Richard Grenville

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 17 juin 2020
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Sir Richard Grenville (by Unknown Artist, Public Domain)
Sir Richard Grenville
Unknown Artist (Public Domain)

Sir Richard Grenville (1542-1591) était un aventurier, un marin et un corsaire élisabéthain dont l'histoire est aussi divertissante que celle de n'importe quel marin fictif. Au début de sa carrière, il devint membre du Parlement, soldat en Hongrie et propriétaire de plantations en Irlande. Grenville emmena les premiers colons anglais en Amérique du Nord en 1585, combattit l'Armada espagnole en 1588 et se battit à nouveau contre les Espagnols en 1591, cette fois à bord de son navire, le Revenge, aux Açores. Le Revenge, qui se battit seul contre une flotte de 56 navires espagnols, coula deux des navires ennemis et en endommagea beaucoup d'autres, mais il finit par céder, et Grenville succomba à ses blessures. Cet épisode est entré dans la légende et a été célébré dans l'art, la littérature et la tradition maritime pendant des siècles.

Jeunesse

Richard Grenville vit le jour à Bideford, dans le Devon, en Angleterre, en 1542. Il était le fils de Roger Grenville, un membre de la noblesse locale. Les liens de Richard avec la mer commencèrent avec la mort de son père, noyé dans le tristement célèbre naufrage du Mary Rose, le navire amiral d'Henri VIII d'Angleterre (r. de 1509 à 1547). Le navire chavira dans le port de Portsmouth en 1545, faisant 500 victimes. Richard passa une partie de sa scolarité aux Inns of Court de Londres, un ensemble d'institutions qui mêlaient une formation juridique à la fonction d'école de fin d'études.

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Entouré de navires ennemis, piégé seul dans un groupe d'îles et confronté à des obstacles insurmontables, le Revenge de Grenville fit bien plus que tenir bon.

Comme beaucoup de célèbres marins de la période élisabéthaine, Grenville navigua souvent en eaux troubles aux yeux de la loi. En 1562, Richard fut gracié après avoir participé à une émeute à Londres et après avoir tué un homme. La respectabilité du jeune homme ne semble pas avoir été ternie puisqu'il assista au Parlement en 1563. Trois ans plus tard, Richard partit pour la Hongrie où il se battit contre les Turcs. Ne tenant pas en place, il partit ensuite dans la région de Munster, en Irlande, en 1568, où il s'installa dans une plantation avec sa famille. Ce projet prit fin avec le début de la rébellion de Fitzmaurice en 1569. Bien que Richard soit resté pour aider à réaffirmer le contrôle anglais dans la province, sa propre plantation fut détruite. En 1571, Richard était de retour en Angleterre et au Parlement, où il représentait les Cornouailles.

En 1574, Richard réunit un consortium d'hommes d'affaires du Devon pour financer une expédition qu'il mènerait à la découverte du légendaire grand continent austral (l'Australie et l'Antarctique étaient alors inconnus des Européens). Cependant, Élisabeth Ire d'Angleterre (r. de 1558 à 1603) craignait d'empiéter sur les revendications territoriales espagnoles en Amérique du Sud et l'homme qui tenait les cordons de la bourse du pays et qui était ministre en chef du gouvernement, William Cecil, Lord Burghley (1520-1598), refusa l'expédition. Burghley était plus intéressé à l'époque par la découverte du passage du Nord-Ouest, qui pourrait permettre une route maritime courte de l'Amérique du Nord à l'Asie, et il finança donc une expédition menée par Martin Frobisher (v. 1535-1594) à cette fin. L'exploration de la zone située au sud de l'équateur serait confiée à Sir Francis Drake (1543-1596) plus tard au cours de la décennie. La première moitié de la vie de Grenville était donc prometteuse et certainement assez excitante, mais elle n'était rien en comparaison des aventures hautes en couleur de la seconde moitié.

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Elizabeth I Armada Portrait
Élisabeth Ire, le portrait de l'Armada
George Gower (Public Domain)

Amérique du Nord: Virginie

En 1585, Grenville commandait la flotte qui partit pour l'Amérique du Nord avec à son bord les premiers colons anglais du Nouveau Monde. L'expédition était dirigée par le cousin de Grenville, Sir Walter Raleigh (1552-1618), qui avait nommé leur destination Virginie en l'honneur de sa reine après le premier débarquement en 1583. La reine Élisabeth fournit à cette nouvelle expédition le Tyger, un navire de 160 tonnes. Grenville quitta Plymouth le 9 avril 1585 avec sa flotte de cinq navires, dont le Tyger, le plus grand d'entre eux. L'équipage comprenait le jeune Thomas Cavendish (1560-1592) qui ferait plus tard le tour du monde en 1586-88. Un autre nom célèbre était celui de John White (1540 - 1593), le célèbre cartographe et artiste qui cartographia et captura les vues de ce coin du Nouveau Monde et qui avait déjà accompagné Martin Frobisher dans sa recherche du passage du Nord-Ouest dans les années 1570.

Grenville, comme la plupart des marins élisabéthains, ne refusait jamais la possibilité de faire un peu de profit si l'occasion s'en présentait.

À la mi-mai, une tempête sépara la flotte et Grenville, à bord du Tyger, fut emporté par le vent et se retrouva à Porto Rico. Quelques petits navires et ports espagnols furent alors pillés dans les Caraïbes - comme cela avait toujours été prévu - afin de payer l'expédition. Après s'être regroupés et réapprovisionnés à Hispaniola, les trois navires se frayèrent un chemin dans les eaux peu profondes et difficiles des Outer Banks. À la mi-juillet, le Tyger s'échoua et l'eau de mer s'infiltra dans les réserves du navire, détruisant une grande partie des vivres destinés aux colons. Le trio de navires fut alors rejoint par les deux autres navires qui s'étaient également perdus dans la tempête.

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Les colons étaient dirigés par Ralph Lane (+ 1603) et, faute de pouvoir atteindre le continent proprement dit, ils furent déposés sur l'île de Wokokan. Lane et Grenville ne réussirent pas à s'entendre et les colons s'installèrent sur l'île voisine de Roanoke (dans l'actuelle Caroline du Nord) alors que Grenville retourna en Angleterre pour aller chercher du ravitaillement. Lane se retrouva avec la plus petite embarcation, la pinasse, qui lui permettrait d'explorer la région. Grenville, quant à lui, comme la plupart des marins élisabéthains, ne refusait jamais la possibilité de faire un peu de profit si l'occasion s'en présentait. Au large des Bermudes, il captura la Santa Maria de San Vicente, un navire de 300 tonnes, sur le chemin du retour. La capture de sucre, d'ivoire et d'épices permettrait d'amortir tous les frais de l'expédition.

Arrival of the Roanoke Island Colonists
Arrivée des colons sur l'île de Roanoke.
John White (Public Domain)

Grenville retourna en Virginie avec de nouvelles provisions pour la colonie en 1586 mais, à l'insu du marin, Lane et ses compagnons étaient déjà repartis pour l'Angleterre avec Sir Francis Drake, fraîchement revenu d'un de ses raids contre les Espagnols dans les Caraïbes. Grenville les rata de quelques semaines seulement. Il laissa 15 hommes et deux ans de provisions pour tenir jusqu'à l'arrivée de nouveaux colons, mais on ne revit jamais ces hommes. C'est un exemple typique de l'optimisme désespéré de l'époque et du fait que les colons et leurs partisans n'avaient qu'une faible idée des défis qu'ils devaient relever en termes d'environnement et de population autochtone. Un autre groupe de colons fonderait la colonie de Roanoke en 1587, mais face à l'hostilité des autochtones, ils disparaîtraient mystérieusement; aucune trace d'eux ne serait retrouvée lorsque l'île serait à nouveau visitée en 1590. Grenville, quant à lui, se rétablit à Terre-Neuve, puis attaqua et dépouilla deux navires espagnols pour financer sa mission de secours.

Expédition des Açores et le Revenge

Au cours de l'été 1588, Grenville participa avec succès aux batailles visant à repousser l'Armada espagnole avec laquelle Philippe II d'Espagne (r. de 1556 à 1598) espérait conquérir l'Angleterre. En 1591, la politique de l'Angleterre à l'égard de l'Espagne consistait à attaquer ses navires chargés d'or et d'argent provenant du Nouveau Monde. De cette manière, Philippe II serait privé des ressources nécessaires à la construction d'une seconde Armada et la couronne anglaise s'enrichirait avec le butin. Le champ d'opération fut choisi comme étant le groupe d'îles des Açores, au milieu de l'Atlantique, et Grenville fut nommé commandant en second d'une expédition dirigée par Lord Thomas Howard. Le navire de Grenville était le Revenge, qui avait fait ses preuves en tant que navire amiral de Drake lors des batailles contre l'Armada espagnole. La flotte anglaise, composée de six navires royaux et d'un certain nombre de navires de guerre et de ravitaillement privés, quitta Plymouth le 5 avril 1591. Au cours des trois mois suivants, plusieurs navires de trésor espagnols furent capturés en chemin. Les Açores semblaient être un terrain de chasse idéal pour les corsaires.

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Les choses prirent un mauvais tournant lorsqu'une grande flotte espagnole de 56 navires, dont 17 galions royaux, commandée par Don Alonso de Bazán, arriva inopinément au mois d'août. Howard attendait une flotte de trésor venant de l'ouest et non cette flotte de navires de guerre venant de l'est; il se retira donc. Grenville fut chargé de former une escorte d'arrière-garde à la flotte anglaise en fuite et se retrouva donc le navire le plus exposé. Grenville fut retardé après avoir récupéré 90 membres de l'équipage du Revenge sur la terre ferme, où ils s'étaient rétablis après une vague de maladie qui avait frappé la flotte anglaise. Il est également possible que Grenville ait délibérément tenté d'engager le combat avec l'ennemi dans ce cocktail typique de bravade et de folie dont les principaux marins d'Élisabeth Ire semblaient ne pouvoir s'abstenir.

The Fight of the Revenge
Combat du Revenge
Charles Dixon (Public Domain)

Entouré de navires ennemis, piégé seul dans le groupe d'îles et confronté à une adversité écrasante, le Revenge de Grenville fit bien plus que tenir bon, du moins pendant une journée. Pendant 15 heures, les 9 et 10 septembre, des canons et des mousquets furent tirés à bout portant tandis que les Espagnols tentaient de s'emparer du navire anglais et de l'aborder. Les bombes incendiaires habituelles ne purent être lancées par l'un ou l'autre camp, car les navires étaient si proches l'un de l'autre que si l'un d'entre eux s'enflammait, les deux prendraient feu. L'encerclement du navire anglais par quatre ou cinq navires espagnols ne fit que prolonger la bataille, car aucun des autres navires espagnols présents ne pouvait y participer de peur de frapper ses camarades.

Dans la confusion, le Revenge réussit à repousser à deux reprises un groupe de marins espagnols qui tentaient de monter à bord, à couler deux navires ennemis et à en endommager 15 autres. Grenville fut cependant gravement blessé par une balle de mousquet et donna l'ordre de saborder le Revenge en faisant exploser la réserve de poudre. L'équipage, dont presque tous les membres étaient blessés, ignora les ordres de son capitaine désormais inconscient et se rendit. Grenville fut fait prisonnier mais mourut de ses blessures quelques jours plus tard. Le Revenge et sept navires de la flotte espagnole finirent par sombrer lors d'un ouragan.

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Le dernier combat héroïque du Revenge a été décrit en détail dans le rapport de Sir Walter Raleigh intitulé Report of the Truth of the Fight about the Isles of Azores et a fait l'objet d'un poème célèbre, The Revenge, d'Alfred, Lord Tennyson (1809-1892). Voici un extrait de ce poème.

Alors la lune s'effondra à l'horizon, et l'astre du jour

S'efflora au-delà des mers d'été;

Et la flotte d'Espagne, avec ses flancs brisés,

Gisait en rang tout autour de nous:

Mais ils n'osaient plus nous affronter, car ils craignaient

Qu'on puisse encore piquer: ainsi donc,

Se contentèrent-ils d'observer et d'attendre la fin.

Mais nous, on ne les avait pas affrontés en vain!

Quoiqu'on fût dans un sale état:

Avec quarante de nos hommes qui avaient passés l'arme à gauche,

Et la moitié des survivants mutilés à vie

Après le choc des canonnades, et après la rixe désespérée;

Et nos moribonds, là en-bas, étaient presque tous mornes et frigorifiés;

Et les piques étaitent toutes brisées, ou ployées; et la poudre

Il n'en restait plus, plus une once...

Quant aux mâts, au gréément, ils gisaient

Ceux-là, sur le côté.

Mais Sir Richard s'écria dans une firté anglaise:

"Ce combat, mes amis, d'une journée et d'une nuit,

Jamais plus n'en verrai-je de pareil en mille vies!

Gloire est à nous, matelots!

Or donc, que nous chaut

Un jour en moins, un jour encore,

Sur terre ou sur mer.

Quoiqu'il advienne, nous sommes morts...

(Poèmes choisis d'Alfred Lord Tennyson, Joachim Zemmour, Le chasseur abstrait, éditeur)

Le dernier combat du Revenge est alors entré dans la légende et est resté dans les mémoires comme l'un des grands épisodes de la Royal Navy, encore toute jeune à l'époque. Pour les Espagnols, la bataille des Açores mit en évidence les avantages d'un convoi militaire pour leurs navires de trésor, stratégie qu'ils utiliseraient désormais avec succès. Quelques grands galions chargés de trésors seraient encore capturés, mais le système des convois permettrait désormais à un flux régulier d'or et d'argent d'atteindre en toute sécurité une Espagne désormais au zénith de sa puissance.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2020, juin 17). Richard Grenville [Richard Grenville]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19000/richard-grenville/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Richard Grenville." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 17, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19000/richard-grenville/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Richard Grenville." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 juin 2020. Web. 21 nov. 2024.

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