Christiaan Huygens (1629-1695) était un mathématicien, physicien et astronome néerlandais. Figure de proue de la révolution scientifique, Huygens combina la recherche de théories mathématiques, telles que le mouvement des ondes lumineuses, avec des projets pratiques, comme la construction de télescopes de qualité et de montres utilisant des balanciers. On attribue à Huygens la construction de la première horloge à pendule fonctionnelle et la première identification des anneaux de Saturne.
Jeunesse
Christiaan Huygens vit le jour à La Haye, aux Pays-Bas, le 14 avril 1629. Depuis plusieurs générations, les membres de sa famille occupaient des postes élevés dans la fonction publique. Le père de Christiaan, Constantijn (1596-1687), était secrétaire du chef de la République néerlandaise. Christiaan reçut une éducation privée dans la maison familiale avant d'entrer à l'université de Leyde, où il étudia le droit et les mathématiques à partir de 1645. Il ne termina pas ses études, mais la richesse de sa famille lui permit de ne jamais avoir à travailler pour gagner sa vie. Libre de poursuivre ses intérêts scientifiques et encouragé par son père, Huygens se concentra d'abord sur les mathématiques et la résolution de problèmes de géométrie avant d'explorer les moyens d'améliorer les instruments sur lesquels les astronomes s'appuyaient pour leur travail.
Huygens et Saturne
Avec son frère Constantijn (1628-1697), Huygens conçut et fabriqua des instruments de haute qualité, tels que des microscopes. Les Pays-Bas, en général, étaient alors réputés pour leurs fabricants de lentilles de haute qualité. Huygens s'intéressait à l'astronomie et, à cette fin, il améliora les télescopes existants en utilisant des lentilles fabriquées aux Pays-Bas. Huygens fit bon usage de ses nouveaux instruments. En 1658, il présenta un exposé sur les anneaux de Saturne lors d'une réunion à laquelle assistaient des dignitaires de l'Église et de l'État français à l'Académie de Montmor. Trois ans plus tôt, Galilée (1564-1642) avait remarqué quelque chose d'étrange sur Saturne - ce qui semblait être des appendices de chaque côté de la planète - mais son télescope n'était pas assez performant pour repérer les anneaux; l'instrument de Huygens, lui, l'était. Huygens fut également le premier à repérer clairement Titan, l'une des lunes de Saturne. Huygens retournerait dans le ciel nocturne plus tard dans sa carrière, mais il se pencha d'abord sur la question de savoir comment mesurer le temps avec plus de précision que jamais auparavant.
L'horloge à pendule
Galilée fut peut-être le premier à envisager des horloges plus précises en utilisant un pendule au lieu d'une roue, mais c'est Huygens qui fabriqua le premier exemple fonctionnel en 1657 (bien que son compatriote Salomon Closter, avec qui Huygens avait déjà collaboré pour son horloge à pendule, ait fait de même à peu près à la même époque). Huygens présenta son horloge à pendule au monde scientifique dans son Horologium (1657), dont la préface attribue l'idée originale à Galilée. Les horloges à pendule améliorèrent considérablement la précision, de sorte que les garde-temps ne perdaient plus que 10 ou 15 secondes par jour, contre 15 minutes pour les modèles sans pendule. Cette invention révolutionna la mesure du temps et rendit possible toute une série d'expériences scientifiques grâce à une plus grande précision.
Un autre ouvrage sur les horloges à pendule suivit en 1673, Horologium Oscillatorium. Huygens y présenta "une analyse mathématique magistrale de la cycloïde, la courbe tracée par un point sur la jante d'une roue qui roule sur une surface horizontale [...] les propriétés mathématiques de la courbe permettaient d'assurer le balancement parfaitement régulier du pendule de son horloge" (Jardine, 332).
L'amélioration de la précision des horloges à pendule n'était pas encore suffisante pour résoudre le problème des marins qui devaient déterminer leur longitude en mesurant le temps avec précision. De toute façon, un pendule ne fonctionnerait pas en mer, étant donné le mouvement de roulis d'un navire. De plus, l'humidité de l'air en mer pouvait affecter considérablement les pièces mobiles délicates des horloges. Ces problèmes n'empêchèrent pas Huygens d'essayer un modèle de pendule sophistiqué avec une sorte de pendule en cage lors d'essais en mer dans les années 1660. En 1665, Huygens publia même un manuel pratique à l'intention des marins, intitulé Instructions Concerning the Use of Pendulum-Watches for Finding the Longitude at Sea (Instructions concernant l'utilisation des montres à pendule pour trouver la longitude en mer). L'horloge ne connut cependant pas le succès escompté.
Huygens et son collègue horloger néerlandais Johannes van Ceulen tentèrent à nouveau de résoudre le problème de la longitude dans les années 1680. Ils persuadèrent la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) de financer la construction d'un modèle de pendule fonctionnel en 1682. Les directeurs de la VOC comprirent qu'une meilleure navigation signifiait des temps de navigation plus courts, ce qui permettait de gagner plus d'argent et d'en gaspiller moins. Il fallut trois ans pour fabriquer l'horloge qui fut ensuite testée en mer en 1685, 1686 et 1690 (des Pays-Bas au cap de Bonne-Espérance). Hélas, les essais furent jugés insatisfaisants et l'horloge trop sensible aux mouvements de la mer. Huygens ne put jamais créer le pendule parfait, ses pièces s'usaient trop vite et ce n'était tout simplement pas pratique avec les matériaux du XVIIe siècle.
Le chronomètre de marine
Bien qu'il n'ait jamais abandonné l'idée d'une horloge à pendule, Huygens tenta de construire un chronomètre manuel précis au milieu des années 1670, en utilisant l'idée nouvelle d'un balancier-spiral. Lorsque Huygens esquissa pour la première fois sa montre à ressort, il écrivit dans son journal: "Eurêka - je l'ai trouvée" (Jardine, 144). Malheureusement, il se retrouva ensuite impliqué dans un conflit de priorité concernant le mécanisme du ressort de la montre avec le scientifique anglais et célèbre plaideur Robert Hooke (1635-1703). Huygens avait noté dans son journal la date exacte de sa découverte du spiral: le 23 janvier 1675. Hooke prétendait avoir eu l'idée originale en 1658, mais ne pas l'avoir mise en pratique. Pour le prouver, il construisit également une horloge à ressort en 1675. Il est possible que des associés communs aient communiqué l'idée de Hooke à Huygens. Par ailleurs, un troisième inventeur, Isaac Thuret, horloger parisien, prétendait également avoir mis au point un nouveau type de montre. Huygens ayant employé Thuret pour réaliser un modèle de son invention, la priorité revendiquée par le Français était très douteuse. Cette situation malheureuse illustre le fait qu'à cette époque, il ne suffisait pas d'inventer quelque chose, mais qu'il fallait être perçu comme le premier à le faire pour obtenir une plus grande reconnaissance. En fin de compte, le spiral permit d'améliorer la précision et de réduire la taille des horloges, mais il n'était toujours pas suffisant pour la navigation, où deux ou trois secondes d'écart se traduisaient par de grandes différences géographiques. La montre de poche à ressort devint très populaire auprès des navigateurs, mais ni Huygens ni Hooke ne gagnèrent beaucoup d'argent grâce à ce qui était devenu une idée publique que tout horloger digne de ce nom pouvait concrétiser. Le problème de la longitude, quant à lui, ne fut pas résolu avant 1770, avant l'arrivée du chronomètre de marine de Harrison, inventé par John Harrison (1693-1776).
Outre sa maîtrise impressionnante des mathématiques, Huygens était un grand fabricant d'instruments pratiques. Il fabriqua également des pompes à air, et fut le seul homme à le faire avec un certain succès, à l'exception de Hooke. L'assistant de Huygens pour ses expériences sur les pompes était le Français Denis Papin (1647-1713), qui alla plus loin et conçut le précurseur de l'autocuiseur, un dispositif qui incita les inventeurs ultérieurs à réfléchir à la possibilité d'exploiter la vapeur pour faire fonctionner un moteur.
La lunette aérienne
La lunette aérienne est un autre instrument scientifique de précision auquel Huygens s'intéressa de près. L'idée était d'utiliser un télescope réfracteur, mais au lieu de placer la lentille et le miroir à l'intérieur d'un long tube pour les séparer, Huygens supprima complètement le tube. En plaçant une lentille sur une structure élevée, comme un bâtiment ou un arbre, et l'autre au sol, on obtenait une image beaucoup plus nette qu'avec un télescope à tube. La lunette aérienne construite par Huygens en 1686 était immense. La distance entre les lentilles, la longueur focale, était de 67 mètres, ce qui en faisait le plus grand télescope du monde à l'époque. Les idées de Huygens sur les télescopes furent publiées en 1684 dans son Astroscopia Compendiaria. Il fit don de sa lunette aérienne à la Royal Society, et les différentes lentilles et l'oculaire sont aujourd'hui exposés au Science Museum de Londres.
Reconnaissance internationale
Huygens visita la Royal Society de Londres en 1661 et fut nommé membre en 1663, l'un des premiers étrangers à l'être. Plusieurs articles de Huygens furent publiés dans le magazine non officiel de la Royal Society, Philosophical Transactions.
Huygens vécut à Paris de 1666 à 1681. Il fut nommé membre de l'Académie royale des sciences de Paris (Académie des sciences, fondée en 1666), un des premiers étrangers à l'être (avec Gian Domenico Cassini). Grâce à sa bourse, il reçut un salaire pour ses recherches et, le moment venu, une pension plus que confortable de 5 000 livres. Cela n'avait rien d'inhabituel puisque Louis XIV (r. de 1643 à 1715) souhaitait précisément attirer les meilleurs esprits d'Europe dans son académie. Cependant, la politique de Louis XIV devint de plus en plus anti-protestante - comme en témoigne la révocation de l'Édit de Nantes quelques années plus tard - et en 1681, Huygens retourna aux Pays-Bas; il vivrait jusqu'à la fin de sa vie à La Haye.
Théories de la lumière et de la gravité
En 1690, Huygens publia son Traité de la lumière. Il y présenta sa "théorie qui décrit la lumière comme une onde émise par les particules d'un objet, déclenchant une série d'autres ondes. Ces ondes sont transportées à travers un éther composé de particules" (Burns, 226). Aujourd'hui, le principe de Huygens sur la lumière est toujours valable. Ce principe stipule que les "impulsions lumineuses se succèdent de manière irrégulière... une infinité d'impulsions sphériques, chacune provenant d'un point différent le long de la perturbation initiale" (Bynum, 235). Ce que Huygens n'avait pas réalisé, mais que les scientifiques découvrirent plus tard, c'est que les différentes couleurs de la lumière (le spectre) voyagent chacune sur leur propre longueur d'onde, ce qui explique pourquoi la lumière peut être manipulée par des corps extérieurs, comme on le voit dans la réfraction à travers une lentille ou des gouttes de pluie. Huygens émit correctement l'hypothèse que la lumière blanche n'était pas nécessairement composée de l'ensemble du spectre des couleurs, mais qu'elle pouvait être composée de certaines paires, par exemple le bleu et le jaune.
Huygens était un philosophe mécaniste cartésien pas tout à fait orthodoxe (pour eux tous les phénomènes naturels doivent être réduits au mouvement et à la matière), et il doutait des travaux pionniers d'Isaac Newton sur la gravitation, car le scientifique britannique ne pouvait pas expliquer la cause de la gravitation, mais seulement ses effets. Huygens et Newton se rencontrèrent à Londres en 1689. Au lieu de la théorie de la gravitation universelle de Newton, qui n'avait pas de cause, Huygens présenta un contre-modèle de la gravitation dans son Discours de la cause de la pesanteur, publié en 1690. Huygens y "propose que les particules responsables de la pesanteur tournent autour de la terre dans toutes les directions, autour des pôles comme autour de l'équateur, et autour de tout autre grand cercle tracé à la surface de la terre" (Henry, 76-7).
Mort et héritage
Vers la fin de sa vie, Huygens rédigea un aperçu simplifié de la philosophie cartésienne, Kosmotheoros ou Les mondes célestes découverts, publié à titre posthume en 1698. Les théories de Huygens sur l'impact et la force centrifuge, pour lesquelles il avait développé de nouvelles formules algébriques, sont moins cartésiennes. Huygens souffrit de problèmes de santé au cours des dernières années de sa vie et il mourut à La Haye le 8 juillet 1695. Dans son testament, le scientifique légua ses documents à l'université de Leyde. Le Néerlandais avait révolutionné la mesure du temps, élaboré une théorie durable de la lumière et montré ce que de meilleurs télescopes pouvaient accomplir avec ses observations de Saturne. En 2005, l'Agence spatiale européenne fit atterrir une sonde spatiale sur Titan, un des satellites de Saturne; le nom de cette sonde spatiale rendait hommage à Huygens.