Le traité de paix des pèlerins avec le chef Wampanoag est le document rédigé et signé le 22 mars 1621 entre le gouverneur John Carver (1584-1621) de la colonie de Plymouth et le sachem (chef) Ousamequin (mieux connu sous le nom de Massasoit, c. 1581-1661) de la confédération Wampanoag. Le traité établit des relations pacifiques entre les deux parties et serait respecté par les deux parties depuis le jour de sa signature jusqu'après la mort de Massasoit en 1661. Les principaux documents relatant l'événement du traité proviennent des deux chroniqueurs de la colonie de Plymouth, William Bradford (1590-1657) et Edward Winslow (1595-1655), dans leurs ouvrages Of Plymouth Plantation (par Bradford, publié en 1856) et Mourt's Relation (par Bradford et Winslow, publié en 1622), deux récits de première main de l'histoire de la colonie de Plymouth.
Les colons de la colonie de Plymouth arrivèrent au large des côtes du Massachusetts à bord du Mayflower en novembre 1620 et signalèrent aux autochtones leur intention d'établir une colonie permanente par la présence de femmes et d'enfants parmi eux, ainsi que par leurs efforts pour construire un village. Massasoit raconterait plus tard au gouverneur de l'époque, William Bradford, qu'il avait demandé à ses powwows (chamans) d'invoquer les esprits pour chasser les nouveaux arrivants, mais que, comme cela ne s'était pas produit, il avait décidé d'essayer de faire la paix avec eux.
Massasoit était intéressé par cette paix en raison de la diminution de son statut dans la région, due à la perte d'un grand nombre de ses membres pour cause de maladie, et de la montée en puissance de la tribu des Narragansett, à laquelle il devait désormais payer un tribut. Il espérait, par cette alliance, retrouver sa puissance et son prestige d'antan. Les pèlerins, quant à eux, espéraient établir la paix pour prévenir toute hostilité et se livrer à un commerce fructueux afin non seulement de gagner leur vie, mais aussi de rembourser les investisseurs qui avaient financé leur voyage vers l'Amérique du Nord.
Le traité de 1621 atteignit ces deux objectifs et, contrairement aux affirmations modernes suggérant que les autochtones avaient été escroqués par ce traité, il fut mutuellement bénéfique. Ce serait le seul traité entre immigrants et autochtones de l'Amérique coloniale (et, sans doute, de l'histoire des futurs États-Unis) qui resterait ininterrompu tout au long de la vie des signataires.
Avant le traité
Les autochtones de l'actuelle Nouvelle-Angleterre avaient dû faire face à l'arrivée de navires européens sur leurs côtes depuis au moins 1524, date à laquelle le marin et explorateur florentin Giovanni da Verrazzano (1485-1528) dressa la carte du littoral oriental de l'Amérique du Nord. La carte de Verrazzano encouragea ensuite des tentatives de colonisation dans la région, comme l'éphémère colonie anglaise de Popham en 1607 (dans l'actuel Maine), qui ne dura qu'un peu plus d'un an. Des commerçants et des pêcheurs anglais venaient régulièrement dans la région entre 1610 et 1614 et furent d'abord bien accueillis jusqu'à ce qu'ils ne commencent à kidnapper des autochtones pour les vendre comme esclaves. En 1614, le capitaine John Smith (1580-1631) arriva pour cartographier la région et laissa un de ses collègues, le capitaine Thomas Hunt, terminer l'affaire à son retour en Angleterre.
Hunt décida de s'enrichir en kidnappant 24 autochtones des tribus Nauset et Patuxet pour les vendre comme esclaves en Espagne, dont un jeune guerrier Patuxet nommé Tisquantum (mieux connu sous le nom de Squanto, c. 1585-1622), qui aiderait la colonie de Plymouth à survivre. Après avoir été kidnappé, Squanto revint plus tard en Amérique du Nord et, après avoir découvert que la quasi-totalité de sa tribu avait été tuée par une maladie européenne, il vint vivre avec Massasoit, peut-être en tant que captif.
À la date de l'arrivée du Mayflower en novembre 1620, les autochtones ne faisaient plus confiance aux Européens et Massasoit considérait les nouveaux arrivants comme une menace importante. Il demanda l'aide des esprits et des divinités de son peuple pour tuer les colons ou les chasser, mais comme ces efforts restaient vains, il pensa les utiliser comme alliés (peut-être à la suite d'une suggestion de Squanto). La maladie avait considérablement réduit la population de la confédération Wampanoag, qui avait été l'entité politique la plus puissante de la région, et Massasoit avait perdu son statut au point de payer un tribut à la tribu Narragansett (qui n'avait pas été touchée par les maladies européennes parce qu'elle vivait plus à l'intérieur des terres), alors qu'elle avait été son sujet auparavant.
Les passagers du Mayflower (connus plus tard sous le nom de pèlerins, d'après une ligne du livre de Bradford Of Plymouth Plantation) étaient également intéressés par l'établissement d'une paix, car ils n'avaient jamais eu l'intention de débarquer dans la région et se trouvaient complètement livrés à eux-mêmes. Les colons étaient un groupe mixte de puritains séparatistes espérant fonder une colonie où ils pourraient pratiquer librement leur culte sans craindre les persécutions qu'ils avaient subies sous le roi Jacques Ier d'Angleterre (r. de 1603 à 1625) et de soi-disant étrangers (non-séparatistes) qui cherchaient simplement à faire fortune dans le Nouveau Monde.
Ils étaient censés débarquer à la fin de l'été en Virginie, où les Anglais avaient déjà établi une patente en 1607, mais, en raison de retards, ils partirent en septembre 1620, furent détournés de leur route par les conditions météorologiques de l'automne et se retrouvèrent au large de la côte du Massachusetts. Leur première rencontre avec la tribu des Nauset, en décembre 1620, ne se passa pas bien et, entre décembre 1620 et mars 1621, la moitié des passagers et de l'équipage du Mayflower moururent de maladie et de malnutrition. À la fin du mois de mars 1621, la colonie n'avait toujours pas été construite, la plupart des passagers continuaient à vivre sur le Mayflower, amarré à un mille de la côte, et ils avaient peu de nourriture, étant arrivés trop tard dans la saison pour planter des cultures.
Samoset et les pèlerins
Comme le fait remarquer l'érudit Jonathan Mack, si Massasoit avait attendu, les esprits qu'il avait invoqués lui auraient répondu, et les colons seraient probablement morts la première année. Cependant, le chef décida d'établir un premier contact avec les Anglais et d'essayer de former une alliance qui leur serait profitable à tous. Il hésita à s'y rendre lui-même car il connaissait la duplicité des Anglais et leur habitude de kidnapper les autochtones sans préavis. Lui et son bras droit, Hobbamock (mort vers 1643), se méfiaient de Squanto car ils pensaient qu'il avait passé trop de temps parmi les Anglais et qu'il avait été corrompu. Ils choisirent donc un autre visiteur (ou captif) du village comme envoyé, Samoset (mort vers 1590-1653), un chef abénaquis.
Selon le futur colon de Merrymount, Thomas Morton (c. 1579-1647), Samoset était un prisonnier de Massasoit qui, comme Squanto, parlait l'anglais, qu'il avait appris sur les navires européens dans sa région natale de l'actuel Maine. Morton affirme, dans son ouvrage New English Canaan (publié vers 1637), que Massasoit offrit à Samoset sa liberté en échange de son rôle d'envoyé et que Samoset accepta. Si les Anglais se montraient amicaux et ouverts à un traité, Samoset ferait un rapport et ils iraient de l'avant; si les Anglais agissaient comme certains l'avaient fait auparavant et kidnappaient ou tuaient Samoset, Massasoit connaîtrait leurs intentions sans avoir à perdre un seul membre de son propre peuple.
Samoset entra dans la colonie le 16 mars 1621, accueillit les colons en anglais et fut leur hôte le reste de la journée, passant la nuit dans la maison de Stephen Hopkins (1581-1644). Il leur expliqua pourquoi les autochtones se méfiaient d'eux, leur raconta l'enlèvement de nombreuses personnes par le capitaine Hunt et les maladies qui avaient ravagé la population, et les informa sur la région et les relations des personnes qui y vivaient. Il partit le lendemain mais revint tout au long de la semaine et, pendant ce temps, il dut faire savoir à Massasoit qu'un traité semblait prometteur puisque le village de Massasoit se trouvait à 40 miles de là et que Massasoit arriva en personne près de la colonie de Plymouth avant le 22 mars 1621.
Le traité est signé
Le récit de la signature du traité figure d'abord dans la Relation de Mourt, puis, sous une forme abrégée, dans Of Plymouth Plantation. La Relation de Mourt fut rédigée à la fois par Bradford et par Winslow, mais on ne sait pas très bien qui écrivit quelle partie. Le style du récit du traité semble plus proche de celui de Winslow, si l'on compare avec ses ouvrages ultérieurs, notamment Good News from New England (publié en 1624), mais Bradford y contribua peut-être également. Bien que le traité semble favoriser les colons, les dispositions s'appliquaient aux deux parties, même lorsqu'elles n'étaient pas spécifiées.
La traduction du récit est proposée ci-dessous tel qu'il apparut dans la publication de 1622, avec pour seules modifications l'orthographe, les sauts de paragraphes, l'omission de certaines lignes et des commentaires entre parenthèses pour plus de clarté:
Le jeudi 22 mars fut une très belle et chaude journée. Vers midi, nous nous sommes réunis à nouveau pour nos affaires publiques, mais nous étions à peine restés une heure ensemble, que Samoset est revenu, et Squanto, le seul natif de Patuxet, où nous habitons maintenant, qui était l'un des vingt captifs emmenés par Hunt, et avait été en Angleterre, et avait vécu à Cornhill avec Maître John Slaine, un marchand, et pouvait parler un peu, avec trois autres; et ils apportèrent avec eux quelques peaux pour le troc et des harengs rouges fraîchement pris et séchés, mais non salés, et nous informèrent que leur grand sagamore [chef] Massasoit était dans les parages, avec Quadequina, son frère, et tous leurs hommes. Ils ne pouvaient pas bien exprimer ce qu'ils voulaient en anglais, mais au bout d'une heure, le roi arriva au sommet d'une colline, face à nous, et avait à sa suite soixante hommes, que nous pouvions bien voir et eux nous voir.
Nous ne voulions pas leur envoyer notre gouverneur, et ils ne voulaient pas venir à nous; Squanto retourna donc auprès de lui et lui fit savoir que nous devions envoyer quelqu'un pour parlementer avec lui, ce que nous fîmes; il s'agissait d'Edward Winslow, pour connaître son opinion et pour signifier l'opinion et la volonté de notre gouverneur, qui était de commercer et de faire la paix avec lui. Nous envoyâmes au roi une paire de couteaux et une chaîne de cuivre ornée d'un bijou. Nous envoyâmes également à Quadequina un couteau et un bijou à suspendre à son oreille, ainsi qu'un pot d'eau-de-vie, une bonne quantité de biscuits et du beurre, qui furent tous acceptés avec empressement.
Notre messager lui fit un discours dans lequel il disait que le roi Jacques le saluait par des paroles d'amour et de paix, qu'il l'acceptait comme son ami et son allié, et que notre gouverneur désirait le voir, s'entretenir avec lui et confirmer la paix avec lui, en tant que son voisin immédiat. Il apprécia le discours et l'écouta attentivement, bien que les interprètes ne l'aient pas bien exprimé. Après avoir mangé et bu, et donné le reste à sa compagnie, il regarda l'épée et l'armure de notre messager, qu'il avait sur lui, avec l'indication de son désir de l'acheter, mais de l'autre côté, notre messager montra sa réticence à s'en séparer. Finalement, il [Massasoit] le laissa [Winslow] à la garde de Quadequina, son frère, et traversa le ruisseau, suivi d'une vingtaine d'hommes qui laissèrent tous leurs arcs et leurs flèches derrière eux. Nous en avons gardé six ou sept comme otages pour notre messager; le capitaine Standish et Master Williamson [une erreur de frappe pour Thomas Williams, mort en mars 1621] ont rencontré le roi au ruisseau avec une demi-douzaine de mousquetaires.
Ils le saluèrent et lui aussi, et l'un d'eux se plaçant d'un côté et l'autre de l'autre, le conduisirent à une maison alors en construction, où nous plaçâmes un tapis vert et trois ou quatre coussins. Notre gouverneur [John Carver] est arrivé immédiatement, avec tambour et trompette à sa suite, et quelques mousquetaires. Après les salutations, notre gouverneur lui baisant la main, le roi l'embrassa et ils s'assirent. Le gouverneur demanda de l'eau-de-vie, qu'il lui fit boire, et il but une grande gorgée qui le fit transpirer tout le temps qui suivit; il [Carver] demanda un peu de viande fraîche, que le roi mangea volontiers, et qu'il donna à ses hommes. Ils traitèrent ensuite de la paix, à savoir:
- Ni lui ni aucun des siens ne devait blesser ou faire du mal à aucun de nos gens.
- Si l'un des siens faisait du mal à l'un des nôtres, il enverrait le coupable pour que nous le punissions.
- Si l'un de nos outils était enlevé pendant que nos gens travaillaient, il devait le rendre, et si les nôtres faisaient du mal à l'un des siens, il nous ferait subir le même sort.
- Si quelqu'un lui faisait injustement la guerre, nous l'aiderions; si quelqu'un nous faisait la guerre, il nous aiderait.
- Il devait envoyer à ses confédérés voisins pour les en informer, afin qu'ils ne nous fassent pas de tort et qu'ils soient également inclus dans les conditions de la paix.
- Que lorsque leurs hommes viendraient à nous, ils laisseraient leurs arcs et leurs flèches derrière eux, comme nous devrions le faire pour nos fusils lorsque nous viendrions à eux.
- Enfin, que ce faisant, le roi Jacques l'estimerait comme son ami et son allié.
Tout cela sembla plaire au roi et fut applaudi par ses hommes... Après que tout fut terminé, le gouverneur le conduisit au ruisseau, où ils s'embrassèrent et il partit; nous gardions diligemment nos otages, nous attendions l'arrivée de notre messager, mais bientôt, on nous informa que Quadequina arrivait, et notre messager fut retenu jusqu'à son retour, qui arriva bientôt accompagné d'une troupe; nous le reçûmes donc de la même manière et l'emmenâmes à l'endroit préparé. Il avait très peur de nos fusils [mousquets] et faisait des signes d'aversion pour qu'on les emporte, après quoi l'ordre fut donné de les ranger. C'était un grand jeune homme très convenable, d'une physionomie modeste et agréable, et il aimait beaucoup nos divertissements; nous l'avons donc emmené comme nous l'avions fait pour le roi, mais plusieurs de leurs gens sont restés immobiles. Lorsqu'il fut revenu, ils renvoyèrent notre messager...
Le lendemain matin, plusieurs de leurs gens vinrent nous voir, espérant obtenir quelques victuailles, comme nous l'imaginions; certains d'entre eux nous dirent que le roi voulait que quelques-uns d'entre nous viennent le voir. Le capitaine Standish et Isaac Allerton s'y rendirent avec empressement et furent accueillis à leur manière; il leur donna trois ou quatre arachides et un peu de tabac. Nous ne pouvons que croire qu'il est disposé à faire la paix avec nous, car ils ont vu nos gens parfois seuls, deux ou trois, dans les bois, en train de travailler et de chasser le gibier, alors qu'ils ne leur ont fait aucun mal, comme ils auraient pu facilement le faire, et surtout parce qu'il [Massasoit] a un puissant adversaire, les Narragansetts, qui sont en guerre avec lui, et contre lesquels il pense que nous pourrions être une force pour lui, car nos fusils sont terribles pour eux. Ce matin, ils sont restés jusqu'à dix ou onze heures, et notre gouverneur leur a dit d'envoyer la casserole du roi, qu'il a remplie de pois, ce qui leur a fait plaisir, et ils sont repartis. (55-59)
Conclusion
Après le traité, Massasoit demanda à Squanto de rester avec les colons, de leur enseigner comment planter des cultures, pêcher, chasser, et de leur servir d'interprète pour établir des relations amicales et commerciales avec les autochtones de toute la région. Quelque temps après, Massasoit envoya également Hobbamock, avec sa famille, vivre parmi les colons, probablement pour surveiller Squanto ainsi que les Anglais. La méfiance de Massasoit à l'égard de Squanto s'avéra justifiée dans la mesure où Squanto essaya plus tard de monter les pèlerins contre Massasoit lors d'une tentative de coup d'État, Squanto essayant de prendre la place de Massasoit.
Le complot fut révélé grâce à l'aide de Hobbamock, et Massasoit, conformément aux termes du traité, exigea que Squanto soit livré pour être puni. Bradford refusa, car Squanto était devenu vital pour les relations commerciales de la colonie avec les autochtones, ce qui mit à mal le traité. Malgré cela, l'accord ne fut pas rompu et le problème fut résolu lorsque Squanto mourut en 1622, peut-être empoisonné par des agents de Massasoit afin de l'éliminer sans compromettre les relations entre les Wampanoag et Plymouth.
Le traité permit à la colonie de survivre et à Massasoit de retrouver son statut d'antan, comme il l'avait espéré. Au cours de leurs premières années de vie commune, les deux parties s'entraidèrent dans divers domaines. Massasoit avertit la colonie d'une éventuelle attaque d'autres tribus, Winslow sauva la vie de Massasoit lorsqu'il tomba malade et semblait proche de la mort, et le commerce profita aux deux parties. Carver mourut en avril 1621, mais Bradford continua à honorer le traité en tant que gouverneur tout au long de sa vie, et Winslow fit de même lorsqu'il devint gouverneur.
La paix établie resta ferme même pendant les guerres pequot de 1636-1638 et ne fut définitivement rompue qu'avec le conflit connu sous le nom de guerre du roi Philippe (1675-1678), date à laquelle Bradford, Winslow et Massasoit étaient morts. Il s'agit du seul traité signé entre des colons anglais et des autochtones à avoir été respecté, sans modification, tout au long de la vie de ses signataires. Il établit la paix la plus durable et la plus équitable entre les autochtones et les immigrants dans l'histoire de ce qui allait devenir les États-Unis d'Amérique.