis longtemps des relations commerciales avec les voiliers européens. Les Oyo n'avaient cependant pas tout pour eux, car des groupes comme les Ijesha habitaient des zones forestières où la cavalerie des Oyo ne pouvait pas être utilisée efficacement et où la dangereuse mouche tsé-tsé était présente. Il en était de même pour les Ekiti qui habitaient dans les collines bordant l'extrême nord des terres d'Oyo. Le royaume du Bénin à l'est était un autre obstacle redoutable aux ambitions des Oyo. Il est intéressant de noter que les Oyo prirent également des idées culturelles, et pas seulement des terres, à leurs rivaux, notamment en intégrant le culte des ancêtres des Nupe à leurs propres pratiques religieuses.
Naturellement, d'autres puissances régionales étaient également soucieuses de contrôler les routes commerciales, notamment le royaume du Dahomey à l'ouest. Oyo et le Dahomey étaient en guerre entre 1726 et 1730, un conflit que le royaume d'Oyo finit par gagner. Après 1730, le Dahomey accepta l'autorité politique d'Oyo et ce dernier revendiqua certaines conquêtes côtières du Dahomey, donnant à l'empire son propre accès direct à la mer grâce à l'état tributaire d'Ajashe (alias Porto Novo).
Déclin
Le royaume d'Oyo atteignit peut-être une position dominante dans la région, mais une puissance bien plus grande se mettait lentement en place loin au nord. Le 18e siècle avait déjà vu l'expansion des États islamiques du nord qui s'étaient lancés dans une guerre sainte pour répandre leur foi. Ces invasions, qui atteignirent le sud au 19ème siècle, perturbèrent grandement le commerce d'Oyo et mirent en évidence la faiblesse inhérente à la structure politique d'Oyo. Le roi d'Oyo, l'Alafin, était déjà en conflit avec le conseil des anciens de l'État, l'Oyo Mesi, et le chef militaire, le bashorun (qui dirigeait également l'Oyo Mesi). Tout au long du XVIIIe siècle, les frictions étaient constantes entre ceux qui souhaitaient un commerce pacifique et ceux qui étaient favorables à l'expansion militaire. Cette situation et le timide contrôle des états vassaux signifiaient que l'Empire d'Oyo était vraiment un château de cartes qui n'attendait rien d'autre que ne tournent les vents.
La tempête arriva dans les années 1820, sous la forme des militants Peuls musulmans et, finalement, la partie nord de l'empire d'Oyo, Ilorin, fut conquise pour devenir l'émirat Fulani d'Ilorin, un avant-poste du grand califat de Sokoto (1804-1903). Le résultat de cette perte fut de créer un effet domino qui vit le royaume d'Oyo se briser en de plus petits États, ce qui entraîna plus de concurrence et de guerres. La conséquence de ce déclin politique pour les peuples Yoruba fut catastrophique, car ils avaient largement évité d'être réduits en esclavage jusqu'alors, mais ils représentaient désormais de loin la majorité des personnes capturées et expédiées vers les Amériques jusqu'à ce que le commerce des esclaves n'y prenne fin dans les années 1850. La région qui constitue aujourd'hui l'État du Nigeria est devenue une colonie britannique en 1861 et, en 1900, les protectorats du nord et du sud du Nigeria furent créés. Les deux protectorats s'unirent en 1914, devinrent une fédération en 1954 et obtinrent finalement leur indépendance en 1960.