Le légionnaire romain était un fantassin bien entraîné et discipliné, qui combattait au sein d'une unité professionnelle bien organisée, la légion (en latin: legio), créée par la réforme marianique. Si des changements tactiques majeurs apparurent à la fin de la République romaine et au début de l'Empire romain, l'armure et les armes romaines, bien que légèrement adaptées, restèrent simples: une cuirasse, une lance, une épée, un bouclier et un casque. Le recrutement était essentiellement volontaire, même si la conscription restait possible en cas d'urgence, et le service militaire durait 16 ans (plus tard étendu à 20, puis 25). La discipline était sévère et les conditions de vie souvent très dures. Cependant, la solde était bonne et ceux qui étaient honorablement libérés recevaient un paiement unique et une parcelle de terre pour leur service.
Origines
À l'origine, l'armée romaine se composait d'une milice de citoyens recrutés parmi les personnes ayant des droits de propriété et qui servaient sans être rémunérés pendant la durée de la guerre. Il existait un lien direct entre la citoyenneté, la propriété et l'armée. Les hommes âgés de 16 à 46 ans pouvaient être enrôlés dans l'armée. La conscription était et restait impopulaire. Les hommes éligibles étaient sélectionnés par un vote dans chacune des quatre légions existantes. Chaque soldat devait fournir et entretenir son propre équipement. Combattant dans la formation traditionnelle de la phalange grecque, les hoplites romains ou fantassins (nommés d'après leur bouclier circulaire ou hoplon) étaient essentiellement des lanciers lourdement armés. Leur service prenait fin lors de l'October equus (cheval d'octobre), le 19 octobre, qui marquait la fin de la saison des campagnes. Les réformes du sixième roi de Rome, Servius Tullius, au VIe siècle avant notre ère, introduisirent un processus d'affectation plus organisé. Les citoyens furent répartis en classes en fonction de leur richesse. Même si les recrues devaient toujours être des propriétaires et des citoyens, elles étaient affectées à des manipules en fonction de leur âge et de leur expérience: hastati, principes et triari.
Réforme marianique
Ce n'est qu'à la fin de la République et sous les consulats de Caius Marius (c. 157-86 av. J.-C.) et de Publius Rutilius Rufus en 107 avant J.-C. que la milice citoyenne à temps partiel devint une armée professionnelle à temps plein. Les distinctions entre l'âge et l'expérience furent abolies. Conscient de la nécessité d'augmenter le nombre de soldats, Marius alla à l'encontre de la coutume et simplifia les conditions d'enrôlement, recrutant parmi les citoyens les plus pauvres et les moins qualifiés de Rome: les capite censi. À la suite des réformes marianiques, les légions devinrent plus permanentes, le gouvernement romain fournissant tout l'équipement essentiel: armes, armures et vêtements. Les légionnaires étaient payés pour les jours de service et le service dans l'armée devint donc très populaire parmi les pauvres, car il leur procurait de la nourriture, des vêtements, de meilleures installations médicales et un salaire régulier. Ils bénéficiaient non seulement d'un bon salaire mais aussi d'une part du potentiel butin de guerre.
Tous les légionnaires étaient considérés comme des fantassins lourds et étaient armés d'un pilum (lance) et d'un gladius (épée). Il y avait même un gardien des armes ou custos armorum. Chaque légion recevait un étendard, un aigle d'argent ou d'or, ce qui, avec le temps, incitait les légionnaires à la loyauté. Afin de réduire la taille du train de bagages et d'accroître la mobilité, chaque soldat devait porter son équipement sur son dos, ce que l'on appela par la suite la "mule de Marius". L'ancienne formation en phalange s'étant révélée inefficace dans la guerre romaine, elle fut abandonnée. Parmi les autres changements, la cohorte remplaça le manipule, et comptait désormais 480 hommes répartis en six centuries de 80 hommes. Rufus introduisit des exercices de maniement d'armes et réforma le processus de nomination des officiers supérieurs. Ces nouveaux légionnaires étaient mieux entraînés, mieux disciplinés et donc plus souples et plus efficaces au combat.
Réformes augustéennes
Après son accession au pouvoir en 27 avant notre ère, l'empereur Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.) réforma totalement l'armée. Selon l'historien Stephen Dando-Collins, dans son livre Legions of Rome, le 1er et le début du 2e siècle de notre ère constituent l'âge d'or des légions, qui "balayaient tout devant elles". Il considère la légion romaine de l'époque impériale comme un triomphe de l'organisation". Il ajoute : "... chaque élément, de l'infanterie lourde à la cavalerie, de l'artillerie à l'infanterie légère auxiliaire, s'emboîtait parfaitement pour former une machine militaire solide et autonome" (10).
Après sa victoire contre Antoine et Cléopâtre à la bataille d'Actium en 31 avant notre ère, Auguste voulait s'assurer de la loyauté des soldats envers lui et personne d'autre (à savoir le Sénat romain). Chaque soldat devait prêter serment d'allégeance à l'empereur romain: le ius iurandum, renouvelé chaque année le 3 janvier. Pour atteindre son objectif, il dissolut 32 des 60 légions existantes, libérant ainsi 260 000 hommes. Les 28 légions restantes furent réduites à 25 lorsque Publius Quinctilius Varus perdit 3 légions lors de la bataille de la forêt de Teutoburg en l'an 9 de notre ère.
Plus tard, sous les empereurs Claude, Néron, Galba et Trajan, des légions supplémentaires furent ajoutées. Au final, Rome disposait d'une armée permanente de 150 000 légionnaires et de 180 000 fantassins et cavaliers auxiliaires. La plupart des légions étaient stationnées dans les provinces difficiles et le long des frontières. Seules neuf cohortes restaient en Italie, dont trois à Rome.
Recrutement
L'armée étant devenue professionnelle et permanente, il fallait des soldats pour remplir les légions. Tous les soldats romains étaient soit des volontaires ou voluntarii qui s'engageaient pour 16 ans (puis 20 et 25 ans), soit des conscrits ou lecti. La plupart des soldats étaient des volontaires, mais en cas de besoin, des recrues pouvaient être obtenues par le biais d'un dilectus. La conscription restait aussi impopulaire dans l'Empire qu'elle l'avait été dans la République et servait le plus souvent à acquérir des auxilia. À l'époque de Marius, un conscrit qui ne se présentait pas au service militaire était déclaré traître et passible de la peine de mort. Outre les modifications qu'il apporta aux légions, Auguste créa également un certain nombre de troupes spécialisées:
- la garde prétorienne
- la Garde urbaine ou Cohortes urbanae,
- la Garde de nuit ou Vigiles
- la Garde impériale ou Garde germanique.
Afin de compléter l'armée avec les légionnaires nécessaires, il y avait un officier de recrutement spécial ou conquisitores. L'âge optimal d'une recrue se situait entre 18 et 23 ans. Lors du recrutement et de l'entretien, les compétences des civils étaient prises en compte et mises à profit: les forgerons devenaient armuriers, les tailleurs et les cordonniers réparaient les uniformes et les chaussures, tandis que les personnes non qualifiées étaient employées dans l'équipe de géomètres ou dans l'artillerie romaine. Si l'ancienne profession d'un volontaire ou d'un conscrit était importante, l'âge, la taille, l'éducation et la condition physique étaient également pris en compte. Ceux qui souhaitaient devenir centurion devaient savoir lire et écrire, car toutes les communications (écrites en latin) devaient être transmises aux légionnaires. Pour l'auxilia, les cavaliers potentiels possédant de bonnes aptitudes équestres étaient recrutés chez d'anciens ennemis: Gaule romaine, Germanie et Thrace.
Afin d'éviter que la loyauté d'un homme ne soit partagée entre l'armée et sa famille, un légionnaire romain n'était pas autorisé à se marier avant sa retraite, et si un individu se mariait, le mariage était annulé. L'empereur Septime Sévère suspendit cette pratique en 197 de notre ère. Les légionnaires ne payaient pas d'impôts et n'étaient pas soumis au droit civil. Ils n'étaient régis que par le droit militaire, qui pouvait être extrêmement sévère. Parfois, pendant les mois d'hiver, des permissions leur étaient accordées, à condition qu'ils paient une petite redevance au centurion.
Entraînement
La formation des légionnaires était soumise à un long processus d'examen et d'entraînement. Avant d'être acceptées, toutes les recrues faisaient l'objet d'une vérification de leur statut juridique. Certains étaient accompagnés de lettres de recommandation indiquant qu'ils étaient nés libres et qu'ils étaient citoyens. Très souvent, une lettre pouvait conduire à une promotion rapide. Le statut juridique était important car les esclaves n'étaient pas autorisés à s'engager dans l'armée. Si un esclave tentait de se porter volontaire, il était passible de la peine de mort. Si toutes les normes étaient respectées pendant la période de probation ou probatio, la recrue ou tiro devenait un signatus et recevait son signaculum: une pièce de métal portée autour du cou dans une petite pochette en cuir, signalant le lien de l'individu avec l'armée. Le signaculum était semblable aux plaques d'identité actuelles et contenait des informations personnelles importantes concernant le soldat. Le fait de ne pas porter son signaculum pouvait entraîner une punition sévère. À ce moment-là, le soldat prêtait serment à l'empereur (sacramentum), recevait de l'argent pour le voyage (viatique) et était rattaché à une centurie. Chaque légion avait son propre terrain de recrutement. À son arrivée au camp, il était soumis à un entraînement rigoureux avant de devenir officiellement un légionnaire romain.
L'entraînement, supervisé par un officier spécialisé ou optio, était constant: exercices en ordre serré, courses sur de grandes distances en armure, marches en formation et manœuvres. L'entraînement au maniement des armes se faisait à l'aide de boucliers en osier et d'épées en bois. Il y avait des batailles simulées, des combats à un contre un, et les légionnaires devaient se rallier à l'étendard de la légion.
La discipline était sévère; les centurions portaient une vitis ou canne de vigne qu'ils utilisaient pour frapper, même en cas d'infraction mineure. Dans certaines situations, la peine de mort était autorisée si un soldat était reconnu coupable par un tribunal militaire composé de tribuns. Parmi les délits admissibles, citons le fait de dormir pendant le service de garde, le vol et la lâcheté. S'il était reconnu coupable, le légionnaire pouvait être crucifié ou même jeté aux bêtes sauvages. Il n'y avait pas d'appel. À l'époque de Jules César (100-44 av. J.-C.), lorsqu'une unité entière était impliquée dans un acte de désertion ou de lâcheté, elle était condamnée à la décimation, c'est-à-dire à une réduction d'un dixième de ses effectifs. Un dixième était tiré au sort et l'un d'entre eux était fouetté ou lapidé par les neuf autres. Un entraînement rigoureux et une discipline sévère étaient censés garantir une obéissance sans hésitation.
Rémunération, récompenses et promotion
Les salaires de l'armée étaient bons. César fit passer la solde de 450 à 900 sesterces par an, et à l'époque du règne de Domitien, vers 89 de notre ère, elle s'élevait à 1 200 sesterces. Les actes de bravoure individuels pouvaient donner lieu à des primes, mais des déductions étaient également opérées pour couvrir les dépenses du légionnaire. Il existait un certain nombre de décorations et de récompenses pour les comportements exceptionnels:
- la lance (hasta pura), pour avoir blessé un ennemi au combat
- la coupe d'argent, pour avoir tué et dépouillé un ennemi au combat
- Étendard d'argent, pour la bravoure au combat
- Torque et Armillae (un collier et un bracelet d'or), pour un comportement exceptionnel au cours d'une bataille
- Couronne d'or (corona aurea), également pour une bravoure exceptionnelle au combat
- la couronne murale (corona muralis), pour avoir été le premier soldat à franchir le mur d'enceinte d'une ville ennemie
- Couronne navale (corona navalis), pour la bravoure lors d'une bataille navale
- Couronne vallaire (corona vallaris), pour avoir été le premier soldat à franchir les remparts d'un camp ennemi.
- la couronne civique (corona civica), pour avoir sauvé la vie d'un compagnon d'armes.
Au sein de l'armée, il existait des possibilités de promotion si l'on disposait de l'éducation et de l'influence nécessaires. Parmi les postes à pourvoir, citons:
- tesserarius - commandant de la garde chargé d'obtenir les mots de passe et de les garder en sécurité
- ballistarius - qui actionne les engins de siège
- vexillarius - porteur du vexillum (l'étendard de la légion)
- signifer - porte-étendard
- aquilifer - porteur de l'étendard de l'aigle.
Le quartier général comptait également son lot de commis et d'aides-soignants, les beneficiarii, qui étaient exemptés des tâches normales. Enfin, un légionnaire pouvait toujours aspirer à devenir centurion, un officier de rang intermédiaire qui veillait au maintien de la discipline et qui était considéré par certains comme l'épine dorsale de l'armée. Le centurion (centurio) était reconnaissable à son armure argentée et à son casque à crête.
Retraite
Après avoir accompli un service honorable et avoir été démobilisé, le légionnaire recevait la missio honesta. Il recevait une déclaration semblable à un diplôme indiquant son service honorable, une indemnité de retraite unique (sous Auguste, elle s'élevait à 12 000 sesterces) et, surtout, des terres. Toutefois, son service ne s'arrêtait pas là: il pouvait être rappelé en cas d'urgence pour servir en tant que membre des evocati, des légionnaires retraités qui reprenaient du service. Ceux qui enfreignaient la loi militaire étaient réformés avec déshonneur et recevaient la missio ignominiosa. Les autres, jugés inaptes en raison d'une blessure mentale ou physique, recevaient la missio causaria.
Le Bas-Empire
Au cours du IVe siècle de notre ère, des changements majeurs furent introduits et les légionnaires existent désormais sous la forme de comitatenses - une réserve stratégique mobile à la disposition de l'empereur, non liée à une région spécifique - ou de limitanei qui patrouillaient les garnisons à la frontière, combattant rarement très loin des forts. A la place de l'ancienne garde prétorienne, qui avait été dissoute, il y avait la garde impériale ou scholae palatinae et des unités d'infanterie appelées auxilia palatinae. Bien que la fonction du légionnaire ait changé au fil du temps, il joua un rôle important dans la conquête et le maintien d'un vaste empire qui s'étendait jusqu'à la mer Méditerranée.