Sebastiano Serlio (1475-1554) était un architecte, peintre et érudit italien de la Renaissance. Son projet de construction le plus réussi est le Château d'Ancy-le-Franc, d'inspiration classique, en France. Les travaux de Serlio sont réunis dans ses Sept livres sur l'architecture, un ouvrage théorique et pratique extrêmement influent. Il y classe les bâtiments classiques anciens, canonise les cinq ordres classiques, est à l'origine de l'utilisation abondante d'illustrations dans de tels ouvrages et influence grandement les architectes de toute l'Europe, notamment en ce qui concerne les portes et les idées qui peuvent être facilement copiées par tout bon tailleur de pierre.
Enfance
Sebastiano Serlio vit le jour à Bologne, en Italie, le 6 septembre 1475. Son père lui donna une formation de peintre, et il montra un intérêt particulier pour la perspective. On ne sait pas grand-chose de la vie personnelle de Serlio, si ce n'est qu'il se maria et eut plusieurs enfants. En 1514, il s'installa à Rome, où il devint l'assistant de l'architecte et peintre siennois Baldassare Tommaso Peruzzi (1481-1536), qui était en fait plus jeune que lui. Peruzzi travailla sur de nombreux projets, dont la nouvelle basilique Saint-Pierre en 1520, et possédait une grande collection de dessins d'architecture que son assistant utilisa à merveille. Serlio et Peruzzi quittèrent Rome en 1527 et visitèrent ensemble Venise. C'est à cette époque que Serlio commença à rédiger sa grande série de traités d'architecture sur lesquels il travaillera toute sa vie.
Installation en France
En 1541, Serlio quitta l'Italie pour la France, où il travailla pour le roi François Ier (r. de 1515 à 1547) à la conception et à la construction du palais de Fontainebleau. Peu d'éléments du palais peuvent être attribués avec certitude à Serlio, à l'exception d'une porte monumentale, la Grande Ferrare. Serlio avait construit un château près de Fontainebleau pour le cardinal de Ferrare, mais il n'existe plus à ce jour.
Une contribution plus durable et plus impressionnante à l'architecture française est le château d'Ancy-le-Franc de Serlio, dans le département de l'Yonne, en région Bourgogne-Franche-Comté. Serlio travailla sur le château de 1544 à 1546. Il fut ensuite achevé selon les plans originaux de Serlio, mais sans sa participation directe. Le château fut construit pour le comte Antoine de Clermont-Tonnerre, et l'architecte le conçut comme une forteresse d'apparat adaptée à un prince moderne. Les quatre ailes et les quatre immenses tours carrées entourent une cour intérieure. Les pilastres de part et d'autre des nombreuses fenêtres constituent une touche classique, bien qu'ils ne soient pas aussi régulièrement espacés que dans les bâtiments italiens. En accord avec le climat plus frais que celui de l'Italie, la toiture présente les pentes raides traditionnelles des bâtiments du nord de la France. Le château, qui est son œuvre architecturale la plus aboutie, illustre l'utilisation par Serlio d'une sobriété décorative harmonieuse, d'effets d'ombre et d'un mélange de tradition locale et classique.
Sept livres sur l'architecture
La grande contribution de Serlio à la littérature artistique de la Renaissance est son ouvrage Tutte l'opera d'architettura, et prosepetiva, ou Œuvres complètes sur l'architecture et la perspective. Cet ouvrage se compose de six volumes, qui furent publiés (non dans l'ordre) entre 1537 et 1551. Après la mort de Serlio, un septième volume fut publié en 1575. L'ouvrage complet, souvent appelé " Sept livres sur l'architecture", couvrait non seulement les bâtiments de l'Antiquité et la théorie architecturale contemporaine, mais, contrairement à la plupart des autres ouvrages sur le sujet, il comprenait également des conseils pratiques pour les architectes, basés sur des modèles.
Les Sept livres sur l'architecture couvrent les sujets suivants :
- Livre I - géométrie
- Livre II - perspective
- Livre III - antiquités
- Livre IV - Les cinq ordres classiques
- Livre V - les églises (décrites par Serlio comme des temples)
- Livre VI - Les portes et l'architecture domestique
- Livre VII - Examen des problèmes de conception courants
Un huitième livre fut ajouté à la liste au XXe siècle, à la suite de la découverte d'un manuscrit qui se trouve actuellement à Munich. Ce dernier volume concerne la description d'un camp militaire par l'écrivain grec du IIe siècle avant Jésus-Christ, Polybe.
Une autre nouveauté pour un tel ouvrage est l'inclusion d'un grand nombre d'illustrations détaillées et précises tirées de gravures sur bois, dessinées par l'auteur en personne, Peruzzi et Donato Bramante (c. 1444-1514). En effet, le livre est bien plus une série d'illustrations reliées par un texte qu'un ouvrage en prose parsemé d'images.
Dans son ouvrage, Serlio formalisa la classification des cinq ordres architecturaux, le cinquième ayant été identifié pour la première fois vers 1450 par l'architecte et savant Leon Battista Alberti (1404-1472). Ces ordres sont : Toscan, Dorique, Ionique, Corinthien, et le cinquième, Composite (un mélange d'éléments ioniques et corinthiens), que l'on peut apprécier au mieux, selon Serlio, au dernier étage du Colisée à Rome. La canonisation des ordres en fit une sorte de grammaire architecturale que les architectes ultérieurs ont utilisé et à laquelle ils ont répondu depuis lors. Leur importance pour Serlio est indiquée par leur illustration au tout début de son livre, une décision copiée par presque tous les autres spécialistes de l'architecture au cours des deux siècles suivants.
Très populaire et influent, l'opus magnum de Serlio ne fut cependant pas approuvé par tous. L'architecte Giovanni Paolo Lomazzo déplora un jour que l'œuvre de Serlio ait été lue par un si grand nombre de personnes qu'il avait par conséquent produit "plus d'architectes pirates qu'il n'avait de poils dans sa barbe" (Hale, 298). C'était sans doute le résultat de l'efficacité de Serlio en tant qu'auteur, car grâce à ses livres, un mécène disposant de temps, d'argent et d'un bon tailleur de pierre pouvait reproduire à peu près tous les styles de construction qu'il souhaitait. La conséquence de cette dissémination d'idées se traduisait souvent par des bâtiments hybrides qui mélangeaient curieusement des éléments d'architecture classique avec ceux traditionnellement utilisés dans cette zone géographique particulière, notamment en Angleterre et en France.
Mort et héritage
Serlio mourut à Fontainebleau, en France, en 1554. Son livre d'architecture resta populaire longtemps après sa mort et intéressa particulièrement les architectes de style néoclassique. Les 50 illustrations de portes très décoratives de l'avant-dernier volume de son livre furent particulièrement appréciées des architectes maniéristes, notamment en Europe du Nord. En effet, les Sept livres de Serlio furent traduits en anglais en 1611, ainsi que dans plusieurs autres langues européennes, dont l'allemand, l'espagnol, le néerlandais et le flamand. C'est ainsi que les idées de Serlio et sa réputation de premier catalogueur de l'architecture passée et moderne se répandirent dans toute l'Europe. En bref, comme le dit l'historien de l'architecture J. Summerson, les ouvrages collectifs de Serlio devinrent la bible de tous les architectes de la Renaissance :
Les Italiens les utilisaient, les Français devaient presque tout à Serlio et à ses livres, les Allemands et les Flamands s'en inspiraient, les Élisabéthains le citaient et Sir Christopher Wren trouvait encore Serlio inestimable lorsqu'il construisit le Sheldonian à Oxford en 1663. (11)
Serlio se révéla influent dans des domaines plus mineurs et moins évidents, comme l'utilisation de la perspective dans les maquettes et les décors peints pour les scènes de théâtre. Grâce à l'utilisation d'un seul point de fuite, les décors offraient au public un arrière-plan beaucoup plus réaliste, par exemple une rue qui s'élève loin des acteurs qui se tiennent devant elle. L'œuvre de l'architecte connut même un renouveau sur d'autres continents après que les Espagnols eurent repris son livre et en eurent copié des éléments dans les bâtiments qu'ils érigèrent au Mexique et au Pérou, tandis que les missionnaires jésuites en firent de même en Inde et dans d'autres régions d'Asie.