Dion Cassius (c. 164 - c. 229/235 de notre ère) était un homme politique et un historien romain. Bien qu'il ait occupé un certain nombre de fonctions politiques avec distinction, il est surtout connu pour son Histoire romaine en 80 volumes. Cette œuvre, écrite en grec attique, nécessita 22 ans de travail et retrace l'histoire romaine depuis la fondation de la ville jusqu'au règne de Sévère Alexandre (r. 222-235). Malheureusement, seul un tiers de l'Histoire romaine de Dion Cassius a survécu, la partie la mieux conservée étant la période 69 av. JC - 46 de notre ère.
Enfance et carrière politique
Né vers 164 de notre ère, Dion Cassius était issu d'une famille éminente de la ville de Nicée en Bithynie, et apprit à parler le grec et le latin. La plupart de ce que l'on sait de ses débuts et de sa carrière provient de ses écrits personnels. Son père, Cassius Apronianus, eut une carrière distinguée, en tant que sénateur, consul et gouverneur de Lydie, de Pamphylie, de Cilicie et de Dalmatie. Après son arrivée à Rome vers 180 de notre ère (la date est contestée), Dion Cassius, comme son père, entra dans le cursus honorum et fit carrière toute sa vie dans le gouvernement romain, accompagnant même son père en Cilicie lorsqu'il était jeune homme. Il fut questeur à l'âge de 25 ans, préteur en 194 de notre ère (nommé par l'empereur romain Septime Sévère, r. 193-211 de notre ère), consul suffect en 204 de notre ère, accompagna l'empereur Caracalla (r. 211-217 de notre ère) dans sa tournée orientale en 214 et 215, et fut nommé curateur de Pergame et Smyrne par l'empereur Macrinus en 218 de notre ère.
Il fut également proconsul d'Afrique, légat de Dalmatie et de Haute-Pannonie, et avant de se retirer dans sa maison de Bithynie, il occupa un second consulat en 229 avec l'empereur Sévère Alexandre. Dans son Histoire romaine, il relata sa carrière de consul et de légat:
Jusqu'à présent, j'ai décrit les événements avec autant d'exactitude que possible dans chaque cas, mais pour les événements ultérieurs, je n'ai pas trouvé possible de donner un compte rendu précis, pour la raison que je n'ai pas passé beaucoup de temps à Rome. En effet, après être passé de l'Asie à la Bithynie, je tombai malade, et de là je me hâtai de rejoindre ma province d'Afrique; puis, de retour en Italie, je fus presque immédiatement envoyé comme gouverneur d'abord en Dalmatie, puis en Haute-Pannonie, et ensuite je revins à Rome et en Campanie. Je pris aussitôt le chemin du retour. (Livre 80, p. 481)
Histoire romaine
Malgré son illustre carrière politique, Dion Cassius est surtout connu pour son Histoire romaine en 80 volumes. Rédigée de manière chronologique, cette histoire suit Rome depuis sa fondation jusqu'au règne de Sévère Alexandre. Toutefois, avant de commencer son Histoire romaine vers 202 de notre ère, il écrivit d'abord deux courts textes: l'un sur l'ascension de son ami intime, l'empereur Septime Sévère, et le second sur les guerres qui suivirent la mort de l'empereur Commode, très méprisé. Rédigée en grec attique, son histoire lui demandera dix ans de recherches, puis douze années supplémentaires de rédaction. Malheureusement, une grande partie de son œuvre volumineuse fut perdue, et il n'en existe qu'un tiers environ aujourd'hui. Heureusement, la période 69 av. JC - 46 après JC fut préservée grâce aux écrits d'historiens ultérieurs tels que les auteurs byzantins Zonaras et Xiphilin.
Bien qu'il cite rarement ses sources, il est tout à fait évident qu'il emprunta aux travaux de l'historien grec Thucydide et d'autres. Il copia même la perspective historique de Thucydide. Pour les premières années de Rome, il s'appuya à la fois sur des sources littéraires et des documents publics. Cependant, il s'inspira de ses expériences personnelles dans l'arène politique pour écrire sur sa propre période. Ces temps turbulents - une époque où les empereurs étaient à la fois louables et tyranniques - comprenaient les règnes de Commode, Pertinax, Didius Julianus, Septime Sévère, Caracalla, Geta, Héliogabale et Sévère Alexandre. Afin d'expliquer le but de son histoire, Dion Cassius s'adresse au lecteur dans les premières pages du premier volume. Selon un extrait de l'Histoire romaine trouvé dans les travaux de Zonaras, Cassius écrit:
Je m'applique à écrire toutes les actions mémorables des Romains, en temps de paix et en temps de guerre, de manière qu'eux-mêmes et les autres peuples, n'aient à regretter l'absence d'aucun fait important. (Livre 1, p. 3)
Bien qu'il soit critiqué par certains pour ses erreurs, ses déformations et ses omissions, Dion Cassius écrivit plus tard pour expliquer à la fois ses sources et la fiabilité de son œuvre :
J'ai lu à peu près tout ce que divers historiens ont écrit sur les Romains, mais je n'ai pas tout inséré dans mon ouvrage: j'ai dû choisir et me borner. Si j’ai fait usage des ornements du style, autant que mon sujet le comportait, ce n’est pas une raison pour révoquer en doute ma véracité. (Livre 1, p. 3).
Il choisit de commencer son "récit à l’époque où la lumière brille dans les traditions qui nous sont parvenues sur la terre que nous habitons." (Livre 1, p. 3)
Contenu
Contrairement à ses contemporains, Dion Cassius data le début de la période impériale de 31 av. JC et l'accession au trône d'Auguste (Octave) alors que d'autres, comme Suétone dans ses Douze Césars, choisirent de commencer avec la dictature de Jules César (l. 100-44 av. JC). Dans son histoire, Dion Cassius évoqua la montée en puissance de l'Empire romain:
Ce fut ainsi que la puissance du peuple et du sénat passa tout entière à Auguste, et qu'à partir de cette époque fut établie une monarchie pure. Car on peut avec vérité appeler cela une monarchie, bien que le pouvoir ait été quelquefois exercé par deux ou par trois chefs à la fois. Les Romains avaient pour ce mot de monarchie une haine telle qu'ils ne donnèrent à leurs empereurs ni le nom de dictateurs, ni celui de rois, ni aucun autre de ce genre; néanmoins, le gouvernement de l'État étant dans les mains de l'empereur, il est impossible que les Romains ne soient pas soumis à une autorité royale. (Livre 53, p. 237)
Il ajouta que les empereurs assumaient les titres et les fonctions du rôle de l'ancienne République romaine. Le passage de la république à l'empire domina ses écrits. La monarchie offrait à Rome un gouvernement stable. Des années plus tard, pendant la "période tyrannique", les gens se souvenaient du règne d'Auguste comme d'une liberté modérée, sans conflit civil.
Dion Cassius écrivit même sur la façon dont on pouvait être un bon empereur: un bon empereur ne doit pas agir avec excès ou dégrader autrui. Il doit s'adresser aux autres comme à ses égaux. Il doit être perçu comme vertueux et pacifique, tout en étant doué pour la guerre. De cette façon, il sera perçu à la fois comme un sauveur et un père. Bien entendu, il admire Auguste (r. 27 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.), estimant que sa femme Livie est très influente:
Auguste remplit avec zèle les fonctions de souverain, d'autant plus qu'elles semblaient lui être données volontairement par tous, et, en outre, il porta un grand nombre de lois. Je n'ai nul besoin d'entrer dans un détail scrupuleux pour chacune d'elles, excepté quand elles intéressent mon récit ... Néanmoins Auguste, pour ses lois, ne se contentait pas de son propre sentiment; il y en avait qu'il soumettait à la délibération du peuple, afin que, dans le cas où quelques dispositions n'auraient pas plu, il pût, en étant instruit à l'avance, les corriger ; car il encourageait tout le monde à lui communiquer ce qu'il avait trouvé de mieux et il accordait une grande liberté de langage. (Livre 53, p. 249)
Il admirait l'empereur Claude (r. 41-54 CE) pour son intelligence vive et son amour de l'histoire et des langues. Il fit l'éloge d'empereurs tels que Pertinax (r. 193 de notre ère) qui vit son trône usurpé par Didius Julianus (r. 193 de notre ère). Dans l'Histoire romaine, Pertinax est décrit comme étant redoutable à la guerre et rusé à la paix. C'est Pertinax qui nomma Dion Cassius préteur. Le stoïcien Marc-Aurèle (r. 161-180 de notre ère) est applaudi pour son sens du devoir, travaillant jusqu'à la nuit pour achever le travail de la journée. Cependant, il critiqua le comportement excentrique d'Héliogabale (r. 218-222 de notre ère) et les excès de Commode (r. 180-192 de notre ère). Tout au long de ses écrits, son traitement des empereurs individuels reflète ses valeurs et ses intérêts personnels. Et, comme d'autres auteurs et historiens romains, il est évident qu'il croyait en la prééminence de la direction divine.
Il garda ses critiques pour l'empereur Néron (r. 54-68 de notre ère), qu'il accusa d'avoir déclenché le grand incendie, et pour Commode. À propos de la mort d'Agrippine, la mère de Néron, Dion Cassius écrit:
C'est ainsi qu'Agrippine, fille de Germanicus, petite-fille d' Agrippa et arrière-petite-fille d'Auguste, fut, par ordre de ce même fils à qui elle avait donné l'empire et pour qui elle avait, entre autres personnages, fait périr son oncle, misérablement égorgée. Quand Néron apprit sa mort, il n'y crut pas : la grandeur du forfait qu'il avait osé lui inspira des doutes; aussi voulut-il voir de ses propres yeux. Il la fit mettre entièrement nue pour la contempler, examina ses blessures, et enfin prononçant une parole bien plus abominable encore que le meurtre lui-même : « Je ne savais pas, dit-il, que j'avais une mère si belle.» (Livre 61, p. 67-68)
Dio ajouta que l'empereur éploré donna de l'argent à la garde prétorienne, l'incitant à commettre d'autres crimes de ce genre. Il écrivit également écrit une lettre au Sénat romain, bien qu'elle ait été rédigée par son tuteur Sénèque, dans laquelle il énumèrait un certain nombre de crimes commis par sa mère, dont un complot contre lui. La vision obsédante de sa mère morte causa plusieurs nuits agitées au jeune empereur.
Dion Cassius accusa également Néron d'avoir allumé l'incendie qui détruisit une grande partie de la ville. Selon lui, l'empereur envoya secrètement des hommes qui prétendaient être ivres et leur demanda de mettre le feu à plusieurs bâtiments dans différentes parties de la ville.
L'historien réserva une grande partie de ses critiques à l'empereur Commode (r. 180-192 de notre ère), qu'il accusa d'actes inconvenants. Cassius était d'accord avec d'autres pour dire que Commode était à la fois immoral et impitoyable. Cependant, il écrit:
Commode, de sa nature, était sans méchanceté, sans malice, autant qu'homme du monde ; mai sa grande simplicité et [aussi] sa timidité le rendirent l'esclave de ceux qui l'approchaient ; et l'erreur où ils le tinrent, en lui laissant tout d'abord ignorer le bien, l'entraîna à devenir débauché et cruel par habitude, puis par caractère. (Livre 72, p. 73)
Dion cassius raconta l'obsession de l'empereur pour son habileté dans l'arène et le plaisir qu'il prenait à tuer des animaux. Il relata un cas dont il fut personnellement témoin. Commode, qui se considérait comme un autre Hercule, avait tué une autruche lors d'une chasse et avait ensuite imité la pose victorieuse d'un gladiateur. Dion Cassius eut du mal à se retenir de rire. La mort de l'empereur fut considérée comme un soulagement.
Bien qu'il ait été très proche de Septime Sévère (r. 193-211), il n'en resta pas moins critique. Il admirait l'intelligence, l'industrie et l'économie de l'empereur. Cependant, il critiquait la façon dont Septime Sévère traitait le Sénat et, comme d'autres historiens, Dion Cassius pensait que nombre des désastres qui avaient suivi étaient dus à la politique de l'empereur. Il loua la bonté de l'empereur pour son traitement du déchu Pertinax. Sévère ordonna la construction d'un sanctuaire en l'honneur de l'empereur usurpé et ordonna que son nom fût mentionné à la fin de toutes les prières. Sur son lit de mort, on dit que Sévère conseilla à ses fils, Caracalla et Geta, d'être "unis l'un à l'autre", d'être généreux avec les troupes et de ne se soucier de personne d'autre.
L'Histoire romaine ne couvre que superficiellement le règne de Sévère Alexandre, car Dion Cassius n'était pas à Rome pendant la majeure partie de ce règne. Il n'en fut pas moins témoin de l'hostilité dirigée contre le jeune empereur. L'une de ses dernières notes parle de sa visite à l'empereur. Il écrit:
[Le jeune Alexandre] ... m'honora de diverses manières, notamment en me nommant consul pour la deuxième fois, en tant que son collègue... Il me demanda de passer la période de mon consulat en Italie, quelque part en dehors de Rome. C'est ainsi que, plus tard, je vins à Rome et en Campanie pour lui rendre visite, et je passai quelques jours en sa compagnie... puis, après avoir demandé à être excusé à cause de l'affection de mes pieds, je pris le chemin du retour, avec l'intention de passer tout le reste de ma vie dans mon pays natal, comme, en effet, la Puissance céleste me le révéla très clairement alors que j'étais déjà en Bithynie. (Livre 80, p. 485)
La date exacte de sa mort est inconnue. Certains la situent en 235 de notre ère, tandis que d'autres se contentent de spéculer qu'elle doit être postérieure à 229 de notre ère, date de son dernier consulat.