David IV le Bâtisseur

Définition

Michael Goodyear
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 05 février 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais
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David IV the Builder (by Iberieli, Public Domain)
David IV le Bâtisseur
Iberieli (Public Domain)

David IV le Bâtisseur ou le Restaurateur (également connu sous le nom de David IV Aghmashenebeli) fut le roi de Géorgie de 1089 à 1125. Son long règne fut marqué par une renaissance substantielle de la Géorgie médiévale. Il regagna une grande partie des territoires perdus par la Géorgie et contrôlait à sa mort un royaume s'étendant de la mer Noire à la mer Caspienne. Les réformes religieuses, militaires et culturelles de David stabilisèrent la vie domestique en Géorgie et firent du monastère de Ghélati un centre culturel majeur. C'est sous David IV que la Géorgie fut unifiée pour la première fois depuis des siècles.

Chaos en Géorgie

David hérita d'un royaume qui se désagrégeait rapidement. Son père, Georges II de Géorgie (ou Giorgi II, r. de 1072 à 1089), avait été assailli par une rébellion interne et par l'invasion musulmane. La puissante famille Baghvash s'était rebellé à plusieurs reprises et d'autres familles nobles tentaient de s'éloigner du centre.

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Au même moment, les Turcs seldjoukides de Malik Shah (r. de 1072 à 1092), profitant de la désintégration byzantine en Asie mineure, envahirent en force en 1077, mettant à sac les grandes villes de Tbilissi et d'Erzurum et s'emparant du trésor royal. Les raids seldjoukides annuels dévastèrent la Géorgie; les paysans furent emportés comme butin et la capitale géorgienne, Koutaïssi, fut pillée. La Chronique de David IV indique qu'"il n'y avait plus de semailles ni de récoltes sur ces terres; les forêts reculaient, et les bêtes sauvages et les bestioles dans les champs prenaient la place des hommes" (Metreveli 171). Georges II tenta d'endiguer les raids en acceptant de payer un tribut et de fournir un service militaire à Malik Shah, mais cela ne servit pas à grand-chose car les raiders turcs attaquaient généralement en dehors du contrôle de Malik Shah. Georges II tenta de conquérir la Kakhétie avec le soutien de Malik Shah, mais lorsque ce dernier décida de soutenir les Kakhétiens, l'invasion se transforma en débâcle.

En 1089, la Géorgie était réduite à l'Abkhazie, dans la partie nord-ouest du Caucase. La même année, les nobles de Georges le firent abdiquer en faveur de son fils de 16 ans, David IV.

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Ascension de David IV

En rejetant les titres de la cour byzantine, David proclama clairement l'indépendance de la Géorgie.

Les premières années de David bénéficièrent à la fois d'une certaine chance et de planification. Tout d'abord, David rejeta les titres de la cour byzantine que ses ancêtres avaient détenus et utilisés pendant des siècles. Alors que la Géorgie était de facto indépendante depuis au moins le début des années 1000, si ce n'est plus, l'utilisation des titres de cour byzantins magistros, kouropalates et nobilissimus impliquait la fidélité à l'empereur byzantin. En rejetant ces titres, David proclamait clairement l'indépendance de la Géorgie.

Ensuite, David décida de payer les Seldjoukides, ce qui mit fin aux raids seldjoukides pendant une grande partie des années 1090, permettant aux Géorgiens de reconstruire leurs villes et de retourner cultiver leurs champs. Cela contribua à stabiliser le royaume. En 1092, le vizir seldjoukide Nizam al-Mulk fut assassiné par les Assassins et Malik Shah mourut la même année, ce qui affaiblit considérablement la puissance seldjoukide. En 1095, la première croisade fut lancée et lorsque les croisés atteignirent le Moyen-Orient en 1097, les ennemis musulmans de la Géorgie au sud durent tourner leur attention vers la menace des croisés et faire fi des affaires du Caucase. Cela permit à David de cesser de payer le tribut aux Seldjoukides en 1099 et d'investir cet argent dans l'armée et les infrastructures.

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Cependant, la plus grande réussite de David à ses débuts fut peut-être d'avoir réussi à contrôler le pouvoir des nobles. Il dénonça les complots du puissant duc Liparit Baghvash, lui pardonna dans un premier temps, puis l'exila à Constantinople. Il créa ensuite les mstovarni, la police secrète du roi. Celle-ci lui permettait de prévoir les complots, et les comploteurs étaient souvent brutalement punis par la défiguration ou l'exécution. À la mort du fils de Liparit, Rati, en 1103, les possessions baghvash de Kldekari et Trialeti furent confisquées par la couronne. Cette liquidation sommaire de la famille Baghvash, autrefois puissante, refroidit les velléités d'indépendance des autres nobles géorgiens.

La Géorgie réunifiée

Même avant l'assaut des Seldjoukides, le royaume de Kakhétie avait échappé au contrôle de la Géorgie. David décida de l'envahir en 1103 et y entra sans opposition; le roi, Aghsartan II, était un jeune souverain inexpérimenté et il fut livré à David par les nobles de Kakhétie. Certains nobles tentèrent de résister et appellèrent à l'aide le souverain musulman de Ganja. Les forces kakhètes et ganjanes furent mises en déroute lors de la bataille d'Ertsukhi et, en 1105, la Géorgie fut réunie pour la première fois depuis des siècles. La Kakhétie était un pays riche qui avait évité les raids turcs grâce à un traité avec les Seldjoukides. Cette richesse supplémentaire permit à la Géorgie de continuer à développer ses infrastructures et à reconstruire ses fortifications.

David forma une armée géorgienne permanente, fidèle à lui seul. Selon une estimation, elle aurait compté jusqu'à 40 000 hommes, dont une unité de gardes d'élite. David instaura également un système de discipline stricte pour l'armée: celle-ci reçut un salaire plutôt que de dépendre du butin, et les jurons et les comportements malhonnêtes étaient sanctionnés.

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Georgia under David IV the Builder
La Géorgie sous David IV le Bâtisseur
Don-kun (CC BY)

Avec le monde musulman distrait et de nouvelles ressources pour améliorer son armée, David demanda aux forces géorgiennes de chasser les derniers colons et soldats turcs de Géorgie. En 1110, la ville stratégique de Samshvilde tomba aux mains des Géorgiens. Les forces de David écrasèrent une armée musulmane envoyée en représailles. En 1115, les forces géorgiennes reprirent la ville de Roustavi, coupant Tbilissi de l'est musulman. L'Ossétie reconnut la suzeraineté géorgienne, de même que les Tchétchènes pendant un certain temps. Les États musulmans commencèrent alors à craindre la puissance de David et une force musulmane combinée marcha sur Tbilissi. Lors de la bataille de Didgori, en 1121, David écrasa les forces musulmanes combinées. En 1122, Tbilissi fut reprise et redevint la capitale de la Géorgie. En 1123, David s'empara de la moitié de l'émirat de Shirvan et, en 1124, il prit l'important port de Derbent sur la mer Caspienne. Plus impressionnant encore, la même année, les citoyens arméniens d'Ani, ancienne capitale de l'Arménie désormais gouvernée par les Turcs, demandèrent à David de les libérer. Après un bref siège, Ani tomba et David fut déclaré roi des Arméniens et de toute la Géorgie. La puissance musulmane dans le Caucase était détruite. Le territoire géorgien s'étendait sur tout le Caucase, de la mer Noire à la mer Caspienne.

Réformes intérieures

Outre ses succès militaires, David s'attacha à réformer l'État. Il était connu pour sa maturité malgré son jeune âge et emmenait même sa bibliothèque avec lui lors de ses campagnes militaires. David s'intéressa de près à l'amélioration de la société géorgienne et institua des réformes dans l'église et le droit médiéval.

L'Église géorgienne souffrait du népotisme de la noblesse, qui promouvait ses fils mineurs et souvent non qualifiés à des postes influents dans la hiérarchie ecclésiastique. Leur comportement consistait notamment à approuver les mariages illégaux et la sodomie. Toutes ces pratiques furent condamnées par le synode de Ruisi en 1104, qui fixa également un âge minimum et des critères de qualification pour les postes ecclésiastiques et établit une pratique ecclésiastique uniforme pour toutes les églises de Géorgie. Par ailleurs, David unifia les postes d'évêque de Tchqondidi et de secrétaire en chef, imposant ainsi un contrôle royal sur l'Église. Il fonda également le monastère de Ghélati qui devint une source majeure de la vie intellectuelle géorgienne, ainsi que le lieu de repos des rois géorgiens. Le prestige de Ghélati fut rehaussé par l'arrivée de moines géorgiens du Moyen-Orient qui n'étaient guère traités avec tolérance par les croisés.

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Gelati Monastery
Monastère de Ghélati
Herbert Frank (CC BY)

Plus tard dans son règne, David accueillit un synode qui tenta de réconcilier les chrétiens arméniens monophysites et géorgiens dyophysites. Bien que ce synode ait bien moins réussi que le premier, David pratiqua la tolérance religieuse envers les chrétiens arméniens, ce qui contribua à préserver la domination géorgienne sur ses nouveaux territoires arméniens.

En matière de gouvernance, David mit en place des bureaux gouvernementaux et une cour d'appel chargée d'entendre les requêtes des Géorgiens. Cela permit aux plus marginalisés de la population, tels que les veuves et les orphelins, d'avoir accès à la justice royale. Il se montra également magnanime envers les immigrants; il installa en Géorgie plusieurs milliers de familles kiptchaks rejetées par la Rous de Kiev, ce qui lui permit également de disposer d'une force militaire précieuse. Cependant, les Kiptchaks posaient des problèmes de confiance, et la couronne comme la population géorgienne hésitaient à leur accorder trop de privilèges. Ils finirent par s'assimiler à la vie géorgienne au cours des décennies suivantes.

Influences étrangères et affaires étrangères

Dans le domaine des affaires étrangères, David créa des alliances en pratiquant la diplomatie du mariage. David maria sa fille Tamar à Minoutchir III (r. de 1120 à 1160), le futur émir de Chirvan. Il aurait marié sa fille Cata à Isaac Comnène, le fils de l'empereur byzantin Alexis I Comnène (r. de 1081 à 1118). Il maria sa troisième fille Roussoudan à l'héritier du trône d'Ossétie. Il épousa lui-même Gourandoukht (après avoir divorcé de sa première femme, également appelée Roussoudan), fille du chef Kiptchak, pour consolider son alliance avec ses nouveaux sujets Kiptchaks. Grâce à une planification minutieuse, David créa un réseau de mariages dans toute la région.

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Tomb of David IV the Builder
Tombeau de David IV le Bâtisseur
Kober (Public Domain)

L'établissement du monastère de Ghélati stimula l'apprentissage et la consignation de la littérature et de l'histoire médiévales. À la même époque, ayant absorbé des territoires musulmans et entretenant des liens étroits avec le Chirvan, la Géorgie commença à absorber les influences de la culture persane. Alors que la culture byzantine restait forte, les ouvrages persans étaient traduits en géorgien et les travaux des historiens géorgiens commençaient à refléter certaines normes stylistiques persanes. Des mots persans entrèrent dans la langue vernaculaire géorgienne. Même les valeurs de chevalerie de la cour persane commencèrent à devenir populaires à la cour géorgienne.

Héritage géorgien

Lorsque David mourut en 1125, il fut enterré dans le monastère de Ghélati qu'il avait fait construire. Son héritier, Démétrius Ier de Géorgie (r. de 1125 à 1156), hérita d'un royaume puissant qui dominait le Caucase, était culturellement riche et pouvait rivaliser avec tous ses voisins. Il s'agissait certainement d'une position bien meilleure que celle qu' avait laissée Georges II à son propre père.

La principale tache noire sur l'héritage de David reposait sur ses deux mariages: Démétrius était le fils de sa première épouse, Roussoudan, tandis que sa seconde épouse, Gourandoukht, avait eu un fils de David, Vakhtang. Les deux versions survivantes du testament de David imploraient Démétrius de prendre soin de son frère et laissaient entendre que la couronne royale pourrait lui revenir à l'avenir. Cela conduirait à des luttes intestines entre les deux branches de la famille au cours des deux générations suivantes, mais en fin de compte, la Géorgie resterait un puissant État médiéval pendant le siècle suivant.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Michael Goodyear
Michael est diplômé en histoire et en langues et civilisations du Proche-Orient de l'université de Chicago, où il a principalement étudié l'histoire byzantine. Il est également titulaire d'un diplôme de la faculté de droit de l'université du Michigan.

Citer cette ressource

Style APA

Goodyear, M. (2020, février 05). David IV le Bâtisseur [David IV the Builder]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18779/david-iv-le-batisseur/

Style Chicago

Goodyear, Michael. "David IV le Bâtisseur." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 05, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18779/david-iv-le-batisseur/.

Style MLA

Goodyear, Michael. "David IV le Bâtisseur." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 05 févr. 2020. Web. 20 nov. 2024.

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