Hétaïre

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Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 22 janvier 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, italien, espagnol
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Hetaira & Symposiast (by Marie-Lan Nguyen, CC BY)
Hétaïre et invité à un symposion
Marie-Lan Nguyen (CC BY)

Une hétaïre (hetaira) était une femme prostituée éduquée dans la Grèce antique qui participait souvent aux symposions ou aux soirées de consommation dans les maisons privées. Parfois appelée courtisane ou maitresse de nos jours, le terme grec hetaira signifiait en fait tout simplement "compagne". Généralement esclaves, mais pas toujours, leur statut pouvait être ambigu et est mal défini dans les sources grecques qui subsistent. Outre leurs capacités plus évidentes en tant que prostituées, les hétaïres étaient capables de divertir les hommes grâce à leur musique, leur danse, leur culture et leur esprit. Elles sont référencées dans de nombreuses formes d'art et de littérature grecques et se distinguent ainsi de la prostituée de maison close ou de rue (pornē), plus commune, qui n'offrait que du plaisir physique à ses clients et le faisait à un prix bien inférieur à celui des hétaïres.

Statut des prostituées

Il y avait des esclaves professionnelles du sexe, d'anciennes esclaves et des femmes libres de tous types en Grèce antique, mais on peut les classer globalement en trois groupes : la prostituée de bordel ou de rue (pornē) qui offrait son corps pour le plaisir sexuel, la concubine (pallakē) qui vivait en permanence dans un foyer particulier, et l'hétaïre, une prostituée de haut rang qui, en plus du sexe, offrait aux clients le bénéfice de son éducation en musique (notamment la flûte), en danse et en culture générale. Pour cette raison, le terme hetaira - en grec attique signifiant "compagne" - est souvent traduit par "courtisane", bien que le statut exact de ces femmes dans la société ne soit pas connu avec précision et que la plupart des sources antiques ne se réfèrent qu'à l'Athènes et à la Corinthe de l'époque classique. En outre, les sources antiques ne sont pas cohérentes dans leur application de ces catégories, même lorsqu'elles parlent d'une même personne. Il est également vrai que les femmes (et les hommes) pouvaient passer d'un type de prostitué à l'autre, voire gagner leur liberté (et la perdre à nouveau). Enfin, il existait un autre groupe, entièrement distinct, celui des prostituées sacrées qui donnaient leur corps dans le cadre de cultes religieux.

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DE NOMBREUSES HéTAïRes ÉTAIENT PROBABLEMENT DES FEMMES D'UNE CLASSE SUPÉRIEURE QUI ÉTAIENT DEVENUES ESCLAVES APRÈS LA CONQUÊTE DE LEUR CITÉ-ÉTAT.

Naturellement, l'une des plus grandes distinctions entre les types de prostituées était leur prix. Une pornē pouvait ne coûter qu'une obole, la plus petite pièce à Athènes. Une hétaïre de première classe, en revanche, pouvait coûter 500 drachmes ou 3 000 oboles. Le fait que les hétaïres se vendaient à des prix élevés est également attesté par la politique des cités-états de taxer la prostitution.

De nombreuses hétaïres étaient probablement des femmes de classe supérieure devenues esclaves après la conquête de leur cité-état en Grèce ou d'autres états en dehors de la Grèce. La capture de femmes captives pour en faire des prostituées asservies est attestée dès le 8e siècle av. JC. Il y eut également des femmes qui avaient choisi la profession et eurent ainsi une source de revenu indépendant, ou qui y furent contraintes par des circonstances telles que des dettes ou le fait de ne pas avoir de parents masculins pour les soutenir. La distinction entre les classes de prostituées peut avoir reflété les changements survenus dans la société grecque, où une classe moyenne croissante permettait à un plus grand nombre d'hommes de payer pour les services des prostituées qu'auparavant. En créant un type de prostituée plus sophistiqué et plus cher, les hommes de la classe supérieure pouvaient ainsi se distinguer de la pratique de la classe moyenne qui consistait à visiter les bordels et choisissaient alors d'accueillir des hétaïres chez eux.

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Acrobat-dancer on a Hydria
Danseuse acrobate sur une hydrie
The Trustees of The British Museum (CC BY-NC-SA)

Alors que certains pourraient aujourd'hui considérer qu'une hétaïre était en quelque sorte plus "digne" qu'une pornē, ce n'était pas nécessairement le cas en Grèce antique. La prostitution était une partie ouverte et légale de la société grecque, où les bordels publics étaient souvent financés par l'État, car ils étaient considérés comme une partie nécessaire de la vie quotidienne. De même, les hétaïres étaient considérées comme des participantes normales aux divertissements acceptés de ceux qui pouvaient se les offrir. La prostitution était, comme les jeux d'argent, par exemple, considérée comme acceptable, mais aussi comme potentiellement dangereuse en cas d'excès. Elle n'était pas considérée comme un substitut à une vie de famille stable mais comme un accompagnement.

ASPASIe fut LA MAÎTRESSE, PUIS LA COncubine DE L'HOMME D'ÉTAT ATHÉNIEN PéRICLèS. BEAUCOUP L'APPELAIENT "HÉTAÏRE".

Dans les sources grecques, la prostitution, quelle qu'elle soit, avait généralement une connotation négative, et ses adeptes étaient souvent considérés comme impurs et vulgaires. Les écrivains soulignent souvent les dangers (et les possibilités de comédie) qu'il y a à s'enticher d'une prostituée, à négliger sa femme ou à dilapider toute sa fortune dans les plaisirs du corps. En outre, être étiqueté ou soupçonné d'être prostitué (homme ou femme) était considéré comme une insulte, du moins dans la littérature grecque et entre personnages publics. D'un autre côté, il est peut-être important de se rappeler que la grande majorité des sources grecques qui subsistent ont été écrites et créées par des hommes pour un public masculin. On ne sait pas exactement ce que les hetaïres pensaient d'elles-mêmes ou comment les autres femmes les considéraient.

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Hétaïres célèbres

On sait que les hetaïres nouaient souvent des relations durables avec des hommes mariés et qu'ils n'étaient pas de simples artistes d'un soir. Certains auraient reçu de l'argent et des cadeaux pour rester le partenaire sexuel exclusif d'un homme, sans pour autant vivre dans sa maison. En effet, certaines hetaïres eurent un tel impact qu'elles reçurent leur propre maison ou des dédicaces telles que des monuments publics érigés en leur honneur, même sur des sites religieux aussi célèbres que Delphes. Nous pouvons donc imaginer que certains hétaïres étaient célèbres à leur époque, et nous connaissons le nom de nombreuses hétaïres qui nouèrent des relations durables avec les Athéniens les plus célèbres, des philosophes aux dramaturges.

Aspasia Surrounded by Greek Philosophers
Aspasie entourée de philosophes grecs
Michel Corneille the Younger (Public Domain)

L'historien du Ve siècle av. JC, Hérodote, consacra quelques passages de son texte à une hétaïre nommée Rhodope (Histoires, 2.134-5). Elle était thrace et décrite comme "bien dotée des bienfaits d'Aphrodite". Hérodote rapporte qu'elle était autrefois l'esclave du célèbre conteur Ésope (c. 620-564 av. JC) et qu'elle devint très célèbre et riche, bien qu'il ridiculise les suggestions selon lesquelles elle aurait fait construire une grande pyramide de pierre en Égypte.

Une autre hetaïre célèbre, du moins selon certains auteurs antiques, était Aspasie de Milet (c. 470-410 av. JC), une professeure de rhétorique, écrivaine et une intellectuelle réputée. Issue d'une famille aristocratique, Aspasie devint la maîtresse puis la concubine de l'homme d'État athénien Périclès (495-429 av. JC), de 445 ou 450 av. JC à sa mort. Le couple eut un fils, également appelé Périclès, qui fut finalement fait citoyen d'Athènes. Il est possible qu'Aspasie n'ait été qualifiée d'hétaïre que par des auteurs qui avaient une dent contre Périclès et ses positions pro-démocratiques. Néanmoins, l'association d'Aspasie à ce titre confirme que les hetaïres étaient censées être intellectuellement accomplies.

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Un troisième exemple d'hétaïre célèbre est Phryné, qui naquit à Thespies mais vécut la majeure partie de sa vie à Athènes au IVe siècle av. JC. Phryné était célèbre pour son attachement au sculpteur Praxitèle, créateur de la statue d'Hermès portant Dionysos enfant à Olympie. La légende veut que Phryné ait été le modèle de la statue d'Aphrodite de Praxitèle, statue qui fut très copiée. Phryné avait également un attachement pour l'orateur Hypéride, ce qui conduisit à sa célèbre défense juridique. Phryné était accusée d'impiété, un délit grave et digne de peine de mort à Athènes. Hypéride la défendit au tribunal, sa stratégie étant de déshabiller Phryné pour que le jury, ébloui par sa beauté nue, la laisse tranquille. Phryné devint ensuite immensément riche, si riche qu'elle offrit de reconstruire la ville de Thèbes après qu'Alexandre le Grand (356-323 av. JC) l'eut démolie en 335 av. JC. La condition qu'elle posait pour cet acte généreux était que les Thébains érigent au-dessus de la porte principale de la ville un panneau proclamant "Alexandre m'a abattu, Phryné l'hétaïre m'a réédifié" (Souli, 50). Pensant que cela ne constituerait pas un bon modèle pour leurs épouses, les Thébains déclinèrent son offre.

Symposiast & Hetaira
Invité à un symposion et hétaïre
Sebastià Giralt (CC BY-NC-SA)

Les hétaïres et le symposion

Outre ces membres plus prestigieux et célèbres de la profession, la plupart des hétaïres menaient une vie anonyme en servant les hommes lors des symposions, c'est-à-dire des soirées informelles où l'on buvait exclusivement de l'alcool. Nous savons beaucoup de choses sur les symposions, car ils apparaissent souvent dans l'art grec et constituent un cadre courant dans la littérature, notamment dans les comédies grecques d'Aristophane (c. 460 - c. 380 av. JC), et donnent même le titre en grec à l'un des dialogues de Platon, Le Banquet (416 av. JC). Les hétaïres impliquées dans ces événements pouvaient avoir un statut différent de celui des personnes qui commandaient l'affection d'un homme spécifique pendant une certaine période.

Organisés à partir du 7e siècle av. JC, les symposions se tenaient dans les maisons privées des aristocrates où les invités mangeaient et buvaient ensemble. Il existait même une pièce spéciale pour ces événements, l'andrōn, qui était meublée de sept à onze divans bas et rembourrés. Les divans étaient disposés sur le bord de la pièce pour créer un espace central vide afin que chaque invité puisse voir tous les autres. Le vin faisait partie intégrante de la fête et était bu (mélangé à de l'eau) dans un kylix, une coupe peu profonde à pied court et à deux anses horizontales. Le kylix était spécialement conçu pour pouvoir être posé ou reprit facilement lorsqu'on était allongé sur un canapé bas.

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Un symposion pouvait être très informel et n'être guère plus qu'une soirée arrosée, mais certains pouvaient être plus formels; d'autres encore se transformaient en orgie. Il est certain qu'ils étaient, une fois la nourriture enlevée, une occasion pour les hommes de discuter des événements du jour et de sujets tels que la politique, la philosophie, la religion et les arts. Un homme dirigeait souvent la discussion, pas nécessairement l'hôte mais quelqu'un choisi par tirage au sort. Les invités pouvaient raconter une histoire, réciter un poème ou jouer de la musique sur une lyre; ils pouvaient aussi chanter une chanson ensemble, chaque invité interprétant des vers différents. Il peut aussi y avoir eu des jeux, comme celui de lancer la lie de son kylix sur une cible telle qu'une amphore placée le long d'un mur. C'est dans cette atmosphère conviviale que s'insèraient les hetaïres, les seules femmes autorisées à participer.

Scene from a Symposium
Scène de symposion
James Lloyd (Copyright, fair use)

Les talents des hetaïres

Naturellement, les invités attendaient de leur hôte qu'il leur fournisse des hetaïres qui soient belles, charmantes, pleines d'esprit et désirables. Des scènes de poterie grecque montrent des hetaïres servant du vin aux invités lors de symposions, et nous savons qu'elles portaient de beaux vêtements et des bijoux en or. Les hetaïres devenaient ensuite des participantes plus actives à mesure que la soirée avançait. Elles savaient jouer de l'aulos ou de la flûte et pouvaient également danser, faire de la gymnastique et tenir une discussion sur des sujets culturels. Bien sûr, en plus de tout cela, les hetaïres étaient présentes pour offrir aux invités des plaisirs sexuels. Le fait que les hetaires étaient des esclaves que l'on pouvait utiliser à sa guise est attesté par des scènes de poterie peinte (qui ne sont généralement pas exposées dans les musées) qui les montrent nues en train d'exécuter toutes sortes d'acrobaties sexuelles avec un ou plusieurs clients et entre elles. En outre, certaines scènes les montrent en train de subir ce qui, dans tout autre contexte, serait décrit comme une agression physique et un abus sexuel. L'idée, donc, que ces femmes gagnèrent de quelque façon le respect des hommes qui les utilisaient grâce à leurs réalisations culturelles est peut-être romantique et ne reflète pas la réalité quotidienne de l'esclavage sexuel dans l'Antiquité. Comme le note l'historienne Madeleine M. Henry:

Sans nier l'autorité et la dignité des femmes qui choisissaient la prostitution ou qui étaient prostituées, des études récentes suggèrent que les femmes au sens large étaient structurellement exploitées et marginalisées à un degré considérable.

(Bagnall, 3196).

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2021, janvier 22). Hétaïre [Hetaira]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19387/hetaire/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Hétaïre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 22, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19387/hetaire/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Hétaïre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 22 janv. 2021. Web. 21 déc. 2024.

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