La sculpture des anciens Celtes entre 700 av. JC et 400 ap. JC est très variée, car les artistes de toute l'Europe ont développé leurs propres idées et emprunté ce qui les intéressait aux cultures voisines. Les premières sculptures celtes en pierre et en bois se concentrent sur la forme humaine, en particulier les têtes. Ces œuvres représentent généralement des dieux et des guerriers héroïques, mais elles sont souvent abstraites, les traits typiques du visage étant des yeux lenticulaires, un nez bulbeux et des cheveux balayés en arrière. Les animaux, réels ou imaginaires, étaient un autre sujet de prédilection, notamment sous forme de miniatures en métal destinées à orner toutes sortes d'objets tels que des chaudrons, des chars, des cimiers de casque et des cruches. Les motifs végétaux et des lignes complexes tourbillonnantes ajoutaient une décoration supplémentaire aux objets et sont devenus une caractéristique de l'art celtique au fur et à mesure de son développement pendant la période médiévale. L'art celtique, en général, a connu un formidable renouveau depuis le 19e siècle jusqu'à aujourd'hui et de nombreux motifs si typiquement "celtiques" trouvent leur origine dans les œuvres d'art produites il y a 2 000 ans.
Thèmes
Les anciens peuples qui parlaient la langue celtique occupèrent des territoires allant de la péninsule Ibérique à la Bohème au cours du 1er millénaire av. JC et pendant plusieurs siècles au cours du 1er millénaire ap. JC. Les Celtes des différentes régions de l'Europe occidentale et centrale n'avaient aucune idée qu'ils faisaient partie d'une culture plus large ayant des approches similaires de la religion et de la société. Puis, comme beaucoup d'autres cultures durables, la sculpture des Celtes évolua au fil du temps, recevant des influences des cultures du Proche-Orient et des Grecs, des Étrusques, des Scythes, des Thraces et des Romains, et, bien sûr, des autres Celtes. Nous sommes donc obligés de traiter de l'art celtique ancien de façon générale. Une autre difficulté réside dans le fait que les Celtes ont laissé très peu de traces écrites et que nous ne disposons donc d'aucun commentaire des créateurs eux-mêmes sur ce qui a inspiré leur art, sur ce qu'il était censé représenter ou sur la manière dont il devait être utilisé. Nous devons juger l'art celtique en examinant uniquement les objets d'art eux-mêmes et les contextes dans lesquels ils ont été redécouverts.
Malgré ces problèmes de définition et d'étude, il existe certainement des thèmes communs qui s'expriment dans la sculpture celtique partout où des pièces ont été trouvées. En outre, l'art celtique n'est pas limité aux objets de prestige, mais se retrouve partout, des grandes sculptures de pierre aux plus humbles épingles à vêtements; même des objets très fonctionnels comme les cruches à vin et les chenets (utilisés pour rôtir la viande) étaient ornés de têtes d'animaux.
Trois sujets se distinguent comme présentant un intérêt particulier pour les sculpteurs celtes anciens: Les dieux, les guerriers et les animaux. Les sculptures sont rarement de taille réelle, mais cela pourrait s'expliquer par le fait que les exemples n'ont tout simplement pas survécu. En outre, c'est la tête qui semble avoir le plus frappé l'imagination des Celtes. Les têtes étaient considérées comme les réceptacles de l'âme et revêtaient donc une importance particulière dans la religion et la guerre celtique (où elles étaient collectionnées comme trophées). Il n'est donc pas surprenant de voir la tête dominer la sculpture celtique. Les têtes humaines, et de nombreux animaux dans l'art celtique, sont typiquement stylisées, elles ont souvent des cheveux balayés en arrière, un nez bulbeux et des yeux lenticulaires. Au fil du temps, l'amour des Celtes pour les têtes dans la sculpture semble avoir diminué et avoir été remplacé par d'autres formes, mais on les voit encore dans les zones gravées d'autres objets où elles sont entourées d'un camouflage de feuillages et de motifs linéaires, souvent aussi rendus de manière très abstraite mais visibles pour un œil averti.
Matériaux
En termes de matériaux, les sculpteurs celtes utilisaient la pierre, le bois et les métaux pour leurs œuvres. Les métaux tels que le bronze, le fer, l'or et l'argent étaient généralement coulés mais pouvaient également être martelés à partir de feuilles. Les formes et les décorations supplémentaires étaient obtenues par la gravure, le poinçonnage, le ciselage et le repoussé (rainurage du matériau par l'arrière pour créer un relief sur l'autre face). Les motifs les plus complexes étaient réalisés à l'aide d'un compas en marquant des lignes légères sur la pièce. Il subsiste même des pièces en os que les artisans utilisaient pour faire des essais avant de se lancer dans une œuvre faite avec une matière plus précieuse. Des détails étaient rajoutés aux sculptures de toutes sortes à l'aide de matériaux colorés tels que le verre (surtout du rouge), le corail, les coquillages, l'ambre, les pierres semi-précieuses et l'émail.
Sculpture religieuse
Une figure qui apparaît plus fréquemment que la plupart des autres dans l'art celtique ancien est le dieu Cernunnos qui représentait la nature, la flore et la faune, ainsi que la fertilité. Généralement représenté portant des bois ou des cornes de cerf, le dieu apparaît dans le monument gallo-romain Nautae Parisiaci du Ier siècle ap. JC, où il porte un torque suspendu à chacune de ses cornes. Une autre représentation possible de Cernunnos, cette fois sous la forme d'une figure en bronze du Ier siècle av. JC trouvée dans la rivière Juine à Bouray près de Paris, en 1845, le montre portant un torque autour du cou. Le personnage est assis les jambes croisées et ses jambes raccourcies se terminent par des sabots. Les yeux sont en verre incrusté (un seul a survécu). La figurine mesure 42 centimètres de haut et elle est actuellement exposée au Musée archéologique du Château de Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines, en France.
La double tête en pierre calcaire de Roquepertuse, dans le sud de la France, est une œuvre importante car elle présente des traces de peinture et elle indique ainsi que la sculpture celtique n'était peut-être pas aussi austère que nous l'imaginons aujourd'hui. Elle date du 3e ou du 2e siècle av. JC. En outre, cette pièce, avec ses deux têtes dos à dos, chacune avec un visage différent, rappelle que les artistes celtes, comme ceux d'un peu partout, étaient influencés par de nouvelles idées, dans ce cas les statues grecques d'Hermès.
Une autre sculpture celtique mystérieuse est la tête en grès de Mšecké Žehrovice provenant d'un sanctuaire en République tchèque. Datant du 2e siècle av. JC environ, la tête porte un torque épais autour du cou, ce qui indique qu'il s'agit probablement d'une divinité guerrière ou d'un héros culturel. Curieusement, la tête a été brisée en plusieurs morceaux puis enterrée dans une fosse de sable avec des poteries brisées et des os d'animaux. La tête est exposée au Musée national de Prague.
La dalle de pierre sculptée de Cleveland Walk représente un trio de déesses. Fabriquée à l'époque romaine, elle a été identifiée comme étant celtique en raison de la croyance celtique selon laquelle certaines divinités avaient trois aspects, ce qui augmentait leur puissance. Une telle déesse avec trois formes différentes est la déesse guerrière Mórrigan. Aujourd'hui, la dalle est exposée au Roman Bath Museum à Bath en Angleterre.
Encore plus énigmatiques que la tête de Mšecké Žehrovice et la sculpture de Mórrigan, des statues en bois ont été miraculeusement récupérées dans des lacs et des tourbières qui ont préservé ces matières organiques qui auraient autrement disparu depuis longtemps. Généralement en chêne, ces figures debout n'ont que les traits les plus rudimentaires et sont très souvent représentées portant un long manteau à capuche. Placées dans des sites sacrés et ornées d'un torque autour du cou, elles représentaient probablement des dieux celtes. Un bel exemple provient du lac Léman et date d'environ 80 av. JC. En revanche, la célèbre figure d'Euffigenix, datant du 1er siècle av. JC, qui montre une divinité portant un torque et dont le corps est orné d'un sanglier à la verticale, est en calcaire mais semble être une copie de ces statues en bois, ce qui suggère qu'elles étaient très répandues dans le monde celtique.
Enfin, les pierres taillées étaient une caractéristique de la sculpture celtique. Plusieurs exemples subsistent en Irlande et en Gaule. Ces pierres typiques ont la forme de dômes ou de pyramides à quatre côtés et sont recouvertes de dessins abstraits, des lignes, des torsades et des motifs végétaux. Elles peuvent avoir représenté une vision celtique de l'univers et avoir été placées sur des sites sacrés. Le pilier en pierre de Pfalzfeld à St. Goar en Allemagne (aujourd'hui au Rheinisches Landesmuseum de Bonn), datant du 5e-4e siècle av. JC, en est un bel exemple. Il mesure 1,48 mètre de haut et il était autrefois surmonté d'une tête. Divisé en quatre côtés par des reliefs verticaux en forme de cordes, chaque face présente une tête humaine portant une coiffe appelée « couronne de feuilles » avec une barbe stylisée à trois pointes. Les espaces sont remplis de motifs géométriques, notamment des formes en s qui rappellent les fibules celtiques. Un exemple plus tardif de ce type d'objet est la pierre de granit Turoe de Galway, qui date du 1er siècle av. JC.
Figures de guerriers
Les guerriers nus portant uniquement une ceinture d'épée et un torque au cou étaient un sujet courant pour les sculpteurs celtes. Une pièce rare par sa taille, et l'une des plus anciennes sculptures celtiques conservées, est la figure grandeur nature d'un guerrier ithyphallique provenant de Hirschlanden près de Ludwigsburg, en Allemagne. Réalisée en grès, cette pièce se trouvait probablement au sommet d'une colline voisine. Elle date probablement du 6e siècle av. JC. et montre une influence étrusque. La figure nue ne porte qu'une ceinture avec un poignard et un torque. Son couvre-chef est particulièrement intéressant : il s'agit probablement d'un chapeau en écorce de bouleau, dont on a retrouvé des exemplaires dans une tombe voisine. La statue se trouve aujourd'hui au Württembergisches Landesmuseum de Stuttgart.
Une statue en grès grandeur nature d'un guerrier celte, parfois appelé le « Prince de Glauberg », a été exhumée à Glauberg, en Allemagne. Le guerrier, qui porte un bouclier, est vêtu d'une tunique de cotte de mailles et d'un collier torque à trois pendentifs. Il porte également une coiffe élaborée de type « couronne de feuilles ». La statue a été trouvée en 1996 près d'une tombe celtique déjà fouillée qui date de la seconde moitié du 5e siècle AEC. Le bijou porté par la statue est similaire à celui porté par le guerrier décédé dans la tombe. La statue est exposée au musée de Glauberg.
Une célèbre figurine en terre cuite représentant un guerrier celte a été découverte et fabriquée en Égypte, elle date de la période 220-180 av. JC. Probablement un mercenaire gaulois au service de l'armée ptolémaïque, le personnage ne porte rien d'autre qu'un manteau et une ceinture d'épée, et il porte le long bouclier oblong familier des guerriers celtes. La figurine est creuse et elle a été réalisée à l'aide d'un moule en deux parties. Elle est, aujourd'hui, exposée au British Museum de Londres.
Une figure beaucoup plus dynamique que celles déjà mentionnées est celle du guerrier portant un casque à cornes, sur le point de lancer une lance et qui se trouve maintenant au Staatliche Museum de Berlin. La figurine en bronze ne porte qu'une ceinture d'épée et un torque. Plus petit encore, mais non moins impressionnant, nous avons le groupe de guerriers qui constitue le socle du char de culte de Strettweg. Cette œuvre en bronze, qui date du 6e siècle av. JC, a été trouvée dans une tombe à Steiermark, en Autriche, et elle constitue un bel exemple de l'amour des Celtes pour les petites figurines qui peuvent orner n'importe quoi, des meubles aux chars. La figure centrale, plus grande, est celle d’une femme qui soutient un socle sur lequel on aurait placé un chaudron pour un usage rituel ; ses membres allongés, et ceux des guerriers qui l'entourent, rappellent les figures de la poterie grecque. Le char est exposé au musée archéologique de Schloss Eggenberg à Graz en Autriche.
Figures animales
Les animaux étaient un sujet très populaire dans l'art celtique ancien. Ce n'est pas surprenant, car les Celtes pensaient que les totems d’animaux sur les armes, les armures et les boucliers protégeaient le porteur et lui conféraient les propriétés et les caractéristiques de certains animaux. Parmi les animaux fréquemment représentés figurent le taureau, le cheval, le cerf et le sanglier. Des sculptures d'animaux à petite échelle étaient utilisées pour les cimiers de casques, mais on les retrouve le plus souvent dans les broches celtiques. Un bel exemple de figurine de cheval provenant d'une broche date de 650-550 av. JC et est aujourd'hui exposé au Metropolitan Museum of Art de New York. Sous l'influence des Romains, les artistes celtes ont réalisé des broches figurines avec des animaux fantastiques ou en mêlant des caractéristiques animales et humaines. Un autre domaine où les bêtes fantastiques font leur apparition est celui des extrémités des cornes en bronze utilisées par les Celtes pour stimuler les guerriers sur le champ de bataille.
Un bel exemple de l'amour des Celtes pour les créatures bizarres, combiné au thème de la tête coupée, est la « Tarasque de Noves », une sculpture en calcaire d'un molosse assis provenant du sud de la Gaule. La créature a chacune de ses pattes posées sur une tête humaine coupée et elle mange une troisième victime dont le bras pend de sa gueule hargneuse. La sculpture, qui mesure 1,2 mètre de haut, témoigne peut-être d'une influence romaine, mais pourrait remonter au 2e siècle av. JC. Elle est actuellement exposée au musée Calvet, à Avignon, en France.
Une pièce intéressante de l'art celtique abstrait est le masque en bronze d’une tête de cheval qui a été découvert parmi le trésor de Stanwick, dans le Yorkshire du Nord, en Angleterre. Fabriqué à partir d'une seule feuille de métal, le masque possède des yeux, des narines et une arête nasale très stylisés, tous rendus en faible relief. La pièce est concave et comporte des supports latéraux permettant de la fixer à un autre objet, peut-être un objet en bois comme un seau. Elle mesure 98,6 cm de long et 63,6 cm de large. Elle date de la période allant de 50 av. JC à 100 ap. JC et se trouve aujourd'hui au British Museum. Au cours des siècles suivants, et à mesure que la christianisation de l'Europe a influençée l'art, cet amour de l'abstrait chez les artistes celtes de l’époque s'est exprimé non plus dans des sculptures comme le masque de cheval de Stanwick, mais dans d'autres supports comme les broches, les manuscrits enluminés et les croix en pierre, qui ont tous caractérisé l'art celte jusqu'au Moyen Âge.