Raphaël (1483-1520) était un peintre et un architecte italien réputé l'un des plus grands artistes de la Renaissance, aux côtés de Michel-Ange (1475-1564) et de Léonard de Vinci (1452-1519). Les œuvres de Raphaël sont célèbres pour leur composition harmonieuse et leurs couleurs vives. Le tableau du Mariage de la Vierge et la fresque de l'École d'Athènes sont considérés ses plus grandes réussites.
Au cours de sa courte vie, Raphaël créa un immense catalogue de chefs-d'œuvre dans les domaines de la peinture à l'huile, de la fresque et de l'architecture, tandis qu'un certain nombre de ses créations ont également été transformées en tapisseries. Dans ses dernières œuvres, Raphaël fut l'un des pionniers du nouveau style artistique appelé maniérisme, où l'élégance artificielle remplace la grandeur ordonnée d'inspiration classique de la Haute Renaissance.
Débuts
Comme on connaît très peu de détails sur la vie de l'artiste et qu'aucun portrait formel n'a été conservé, les générations suivantes ont été obligées de découvrir Raphaël par ses seules œuvres. Heureusement, c'est par le biais de ces œuvres et des documents relatifs aux commandes et aux lettres que nous pouvons suivre sa carrière fulgurante d'une ville à l'autre, alors qu'il s'imposait comme l'un des artistes les plus aimés et les plus influents de la Renaissance.
Raphaël, de son nom complet Raffaello Sanzio da Urbino, vit le jour à Urbino (alias Urbin), en 1483, dans la région des Marches, en Italie. Son père était Giovanni Santi (mort en 1494), un peintre sans grand renom à la cour d'Urbino. Il est probable que le jeune homme ait appris de son père, puis de l'artiste d'Urbino Timoteo Viti. Raphaël travailla ensuite à Pérouse à partir de 1499 sous la tutelle du célèbre artiste Pietro Perugino (alias le Pérugin, c. 1450-1523) dont l'œuvre comprend des fresques dans la chapelle Sixtine à Rome. Le Pérugin s'intéressait souvent à la création d'une sensation d'espace dans ses œuvres et cette approche serait adoptée par son élève, comme en témoigne son tableau Le Mariage de la Vierge (voir ci-dessous), achevé vers 1504.
Installation à Florence
Raphaël s'installa à Florence en 1504 et, au cours des quatre années suivantes, il se familiarisa avec les œuvres des grands artistes de l'époque, tels que Michel-Ange et Léonard de Vinci. Pour illustrer les relations parfois tendues entre les artistes de la Renaissance, Michel-Ange n'appréciait guère Raphaël et l'accusa d'avoir volé ses idées sur le plafond de la chapelle Sixtine. Il est peut-être vrai que Raphaël commença à incorporer une certaine monumentalité classique dans son travail et à tenter des figures aux poses plus dramatiques et complexes, autant de caractéristiques de l'œuvre de Michel-Ange. Le peintre Fra Bartolommeo (c. 1472-1517), qui était également un moine dominicain et croyait en l'importance de l'art religieux, l'influença aussi fortement. C'est à cette époque que Raphaël réalisa des œuvres telles que le retable Ansidei, la Madone du Grand-Duc, la Madone du Belvedère, Sainte Catherine d'Alexandrie et La mise au tombeau du Christ (voir ci-dessous).
Rome : Le grand fresquiste
L'artiste finit par s'installer à Rome à partir de 1508, et c'est là qu'il commença l'une de ses œuvres les plus célèbres, les Quatre chambres (appartements papaux) du palais du Vatican. Commandées par le pape Jules II (r. de 1503 à 1513) et achevées en 1511, la section la plus célèbre aujourd'hui est l'École d'Athènes (voir ci-dessous) qui montre tous les principaux philosophes, astronomes et mathématiciens du monde antique. Jules dut être satisfait du résultat puisqu'il demanda à Raphaël de peindre d'autres fresques dans le palais entre 1511 et 1514.. L'une des sections les plus admirées de ces fresques est la Messe de Bolsena, aux couleurs très vives. Désormais bien établi comme l'un des principaux artistes de la Renaissance, Raphaël était très demandé. Il dessina des esquisses pour les tapisseries de la chapelle Sixtine et, de 1511 à 1513, il peignit une série de fresques sur le thème de la mythologie à la Villa Farnesina (ex-Villa Chigi) de Rome. L'une de ces fresques, le Triomphe de Galatée, a pour sujet la nymphe du même nom et illustre parfaitement la préoccupation de Raphaël de montrer une nature ordonnée et géométriquement harmonieuse, comme le résume ici l'historien E. F. Price :
La tête de Galatée se trouve au sommet d'un triangle. L'horizon divise l'espace pictural en deux parties égales, enfermées dans une harmonie musicale par des cercles qui se croisent ; les trois amours volants délimitent la circonférence du cercle supérieur ; les figures autour de Galatée délimitent la circonférence inférieure. Au centre de la nature rationnelle se trouve un bel être humain. (104)
Portraits et projets architecturaux
Cependant, Raphaël ne se limita pas aux espaces muraux, et ses tableaux de cette période comprennent aussi la Madone Sixtine (c. 1512). L'artiste continua à recevoir des commandes, en particulier pour des portraits, dont celui du pape Jules II, vers 1512 (aujourd'hui à la National Gallery de Londres), influent et intime, et celui du courtisan Baldassare Castiglione (vers 1514), aujourd'hui au Louvre, à Paris (voir ci-dessous). Raphaël combina même deux portraits en un seul avec son Beazzano et Navagero, aujourd'hui à la galerie Doria à Rome. La Fornarina (La femme boulangère), peinte vers 1518, est considérée par certains historiens comme représentant la femme avec qui Raphaël avait une relation amoureuse, une idée suggérée par la signature de l'artiste sur le bracelet de bras qu'elle porte. Le tableau se trouve aujourd'hui à la Galerie nationale de Rome.
Comme beaucoup d'autres grands hommes de la Renaissance, Raphaël se tourna souvent vers l'architecture. En 1514, l'artiste fut même appelé à dessiner de nouveaux plans pour la basilique Saint-Pierre de Rome, un projet qui finit par attirer un grand nombre d'artistes renommés de la Renaissance. Ce fut le début d'une relation bénéfique avec le pape Léon X (r. de 1513 à 1521), qui considérait Raphaël comme le plus grand artiste de son époque. Les bonnes relations entre les deux hommes expliquent peut-être l'idée courante mais erronée selon laquelle Raphaël aurait été nommé au poste prestigieux de surintendant des antiquités de la Cité du Vatican. Parmi les autres bâtiments qui retinrent son attention figurent la Villa Madama (jamais achevée), la chapelle Chigi et l'église Saint Eligio degli Orefici, toutes situées à Rome. À partir de 1517, Raphaël vécut dans un bâtiment classique de la Renaissance, le Palazzo Caprini de Rome, connu sous le nom de "Maison de Raphaël" et conçu par Donato Bramante (c. 1444-1514). Le dernier projet architectural de Raphaël fut le Palazzo Bronconio dell'Aquila (aujourd'hui détruit), dont la riche décoration extérieure et le mélange délibéré des dispositions conventionnelles et fonctionnelles des colonnes, niches et frontons seraient l'un des premiers indicateurs du nouveau style appelé maniérisme.
La demande pour les œuvres de Raphaël était si forte qu'il créa un grand atelier où les travaux en cours étaient supervisés et parfois même terminés par des assistants comme l'un de ses anciens élèves, Giulio Romano (c. 1499-1546), lui-même peintre et architecte de renom. Cette politique de l'artiste génial mais surmené a certainement occupé les historiens de l'art depuis lors. Raphaël s'intéressa également de près à la préservation de l'art et plaida auprès des papes pour qu'ils fassent davantage pour protéger le riche héritage de l'Antiquité à Rome. Raphaël avait également prévu de créer une carte détaillée de tous les sites antiques de Rome, mais ce projet n'aboutit jamais.
Les dernières années de Raphaël à Rome furent marquées par la réalisation de chefs-d'œuvre tels que la Sainte Cécile et la célébration de l'amour maternel qu'est la Vierge à la chaise, créée vers 1514 et qui se trouve aujourd'hui à la Galerie des Offices à Florence. Lorsqu'il mourut après une courte maladie le Vendredi saint 1520, l'artiste travaillait encore, outre plusieurs autres projets inachevés, à la Transfiguration, commandée par le cardinal Giulio de Médicis (futur pape Clément VII, r. de 1523 à 1534) pour la cathédrale de Narbonne en France. Comme de nombreuses œuvres ultérieures de Raphaël, la Transfiguration fut achevée par un assistant dans son atelier, très probablement par Giulio Romano. Une fois achevée, la Transfiguration fut placée au-dessus de la tombe de l'artiste au Panthéon de Rome.
Héritage
L'œuvre de Raphaël fut très appréciée de son vivant, et très vite des pièces se retrouvèrent dans des collections privées, notamment en France. La renommée de l'artiste s'étendit grâce aux gravures de ses chefs-d'œuvre, notamment celles de Marcantonio Raimondi (mort vers 1534), que les artistes d'ailleurs, notamment des Pays-Bas, purent étudier. L'importance de l'œuvre du maître dans le développement de l'art occidental était déjà reconnue par des personnalités telles qu'Albrecht Dürer (1471-1528), entre autres, qui proposa d'échanger un portefeuille de ses propres croquis contre des représentations de Raphaël. En particulier, des dessins détaillés des fresques de Raphaël au Vatican furent réalisés et distribués à ceux qui ne pouvaient pas les admirer en personne, tandis que ses Actes des Apôtres furent copiés afin que l'imagerie puisse être reproduite dans des tapisseries belges.
La monumentalité, les mouvements audacieux des personnages, l'illusion d'espace soigneusement créée et l'harmonie de la composition de l'œuvre de Raphaël furent tous étudiés et copiés, influençant grandement les peintres, notamment les maîtres flamands, par la suite. Certains critiques d'art modernes ont trouvé son œuvre trop sentimentale à leur goût, mais la contribution de Raphaël à l'art occidental fut telle que, pour de nombreux historiens, sa mort a longtemps été l'un des marqueurs de la fin de la Haute Renaissance.
Chefs-d'œuvre
Le mariage de la Vierge
Achevé vers 1504, le Mariage de la Vierge est une peinture à l'huile sur un panneau de bois mesurant 117 x 118 centimètres (46 x 46,5 pouces). Montrant le moment de l'échange des alliances lors du mariage de Marie et de Joseph, elle illustre parfaitement l'intérêt marqué de Raphaël pour le placement harmonieux des figures dans une perspective définie. L'œil du spectateur est irrésistiblement attiré vers la porte centrale et ouverte de l'église à l'arrière-plan par les lignes convergentes du dallage et des marches au milieu du tableau. L'église est dessinée avec autant de précision que dans un plan d'architecture et sa coupole s'oppose symétriquement à la disposition suggestive en demi-cercle des personnages du premier plan. Satisfait de son œuvre, l'artiste inscrivit son nom et l'année au-dessus de l'arc central de l'église. Le tableau se trouve maintenant à la Pinacothèque de Brera à Milan.
La mise au tombeau du Christ
La Mise au tombeau du Christ (alias La Déposition ou simplement La Mise au tombeau) fut commandée par Atalanta Baglione de Pérouse afin de commémorer la mort de son fils Grifonetto. La scène représentée présente un groupe de personnages autour du cadavre central de Jésus-Christ, juste après avoir été descendu de la croix. Marie-Madeleine se penche sur Jésus tandis que les autres personnages sont disposés de manière à créer un mouvement d'éloignement des figures centrales. La torsion du corps de Jésus et les muscles tangiblement tendus des deux hommes qui le tiennent donnent le sentiment de participer à une scène en cours. L'ensemble de la scène est un clin d'œil à un relief de sarcophage romain représentant la mort de Méléagre, dont la mère s'appelait Atalante. Un autre lien entre les deux histoires est que Méléagre et Grifonetto furent tous deux tués dans un acte de vengeance par un de leurs proches. L'œuvre est peinte sur un panneau de bois et fut achevée en 1507 ; elle se trouve actuellement à la Galleria Borghese de Rome.
Baldassare Castiglione
Le célèbre courtisan, diplomate et auteur Baldassare Castiglione demanda à Raphaël de peindre son portrait vers 1514. Le résultat est l'une des œuvres de ce genre les plus célèbres de l'artiste. L'huile sur la toile capture à la perfection le caractère de Baldassare, tel que décrit ici par l'historien de l'art J. T. Paoletti :
Castiglione regarde tranquillement mais intensément le spectateur à travers des yeux bleus argentés, son calme absolu et sa confiance en soi se manifestent dans ses mains fermement jointes alors qu'il tourne doucement sur son axe pour répondre à la présence du spectateur. Suivant la mode de la cour au XVIe siècle, il porte des vêtements discrets mais luxueux en velours noir, en fourrure argentée et en soie blanche. Rien - ni chaise, ni fenêtre, ni inscription - ne vient détourner l'attention de son visage mis en lumière, un idéal discret, sophistiqué et intelligent. (414-5)
L'École d'Athènes
La fresque de l'École d'Athènes, datant de 1511, se trouve dans les Stanze della Segnatura du palais du Vatican à Rome (qui servait de bibliothèque à l'époque) et mesure 5,79 mètres de haut. Raphaël peignit toute la pièce de manière à donner l'illusion de distance, mais les murs sont en réalité tous plats. La fresque de l'école est dominée par les figures centrales de Platon et d'Aristote, le premier tenant un exemplaire de son Timée et pointant vers le ciel tandis que le second tient son Éthique et pointe vers le bas, chaque geste indiquant le centre d'intérêt de la recherche philosophique du penseur. La scène entière contient à peu près tous les penseurs importants de l'Antiquité, apparemment impliqués dans un débat sur la nature de l'univers du point de vue de l'homme, bien que certains personnages, comme Pythagore et Archimède, griffonnent des notes avec fénésie. Raphaël lui-même est présent, le jeune homme regardant directement le spectateur à côté de la figure de Ptolémée qui tient un globe.
Il est significatif que le mur opposé de la pièce abrite la Controverse de la Sainte-cène de Raphaël, un autre panneau de fresque plus grand, mais représentant cette fois la figure centrale de Dieu, assisté d'anges et flanqué de saints, qui planent tous au-dessus d'un groupe d'éminents théologiens impliqués dans une scène de débat similaire à celle des philosophes. Les deux fresques illustrent l'une des énigmes de la Renaissance : comment concilier les connaissances scientifiques de l'homme, souvent acquises grâce aux travaux de penseurs païens, avec la foi chrétienne.