Leon Battista Alberti (1404-1472 CE) était un érudit italien, un architecte, un mathématicien et un défenseur de l'humanisme de la Renaissance. Alberti est l'auteur du célèbre traité "De l'architecture", dans lequel il décrit les éléments clés de l'architecture classique et la manière dont ils peuvent être réutilisés dans les bâtiments contemporains. Ses écrits sur la peinture et la sculpture, qui transformèrent les pratiques théoriques des artistes de la Renaissance, eurent une influence encore plus grande. Alberti mit ses idées en pratique et conçut de nombreuses églises dans diverses villes italiennes, la plus influente étant sans doute la basilique Saint-André de Mantoue (1470), le premier édifice monumental de style classique de la Renaissance.
Jeunesse
Alberti vit le jour à Gênes le 14 février 1404. Il était le fils naturel d'un membre d'une riche famille de marchands-banquiers, qui avait été exilée de Florence en 1387. La famille déménagea de Gênes à Venise et, grâce à son père Lorenzo, Alberti bénéficia d'une éducation scolaire et universitaire à Padoue, suivie d'un séjour à l'université de Bologne. Alberti étudia les mathématiques, le grec, le latin, la littérature classique et, enfin, obtint un doctorat en droit canonique à Bologne en 1428.
Alberti s'installa à Rome où il travailla en tant que secrétaire du pape à partir de 1432. L'une des tâches de la chancellerie papale consistait à rédiger une nouvelle version de la vie des saints et des martyrs. Le jeune érudit entra dans les ordres, ce qui lui permit d'obtenir plusieurs bénéfices qui améliorèrent considérablement ses revenus. Cependant, sa position dans l'Église ne semble pas avoir eu d'influence sur ses écrits humanistes ou ses traités d'art et d'architecture. Lorsque la famille Médicis prit le pouvoir au début des années 1430, Alberti put enfin retourner dans la maison de ses ancêtres. Florence était alors la capitale de l'art et de l'architecture de la Renaissance, où des hommes comme Donatello (1386-1466) et Filippo Brunelleschi (1377-1446) faisaient revivre les idéaux de l'Antiquité classique. Alberti écrirait plus tard que ses contacts à Florence l'incitèrent à participer en personne à ce renouveau.
Alberti poursuivit son rôle de secrétaire du pape, mais agit également comme une sorte de conseiller artistique auprès des souverains de diverses villes italiennes telles que Florence, Ferrare, Mantoue, Urbino et Rimini. Ses déplacements en Italie permirent à Alberti de se faire une idée des nombreux vestiges gréco-romains encore visibles et l'incitèrent peut-être à élaborer un projet d'étude des bâtiments romains antiques à Rome. En étudiant l'architecture antique, Alberti constata qu'il existait en réalité cinq ordres classiques, et non quatre comme on le pensait auparavant. Ce cinquième ordre, appelé par la suite ordre composite, était un mélange d'éléments des ordres ionique et corinthien. Également intéressé par la théorie de l'architecture, Alberti étudia avec assiduité l'ouvrage Sur l'architecture de l'architecte romain Vitruve (c. 90 - c. 20 av. J.-C.). Par conséquent, lorsqu'Alberti se lança dans ce nouveau domaine de manière plus pratique, il voulut que ses bâtiments imitent la grandeur austère des plus beaux édifices de la Grèce et de la Rome antiques et qu'ils reproduisent leurs rapports classiques de hauteur et de longueur. Une autre considération importante était que les bâtiments devaient présenter un équilibre harmonieux entre la fonction et la décoration.
Projets architecturaux
Alberti, l'homme de la Renaissance par excellence, était impatient de mettre ses idées en pratique. En 1447, il était déjà devenu le conseiller architectural du pape Nicolas V (r. de 1447 à 1455). Vers 1458, Alberti conçut la nouvelle façade de l'église Santa Maria Novella de Florence, dont la construction ne s'achèverait qu'en 1470. Cette église est cependant moins classique que ses autres œuvres à cause des limites imposées par la structure de l'église elle-même - une église gothique a une nef centrale haute et des côtés plus bas, ce qui rend difficile l'utilisation d'une structure classique symétrique. La solution d'Alberti consista à créer une façade composée de trois carrés de taille égale: un de chaque côté de la porte et un autre à l'étage supérieur, surmonté d'un fronton triangulaire. Parmi les autres éléments classiques, citons les chapiteaux corinthiens et la partie supérieure de la façade qui ressemble fortement à une façade de temple romain.
À Mantoue, Alberti conçut deux églises remarquables, Saint Sebastien en 1460 et la basilique Saint André vers 1470 (la construction commença en 1472). Toutes deux présentent des éléments d'influence classique. L'église de Saint Sebastien fut conçue selon une croix grecque, tandis que la basilique de Saint André présente une façade qui imite directement les éléments d'un temple étrusque tel que décrit par Vitruve. Cette intention spécifique est mentionnée dans une lettre écrite par Alberti à son mécène Ludovico Gonzaga (1412-1478). La façade de Saint André présente une immense porte en arc qui rappelle curieusement un arc de triomphe romain, un thème qui se retrouve dans les piliers intérieurs de l'église, les arcades de la nef et le plafond en berceau massif qui mesure un peu plus de 17 mètres de diamètre, ce qui en fait le plus grand construit depuis l'antiquité.
La nouvelle façade de l'architecte pour le Temple Malatesta de Rimini (ou église Saint François), qui est en fait son premier projet architectural d'importance, est une référence encore plus manifeste à l'arc de triomphe. En effet, la façade de marbre devait à l'origine être surmontée d'un arc central, mais ne fut jamais achevée. Des éléments de la façade furent même directement copiés sur l'arc d'Auguste, situé à proximité. Tous ces développements dans l'utilisation de thèmes classiques pour les bâtiments chrétiens étaient presque trop audacieux, et peu d'architectes étaient prêts à les suivre. Au cours des décennies suivantes, ce sont les édifices profanes qui poursuivraient la tendance, et ce n'est que plus tard que l'architecture ecclésiastique rejoindrait à nouveau la vague de changement humaniste qui vit l'architecture classique être réutilisée et réimaginée.
Alberti participa lui-même à l'architecture profane, notamment au Palais Rucellai à Florence vers 1450, avec sa façade aplatie de colonnes de pilastres et sa symétrie parfaite. Le rez-de-chaussée est orné de pilastres à chapiteaux doriques, les deux étages supérieurs de chapiteaux corinthiens. Autre clin d'œil à l'architecture romaine, la décoration en losanges sculptés de l'étage inférieur rappelle l'opus reticulatum, c'est-à-dire les murs construits à l'aide de blocs de tuf de forme carrée ou pyramidale disposés selon un quadrillage diagonal. C'était le premier bâtiment de la Renaissance à recevoir une façade reprenant les ordres classiques.
Traités
Alberti écrivit son propre traité d'architecture, De Re Aedificatoria, en 1452 (version latine), qui fut traduit en toscan en 1456. Il continuerait de compléter et de réviser l'ouvrage pendant les 20 années suivantes. Alberti répertoria ce qu'il considérait comme les principes fondamentaux de l'architecture classique et nota comment ils pouvaient être appliqués aux bâtiments contemporains de la Renaissance. Il insista sur le fait que les bâtiments doivent être visibles de tous les côtés, que le concepteur doit prendre en compte l'intérieur et l'extérieur de manière égale, et qu'ils doivent être impressionnants tant par leur taille que par leur apparence. Le livre eut une influence considérable - l'historien J. Kelly-Gadol note qu'il devint "une bible de l'architecture de la Renaissance" - et il gagna encore plus de lecteurs lorsqu'il finit par être publié en dix volumes imprimés en 1485 (son titre français, L'Art d'édifier). Grâce à cet ouvrage, Alberti fut surnommé le "Vitruve florentin".
Alberti écrivit un traité sur la peinture, De pictura (De la peinture), en 1435 (en latin, et en langue vernaculaire l'année suivante, Della Pittura), et un autre traité sur la sculpture vers 1464. Ces deux ouvrages traitent des différentes techniques et des principes théoriques que les artistes doivent utiliser. Alberti recommande aux peintres d'étudier la nature, de varier leurs œuvres et de chercher à transmettre l'émotion dans leurs figures. Il affirme également que le point de fuite unique qui donne la perspective à un tableau doit se trouver à la hauteur des yeux du spectateur. Ces traités contribuèrent au processus qui vit les artistes de la Renaissance s'élever au-dessus de leur statut commun d'artisans et soulignèrent leur implication dans des efforts intellectuels tels que l'étude de l'histoire de l'art et l'apprentissage des théories de la perspective mathématique, de la géométrie et de la proportion. Les peintres, mais aussi les mécènes, prirent connaissance de ces traités. Alberti est donc considéré comme l'un des principaux instigateurs de l'humanisme de la Renaissance, tel qu'il s'exprime dans les arts et l'architecture.
Alberti écrivit sur de nombreux autres sujets tels que la religion, la grammaire, les mathématiques, la cryptographie, la géographie et la cartographie. À partir de son traité Della famiglia (Sur la famille), publié en 1432, il écrivit de nombreux dialogues sur la philosophie morale, notamment en relation avec ses convictions sur l'humanisme de la Renaissance. Alberti écrivit un jour: "L'homme est un dieu mortel mais heureux parce qu'il allie la capacité d'action vertueuse à la compréhension rationnelle" (Rice, 89). L'une des dernières œuvres de l'auteur est De iciarchia, qui présente Alberti dans un dialogue sur l'humanisme et le succès de la fusion de la théorie et de la pratique dans les arts qui était alors en cours à Florence et au-delà. De iciarchia fut écrit en langue toscane et combiné avec son livre sur la grammaire de cette langue; Alberti contribua de manière significative à la standardisation et à l'adoption de cette langue dans les œuvres en prose.
Mort et héritage
Alberti mourut à Rome le 25 avril 1472. Ses traités sur les arts restèrent populaires après sa mort et servirent de guides à de nombreux riches mécènes de la Renaissance, dont Laurent de Médicis (1449-1492), souverain de Florence, et Ercole d'Este (1431-1505), duc de Ferrare. Son traité d'architecture fut traduit dans de nombreuses langues européennes et resta populaire jusqu'au XVIIIe siècle. Outre son contenu intéressant pour les architectes en exercice, l'ouvrage lança un débat plus large sur le rôle de l'architecture dans la société, la relation entre la conception d'un bâtiment et sa fonction, et permit à des personnes qui n'étaient pas directement impliquées dans ce domaine de parler d'architecture. Les bâtiments d'Alberti, et en particulier ses façades d'église d'inspiration classique recouvrant des structures gothiques plus anciennes, influenceraient plus tard les grands architectes de la Renaissance tels que Donato Bramante (c. 1444-1514), Sebastiano Serlio (c. 1475-1554) et Andrea Palladio (1508-1580), créant une ligne d'évolution dans les bâtiments qui culminerait avec le triomphe de la basilique Saint-Pierre de Rome.