Le chaudron de Gundestrup est un récipient en argent doré trouvé à Gundestrup au Danemark en 1891. Il a probablement été fabriqué dans les Balkans, peut-être au 1er siècle av. JC, et il montre une nette influence de l'art et de la mythologie celtiques, même si d'autres motifs semblent être proches de l'Orient. Les panneaux en relief du chaudron présentent des scènes de dieux, d'animaux, de guerriers et de rituels sacrificiels, dont la plupart laissent les historiens perplexes quant à leur signification précise. Ce chaudron est l'un des plus grands exemples d'art européen ancien et il fait désormais partie de la collection du Musée national du Danemark, à Copenhague.
Les chaudrons dans la culture celtique
Le chaudron faisait partie intégrante des anciens festins celtes et il occupait une place particulière dans la mythologie, où il était doté de propriétés magiques et associé à l'abondance, à la régénération et à la fertilité. Le dieu-guerrier Dagda possédait le chaudron le plus célèbre du monde celtique, et il était considéré comme l'un des quatre trésors des Tuatha Dé Danann, les dieux irlandais pré-chrétiens ou la race surnaturelle connue sous le nom de Tuatha Dé Danann qui ont apporté des éléments de civilisation dans le cycle mythologique irlandais. Le chaudron du Dagda était spécial car il était inépuisable et il pouvait nourrir un nombre illimité de ses fidèles.
L'historien B. Cunliffe résume ici l'utilisation de chaudrons plus ordinaires lors des fêtes celtiques :
Le centre du festin aurait été le chaudron commun fait de feuilles de bronze rivetées ensemble, avec le bord redressé pour prendre deux grands anneaux auxquels étaient attachés des chaînes ou des cordes afin que le chaudron puisse être suspendu au-dessus du feu aux poutres du toit. Pour retirer les morceaux de viande du ragoût, on utilisait des crochets à chair en bronze. (68-9)
En plus de leur fonction de récipient de cuisson, les chaudrons pouvaient être très décoratifs et servir à afficher la richesse de l'hôte. Il n'y a pas de meilleur exemple survivant de cette idée que le chaudron de Gundestrup.
Origine et propriétés
Le chaudron de Gundestrup a été découvert le 28 mai 1891 par des ouvriers coupant des blocs de tourbe dans une tourbière près de Gundestrup, dans le nord du Jutland, au Danemark. C’est l'une des plus grandes découvertes d'art européen ancien jamais faites. Les détails des reliefs décoratifs du chaudron révèlent une influence celtique évidente, mais certains motifs, notamment les animaux exotiques (lions ou léopards, éléphants et griffons), suggèrent également une influence proche-orientale, de sorte que les spécialistes attribuent généralement sa fabrication aux peuples vivant dans la région du Bas-Danube, plus précisément en Dacie ou en Thrace (qui correspond à la Roumanie et à la Bulgarie actuelles). L'utilisation de l'argent est un autre lien avec la région du Bas-Danube, car il est rare dans l'art celtique, mais pas dans l'art thrace. Comme le notent les historiens J. Farley et F. Hunter, ce chaudron «n'est pas celte, ou, du moins, pas seulement celte» (262). En tant que tel, c'est un objet qui continue à intriguer tous ceux qui le voient.
Le chaudron est probablement arrivé au Danemark par le biais du commerce, il a été offert en cadeau ou emporté comme butin de guerre. Sa destination finale dans une tourbière est probablement due au fait qu'il a été donné comme offrande votive, une pratique courante dans la religion celtique. Cependant, il avait été démonté en ses éléments constitutifs et il avait peut-être été transféré dans la tourbière depuis un autre site funéraire. Il a été daté de la période allant du 3e siècle au 1er siècle av. JC.
Le chaudron mesure 35,5 cm de haut et 69 cm de diamètre. Il peut contenir 107 litres et il pèse un peu plus de 9 kilogrammes. Il est fabriqué en argent (pur à 96 %), dont certaines parties étaient dorées à l'origine. Il est formé d'un bassin uni réalisé à partir d'une seule feuille d'argent. Les côtés sont composés de cinq pièces rectangulaires intérieures incurvées et de huit pièces carrées extérieures aussi incurvées (il en manque une). Ces panneaux mesurent 21 cm de hauteur. Les yeux des personnages dans les panneaux extérieurs étaient à l'origine rendus par des inserts en verre, mais ils sont maintenant creux. Les panneaux latéraux sont surmontés de deux sections tubulaires formant le bord arrondi du chaudron. Les 12 panneaux latéraux sont décorés de haut-reliefs, créant des scènes dont la signification est encore très débattue par les spécialistes.
Les panneaux en relief
Panneau circulaire de la base
Bien que la base du chaudron soit en argent uni, elle comporte un panneau circulaire avec une scène en relief. La qualité de l'exécution de ce panneau est considérée comme supérieure à celle des autres panneaux et il est donc probable qu'il ait été ajouté plus tard. En outre, la base présente quelques dommages et le panneau a peut-être été fabriqué pour les dissimuler. Il mesure 25 cm de diamètre.
La scène montre ce qui semble être un taureau mort, au-dessus duquel se trouve une figure féminine brandissant une épée. Il s'agit donc vraisemblablement de la représentation d'un sacrifice ou d'une chasse rituelle. Les taureaux étaient de puissants totems dans la culture celtique et l'un des animaux sacrifiés aux dieux. La scène présente également trois autres animaux au milieu du feuillage ; il s'agit peut-être d'un lézard et de deux chiens de chasse.
Panneau des guerriers
Un panneau latéral intérieur montre une double rangée de guerriers, le niveau supérieur représentant la cavalerie et le niveau inférieur l'infanterie. Les cavaliers portent des tuniques et des casques typiques des guerriers celtes - coniques et avec un cimier en forme d'animal ou de cornes. Ces totems, par exemple la représentation d'un ours, d'un sanglier ou d'un cerf, étaient considérés comme protecteurs et capables de donner au porteur les mêmes attributs positifs que l'animal. Les chevaux portent une armure sur la croupe. L'infanterie porte des boucliers celtiques typiques, de forme oblongue. À droite du panneau se tiennent trois guerriers soufflant dans des cornes de guerre et portant des casques, des tuniques et des culottes. Ces instruments, connus sous le nom de carnyx, possèdent un embout en forme d'animal et ils étaient utilisés pour faire du bruit et organiser les troupes au combat.
La figure à gauche de la scène est plus mystérieuse. Beaucoup plus grande que les guerriers, il s'agit probablement d'un dieu debout à côté de ce qui semble être un chaudron. Comme l'un des guerriers est traîné dans le chaudron par la grande figure, la scène représente peut-être le passage dans l'autre monde des guerriers tombés au combat. Elle peut aussi représenter la croyance celte en la réincarnation. Les fantassins marchent vers le personnage divin qui les plonge dans son chaudron magique et ils émergent ainsi comme une cavalerie de plus haut rang s'éloignant du chaudron.
Une troisième interprétation est que la figure représente Toutatis, un dieu celte qui protégeait la tribu. Toutatis était particulièrement populaire en Gaule, où les auteurs romains le décrivent comme recevant des victimes sacrificielles tuées par noyade dans un baquet d'eau.
Panneau du Griffon ailé
Ce panneau montre un dieu masculin tenant une roue, un artifice souvent représentatif du soleil dans l'art celtique. Un guerrier casqué tient également cette roue. De chaque côté se trouve un léopard et, en dessous, trois griffons ailés (lions à tête d'oiseau) et un serpent à cornes de bélier.
Panneau de la déesse
Sur ce panneau, il y a une déesse avec une roue de chaque côté d'elle qui pourrait être Medb, une importante déesse celtique du territoire, de la fertilité et de la domination. La figure porte une sorte de casque et elle est entourée de créatures exotiques qui semblent être des éléphants, des griffons ailés et un grand félin. De chaque côté de Medb se trouvent ce qui semble être des îles, évoquant une sorte de carte, mais il pourrait s'agir de sang, car des artifices similaires apparaissent aux pattes des taureaux dans le panneau suivant.
Panneau des taureaux
Le quatrième panneau intérieur montre une scène avec trois guerriers qui s'apprêtent à sacrifier trois taureaux à l'aide de leurs épées. Les taureaux sont beaucoup plus grands que les guerriers, ce qui suggère qu'ils représentent des versions surnaturelles de l'animal. Les guerriers sont aidés par trois chiens de chasse à la base, tandis que la partie supérieure de la scène montre un trio de félins tachetés.
Panneau à figure cornue
Un dieu assis avec des bois de cerf est souvent identifié comme étant Cernunnos, un ancien dieu celte qui représentait la nature, la flore, la faune, et la fertilité. Cernunnos est fréquemment représenté dans l'art celtique portant des cornes et un torque, comme ici. Le personnage tient un torque supplémentaire et un très long serpent à tête de bélier, qui signifient probablement force et abondance. Sur le côté gauche se trouvent un cerf et un chevreuil, et sur le côté droit, cinq animaux étranges et un petit personnage chevauchant ce qui pourrait être un dauphin.
Panneaux extérieurs
Les panneaux extérieurs sont carrés et plus petits que les panneaux intérieurs. Chacun d'eux présente la tête d'un personnage se tenant les bras en l'air ou les bras croisés. Plusieurs de ces personnages sont barbus et portent des casques, trois sont manifestement des femmes. La plupart portent un torque autour du cou. Certains personnages tiennent une figure humaine ou animale dans leurs mains, dans d'autres, des figures supplémentaires flottent dans l'espace entre les bras levés et la tête du personnage principal. Sur un panneau, la divinité la plus grande est flanquée d'une divinité légèrement plus petite. Sur tous les autres panneaux, le fait que la figure centrale soit beaucoup plus grande que les autres figures suggère qu'il s'agit d'un dieu et que les figures périphériques sont des humains. Les animaux sont réels ou imaginaires, comme des chiens, des aigles, des sangliers et des créatures ailées.
Une divinité féminine se fait brosser les cheveux par une femme de petite taille. Dans une autre scène, un humain lutte contre un lion ou un léopard. Sur un autre panneau, les petites figures humaines tiennent elles-mêmes un animal, ce qui peut indiquer un sacrifice fait au dieu. La signification de nombreux autres personnages et animaux est très controversée par les spécialistes. Comme l'a noté un historien, le chaudron de Gundestrup est la «pierre de Rosette» de la mythologie celtique mais, contrairement à la dalle égyptienne au texte triple, le chaudron n'a pas encore été entièrement déchiffré.