Týr

Définition

Irina-Maria Manea
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 avril 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc, ukrainien
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Tyr & Fenrir (by John Bauer, Public Domain)
Týr et Fenrir
John Bauer (Public Domain)

Týr est l'un des dieux combattants de la mythologie nordique, selon les principales sources sur le sujet, les œuvres littéraires appelées Eddas. Il participe à deux aventures, l'une impliquant un monstre auquel il sacrifie sa main, l'autre où il se joint à Thor pour récupérer un chaudron. Son nom, apparenté à Zeus ou Jupiter, évoque une signification plus importante à un moment donné de l'histoire, mais nous manquons malheureusement de preuves historiques pour le confirmer.

Le dieu manchot

L'histoire principale de Týr est celle du loup Fenrir, l'un des enfants de Loki et de la géante Angrboda (Angrboða en vieux norrois) - les autres étant le serpent de Midgard (Miðgarðsormr en vieux norrois) et la déesse-cadavre Hel. Les dieux, inquiets des méfaits de ce puissant monstre, décident de l'enchaîner dans leur royaume d'Asgard, mais le loup semble se libérer quel que soit le type d'entrave utilisé. Cette histoire est racontée par Snorri, l'auteur de l'Edda en prose, une source secondaire sur les mythes nordiques, mais certains éléments figurent également dans l'Edda poétique, la source principale qui contiendrait des textes datant du IXe au Xe siècle.

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Dans le chapitre Gylfaginning du livre, section 34-35, nous découvrons que Týr est le seul assez courageux pour nourrir le loup. En raison de sa force et de son désir de se vanter et d'atteindre la gloire, Fenrir accepte le défi des dieux de le lier avec plusieurs entraves, qu'il brise toutes. "Lorsque les Ases [dieux] déclarèrent qu'ils étaient prêts, le loup se secoua et brisa l'entrave, de sorte que les fragments s'envolèrent au loin. (Edda en prose, 28). Craignant cette évolution, Odin envoie Skirnir, le serviteur de Freyr, dans le monde des elfes noirs pour trouver des artisans.

L'enchaînement de Fenrir coûte au dieu Týr sa main droite, tandis que les autres dieux rient d'avoir enfin réussi à attraper Fenrir.

Finalement, les dieux lient Fenrir avec la fantastique chaîne Gleipnir, fabriquée par les nains à partir de six éléments: le bruit du pas d'un chat, la barbe de femmes, des racines de montagnes, des nerfs d'ours, le souffle des poissons et la salive des oiseaux - autant d'ingrédients imaginaires, puisque des ingrédients réels ne pouvaient pas fonctionner. Les dieux se rendent alors sur une île appelée Lyngvi et convoquent le loup, lui montrent l'entrave soyeuse, affirment qu'elle est incassable mais qu'il la déchirera. Le loup semble réticent, ayant l'intuition que malgré son apparence de ruban, elle pourrait être fabriquée avec de la ruse.

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Plutôt que de voir son courage remis en question, il accepte le défi de se laisser lier seulement si quelqu'un s'engage, la main dans la gueule, à ce que ce soit un acte de bonne foi. Týr s'avance alors et tend la main, et tandis que le loup se débat, la chaîne se durcit. L'enchaînement de Fenrir coûte au dieu Týr sa main droite, tandis que les autres dieux rient parce qu'ils ont finalement réussi à attraper Fenrir. Ils prennent ensuite la corde et l'enfilent dans une dalle de pierre, la fixent dans le sol et utilisent un autre rocher comme piquet d'ancrage. Le loup déploie ses mâchoires pour hurler, tandis que les dieux lui enfoncent une épée dans la gueule. Sa salive se transforme en rivière, et il ne s'échappera plus jusqu'au Ragnarök.

Snorri interprète l'audace de Týr comme un signe de grande moralité. Il décrit le dieu dans une section antérieure, 25, du Gylfaginning:

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Il est le plus courageux et le plus vaillant, et il a un grand pouvoir sur la victoire dans les batailles. Il est bon pour les hommes d'action de le prier. On dit qu'un homme est ty-vallaint s'il surpasse les autres hommes et n'hésite pas. Il était si intelligent que l'on dit d'un homme intelligent qu'il est ty-sage. L'une des preuves de sa bravoure est que les Ases attirèrent le loup Fenrir pour lui mettre l'entrave Gleipnir. Il ne leur faisait pas confiance et ne pensait pas qu'ils le laisseraient partir tant qu'ils n'auraient pas placé la main de Týr dans la gueule du loup en guise de gage. Et lorsque les Ases refusèrent de le laisser partir, il mordit la main à l'endroit que l'on appelle aujourd'hui l'articulation du loup [poignet], et il est manchot, et il n'est pas considéré comme un promoteur d'accords entre les peuples. (Edda en prose, 24-25).

Autres références

On trouve des allusions à cette histoire dans les sources plus anciennes, les poèmes de l'Edda poétique. Völuspá (vieux norrois : Vǫluspá), le poème où une prophétesse convoquée par Odin parle du début et de la fin du monde, mentionne le détail de l'évasion de Fenrir de son piège dans la strophe 44 comme un signe de l'apocalypse. La même strophe nomme un autre monstre qui hurlera et causera des ravages au Ragnarök, le chien Garm, gardien du royaume souterrain de Hel, que Snorri considère comme le tueur de Týr.

Ragnarök
Le Ragnarök
Johannes Gehrts (Public Domain)

Týr fait son apparition dans Lokasenna, l'échange d'insultes entre les dieux d'Asgard et Loki, le personnage complexe qui tantôt les rejoint, tantôt les trouble. Týr s'y fait verbalement écraser à la strophe 38 après avoir tenté de défendre les nobles qualités de Freyr: "Tais-toi, Týr! Tu n'as jamais pu construire l'amitié entre deux personnes/ Je pense à ta main droite/ mordue par mon fils Fenrir" (Hildebrand, 225). L'incapacité de Týr à rétablir la paix reflète son handicap physique. Il se défend en rappelant à Loki qu'il a également subi une perte, puisque son fils sera lié jusqu'à la bataille finale. Loki poursuit son flot d'insultes à la strophe 40, recourant cette fois à des allusions sexuelles: "Tais-toi, Týr! / pour une fois ta femme a eu la chance / d'avoir un fils avec moi / pas un sou je pense / n'a été payé pour le mal / tu n'as pas été compensé du tout, pauvre malheureux" (Hildebrand, 225). Le fait de n'avoir reçu aucune compensation pour un tel méfait aurait en effet représenté une tache importante sur l'honneur de Týr. Il n'y a aucune autre référence à la femme ou au fils de Týr en question.

L'étymologie suggère que Týr aurait bien pu jouer un rôle plus important avant les sources littéraires et l'âge des Vikings.

L'autre histoire impliquant Týr est racontée dans le poème Hymiskvidha (vieux norrois: Hymiskviða), une œuvre peu structurée et probablement composée de pièces détachées provenant d'autres sources. En résumé, les dieux souhaitent organiser un festin et cherchent à savoir où ils pourront trouver à boire en abondance. Ægir, le dieu de la mer mais de la famille des géants, semble posséder de nombreuses bouilloires, mais il n'accepte de préparer l'hydromel que si on lui apporte une bouilloire si grande qu'elle puisse faire bouillir la boisson pour tous en même temps. On peut supposer qu'il s'agit d'une allusion à la mer elle-même.

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Týr entre en scène à la strophe 5, lorsqu'il déclare avoir connaissance d'un tel objet, la bouilloire de son père Hymir. Ce détail contredit l'opinion de Snorri dans la section Skálskaparmál, fragment 9, où il déclare: "Comment se référer à Týr? En l'appelant l'Ase à une main et le nourricier du loup, dieu de la bataille, fils d'Odin".(Edda en prose, 76). Dans la strophe 8 de Hymiskvidha, Týr parvient à retrouver sa grand-mère et sa mère, donc d'autres personnages dont nous ne savons rien: "Le jeune homme retrouva sa grand-mère / qu'il méprisait beaucoup / elle avait neuf cents têtes / mais une belle / s'approcha avec de l'or / et le front brillant / apporta à son fils de la bière" (Hildebrand, 194).

Dans certaines versions de son origine, Týr était probablement métis (son père était un géant et sa mère une déesse). L'histoire s'oriente ensuite vers un autre mythe, celui de la capture du serpent du monde par Thor lors d'une partie de pêche avec Hymir. Le reste du poème est centré sur Thor, et non Týr, mis au défi de briser le calice d'Hymir, ce qu'il fait en le lançant contre la tête du géant. Les dieux reviennent ensuite avec la bouilloire et tout le monde peut se délecter de l'énorme quantité de liqueur.

Thor Fighting Jörmungandr
Thor aux prises avec Jörmungand
Rannveig (CC BY)

Týr a également une rune correspondante, la t-rune, avec des attributs magiques possibles, comme le suggère la ballade Sigrdrífumál. Sigrdrifa (celle qui apporte la victoire), autre nom de la valkyrie Brunehilde, enseigne au héros Sigurd quelques runes magiques après qu'il l'eut sauvée de la tour en coupant sa cotte de mailles qui était collée à sa peau. Elle dit dans la strophe 6: Tu connaîtras les runes de la victoire / si tu veux gagner / et tu les écriras sur la poignée de ton épée / certaines sur le pli / et d'autres sur le plat / et tu invoqueras deux fois Týr (Hildebrand 2011, 535). Bien qu'il puisse s'agir d'une invocation religieuse basée sur le lien entre la rune et Týr, elle pourrait tout aussi bien être utilisée pour le plaisir de l'allitération.

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Týr était-il le chef des dieux?

L'étymologie suggère que Týr aurait bien pu jouer un rôle plus important avant les sources littéraires et l'âge des Vikings. Týr - proto-germanique Tiwaz, vieil anglais Tīw, vieil allemand Ziu - vient de la même racine indo-européenne que Zeus en grec, Ju (de Jupiter) en latin ou Dyáus en sanskrit. Le nom reconstitué serait dyēus, en rapport avec les cieux. S'il a jamais été à la tête du panthéon, les sources nordiques qui ont survécu ne lui attribuent plus beaucoup d'attributs ou d'actions. Týr ou Tiwaz nous a donné le mardi, jour de la semaine, tirsdag en danois/norvégien, dies marti en latin, soulignant l'interprétation romaine (interpretatio romana) de Tyr en tant que Mars, mettant ainsi l'accent sur l'attribut militaire. En outre, nous disposons de noms de lieux scandinaves liés à Týr, principalement au Danemark, par exemple Tislund (bosquet), Tisbjerg (montagne) ou Tissø (lac). La limitation au Danemark, d'où les Angles et les Jutes ont migré vers l'ouest, laisse ouverte la question du culte de Týr dans les siècles précédents.

Tyr as Mars
Týr en tant que Mars
Unknown Artist (Public Domain)

Dans les sources nordiques, le mot Týr, qui signifie simplement dieu, peut également être utilisé de manière générique en combinaison avec d'autres éléments afin de décrire un dieu d'une certaine manière. Odin porte de nombreux noms de ce type, ce qui renforce l'idée qu'il a pu baser certains de ses attributs sur le Týr originel. Par exemple, dans Les dits de Grimnir (Grímnismál en vieux norrois), il est appelé Veratyr (seigneur des hommes), Farmatyr (seigneur des marins) ou Hroptatyr (crieur des dieux). La forme plurielle, tívar, apparaît dans la poésie et se réfère simplement aux dieux en général. Les sources littéraires, les deux Eddas, présentent clairement Odin comme le dieu principal, mais il ne faut pas croire qu'il en a toujours été ainsi ou qu'Odin a joué ce rôle pour tous les hommes du Nord pendant l'ère viking et pré-viking. Thor, par exemple, apparaît beaucoup plus souvent dans les archives archéologiques, ce qui souligne sa prédominance parmi de nombreux adorateurs.

D'après les sources écrites, Odin apparaît clairement au sommet de la hiérarchie, et nous ne pouvons que spéculer sur la personnalité de Týr avant le IXe siècle, époque à laquelle les poèmes de l'Edda poétique furent très probablement composés et diffusés oralement.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Irina-Maria Manea
Dotée d'un esprit curieux et ouvert, elle est fascinée par les choses du passé. Historienne ayant un intérêt marqué pour les mythes scandinaves et l'âge des Vikings, elle est également enseignante d'histoire et formatrice en langues. Elle est Originaire de Bucarest, en Roumanie et réside actuellement à Hesse, en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Manea, I. (2021, avril 16). Týr [Tyr]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19670/tyr/

Style Chicago

Manea, Irina-Maria. "Týr." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 16, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-19670/tyr/.

Style MLA

Manea, Irina-Maria. "Týr." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 avril 2021. Web. 03 mars 2025.

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