Martin Frobisher

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 juin 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Martin Frobisher (by Unknown Artist, Public Domain)
Martin Frobisher
Unknown Artist (Public Domain)

Martin Frobisher (1535-1594) était un aventurier et explorateur élisabéthain qui s'embarqua dans trois expéditions dans les années 1570 pour cartographier les eaux de l'Arctique nord-américain et trouver le passage du Nord-Ouest vers l'Asie. Ces expéditions n'ayant pas été couronnées de succès et ayant entraîné la faillite de bon nombre de ses investisseurs qui espéraient trouver des gisements d'or, la carrière ultérieure de Frobisher fut davantage axée sur l'armée, puisqu'il participa à la guerre contre l'Espagne et à la bataille pour repousser l'Armada espagnole en 1588. Frobisher mourut en novembre 1594 après avoir été mortellement blessé lors de l'attaque d'une forteresse tenue par les Espagnols dans le nord de la France.

Jeunesse

Martin Frobisher vit le jour dans le Yorkshire en 1539, fils d'un membre de la noblesse locale d'origine galloise. Très tôt, Martin fut envoyé chez son oncle à Londres, Sir John York, qui, fait significatif pour la carrière ultérieure de Frobisher, était un marchand de produits exotiques. À partir de 1553, Martin se joignit aux expéditions de son oncle et d'autres personnes pour acquérir des marchandises et s'adonner à des activités moins honorables telles que la flibusterie. L'un des voyages les plus marquants fut celui vers la Guinée. D'autres voyages englobèrent la côte barbaresque de l'Afrique du Nord et l'extrémité moyen-orientale de la Méditerranée. Dans les années 1560, le jeune aventurier fut emprisonné dans une forteresse portugaise sur la côte de l'Afrique de l'Ouest, servit en Irlande en tant qu'agent de la Couronne et évita de justesse la prison pour dettes dans son pays. Ce début de carrière peu glorieux prit un véritable tournant lorsque William Cecil, Lord Burghley, ministre principal d'Élisabeth Ire, s'intéressa à l'aventurier et l'enrôla dans l'exploration pour le compte de la Couronne.

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Cette terre étrange était inhospitalière, composée uniquement d'îles sans fin, de glace et de bancs de brouillard glacés.

Première expédition vers le passage du Nord-Ouest

En 1576, Frobisher se lança dans son projet le plus ambitieux: trouver le légendaire passage du Nord-Ouest qui, au moins en été, permettrait de traverser les eaux glacées de l'Amérique du Nord et d'atteindre l'Asie et son lucratif commerce de la soie et des épices. Un tel passage permettrait d'éviter la solution longue et coûteuse consistant à passer par le cap de Bonne-Espérance, dans le sud de l'Afrique, ou la route plus dangereuse contournant la pointe de l'Amérique du Sud. Dans les faits, il n'y avait pas de passage du Nord-Ouest, car les eaux glacées de l'Arctique empêchaient tout navire de suivre cette route, mais cela n'empêcha pas une longue liste d'explorateurs de tenter leur chance et de devenir la coqueluche de tous les marchands européens. Frobisher persuada un certain nombre de marchands londoniens de financer son expédition. Il bénéficia également du soutien d'éminents personnages tels que Cecil, mentionné plus haut, et le courtisan Sir Humphrey Gilbert (c.1539-1583), l'astrologue, mathématicien et géographe John Dee (1527-1608) et Ambrose Dudley, comte de Warwick (c. 1528-1590).

Inuit by John White
Inuit par John White
John White (CC BY-NC-SA)

Frobisher se vit confier deux navires de 30 tonnes, le Gabriel et le Michael, ainsi qu'une pinasse de 7 tonnes pour le cabotage; les équipages combinés comptaient 32 hommes. La petite flotte quitte Dartford le 7 juin 1576 de notre ère. Après avoir traversé l'Atlantique Nord, Frobisher longea le Groenland et finit par explorer ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'île de Baffin, dans le nord du Canada, où il entra en contact avec des Inuits (autrefois appelés Esquimaux ou Eskimo) et des animaux exotiques comme les narvals, que l'on prenait pour des licornes. Cette terre étrange était inhospitalière, composée uniquement d'îles sans fin, de glace et de bancs de brouillard glacés.

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La pinasse avait déjà été perdue dans une tempête avant l'île de Baffin, et le Michael retourna en Angleterre en pensant que Frobisher et le Gabriel avaient coulé. Ce n'était pas le cas et Frobisher poursuivit sa route vers le nord. Pensant à tort et de manière plutôt optimiste qu'il avait atteint la côte asiatique, Frobisher nomma le bras de mer qui, avec un peu de chance mènerait vers l'ouest, le détroit de Frobisher. L'explorateur retourna ensuite en Angleterre en octobre, mais la reine ne savait pas comment appeler un désert blanc aussi étrange et le nom donné fut Meta Incognita ou "Frontière inconnue".

Voici un extrait du journal d'un officier de la première expédition de Frobisher décrivant la rencontre avec les Inuits:

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À cet endroit, il [le capitaine Frobisher] vit et perçut divers signes de la présence de ce peuple. Étant à terre au sommet d'une colline, il aperçut un certain nombre de petites choses flottant dans la mer au loin, qu'il supposa être des tortues ou des phoques, ou quelque sorte de poisson étrange; mais en s'approchant, il découvrit qu'il s'agissait d'hommes dans de petites embarcations de cuir...Il eut ensuite plusieurs entretiens avec eux, et ils montèrent à bord de son navire, lui apportant du saumon, de la chair crue et du poisson... Ils échangèrent avec nos hommes des fourrures de phoques, des peaux d'ours, et d'autres choses semblables, et reçurent en récompense des cloches, des lunettes et d'autres objets. Après une grande curiosité et de nombreuses réunions, nos marins, contrairement aux instructions de leurs capitaines, commencèrent à leur faire plus facilement confiance, et cinq de nos hommes qui allaient à terre furent interceptés par leurs bateaux, et on n'a plus jamais entendu parler d'eux.

(Courtauld, 57)

Martin Frobisher by Ketel
Martin Frobisher par Ketel
Cornelis Ketel (Public Domain)

Deuxième expédition

Après être rentré en Angleterre le 2 octobre 1576 et avoir rapporté ce que certains experts considéraient comme des exemples de minerai aurifère, l'explorateur réussit facilement à convaincre un consortium d'investisseurs de financer une seconde expédition afin d'étudier la région arctique de manière plus approfondie. La Compagnie de Cathay fut dûment constituée, Elizabeth contribuant même à hauteur de 1 000 livres sterling et offrant à Frobisher un nouveau navire, un vaisseau de guerre de 200 tonnes baptisé Aid. Le Michael et le Gabriel furent également préparés pour leur retour dans l'Atlantique Nord. Cette fois, l'expédition comprendrait un certain nombre de mineurs afin de vérifier si la Meta Incognita était bien une terre riche en minerais. L'explorateur repartit la dernière semaine de mai 1577, déterminé cette fois à trouver soit de l'or, soit le passage du Nord-Ouest, voire les deux.

Vous trouverez ci-dessous un autre extrait du journal d'un officier, décrivant le mauvais temps auquel la deuxième expédition fut confrontée:

Ici, au lieu des odeurs odoriférantes et parfumées des gommes sucrées, et des notes agréables des oiseaux musicaux, que d'autres pays situés dans des zones plus tempérées produisent, nous avons goûté aux souffles boréaux les plus violents, mêlés de neige et de grêle, pendant les mois de juin et de juillet, ce qui n'a rien à envier à notre hiver démesuré... Tout le long de cette côte, la glace s'étend, telle une forteresse continuelle, et défend tellement le pays que ceux qui voudraient y débarquer courent un grand danger.

(ibid., 58-9)

Arrivés pour la deuxième fois sur l'île de Baffin, les mineurs s'activèrent et chargèrent les navires de 160 tonnes de ce qu'ils espéraient être du précieux minerai. Une fois de plus, ils rencontrèrent un certain nombre d'Inuits, peints cette fois par l'artiste et cartographe de l'expédition, John White (mort en 1593). Certains Inuits furent gardés de force sur les navires et il y eut une escarmouche lorsque les Inuits attaquèrent un certain nombre de marins avec leurs arcs et leurs flèches. Cinq Inuits furent abattus et Frobisher fut lui-même atteint d'une flèche dans le dos. Les explorateurs retournèrent en Angleterre en septembre 1577.

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Inuit Skirmish by John White
Escarmouche inuite de John White
John White (CC BY-NC-SA)

Troisième expédition

Après que d'autres experts en minerais se furent assurés que le minerai rapporté par Frobisher contenait bien de l'or (même si de nombreux autres experts pensaient le contraire), l'explorateur trouva un soutien financier pour une troisième expédition. Une fois de plus, la reine Élisabeth contribua à l'entreprise, de même que Lord Burghley, dont la réputation de radin était notoire. Cette nouvelle expédition était bien plus importante que les deux premières et comprenait une flotte de 15 navires. Un groupe de mineurs de Plymouth se joignit également à l'équipe. Partie le 31 mai 1578, l'expédition débarqua au sud du Groenland - qu'ils appellèrent West England - mais ne rencontra guère de succès plus au nord en raison des tempêtes, des températures estivales anormalement froides et de la mer rendue périlleuse par la banquise et les icebergs. Le Dennys, un navire de 100 tonnes, fut coulé par un iceberg et l'équipage du Thomas décida de se mutiner et de faire demi-tour. Le mauvais temps et les mauvaises conditions provoquèrent la séparation de la flotte et ils perdirent un temps fou à essayer de se regrouper.

Ce troisième extrait du journal de l'officier décrit les terribles conditions qui régnaient à bord au cours de ce troisième été:

Dans cette tempête, du vingt-six juillet, il est tombé tant de neige, avec un air si glacial, que nous ne pouvions pas nous voir les uns les autres, ni ouvrir les yeux pour manipuler nos cordes et nos voiles, la neige étant profonde de plus d'un demi-pied sur les écoutilles de notre navire... chacun se persuadant que l'hiver là-bas devait être extrême, puisqu'ils avaient trouvé un été si inhabituel.

(ibid., 67-8)

Frobisher poursuivit sa route et fit accidentellement la découverte la plus importante de ses trois expéditions lorsque sa flotte fut poussée dans ce que nous appelons aujourd'hui le détroit de l'Hudson le 7 juillet. Frobisher l'appela le "détroit erroné", mais réalisa qu'il s'agissait d'un candidat bien plus probable pour un éventuel passage du Nord-Ouest que le détroit de Frobisher, bien plus petit. L'explorateur remonta le détroit sur 320 kilomètres (200 miles), puis fit demi-tour, conscient que ses bailleurs de fonds avaient insisté sur le fait que le véritable objectif de cette troisième expédition était de trouver du minerai aurifère. Frobisher avait également reçu l'ordre de laisser 100 hommes sur place pour former une colonie provisoire, mais comme il avait perdu avec le Dennys les huttes préfabriquées destinées à les héberger, l'idée fut abandonnée.

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En 1585, Frobisher partit en tant que vice-amiral avec Sir Francis Drake pour une expédition dans les Antilles espagnoles.

À son retour en Angleterre avec une nouvelle cargaison de minerai, on découvrit que toutes les roches que Frobisher avait ramenées en Angleterre ne contenaient aucune valeur, leur teneur en mica jaune ayant été confondue avec de l'or. Les investisseurs de la Compagnie de Cathay perdirent quelque 20 000 livres sterling, et le rêve de Frobisher d'une quatrième expédition semblait impossible. Pourtant, en 1579, Frobisher fut nommé capitaine d'un autre navire à destination du Nord glacial, mais comme l'objectif de l'expédition était exclusivement commercial et non exploratoire, il se retira du projet.

L'exploration de Frobisher n'avait pas donné grand-chose, mais c'était au moins un début. En 1578, Sir Francis Drake (c. 1543-1596) tenta de trouver le passage du Nord-Ouest, mais il n'arriva pas plus loin que l'actuelle ville de Vancouver. John Davis (alias Davys, c. 1550-1605) explora à nouveau la région, effectuant trois visites entre 1585 et 1587, et acquit des connaissances géographiques beaucoup plus concrètes, mais le passage restait insaisissable. De nombreuses autres tentatives furent faites par la suite par différents explorateurs, mais la navigation du passage du Nord-Ouest dut attendre les premières années du XXe siècle et les efforts de l'explorateur norvégien Roald Amundsen (1872-1928).

Fire Ships Attack the Spanish Armada
Cinq navires attaquent l'Invincible Armada
Unknown Artist (Public Domain)

Guerre contre l'Espagne

Frobisher n'en avait pas fini avec la haute mer et, après une période de flibusterie dans les eaux irlandaises, il s'embarqua comme vice-amiral avec Sir Francis Drake en 1585 pour une expédition pour attaquer les Antilles espagnoles. Les Anglais réussirent à perturber les plans de Philippe II d'Espagne (r. de 1556 à 1598), qui tentait de constituer son Armada espagnole pour attaquer l'Angleterre. La destruction des réserves et la capture de nombreux canons portèrent un coup à l'Armada de Philippe; elle demeurait tout de même importante, mais pas autant que ce qu'il avait prévu à l'origine. Frobisher participa aux batailles visant à repousser l'Armada espagnole au cours de l'été 1588, à la tête d'une escadre et du navire Triumph. Après la victoire, il fut anobli par sa reine reconnaissante pour ses efforts. Au début des années 1590, Frobisher participa à d'autres engagements navals et à des opérations de flibusterie aux Açores contre les navires du même ennemi qui transportaient des trésors du Nouveau Monde.

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En août 1594, Frobisher se vit confier le commandement d'une petite flotte comprenant les galions royaux Vanguard et Rainbow, avec l'ordre d'attaquer les positions espagnoles dans le nord de la France, désormais alliée de l'Angleterre. Frobisher attaqua la forteresse espagnole de Crozon, en Bretagne, qu'il assiégea en septembre. La forteresse fut coupée de tout approvisionnement par voie terrestre lorsque Frobisher plaça une force de soldats et de canons sur la péninsule. Au même moment, les navires anglais tirèrent des bordées sur la forteresse depuis la mer. Les murs épais de la forteresse résistèrent aux tirs des canons, et ce n'est que lorsqu'un groupe creusa une mine sous les murs que Frobisher put attaquer directement. C'est au cours de cet assaut que Frobisher fut mortellement blessé le 7 novembre. Touché à la hanche, l'explorateur, marin et corsaire réussit à regagner Plymouth mais, âgé de 59 ans, il mourut de gangrène le 22 novembre 1594. L'historien H. Bicheno résume ainsi la carrière haute en couleur de Frobisher:

Inégalé en tant que chef de combat, il fut tenu à l'écart de la grandeur par son éducation médiocre et un caractère crânement rapace qui le conduisit à tromper la reine - et ses hommes - en matière de redistribution, et à revenir à la flibusterie... Ses dernières années furent marquées par une jalousie dévorante à l'égard de Drake, qui était si abondamment doté du charisme dont Frobisher était tristement dépourvu.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2020, juin 16). Martin Frobisher [Martin Frobisher]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18998/martin-frobisher/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Martin Frobisher." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 16, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-18998/martin-frobisher/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Martin Frobisher." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 juin 2020. Web. 03 mars 2025.

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