Oribase (c. 320-400/403 de notre ère) fut le médecin et le conseiller politique de l'empereur romain Julien II (alias Julien l'Apostat, r. de 361 à 363 de notre ère). Originaire de Pergame, une riche et puissante cité grecque de Mysie, il étudia la médecine et l'art oratoire et appartenait au cercle intellectuel élevé de Pergame. Oribase était un iatrosophiste, terme qui désigne un médecin possédant des connaissances rhétoriques et philosophiques particulières, et un grand admirateur des connaissances médicales et de la polymathie de Galien. Son œuvre la plus célèbre est Iatrikai synagogai ou Collectiones medicae (Collections médicales), un traité médical de grande importance.
Vie
Oribase vit le jour dans une famille éminente de Pergame. Dès son enfance, il acquit une variété d'expériences d'apprentissage et de vastes connaissances vertueuses. Sa biographie fut écrite par son ami personnel Eunape de Sardes, un sophiste et historien grec du 4ème siècle de notre ère, dans ses Vies des philosophes et des sophistes. Selon Eunape, lorsqu'il atteignit l'âge adulte, Oribase étudia la médecine et l'art oratoire à Alexandrie sous la direction du médecin Zénon de Chypre, l'un des meilleurs professeurs de l'époque, et il exerça ensuite en Asie Mineure.
Il avait pour condisciples Magnus de Nisibis (la partie d'Antioche qui se trouve au-delà de l'Euphrate) et Ionicus de Sardes. Magnus de Nisibis, également connu sous le nom de Magnus Medicus ou Magnus Epigrammaticus, vécut à Alexandrie entre 364 et 388 de notre ère et était un guérisseur et un orateur. Il semble avoir été influencé par la théorie d'Aristote sur la nature des corps doués de volition et sur l'exercice de la volonté délibérée, ce qui signifie que les médecins peuvent persuader les patients qu'ils peuvent décider d'être bien portants ou malades. Ionicus, fils d'un célèbre médecin, atteignit le plus haut niveau dans son secteur et gagna l'admiration d'Oribase. Il était expert en pharmacie, en anatomie, en dissection, en amputation, en bandage et en traitement postopératoire. En plus de ses connaissances pratiques en médecine, il s'intéressait à la philosophie, à la divination, à l'art oratoire et à la poésie.
Oribase était considéré comme l'un des plus illustres représentants des cercles intellectuels de Pergame. Il était marié à une riche dame de haut rang et avait quatre enfants. Son fils Eustathe fut également médecin, peut-être archiatrus en Orient en 373-374 de notre ère. Il était le dédicataire d'un des livres de son père. Contrairement à Oribase, il était chrétien et reçut deux lettres de saint Basile le Grand (330-379 de notre ère) : Ep. 151 (373 de notre ère) et Ep. 189 (374-375 de notre ère).
Carrière
À Pergame, Oribase rencontra le futur empereur romain Julien l'Apostat (331-363), fils d'un demi-frère de Constantin le Grand (r. de 306 à 337). Après la mort de son père, Julien fut placé par Constance II (r. de 337 à 361) sous la garde d'un évêque arien et, à partir de 342, il fut interné pendant six ans dans un domaine impérial de Cappadoce. Au début, c'était un élève chrétien pieux, mais ses lectures des classiques grecs l'amenèrent à se convertir au polythéisme, le culte de différents dieux et déesses. Julien était lié par une forte amitié avec Oribase. En conséquence, il le nomma médecin personnel et responsable de sa bibliothèque.
En 355, Oribase accompagna Julien, proclamé César, en Gaule et en Grande-Bretagne. Lorsque Constance ordonna le transfert de détachements de choix vers l'est, l'armée romaine se rebella et, en février 361 de notre ère, elle proclama Julien au rang d'Auguste. L'élévation de Julien au rang d'Auguste était le résultat d'une rébellion militaire facilitée par la mort de Constance. Oribase fut étroitement impliqué dans le couronnement de Julien. Il exerça une influence politique importante sur l'empereur et prit une part active à son programme culturel, notamment la restauration du paganisme, l'ancienne religion romaine. Il fut nommé questeur de Constantinople. Durant son mandat de questeur, il fut l'ambassadeur sacré de Julien. Oribase fut le destinataire d'un oracle prononcé à Delphes. Cet oracle faisait connaître l'incapacité d'Apollon à y prédire à nouveau :
Dis à l'empereur que la splendide salle s'est écroulée. Phoebus n'a plus sa maison, ni le laurier prophétique, ni le puits parlant. L'eau qui parle s'est tarie.
Myers a écrit à son sujet : " (C'est) le dernier fragment de poésie grecque à émouvoir le cœur des hommes, les derniers hexamètres qui conservent la cadence antique, le flot mélancolique majestueux " (Abbott, 447). L'authenticité de l'oracle de Delphes est attestée par la Passio Artemii [96.1284.45-47], probablement de Philostorge (368- c. 439 de notre ère), un historien de l'Église anoméenne des 4e et 5e siècles, et par Cédrène [1.532.8-10], un historien byzantin du 11e siècle. L'oracle est mentionné par Grégoire de Nazianze (329-389 de notre ère), un père cappadocien, et confirmé explicitement par l'évêque chrétien Théodoret de Cyr (393-458/466 de notre ère), théologien de l'école d'Antioche et commentateur biblique, dans son Histoire ecclésiastique.
La consultation de l'oracle de Delphes eut lieu avant le début de la campagne perse. L'expédition contre les Perses offrait à l'empereur l'occasion de consolider sa position aux yeux de l'armée orientale. Pour préparer la campagne, Julien s'installa en juin 362 à Antioche. Étant donné qu'il avait quitté cette ville le 5 mars 363, l'oracle dut être prononcé pendant les derniers mois de 362, alors que Julien s'efforçait de restaurer le paganisme. Puisqu'il n'y eut aucun oracle délivré à Delphes entre 362 et 394 de notre ère lorsque Théodose Ier (r. de 392 à 395 de notre ère) interdit tous les Jeux Panhelléniques comme étant des événements païens, on peut conclure qu'Oribase reçut le tout dernier oracle d'Apollon.
Oribase resta auprès de Julien jusqu'à la mort de ce dernier. Le 26 juin 363 de notre ère, lors de la bataille de Samarra près de Maranga, Julien fut mortellement blessé lorsque l'armée sassanide attaqua sa colonne. Il fut blessé par une lance qui aurait pénétré le lobe inférieur de son foie. Il fut suivi par Oribase qui fit tout son possible pour soigner la blessure. Selon toute vraisemblance, il irrigua la plaie avec un vin sombre et appliqua une procédure connue sous le nom de gastrorraphie, la suture d'une perforation intestinale. Le troisième jour, une hémorragie importante se produisit et l'empereur mourut pendant la nuit.
À la suite de cet événement, Oribase fut la victime des successeurs de Julien qui auraient bien voulu lui ôter la vie mais se défilèrent. Cependant, ils le privèrent de ses biens et l'exilèrent. Oribase pratiqua la médecine romaine à la cour des barbares où il montra la grandeur de ses connaissances et de ses compétences médicales. Parmi ses patients, il guérit certains malades chroniques et en sauva d'autres qui se trouvaient aux portes de la mort. C'est pourquoi il fut rapidement promu au premier rang dans les cours des souverains étrangers. Comme l'indique Eunape, il fut rappelé par les "empereurs", dont les noms ne sont pas mentionnés. Le retour d'Oribase aurait été "une partie de la politique d'exploitation des orientaux "helléniques" comme hauts fonctionnaires et ornements du régime" (Matthews, 115 ; Baldwin, 96). Après avoir obtenu l'autorisation de revenir, Oribase récupéra sa fortune initiale auprès du trésor public avec le consentement des empereurs ultérieurs et continua à exercer sa profession jusqu'à un âge avancé.
Œuvres
Les œuvres d'Oribase ne sont pas très originales, elles traitent souvent de la collecte d'informations et de thérapies utilisées par les médecins les plus célèbres.
Les ouvrages qui subsistent sont les suivants :
- Collectiones medicae - 25 des 70 livres ont été conservés intacts.
- Synopsis pour Eustathe
- Ad Eunapium
- Introductions à l'anatomie
- Commentaire sur les aphorismes d'Hippocrate.
Son principal ouvrage en tant qu'écrivain médical est Iatrikai synagogai ou Collectiones medicae, qu'il écrivit à la demande de Julien. Les Collectiones medicae sont une sorte d'encyclopédie comprenant toutes les connaissances médicales anatomiques et physiologiques de l'époque, ainsi que les techniques les plus efficaces dans les domaines thérapeutique et pharmacologique. Il s'agit d'une vaste compilation d'extraits de Galien, qui n'ont pas été conservés, et d'écrits de médecins renommés de l'Antiquité au IVe siècle de notre ère, tels que Philagrios d'Épire (300-340 de notre ère), élève d'un médecin nommé Naumachius et auteur de 70 volumes dont seuls quelques fragments ont été conservés, et Adamantius d'Alexandrie (vers 412/415 de notre ère), iatrosophe et auteur d'un traité grec sur la physiognomonie et d'un autre intitulé De ventis.
Les extraits étaient souvent accompagnés de remarques pertinentes d'Oribase. L'importance de l'ouvrage réside essentiellement dans l'ampleur et la précision des extraits choisis qui embrassaient tous les domaines de la médecine ainsi que les rapports de l'homme avec l'environnement et les maladies. Des 70 ou 72 livres des Collectiones, seuls 25 ont été conservés intacts. Le reste peut être en partie reconstitué à partir du Synopsis pour Eustathe et du traité Ad Eunapium. Le premier, en neuf livres, est un synopsis abrégé de l'œuvre en 70 volumes, dédié à son fils Eustathe et adressé à ceux qui doivent voyager pour des raisons pratiques. Le second est un recueil de médicaments faciles à se procurer, dédié à Eunape, son ami et biographe. Ce compendium fournit une description de l'hygiène et de l'alimentation, les propriétés des médicaments, des listes de médicaments particuliers, ainsi que des informations sur l'anatomie du corps humain, les maladies et les traitements associés. Ces deux recueils sont conçus comme des manuels de référence, dans le but d'aider le lecteur en cas d'urgence médicale. En fait, l'auteur se concentre davantage sur la thérapie que sur l'étiologie ou la pathologie.
Parmi les ouvrages perdus connus, on peut citer
- Anatomie des intestins
- Sur les maladies
- Aux médecins perplexes
- Des Rois - une œuvre qui ne traite pas de la médecine.
Importance et héritage
Oribase nous fournit une source précieuse sur l'histoire de la médecine ancienne et des débuts de la médecine byzantine. Ses œuvres sont fondées sur les observations cliniques et la méthode expérimentale de tous les grands maîtres, et les auteurs médicaux byzantins ont constamment cité et extrait des parties de l'œuvre d'Oribase dans leurs écrits. Surtout, il ouvrit la voie au galénisme, car il fut le premier à considérer les travaux de Galien comme fondamentaux pour le progrès de la médecine. Grâce à ses travaux, une partie considérable de nombreux écrits médicaux n'a pas été perdue. Le Synopsis pour Eustathe et l'Ad Eunapium ont servi de modèle aux futurs compendiums et ont été traduits en latin dans l'Italie ostrogothique dès le Ve siècle et en syriaque et en arabe dans le monde islamique.