Thomas More

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Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 23 avril 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais, espagnol, Turc
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Sir Thomas More as Lord Chancellor (by Hans Holbein, Public Domain)
Thomas More, Lord Chancelier
Hans Holbein (Public Domain)

Thomas More (1478-1535) était un avocat, un érudit, un homme d'État et le Lord Chancelier d'Henri VIII d'Angleterre (r. 1509-1547) qui fut exécuté en juillet 1535 pour son refus d'approuver la rupture de l'Église d'Angleterre avec l'Église catholique de Rome. More, très attaché à ses principes, n'était pas d'accord avec le divorce du roi avec sa première épouse Catherine d'Aragon (1485-1536) et surtout avec le fait qu'Henri se soit autoproclamé chef de l'Eglise d'Angleterre à la place du Pape. Avant de se lancer dans la politique, Thomas More était un auteur et un érudit célèbre, son œuvre la plus connue aujourd'hui étant Utopia, qui comprend une description philosophique d'une société idéale située sur une île. L'Église catholique canonisa Thomas More en 1935.

Début de carrière et écrits

Thomas More naquit à Londres en 1478, son père étant l'avocat John More. Le jeune Thomas fit ses études à l'école Saint Anthony dans la capitale, tandis qu'adolescent, il travailla en tant que page chez l'archevêque John Morton. Il obtint son diplômé de l'Université d'Oxford en 1496 et poursuivit ses études de droit à Lincoln's Inn. More passa quatre ans dans un monastère chartreux mais décida de ne pas prononcer ses vœux et de ne pas devinir prêtre.

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En 1504, More commença sa carrière politique de 30 ans et entra au Parlement. L'année suivante, il rencontra le célèbre érudit Didier Érasme dont la philosophie humaniste influencera le travail de Thomas. More devint le sous-shérif de Londres en 1510, mais il subit la tragédie de la mort en couches de sa première femme, en 1511. Sa carrière se poursuivit néanmoins à un rythme soutenu, avec sa nomination comme maître des requêtes en 1514 et sa participation à une délégation commerciale royale en Flandre en 1515.

L'UTOPIe ÉTAIT CONÇUE COMME UNE CRITIQUE DÉVASTATRICE DE L'ÉLOIGNEMENT DE L'ANGLETERRE DES TUDORS DE TOUTE SOCIÉTÉ IDÉALE.

L'Utopie

Ce sont les écrits de More qui lui valurent le plus de célébrité à ce stade de sa carrière. En effet, More s'éleva au rang d'érudit jouissant d'une réputation à l'échelle européenne. Parmi ses œuvres, citons Dialogue concernant les hérésies, Responsio ad Lutherum, Lettre à Dorp: la supplication des âmes, et une Histoire inachevée mais influente (et quelque peu partiale) du roi Richard III. Son œuvre la plus célèbre, à l'époque et aujourd'hui, est l'Utopie, publiée en 1516, qui décrit un État idéal situé sur une île imaginaire quelque part au-delà de l'équateur, coupée de l'Europe depuis 1 200 ans. L'œuvre n'est pas un examen purement philosophique de la manière d'organiser un État politique, puisque le personnage principal, Raphaël Hythloday, réfléchit aux astuces des rois européens, comme le fait de truquer les finances et de taxer le peuple pour des guerres qui ne se concrétisent jamais, critiques adressées à Henri VII d'Angleterre (r. 1485-1509) et à Henri VIII. Plutôt qu'une discussion sur ce qui fait une société parfaite, l'ouvrage se veut donc une critique dévastatrice de la distance qui sépare l'Angleterre des Tudor de cet idéal. Le livre se termine avec Hythloday et son interlocuteur Morus (More lui-même) convenant que Utopie (qui signifie "aucun endroit") n'existera probablement jamais ailleurs que sur l'île des Utopiens.

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Statue of Sir Thomas More
Statue de Thomas More
Edwardx (CC BY-SA)

Il est donc quelque peu ironique que la partie de l'Utopie qui présente un idéal impossible, à savoir une société parfaitement juste et heureuse, ait eu l'héritage le plus durable. L'Utopie et ses idées radicales d'abolition de la propriété privée, de l'argent et de la vie privée afin que les gens puissent se concentrer sur le bien commun, et la détention de toutes les ressources de la communauté comme une "communauté" pour tous (tout comme les premiers chrétiens l'avaient fait), inspira de nombreux philosophes et systèmes politiques ultérieurs. Ceci en dépit du fait que More voulait que l'île d'Utopie ne fonctionne que comme un miroir satirique dans lequel la société contemporaine réelle pourrait être plus clairement jugée et ainsi être réformée par ses dirigeants.

LA SOLUTION POUR QU'HENRi VIII PUISSE SE REMARIER SEMBLAIT ÊTRE DE SÉPARER L'ÉGLISE DE ROME, CE QUE THOMAS MORE NE VOULAIT PAS ACCEPTER.

Lord Chancelier

Henri VIII, qui avait lui-même manifesté un intérêt pour la littérature et l'érudition ecclésiastique, se lia d'amitié avec More et l'invita à sa cour. Le roi fit de More un diplomate et un conseiller personnel, l'invitant à rejoindre le Conseil du Roi en 1518. Le roi fit More chevalier en 1521 et le nomma Trésorier de l'Échiquier. En 1523, il fut nommé président de la Chambre des Communes, et son mandat vit très probablement la première utilisation du privilège des membres de parler complètement librement dans la Chambre sans crainte de représailles, légales ou autres. Henri et Thomas travaillèrent même ensemble sur leur rejet de Luther et du protestantisme dans la Défense des sept sacrements. En 1525, More fut nommé Chancelier du Duché de Lancaster.

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Un homme de principe strict, la carrière politique de More fut quelque peu freinée quand il devint nécessaire de s'impliquer dans les affaires les plus louches de la politique de la cour. Néanmoins, le roi dut apprécier son honnêteté car il nomma More Lord Chancelier en 1529. Au poste de ministre le plus puissant du pays, Thomas succéda au Cardinal Wolsey, Archevêque d'York (c. 1473-1530). Wolsey était tombé en disgrâce à cause de l'absence de progrès dans la "grande affaire" du roi - sa tentative de divorcer de sa première épouse Catherine d'Aragon pour pouvoir épouser sa seconde épouse, Anne Boleyn (c. 1501-1536). Wolsey devait être jugé pour trahison, mais il mourut de maladie en 1530 avant que son cas ne soit présenté. Thomas More devint alors chancelier, poste qu'il occupera jusqu'en 1532, ce serait l'apogée de sa carrière. De ces hauteurs vertigineuses de la fonction publique, cependant, la chute sera en effet dramatique.

Henry VIII Meets Anne Boleyn
Henri VIII rencontre Anne Boleyn
Daniel Maclise (Public Domain)

Henri VIII et l'Église

Henri voulait avant tout un héritier mâle et Catherine était incapable de le lui donner malgré six grossesses. Il s'était également lassé d'elle et s'était entiché d'Anne Boleyn, une dame d'honneur de la cour, beaucoup plus séduisante et jeune. L'Église catholique n'autorisait pas le divorce, mais Henri pensait avoir de bonnes raisons d'annuler son mariage au motif qu'il n'aurait pas dû être autorisé en premier lieu. Le principal argument d'Henri était que Catherine avait d'abord été l'épouse de son défunt frère, le prince Arthur (né en 1486), qui était mort un an après le mariage, en 1502. Henri VII d'Angleterre (r. 1485-1509) s'était alors arrangé pour que Catherine épouse son autre fils Henri, ce qu'ils firent en 1509.

Vers 1526, Anne attira peut-être l'attention d'Henri VIII, mais elle refusa de coucher avec le roi avant leur mariage. En conséquence, Henri écrivit une lettre au pape Clément VII (r. 1523-1534) en 1527, dans laquelle il suggéra que l'absence d'héritier mâle était une punition de Dieu pour avoir épousé la femme de son frère défunt, un point soutenu par l'Ancien Testament, Lévitique 20:21 (alias la "Prohibition de Lévitique"). Malheureusement pour Henri, le pape n'était pas d'accord et comme il n'avait pas besoin du soutien politique ou financier de l'Angleterre, il serait impossible de le persuader du contraire. De plus, le pape tenait à rester en bons termes avec le souverain le plus puissant d'Europe à l'époque, l'empereur du Saint Empire romain germanique, Charles Quint d'Espagne (r. 1519-1556), qui n'était autre que le neveu de Catherine d'Aragon. De plus, il était peu probable que Catherine et Arthur, si jeunes à l'époque, aient déjà couché ensemble et donc l'interdiction du Lévitique ne s'appliquait pas dans ce cas. Enfin, un autre passage de la Bible, cette fois dans le Deutéronome (25:5), semblait contredire le Lévitique. En bref, l'argument de Henri était maigre et inefficace. La seule solution semblait être de séparer l'Église de Rome, ce que Thomas More n'accepterait pas.

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Sir Thomas More & Daughter
Thomas More et sa fille
William Frederick Yeames (Public Domain)

Comme More était favorable au maintien du statu quo en ce qui concernait l'ancienne Église médiévale traditionnelle, la "grande affaire" du roi ne fit aucun progrès pendant son mandat. La stratégie principale du chancelier semble avoir été de garder publiquement un profil bas sur l'affaire aussi longtemps que possible, ne parlant ni pour ni contre, ni des conséquences apparemment inévitables pour l'Église d'Angleterre. More concentra ses efforts sur la réduction des dépenses extravagantes du roi et la persécution des réformateurs protestants (pour leur placement de l'autorité de la Bible au-dessus de l'autorité de l'Église) tandis que, dans les coulisses, le chancelier s'efforçait de faire échouer la tentative du roi de mettre de l'ordre dans sa vie privée.

Le chancelier n'était pas favorable aux projets du roi d'annuler son premier mariage mais, plus particulièrement, il était contre l'intention du roi de se faire chef de l'Église au-dessus du Pape et, finalement, c'est sur ce point que More démissionna de son poste. More était consterné par les attaques du roi contre l'Église et l'affaiblissement de son indépendance vis-à-vis de la monarchie, du gouvernement et des laïcs en général. Thomas se retira alors dans sa vie privée où il ne voulut pas "étudier ou se mêler des affaires de ce monde" (Brigden, 119). L'ex-chancelier espérait que son silence sur toute l'affaire le protégerait de la colère du roi, mais son silence fut remarqué dans toute l'Europe. More fut remplacé par Thomas Cromwell (c. 1485-1540) qui soutiendra de tout cœur Henri dans ses objectifs. Le More sortant passa le conseil suivant à son successeur, comme il l'est noté dans The Life of Sir Thomas More par le gendre de More, William Roper :

Maître Cromwell, vous êtes maintenant entré au service du plus noble, du plus sage et du plus libéral des princes. Si vous suivez mon pauvre conseil, vous devrez, dans vos conseils à Sa Grâce, le roi, lui dire ce qu'il doit faire mais jamais ce qu'il peut faire. Ainsi vous vous montrerez un vrai et fidèle serviteur et un conseiller digne de ce nom. Car si un lion connaît sa propre force, il sera difficile pour un homme de le dominer. (Turvey, 114)

Procès et emprisonnement

A partir de 1531, Henri et Anne vivaient ensemble tandis que Catherine fut déplacée dans tout le pays, confinée dans ses résidences. En décembre 1532, Anne, qui voyait peut-être dans un bébé le meilleur et le seul moyen de se débarrasser de sa rivale Catherine, coucha finalement avec le roi et tomba enceinte. Thomas Cranmer, le nouvel archevêque de Canterbury et un homme aussi désireux que le roi de séparer l'Église anglaise de celle de Rome, annula officiellement le premier mariage d'Henri le 23 mai 1533. Le Parlement adopta ensuite l'Acte de Succession (30 avril 1534), ce qui signifiait que la fille de Catherine, Marie, fut déclarée illégitime. Afin de remplacer le pape à la tête de l'Église catholique en Angleterre, Henri se fit chef de l'Église d'Angleterre. Cela fut réalisé par l'Acte de suprématie du 28 novembre 1534 et signifiait qu'Henri, et tous les monarques anglais ultérieurs, n'avaient qu'une seule autorité supérieure : Dieu lui-même.

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Sir Thomas More in the Tower of London
Thomas More dans la Tour de Londres
Claudius Jacquand / Xavier Caré (CC BY-SA)

De nombreux sujets souhaitaient vivement une réforme de l'Église afin de poursuivre le mouvement de la Réforme protestante qui balayait l'Europe. Beaucoup considéraient l'Église comme trop riche et trop pleine de prêtres abusant de leur position. Thomas More n'était pas de ceux-là, cependant. Malheureusement pour More, le roi se refusa de laisser tomber l'affaire, même après avoir atteint son but et épousé Anne Boleyn en 1533; More avait même refusé l'invitation personnelle du roi à assister au couronnement de la reine. Henri savait bien que son ancien chancelier restait une figure influente non seulement en Angleterre mais aussi en Europe et que son manque de soutien, même s'il n'y avait pas non plus d'opposition tangible, nuirait quand même à sa propre réputation en Angleterre et à l'étranger. Le roi Henri insista donc pour que More jure à la fois sur l'Acte de Succession et sur le Serment de Suprématie. Lorsque More refusa, il fut emmené à la Tour de Londres pour briser sa résolution. Lorsque More, après une année d'emprisonnement, refusa de nouveau, on lui donna une audience avec Cromwell et l'ancien chancelier donna la défense robuste et éloquente suivante de sa position :

Je suis le vrai, le fidèle sujet du roi... et je prie quotidiennement pour son Altesse et tout le royaume. Je ne fais de mal à personne. Je ne dis aucun mal. Je ne pense à aucun mal, mais souhaite le bien à tous. Et si cela ne suffit pas à maintenir un homme en vie, en toute bonne foi, je désire ne pas vivre. Et je meurs déjà, et depuis que je suis ici, j'ai été plusieurs fois dans le cas où je pensais mourir dans l'heure, et je remercie notre Seigneur de n'en avoir jamais été désolé, mais plutôt désolé quand la douleur était passée. Et donc mon pauvre corps est au bon vouloir du roi. Si Dieu le souhaite, que ma mort puisse lui faire du bien.

(Jones, 171)

More fut renvoyé dans sa prison désormais familière de la Tour de la Cloche où il fut privé de livres et de matériel d'écriture. En l'absence de coopération, More fut jugé pour trahison à Westminster Hall. Il était cependant difficile de parvenir à un verdict de culpabilité lorsque l'accusé insistait pour garder le silence sur son soutien ou non à l'Acte de suprématie. Le crime de trahison, en droit anglais, devait être démontré par un démenti, et non par le silence. Néanmoins, Thomas Cromwell y parvint grâce au parjure de l'un de ses agents, Sir Richard Rich, le solliciteur général. Rich fit la déclaration hautement improbable que, dans une conversation avec More pendant qu'il était dans la Tour, ce dernier aurait rompu son silence et parlé de sa désapprobation de l'Acte et du Serment d'Henri. More fut donc reconnu coupable et condamné à mort.

Thomas More fut exécuté le 6 juillet 1535 à Tower Hill, ses derniers mots aux spectateurs assemblés étant "Je meurs en bon serviteur du roi, mais en premier de Dieu" (Turvey, 113). Ses derniers mots à l'égard de son bourreau et de lui-même furent lorsqu'il plaça sa longue barbe grise à l'écart du billot et déclara qu'il n'avait certainement pas commis de trahison et ne méritait pas d'être décapité. Thomas fut canonisé en 1935 pour sa défense de l'Église catholique.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2020, avril 23). Thomas More [Sir Thomas More]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18889/thomas-more/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Thomas More." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 23, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18889/thomas-more/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Thomas More." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 23 avril 2020. Web. 23 déc. 2024.

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