Figurines Piliers de Juda

Définition

April Lynn Downey
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 01 octobre 2020
Disponible dans d'autres langues: Anglais
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Pillar Figurine (by The Trustees of the British Museum, Copyright)
Figurine de pilier
The Trustees of the British Museum (Copyright)

Les figurines piliers de Juda sont une forme intéressante et spécifique de représentation féminine du royaume de Juda à l'âge du fer. Elles appartiennent à la catégorie plus large des figurines pilier, dont la partie inférieure du corps ressemble à un poteau, et qui ont été trouvées dans tout le Proche-Orient et la Méditerranée depuis le deuxième millénaire avant notre ère jusqu'à l'époque classique. Des centaines de petites figurines piliers de Juda (FPJ) ont été retrouvées, certaines entières, mais la majorité en fragments, et il est souvent postulé qu'il s'agit d'objets de culte, bien que leur but ne soit pas définitivement connu.

Matériau et forme

Les figurines piliers de l'âge du fer de Juda étaient faites d'argile avec des bases cylindriques, plus larges à la base, et étaient fabriquées à la main ou à la roue. Leurs têtes étaient soit moulées, soit pincées sur le dessus. Les têtes étaient parfois peintes et montraient souvent les cheveux en boucles, et parfois, elles avaient un bonnet ou un voile. Les parties supérieures des bases présentent des poitrines prononcées et les bras sont souvent courbés de façon à ce que les mains soutiennent les seins. Semblables aux figures féminines de style phénicien, les FPJ ont été trouvées dans toute la Judée, avec des dates allant principalement de la fin du 8e au début du 6e siècle avant notre ère. Dans le Royaume d'Israël du Nord, les gens fabriquaient des figurines du corps féminin complet, tandis qu'en Judée, les figurines féminines consistaient uniquement en une tête féminine sur le corps de type pilier décrit ci-dessus. Aucun des deux types de figurines n'était particulièrement artistique, mais les figurines du sud présentent davantage de caractéristiques individuelles, comme les coiffures et ce qui semble être des bijoux peints.

Objectif

Ces figurines semblent avoir une variété d'utilisations possibles, comme des OFFRANDES votives, des images cultuelles et des objets de dévotion.

La majorité des FPJ trouvées étaient cassées, mais des FPJ entières ont été trouvées dans des citernes, des fosses, des pièces domestiques, une salle de casemate, un entrepôt. Bien que certaines aient également été trouvées dans des tombes, il n'y en a pas assez dans ce contexte pour les associer aux cultes de la mort et de l'inhumation. Dans les foyers, elles apparaissent en conjonction avec des assemblages cultuels. À Tell en-Nasbeth et dans d'autres lieux, ces figurines semblent avoir une variété d'utilisations possibles telles que des offrandes votives, des images cultuelles et des objets de dévotion. Ces figurines sont si fréquentes qu'un érudit, Milton C. Moreland, dans son livre Between Text and Artifact : Integrating Archaeology in Biblical Studies Teaching, déclare : "En fait, on peut calculer qu'il y avait une ou plusieurs figurines pilier par foyer" (46). Moreland suggère également qu'elles auraient pu être utilisées dans des rituels domestiques car elles ont été trouvées dans des assemblages composés d'objets tels que des images de Bès, des amulettes, des perles, des lampes et des pendentifs. Cela va dans le sens de la théorie selon laquelle elles étaient utilisées dans des activités cultuelles privées plutôt que dans le cadre d'un culte communautaire plus large.

L'apparition de ces figurines piliers à l'âge du fer au royaume de Juda s'accompagne d'autres changements dans les figurines d'argile. Bien que les figurines masculines aient continué à être créées, elles étaient loin d'être aussi prédominantes que les figurines féminines, et leur popularité commença à décliner. Bien que les figures féminines aient des seins bien visibles (souvent considérés comme liés à la fertilité), les figures masculines, comme celles trouvées à Tell en-Nasbeht, ne mettent pas l'accent sur le phallus comme on pourrait s'y attendre si les petites figurines étaient associées à la fertilité. Autre changement dans les figurines judéennes, les plaques avec des figures féminines - tenant souvent des symboles divins, peut-être liés à Astarté, Koudchou ou Anat - ont également diminué dans le sud.

Après le retour des Judéens de l'Exil babylonien, ces figurines piliers disparaissent des sites juifs dans les archives archéologiques. Cependant, les figurines piliera ont continué à être utilisées dans les régions occupées par les Iduméens et les Phéniciens pendant cette période.

Judean Pillar Figurine Found in Lachish
Figurine-Pilier Judéenne trouvée à Lakish
The Metropolitan Museum of Art (Copyright)

Il existe de nombreuses théories sur l'utilisation de ces figurines, notamment qu'elles représentaient une déesse (peut-être Ashera ou Astarté) ou qu'elles étaient utilisées par les femmes dans des rituels de magie pour favoriser la fertilité. Certains chercheurs ont également élaboré d'autres théories sur les FPJ, comme celle selon laquelle il s'agissait de jouets ou de figurines d'êtres humains mortels ; toutefois, aucune de ces théories n'est très populaire. Dans le Proche-Orient ancien, les figurines étaient parfois utilisées comme amulettes pour contrer l'impuissance sexuelle et les FPJ étaient peut-être utilisés de la même manière. Une autre suggestion est qu'elles étaient peut-être de nature érotique et utilisées comme une sorte d'aphrodisiaque pour le lieu de résidence. Il se peut aussi qu'ils aient été utilisés comme offrandes aux divinités.

Association avec Ashera

L'une des théories les plus populaires est que les figurines de piliers de Judée sont liées à la déesse Ashera. Depuis les premières études, certains chercheurs, comme Kelso et Thorley, ont vu un lien entre les corps à piliers des FPJ et la symbolique de l'arbre ou du poteau utilisée en association avec Ashera. Il convient toutefois de noter que cette base à pilier était un moyen pragmatique pour les figurines de se tenir debout et qu'elle était courante dans les figurines du Proche-Orient ancien. Par exemple, des figurines de chevaux et de cavaliers ont été trouvées avec des bases à pilier, mais elles ne peuvent pas logiquement être liées à un arbre comme les ashères le seraient.

Mis à part les deux types de têtes (pincées et moulées), les figurines ne présentent pas de distinctions suffisamment communes pour les identifier en tant que déesses distinctes.

Il semblerait également que pour de nombreux spécialistes, la poitrine prononcée des figurines les associe à la fertilité, un attribut d'Astarté (qui à son tour est souvent liée à Ashera). La déesse Ashera, en tant que mère des dieux dans la mythologie cananéenne, pourrait également être liée à la fertilité. Comme le souligne Raz Kletter dans son livre The Judean Pillar-Figurines and the Archaeology of Asherah, la nudité et les attributs des représentations de fertilité sont assez génériques et pourraient être liés à un certain nombre de déesses différentes. Hormis les deux types de têtes (pincées et moulées), les FPJ ne présentent pas de distinctions assez communes pour les identifier en tant que déesses (ou des personnes d'ailleurs) distinctes.

Au début du XXe siècle, on croyait souvent que les FPJ étaient la déesse Astarté plutôt qu'Ashera. Bien que, comme décrit précédemment, Astarté et Ashera puissent être apparentées. D. Makenzie, qui a effectué des fouilles à Beth Shemesh au début des années 1900, était l'un des spécialistes qui défendait ce point de vue. Il pensait qu'il s'agissait d'objets cultuels protecteurs. Bien qu'à l'origine les FPJ de Beth Shemesh aient été datés du 10e siècle avant notre ère ou plus tard, W. F. Albright, un important archéologue biblique, les a datés du 7e au 6e siècle avant notre ère. Albright les voyait comme des déesses nourricières et pensait également que certaines de leurs têtes avaient été fabriquées à Chypre tandis que leurs corps étaient fabriqués localement.

En 1924, E. Pilz produisit une première étude complète de ces figurines. Pilz considérait également les FPJ comme des déesses nourricières et peut-être des figures d'Astarté chypriotes ou phéniciennes. Certains chercheurs, comme K. M. Kenyon, ont hésité à attribuer un nom particulier à ces figurines, mais ont tout de même cru qu'il s'agissait d'objets de culte de la fertilité. J. B. Pritchard, qui a trouvé de nombreuses FPJ dans des résidences privées à Tell Beit Mirsim, a émis l'hypothèse que les figurines sur pilier avaient évolué à partir des premières représentations féminines sur plaque et étaient destinées à un usage domestique, au culte de la fertilité. R. Hestin a également adhéré à la théorie selon laquelle les FPJ étaient des objets de fertilité. Certains chercheurs pensent qu'elles étaient utilisées dans le cadre de la magie et qu'elles représentaient le désir d'être une mère nourricière.

Gold Plaque From Tell el-Ajjul
Plaque en or de Tell el-Ajjul
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

William Dever a poussé le lien avec les déesses un peu plus loin et a théorisé qu'Ashera était une seule et même déesse que Anat, Astarté, Allāt et Koudshou. Un des points de son raisonnement est la similitude entre les coiffures de la représentation d'Ashera trouvée à Kuntillet Ajrud et les figures syro-palestiniennes d'Astarté des 9e-8e siècles avant notre ère. Pour lui, les inscriptions de Kuntillet Ajrud et de Khirbet el-Qom étaient la preuve irréfutable de l'existence d'un culte d'Ashera en Juda et que les FPJ étaient des vestiges physiques de ce culte et utilisées comme talismans de fertilité. D'autre part, il faut mentionner que bien que les inscriptions de Kuntillet Ajrud et de Khirbet el-Qom associent Yahvé à Ashera, aucune FPJ n'a été trouvée en association avec l'important temple yahviste découvert à Arad.

R. A. S. Macalister, qui a effectué des fouilles à Gezer, pensait que les FPJ étaient des représentations d'une déesse ou peut-être des théraphims (dieux domestiques) dont il est question dans la Bible. Les théraphims de l'histoire de Jacob et Rachel dans la Genèse 30, écrite à l'âge du fer II, sont décrits comme étant assez petits pour être cachés dans les coins d'une tente. Les fouilleurs de Gezer et de Tell en-Nasbeth pensaient que les figurines étaient délibérément brisées, peut-être lors de rituels magiques. Z. Zevit pense que les découvertes faites à Tell en-Nasbeht impliquent un bris rituel puisque toutes les 120 FPJ trouvées à cet endroit, sauf une, étaient brisées, la plupart au niveau du cou. Comme beaucoup d'entre elles étaient fabriquées en une seule pièce et ne présentaient donc pas de point faible au niveau du cou, ce point de rupture peut être significatif. En 1985, G. Barkay a émis l'hypothèse que les FPJ étaient brisés pendant les réformes religieuses monothéistes du roi Josias décrites dans l'histoire du Deutéronome de la Bible.

Conclusion

Bien que l'on pense souvent que les FPJ sont associées à la fertilité, leur grand nombre et leur utilisation généralisée semblent disproportionnés par rapport au nombre de problèmes d'infertilité que les gens de cette époque et de cette région ont probablement connus, comme le souligne Zevit dans The Religions of Ancient Israel : A Synthesis of Parallactic Approaches. Le fait que les personnages tiennent leurs seins pourrait suggérer une pose de don, plutôt qu'une posture pour recevoir la fertilité. Au lieu d'être des tentatives de contraindre une divinité ou une force magique à fournir aux femmes une plus grande fertilité, elles représentaient peut-être le besoin d'être nourri par le monde surnaturel. L'idée d'être nourri, que ce soit dans un sens émotionnel ou de bien-être général, est plus abstraite que le désir d'être fertile ou de produire du lait, mais la santé et le bien-être étaient tout aussi importants dans les temps anciens qu'ils le sont dans le monde d'aujourd'hui. Ce n'est peut-être pas une coïncidence si Athirat (Ashera) était décrite dans les textes cananéens comme allaitant un roi. À Tell Qasile, strate XI du 11e siècle avant J.-C., âge du fer IB, on a trouvé un récipient en argile ayant la forme du haut du corps d'une femme nue, similaire aux FPJ. Cependant, à la différence des FPJ, il présente une ouverture au sommet de la tête et des trous dans la poitrine qui pourraient servir à verser des liquides. Il se peut que l'utilisateur ait été censé sucer les seins, au lieu de les verser.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

April Lynn Downey
April Lynn Downey est une chercheuse et auteure indépendante. Elle est titulaire d'un Bachelor en religion et d'un Master en Civilisations bibliques anciennes. Elle propose des services de recherche, de rédaction et de consultation historique dans les domaines de l'histoire et de la religion.

Citer ce travail

Style APA

Downey, A. L. (2020, octobre 01). Figurines Piliers de Juda [Judean Pillar Figurines]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19188/figurines-piliers-de-juda/

Le style Chicago

Downey, April Lynn. "Figurines Piliers de Juda." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification octobre 01, 2020. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19188/figurines-piliers-de-juda/.

Style MLA

Downey, April Lynn. "Figurines Piliers de Juda." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 01 oct. 2020. Web. 22 nov. 2024.

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