La Legio IX Hispana servit sous Jules César en Gaule et contre Pompée lors des guerres civiles. Plus tard, elle combattit aux côtés d'Auguste lors des guerres de Cantabrie et était l'une des quatre légions que Claude emmena avec lui lors de l'invasion de la Grande-Bretagne en 43 de notre ère. Elle survécut à une mutinerie et à une quasi-décimation à deux reprises, pour ensuite se rétablir. Bien qu'ayant subi de lourdes pertes lors de la révolte de Boadicée, la légion se releva et accompagna Agricola dans sa guerre contre les Calédoniens. La légion disparut peu après l'an 120 de notre ère.
La neuvième légion de César
À l'époque de César (100-44 av. JC) et de Pompée (106-48 av. JC), les légions de l'armée romaine étaient connues par un numéro, et non par un nom. La neuvième légion servit sous César lorsqu'il était gouverneur de l'Hispanie ultérieure (Hispania Ulterior) et, plus tard, lors de la guerre des Gaules et contre Pompée lors des guerres civiles. C'est sous César que la légion déclencha une mutinerie qui faillit coûter l'existence de la Neuvième. À Placentia, dans le nord de l'Italie, l'armée protesta contre une rémunération trop basse et le manque de butin de guerre qui complétait souvent la maigre solde d'un légionnaire romain.
Selon le Julius Caesar de Philip Freeman, il choisit de s'adresser aux légions dans leur ensemble. Considéré par beaucoup comme un chef sage mais ferme, il leur parla comme à des enfants gâtés, leur disant qu'ils étaient de fiers soldats, et non une horde de barbares ravageurs. Freeman considère cet incident comme un exemple du style de commandement de César. Il menaça de décimer toute la neuvième armée, à la fois comme punition et comme avertissement. Dans une décimation, un homme sur dix était exécuté. Après son discours, les légionnaires plaidèrent pour sauver la légion coupable, une légion qui l'avait fièrement servi dans le passé. Il n'accepta que si on lui donnait les noms des meneurs de la mutinerie. Douze d'entre eux furent tirés au sort puis exécutés.
L'incident oublié, César et ses légions poursuivirent leur route contre Pompée. Bien que certaines sources affirment que la légion fut dissoute, une neuvième fut levée par Octave (le futur empereur romain Auguste, r. 27 av. JC - 14 de notre ère) parmi les vétérans de César et utilisée dans sa guerre contre Marc-Antoine. Plus tard, sous Auguste, la neuvième (avec le titre de Macedonica) participa aux guerres de Cantabrie (27-19 av. JC), ce qui lui valut le nouveau titre d'Hispaniensis (stationnée en Espagne), qui fut ensuite abrégé en Hispana. Après son séjour en Espagne, elle fut envoyée dans les Balkans avec Aquileia comme base.
Mutinerie sous Tibère
En 14 de notre ère, la IX Hispana était stationnée en Pannonie quand Auguste mourut. Comme ses consœurs de la frontière rhénane, la Legio IX fut jetée dans le désarroi et finit par être au cœur d'une nouvelle mutinerie. L'historien romain Tacite relate l'incident dans ses Annales :
Tel était l'état des choses à Rome lorsqu'une mutinerie éclata dans les légions de Pannonie qui ne pouvait être attribuée à aucune cause nouvelle, si ce n'est au changement d'empereur. (Annales I. 16)
Après avoir appris la mort de l'empereur et l'ascension de Tibère (r. 14-37 de notre ère), Junius Blaesus, le commandant des trois légions de la province (VIII Augusta, IX Hispana et XV Apollinaris) autorisa ses hommes à se reposer de leurs tâches militaires habituelles, soit pour porter le deuil, soit fêter cela, mais au lieu de favoriser la tranquillité, cela conduisit à la démoralisation et aux querelles. L'un des soldats les plus virulents, Percennius, choisit de provoquer ses camarades légionnaires. Tout en parlant de la faible rémunération et des difficultés de la vie de soldat, il s'éleva contre le nouvel empereur: "Quand ... oserez-vous demander du secours, si vous n'allez pas avec vos prières ou vos armes vers un trône nouveau et encore chancelant?". (Annales, I. 27) Sous les acclamations des légionnaires, il s'adressa à eux et tenta de calmer leur indignation; la mutinerie n'était pas la solution. Finalement, un émissaire fut envoyé à Rome pour présenter leurs préoccupations. Malheureusement, le calme fut de courte durée car la mutinerie éclata à nouveau, et cette fois-ci, elle devint violente.
Les disputes se poursuivirent et deux légions, la VIIIe et la XVe, dégainèrent leurs épées l'une contre l'autre, "mais les soldats de la neuvième s'interposèrent par un plaidoyer et lorsqu'il ne fut pas pris en compte par des menaces". (Annales, I. 23) Apprenant la mutinerie, Tibère envoya son fils Drusus en Pannonie. À son arrivée, les légionnaires, voyant des présages dans le ciel, commencèrent à remettre en question cette mutinerie. Saisissant l'occasion, Drusus ordonna aux centurions de traverser le camp et de parler aux légionnaires. La mutinerie fut finalement réprimée lorsque Drusus s'adressa aux hommes. Il déclara qu'il ne se laisserait pas vaincre par la terreur ni par les menaces et ordonna l'exécution des principaux mutins (dont Percennius). On rechercha dans tout le camp les chefs mutins qui furent immédiatement tués par les centurions. Craignant le pire, les légions mutinées choisirent de lever le camp et de regagner leurs quartiers d'hiver.
La huitième, puis la quinzième légion revinrent; les hommes de la neuvième braillèrent encore et encore qu'ils feraient mieux d'attendre la lettre de Tibère, mais se retrouvant bientôt isolés par le départ des autres, elle anticipa son inévitable destin. (Annales, I. 30)
Legio IX Hispana en Afrique
En 20 de notre ère, la légion de Gaius Fulvius fut envoyée de Pannonie en Afrique du Nord pour aider III Augusta dans sa campagne contre Tacfarinas et son armée. Dans la poursuite du commandant numide, un centurion nommé Decrius mena une cohorte (480 hommes) de la Neuvième dans une charge ratée contre Tacfarinas, mais les légionnaires inexpérimentés fuirent vers le camp et se barricadèrent à l'intérieur, abandonnant Decrius à une mort certaine. Le gouverneur Lucius Apronius était furieux, parlant du déshonneur et exigeant la décimation de la cohorte. Tacite raconta:
Il fouetta à mort un homme sur dix tiré au sort dans la cohorte déshonorée. Cette rigueur fut si bénéfique qu'un détachement de vétérans, ne comptant pas plus de cinq cents hommes, mit en déroute ces mêmes troupes de Tacfarinas lors de leur attaque d'une forteresse nommée Thala. (Annales, III. 21)
En 22 de notre ère, la neuvième légion, dans son ensemble, servirait sous les ordres de Cornelius Scipion contre Tacfarinas lors d'une attaque réussie, les repoussant dans le désert. La guerre touchant à sa fin, la Legio IX fut renvoyée chez elle. Tacfarinas tentera de reconstruire son armée, mais sa rébellion mourra finalement avec lui.
Grande-Bretagne
Au cours des deux décennies suivantes, la légion resta active. Avec la II Augusta, la VI Victrix et la XX Valeria Victrix, le gouverneur Aulus Plautius de Pannonie emmena la IX Hispana pour participer à l'invasion de la Grande-Bretagne par Claude (r. 41-54 après JC) en 43. La Neuvième était initialement stationnée à Londinium mais fut ensuite déplacée à Lindum. On entendit peu parler des activités de la légion en Grande-Bretagne jusqu'en 60 de notre ère, lors de la révolte de Boadicée. Menées par leur commandant Petilius Cerialis, quatre cohortes de la Neuvième, en route pour porter secours à Camulodunum, tombèrent dans une embuscade tendue par les rebelles de Boadicée et furent presque anéanties. Cerialis et une partie de la cavalerie survécurent. Plus tard, 2 000 hommes de la Legio XXI Rapax furent envoyés pour remplacer les légionnaires de la Neuvième tombés au combat.
Au cours de l'année des quatre empereurs (69 de notre ère), des cohortes de la IX Hispana et d'autres légions marchèrent aux côtés de Vitellius, victorieux de l'empereur Othon lors de la première bataille de Bedriacum, puis avec lui lors de sa défaite à la deuxième bataille de Bedriacum contre Vespasien (r. 69-79 de notre ère).
En 83 de notre ère, le gouverneur de la Grande-Bretagne romaine, Gnaeus Agricola, emmena la Neuvième avec lui en Écosse pour combattre les Calédoniens, où la légion subit une défaite majeure. Le gendre d'Agricola, Tacite (c. 56 - c. 118 de notre ère), écrivit de cette défaite:
Les peuples de Calédonie, avec de grandes forces, grossies encore par la renommée, comme tout ce qui est inconnu, vinrent attaquer nos garnisons, et par cette apparence de provocation, effrayer nos soldats.
(Agricola, 25)
Apprenant que les Calédoniens allaient diviser leur armée, il divisa la sienne en trois divisions. Soudain, les Calédoniens changèrent leurs plans "et l'ennemi se jette en masse et de nuit sur la neuvième, comme étant la plus faible, et entre le sommeil et le premier effroi d'une surprise, il égorge les sentinelles et force les retranchements" (26). Agricola vaincra plus tard les Calédoniens à Mons Graupius. Il préparait une deuxième invasion lorsqu'il fut rappelé par l'empereur Domitien (r. 81-96 après JC). Après avoir été quasiment détruite, la légion quitta sa base d'Eburacum (York) pour s'installer à Carlisle. Bien qu'il existe des preuves que la légion était avec Domitien en Dacie, on en entend peu parler jusqu'en 120 de notre ère où elle disparaît complètement.
La légion perdue
Il existe un certain nombre de théories concernant la légion perdue :
- elle fut anéantie par les Calédoniens
- elle fut détruite lors de la seconde révolte juive de 132 de notre ère
- elle fut anéantie par les Parthes en 161 de notre ère.
Les historiens ont généralement admis que la légion avait été anéantie par les Calédoniens en Écosse en 122 de notre ère et qu'elle avait été dépouillée de son aigle sacré et de ses étendards. La Neuvième était la plus septentrionale de toutes les légions britanniques. Contrairement aux autres légions britanniques, la Neuvième ne participa pas à la construction du mur d'Hadrien. Certains soutiennent que la légion perdue aurait été à l'origine de la construction d'un mur qui aurait empêché les barbares du nord d'entrer en Grande-Bretagne. Une possibilité est que les Calédoniens aient attiré le commandant de la neuvième légion à une réunion pour discuter des conditions de paix. L'empereur Hadrien voulait la paix, pas la guerre, et n'avait aucune ambition d'étendre les frontières de l'Empire romain. Sachant cela, le commandant aurait pu facilement emmener la légion avec lui pour rencontrer les Calédoniens. À son arrivée, la légion aurait connu sa perte. Après la disparition de la IX Hispana, une autre légion fut désignée pour la remplacer en 122 de notre ère.
Pour contrer l'idée que la légion ait été éliminée par les Calédoniens, certains notent les longues et distinguées carrières après 120 de notre ère de deux des tribuns de la légion: Lucius Korus et Lucius Saturninus. D'autres citent des inscriptions trouvées à Nimègue, aux Pays-Bas, qui montrent que la Neuvième n'était plus en Grande-Bretagne et se trouvait sur le Rhin après 122 de notre ère.
Certains supposent que la Neuvième fut détruite en Judée pendant la révolte de Bar-Kochba de 132-135 de notre ère; cependant, il n'existe aucune preuve que la légion ait quitté la Grande-Bretagne ou ait été stationnée en Orient. Les deux seules légions à avoir été impliquées dans une révolte en Judée sont la X Fretensis et la VI Ferrata. L'historien Dion Cassius (c. 164 - c. 229/235 de notre ère) cite une légion détruite par les Parthes à Elegeia en Arménie en 161 de notre ère, mais la seule légion dans la région était la XXII Deiotariana, et ses derniers jours sont également sune conjecture. Certains historiens affirment que la XXII fut détruite lors d'un soulèvement à Alexandrie en 122 de notre ère. Cependant, l'historien Stephen Dando-Collins affirme qu'elle connut sa fin aux mains de l'armée parthe en Arménie pendant le règne de Marcus Aurelius (r. 161-180 après JC). Il pourrait donc s'agir de la légion de Dion. La Neuvième eut une histoire longue et mouvementée. Elle fut décimée, survécut à une mutinerie et, enfin, fut la seule légion à être appelée "la légion perdue". Personne ne découvrira probablement jamais ce qui s'est réellement passé.