La Chambre des bourgeois de virginie (1619-1776) fut le premier gouvernement représentatif anglais en Amérique du Nord. Elle fut créée en juillet 1619 dans le but d'adopter des lois et de maintenir l'ordre dans la colonie de Jamestown, en Virginie, et dans les autres colonies qui s'étaient développées autour d'elle.
Un bourgeois était défini comme un freeman (homme libre) et est également appelé "citizen" (citoyen), défini à l'époque comme un homme blanc propriétaire terrien âgé de plus de 21 ans. Bien que la Chambre des bourgeois soit souvent définie ou citée comme le premier gouvernement démocratique d'Amérique du Nord, cela n'est pas exact car:
- Le gouvernement démocratique était déjà bien développé par les populations autochtones et était en place depuis plus de mille ans.
- La Chambre des bourgeois n'était pas une véritable démocratie car seuls les hommes blancs de plus de 21 ans possédant des terres étaient autorisés à participer, le gouverneur pouvait opposer son veto à toute loi et toutes les lois étaient soumises à l'approbation de la Virginia Company de Londres.
- Le Conseil d'État, qui conseillait le gouverneur, était composé d'hommes nommés par la Virginia Company, qui n'avaient pas été élus par leurs pairs ou leurs électeurs, mais qui représentaient leurs intérêts.
Il est plus juste de définir cette assemblée comme le premier gouvernement représentatif anglais dans les colonies d'Amérique du Nord. Sa création avait été encouragée par l'homme politique anglais Sir Edwin Sandys (prononcé Sands, l. 1561-1629), l'un des principaux investisseurs et fondateurs de la Virginia Company de Londres, qui avait financé l'expédition visant à établir Jamestown en 1607. Sandys était un antiroyaliste - quelqu'un qui rejetait le concept du droit divin des rois et de la monarchie dans son ensemble - et soutenait une structure gouvernementale basée sur l'assemblée d'hommes libres, élus par leurs pairs, pour créer et faire respecter des lois pour le bien commun.
Le premier point à l'ordre du jour de la Chambre des bourgeois concernait les relations entre les colons et les Amérindiens, et cette question resterait une préoccupation constante de l'assemblée au cours des années suivantes. Bien que les bourgeois aient continuellement cherché à adopter des lois et à mettre en œuvre des politiques qu'ils jugeaient équitables pour les peuples autochtones et les immigrants, ils ne voulurent pas reconnaître que leur présence même sur des terres précédemment utilisées par des tribus amérindiennes était au cœur de tous les autres problèmes qu'ils tentaient de résoudre et, en outre, au fur et à mesure que les terres étaient accaparées pour les colonies et les plantations, le vol de terres était justifié par des lois, au nom de ce que l'on pensait être le mieux pour les populations autochtones.
L'assemblée continué à se réunir en tant que corps politique unicaméral (c'est-à-dire un seul corps législatif) chaque fois qu'elle était appelée en scéance jusqu'en 1642, date à laquelle elle fut divisée en un corps bicaméral (deux assemblées législatives distinctes) composé de la Chambre des bourgeois et du Conseil d'État. Ces deux chambres deviendraient plus précises et plus autonomes au fil des ans et serviraient de base à l'opposition des colonies à la domination britannique à la fin du XVIIIe siècle.
De nombreux pères fondateurs, dont George Washington, Thomas Jefferson et Patrick Henry, étaient membres de la Chambre des bourgeois et contribuèrent à la création de son successeur, l'Assemblée générale, composée d'un Sénat et d'une Chambre des délégués en 1776. Un certain nombre de chercheurs de l'époque moderne ont soutenu l'idée que la Chambre des Bourgeois, qui contribua à la création du gouvernement des États-Unis, était directement influencée par les formes de gouvernement des Amérindiens, mais cette affirmation est constamment remise en question.
Démocratie amérindienne
Une forme de gouvernement démocratique avait été établie en Amérique du Nord plus de mille ans avant que le premier colon anglais n'y mette les pieds. Bien que de nombreuses nations indigènes aient pratiqué cette forme de gouvernement, c'est la Confédération iroquoise (également connue sous le nom de Haudenosaunee), qui s'étendait de l'actuel Canada jusqu'à la Caroline du Nord, qui est la mieux documentée. Les tribus s'affrontaient dans des guerres quasi constantes pour la nourriture et l'eau, jusqu'à l'arrivée du Grand Pacificateur, Dekanawida, qui inspira ses deux disciples les plus connus - Hiawatha et, plus tard, Tadodaho - à diffuser le message de paix et de puissance par l'unité.
Les Cayuga, les Kanienkehaka, les Mohawks, les Oneida et les Seneca furent les premiers à former la confédération, les Onondaga et les Tuscarora la rejoignant plus tard. Le chercheur David J. Silverman décrit la forme de gouvernement, connue sous le nom de Ligue, établie vers l'an 1000, bien qu'elle ait existé sous une forme ou une autre bien avant cette date, par l'intermédiaire des conseils tribaux :
À l'instar des conseils tribaux, les réunions des sachems [chefs] des clans de la Ligue n'étaient pas consacrées à l'élaboration de politiques, mais au maintien de la paix, en particulier à l'arrêt des cycles de guerres de vengeance. (42)
Parallèlement, cependant, la Ligue définit bel et bien une politique en vue de maintenir la paix.. Les chefs de clan étaient choisis par les matrones de leur clan en fonction de leur éloquence et de leur capacité à représenter les intérêts de leur peuple. Bien que les membres de la tribu n'aient pas directement élu leurs représentants, ils faisaient confiance aux matrones qui les choisissaient, et ceux qui ne représentaient pas fidèlement les intérêts de leur clan étaient révoqués et remplacés par d'autres. Les discussions sur la politique étaient encouragées et le débat faisait partie intégrante de toute décision sur les lois, dont l'acceptation devait être approuvée à l'unanimité. Les Iroquois avaient ainsi institué un organe législatif monocaméral en Amérique du Nord, des siècles avant l'arrivée des Anglais.
La Virginia Company, Jamestown et le tabac
D'autres tribus, depuis l'actuelle Nouvelle-Angleterre jusqu'à la Virginie, avaient mis en place des formes de gouvernement similaires et étaient pleinement opérationnelles lorsque l'Angleterre commença à coloniser ce que l'on appelle le Nouveau Monde d'Amérique du Nord. La Virginia Company de Londres finança l'expédition de 1607 qui permit d'établir Jamestown dans les marais de Virginie, sur des terres que la Confédération Powhatan de la région avait jugées inappropriées. La colonie lutta pour survivre et n'y parvint que lorsque le capitaine John Smith (1580-1631) en prit le contrôle, empêcha les colons de voler les indigènes, les força à travailler la terre pour se nourrir et conclut une alliance avec le chef Powhatan Wahunsenacah (c. 1547 - c. 1618).
Smith quitta la colonie pour retourner en Angleterre à l'automne 1609, et les relations entre les colons et les peuples indigènes se détériorèrent. La colonie subit ce que l'on appelle aujourd'hui le Starving time (la période de famine) pendant l'hiver 1609-1610. En mai 1610, un navire amena l'homme qui allait redresser la situation de Jamestown: John Rolfe (1585-1622). Rolfe arriva avec des graines de tabac qu'il avait acquises de quelque manière; il pensait qu'elles se développeraient bien dans le sol de la Virginie. Il avait raison et, en 1614, il avait déjà fait sa première récolte très rentable, ce qui encouragea d'autres personnes à commencer à planter du tabac.
L'expansion de Jamestown, ainsi que les besoins des colons et leur tendance à voler les indigènes, entraînèrent la première des guerres anglo-powhatans (1610-1614), qui se termina lorsque Rolfe épousa la fille de Wahunsenacah, Pocahontas (c. 1596-1617), établissant ainsi la paix de Pocahontas en 1614. D'autres colonies, telles que Henricus, avaient été fondées à cette époque, et davantage de terres furent achetées (ou prises) aux autochtones pour des plantations de tabac et des colonies. Pocahontas mourut en 1617, et les tensions commencèrent à monter entre les colons et les autochtones qui voyaient leurs terres et leurs récoltes accaparées sans compensation.
Création de la Chambre des bourgeois
À ce stade du développement de la colonie, Sir Edwin Sandys (qui était également responsable du programme appelé les mariées de Jamestown) reconnut la nécessité d'un gouvernement représentatif sur place pour diriger les affaires en Amérique du Nord. Depuis le début, Jamestown était dirigée par un gouverneur colonial nommé par la Virginia Company qui prenait des décisions, parfois, après avoir consulté des conseillers. Sandys encouragea la création d'un organe législatif qui serait mieux à même de répondre aux besoins d'une colonie en expansion et de relever les défis posés par la résistance des populations autochtones à la perte de leurs droits fonciers. Le spécialiste David A. Price décrit l'organisation initiale du corps législatif en juillet 1619:
Aucun compte rendu des règles du suffrage dans la Virginie de 1619 n'a survécu, mais on peut supposer qu'elles suivaient la pratique de la mère patrie en excluant les serviteurs sous contrat de sexe masculin (parce qu'ils n'étaient pas propriétaires) ainsi que toutes les femmes. Les électeurs de chaque ville, bourg et plantation élisaient deux "bourgeois" pour les représenter. Comme il y avait sept plantations à la mi-1619, les bourgeois comprenaient huit hommes des villes et des bourgs et quatorze des plantations, soit vingt-deux hommes au total. L'assemblée ressemblait au Sénat américain moderne en ce sens que ses bourgeois représentaient un nombre extrêmement variable d'électeurs. (190)
Au départ, la participation à l'assemblée était limitée aux propriétaires anglais de sexe masculin, mais lorsque les artisans polonais l'apprirent, ils se mirent en grève et refusèrent de travailler tant qu'ils n'auraient pas obtenu les pleins droits dans le gouvernement participatif. La première session de l'assemblée se tint le 30 juillet 1619 dans l'église de Jamestown et fut présidée par le gouverneur Sir George Yeardley (1587-1627). Le président de la Chambre était John Pory (1572-1636), chargé d'établir les procédures parlementaires qui allaient régir les réunions et qui sont encore utilisées de nos jours.
La session fut ouverte par une prière du prêtre anglican Richard Buck, arrivé dans la colonie avec Yeardley et Rolfe en 1610. Après la prière, Pory présenta à l'assemblée le premier point de l'ordre du jour: une plainte déposée contre le propriétaire de la plantation John Martin pour avoir pris de force le maïs d'un groupe de Powhatans qui avaient refusé de lui vendre. Des colons furent appelés à témoigner de l'événement et les accusations furent discutées. Price commente la nature de l'assemblée:
Le nouvel organe n'était en aucun cas une démocratie représentative pure. Hormis les restrictions relatives au suffrage, la charte démocratique de l'assemblée était légèrement diluée par le fait qu'elle comprenait non seulement les bourgeois, mais aussi le "Conseil d'État" du gouverneur, une demi-douzaine d'hommes nommés par la compagnie pour servir de conseillers au gouverneur. Ces hommes étaient eux-mêmes des colons et étaient chargés de représenter les intérêts des colons, mais ils n'avaient été élus par personne. Le gouverneur disposait d'un droit de veto (une "voix négative"), tout comme le conseil de la compagnie à Londres. (190)
Par un vote unanime, Martin fut censuré et sommé de se présenter devant le corps législatif pour donner sa version des faits. On lui ordonna de remettre une certaine somme à l'assemblée pour garantir qu'à l'avenir, ni lui ni son peuple ne molesteraient les tribus autochtones ou ne toucheraient à leurs biens sans leur consentement. Il ne fut cependant pas tenu de demander l'autorisation du gouverneur pour commercer avec les indigènes, ce qui établit les politiques relatives à la propriété personnelle dans les colonies. Une disposition fut ensuite adoptée, la toute première, qui protégeait les droits des autochtones sur leurs terres, leurs personnes et leurs biens. L'assemblée passa ensuite à d'autres questions, mais s'ajourna prématurément en raison de la chaleur extrême du début du mois d'août dans les locaux étroits de l'église.
Esclavage, expansion et guerres anglo-powhatans
La vente des récoltes de tabac avait non seulement sauvé Jamestown mais l'avait rendue riche, ce qui encouragea l'arrivée d'autres colons - qu'ils aient été propriétaires terriens ou serviteurs sous contrat - qui voulaient eux aussi faire fortune grâce à cette culture. L'année même de la création de la Chambre des bourgeois vit l'arrivée des premiers Africains dans la colonie, dont 20 furent achetés par Sir George Yeardley, qui devint ainsi le premier propriétaire d'esclaves de Virginie.
Certains chercheurs (dont Price) doutent que ces premiers Africains aient été traités comme des esclaves et affirment qu'ils étaient plutôt considérés comme des serviteurs sous contrat. Les faits suggèrent la présence de Noirs libres dans la Jamestown coloniale et il est certain qu'en 1676, il y avait des propriétaires terriens noirs et qu'au moins l'un d'entre eux possédait lui-même des esclaves noirs. Même si les Africains ne furent pas traités comme des esclaves, ils arrivèrent dans cet état à bord d'un navire hollandais, qui les avait capturés comme cargaison d'un négociant espagnol. L'esclavage ne fut institutionnalisé en Virginie que dans les années 1660, mais on peut dire que les premiers esclaves africains arrivèrent dans la colonie en 1619.
Yeardley fit travailler ses nouveaux esclaves (ou serviteurs) dans les champs de tabac, le sien n'étant qu'un des nombreux champs qui s'étendaient sur les terres des Amérindiens. Plus les colons arrivaient, plus il fallait de terres pour établir des colonies, des fermes et des plantations de tabac, et la Confédération Powhatan finit par en avoir assez. Wahunsenacah avait été remplacé par son demi-frère Opchanacanough (1554-1646) qui, en 1622, lança ce que l'on a appelé le massacre indien de 1622 et le début de la deuxième guerre anglo-powhatan (1622-1626), tuant plus de 300 colons. La Chambre des bourgeois adopta une loi organisant la milice des colonies et l'établissement de défenses.
Les législateurs feraient de même plus tard, lors de la troisième guerre anglo-powhatan (1644-1646), puis après la rébellion de Bacon en 1676. Après cet événement, au cours duquel des serviteurs sous contrat avaient participé à une révolte menée par le propriétaire terrien Nathaniel Bacon (1647-1676), la Chambre des bourgeois reconnut le danger de continuer à importer des serviteurs sous contrat qui seraient récompensés, à l'issue de leur service, par des terres, ce qui équivalait à un pouvoir politique. La servitude sous contrat fut supprimée et l'esclavage fut institutionnalisé pour continuer à récolter le tabac. Bien que la protection des droits et des biens des Amérindiens ait été la première priorité de la Chambre des bourgeois, cette législation fut oubliée au fur et à mesure que les profits des ventes de tabac augmentaient et qu'il fallait davantage de terres pour les plantations.
Conclusion
La Virginia Company fut dissoute en 1624 et le gouvernement anglais prit le contrôle direct des colonies d'Amérique du Nord. La Chambre des bourgeois continua cependant de se réunir et d'adopter des lois en accord avec la politique du gouvernement anglais. En 1634, l'assemblée divisa la colonie en expansion en comtés et réorganisa la représentation. En 1642, l'assemblée devint un organe bicaméral composé de la Chambre des bourgeois et du Conseil d'État. En 1676, lors de la rébellion de Bacon, Jamestown fut incendiée et le gouvernement déménagea dans la région de Middle Plantation, connue plus tard sous le nom de Williamsburg.
La guerre de Sept Ans (1756-1763) entre l'Angleterre et la France (connue sous le nom de Guerre de la conquête dans son théâtre nord-américain, 1754-1763), fut coûteuse et entraîna une augmentation des impôts sur les colonies et une perturbation du commerce colonial. La législation anglaise concernant le commerce, l'économie coloniale et l'autonomie politique suivit tout au long des années 1760, augmentant la tension entre la couronne et les colonies. À cette époque, la Chambre des bourgeois avait une longue histoire et inspirait des organes législatifs similaires dans d'autres pays.
Les colonies de Nouvelle-Angleterre avaient également établi leurs propres gouvernements coloniaux et, de plus en plus, ne voyaient pas la nécessité d'obéir aux diktats du gouvernement anglais. Les tensions s'accrurent au début des années 1770, conduisant finalement au déclenchement des hostilités en 1775 et à la guerre d'indépendance américaine (1775-1783). Price ommente:
La création de l'Assemblée générale en 1619 et l'introduction de la propriété à grande échelle la même année ont été des étapes cruciales sur la voie de la liberté et de l'autonomie américaines. Il est difficile d'exagérer leur effet durable sur la culture politique américaine, en tant que base pour la diffusion éventuelle de la propriété privée et du gouvernement représentatif dans les colonies anglaises. (194)
La Chambre des Bourgeois fut dissoute le 6 mai 177. Elle ne fut jamais officiellement ajournée et devint l'Assemblée générale composée de la Chambre des délégués et du Sénat du Commonwealth de Virginie, déclarant ainsi son indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Les membres de la Chambre des bourgeois joueraient un rôle essentiel dans la guerre d'indépendance et la fondation du gouvernement des États-Unis par la suite.
L'un des pères fondateurs, Thomas Paine (1737-1809), bien qu'il n'ait pas été membre de la Chambre des bourgeois, est souvent considéré comme le "père de la révolution" pour ses ouvrages Le sens commun et La crise américaine, qui fournirent la justification philosophique et l'inspiration de la guerre. Paine devint un personnage controversé à son époque pour avoir soutenu que le gouvernement de la Confédération iroquoise devait servir de modèle à celui des États-Unis. Selon certains chercheurs modernes, ce fut bel et bien le cas, mais tout comme à l'époque de Paine, cette affirmation est contestée et le sujet est souvent omis dans le récit de la fondation des États-Unis.