Proclus d'Athènes (c. 412-485 de notre ère) était un philosophe platonicien prolifique dont l'objectif principal était la tâche apparemment impossible de défendre le polythéisme grec traditionnel à l'époque où sa culture contemporaine était presque entièrement dominée par le christianisme. Il fut le dernier intellectuel païen d'importance à avoir consacré toute sa carrière à fournir un cadre philosophique au polythéisme grec.
Bien qu'il soit connu sous le nom de "Proclus d'Athènes", Proclus était en fait né à Constantinople, la capitale de l'Empire byzantin. Il s'était installé à Athènes à l'âge de 18 ans pour étudier à l'Académie platonicienne, une école fondée par le philosophe Platon en 387 avant notre ère qui préserva sa tradition pendant 800 ans. Proclus connut un grand succès et devint le chef de l'Académie. Il conserva ce poste pendant près de 50 ans, jusqu'à sa mort.
Vie et éducation
Deux sources nous renseignent sur la vie de Proclus, à savoir Proclus ou Sur le Bonheur de Marinus (c. 440-500), l'élève dévoué et biographe de Proclus, et Histoire philosophique de Damascios (c. 462-538), le dernier chef de l'Académie de Platon. Cependant, comme la plupart des biographies anciennes, elles présentent Proclus comme un personnage irréprochable. C'est pourquoi ces récits sont à prendre avec des pincettes. Marinus nous apprend que Proclus vit le jour dans une riche famille d'avocats à Constantinople. Il étudia d'abord le droit avant de décider d'étudier la philosophie à Alexandrie. Selon Marinus, après avoir reçu un message en rêve, il décida de poursuivre ses études de philosophie à Athènes. En 430 ou 431 de notre ère, alors qu'il n'avait que 18 ans, Proclus se rendit à Athènes pour étudier à l'Académie platonicienne.
À cette époque, la culture grecque était presque entièrement dominée par le christianisme et le paganisme perdait peu à peu de son importance. Le paganisme désigne la religion grecque ancienne telle qu'elle est représentée dans la mythologie grecque et dans des œuvres de la littérature grecque telles que l'Iliade et l'Odyssée d'Homère et la Théogonie d'Hésiode, ainsi que l'ensemble des rituels et des pratiques liés à ces mythes. L'époque de Proclus était marquée par le tumulte religieux: les temples et les figures des anciennes divinités grecques à Athènes étaient détruits et les païens étaient persécutés par les autorités chrétiennes.
Trois ans après la naissance de Proclus, une philosophe païenne, Hypatie d'Alexandrie (370 - mars 415 de notre ère), avait été tuée par une foule à Alexandrie. Cependant, certaines voix de l'opposition n'avaient pas été totalement réduites au silence. Il existait encore d'importantes écoles de philosophie antique à Alexandrie et à Athènes qui constituaient les centres intellectuels de l'époque. Néanmoins, le christianisme resta la religion dominante. Les croyances grecques traditionnelles disparurent presque totalement au cours des siècles suivants, comme en témoigne la fermeture de la dernière académie platonicienne par l'empereur chrétien Justinien en 529 à Byzance. Comme le décrit le spécialiste Wildberg: "La culture païenne était assiégée et les anciennes divinités commençaient à reconnaître leur défaite" (3).
De nombreux philosophes grecs, en particulier ceux de l'école athénienne, s'opposèrent à cette tendance et firent tout ce qui était en leur pouvoir pour préserver le paganisme. Tel était le climat religieux lorsque Proclus rejoignit l'école athénienne. Cette école était dominée par l'enseignement néoplatonicien. Le néoplatonisme est le terme moderne qui désigne divers penseurs de l'Antiquité tardive, à commencer par le philosophe Plotin (c. 204-270 de notre ère), qui avait tenté de préserver la pensée de Platon. Proclus étudia sous la direction de certains des philosophes néoplatoniciens les plus éminents de son époque, tels que Plutarque d'Athènes (c. 350-430 de notre ère) et Syrianos (mort en 437 de notre ère).
Proclus avait un grand respect pour l'enseignement de Syrianos et ne le critiqua jamais. Il reçut également l'enseignement d'une femme philosophe, Asclépigénie (c. 430-485 de notre ère), qui était la fille de Plutarque. Cela s'explique par le fait que de nombreux philosophes néoplatoniciens croyaient en l'égalité entre les sexes en matière d'éducation, de pouvoir et de religion. Proclus lui-même écrivit sur la nécessité d'une éducation féminine, et l'on croyait qu'il était sous la direction spéciale de divinités féminines, telles qu'Athéna et Aphrodite. Ces enseignantes l'initièrent à une interprétation mystique de Platon et d'Aristote.
Proclus connut également diverses religions mystiques, comme l'orphisme, un culte mystique associé à Orphée, et les Oracles chaldéens, des textes mystiques qui, avec le Timée de Platon, étaient les textes les plus importants pour les philosophes néoplatoniciens. Son éducation ne se limita pas à l'enseignement simple des textes. Proclus fut également initié aux rituels (théurgie) qui se voulaient le moyen pratique de purifier son âme et d'atteindre l'unité avec le divin.
Après la mort de son maître Syrianos, Proclus devint le directeur de l'Académie où il enseigna, écrivit et dirigea toute l'école. Il participa également à la vie sociale d'Athènes et l'on dit qu'il se souciait beaucoup de sa réputation. Malgré sa promotion de la philosophie païenne, il ne fit l'objet d'aucune persécution particulière de la part des autorités chrétiennes. La preuve en est qu'il fut autorisé à diriger l'école athénienne pendant 50 ans sans difficultés majeures. La seule répercussion qu'il subit fut son exil d'un an. Cet exil ne fut guère très pénible pour lui, car il le consacra à voyager et à se familiariser avec divers rituels religieux. Sa journée se déroulait selon une routine stricte et presque inchangée. On dit qu'il était en bonne santé et que c'était un végétarien connu pour se baigner dans l'océan même à un âge très avancé. Après sa mort à l'âge de 73 ans, Marinus lui succéda.
Œuvres philosophiques
Compte tenu de ses origines et de son éducation, Proclus était déterminé à défendre le paganisme grec traditionnel. Il pensait que cela pouvait se faire en créant un cadre intellectuel pour les croyances grecques traditionnelles. C'était un écrivain extrêmement productif et polyvalent, qui pouvait écrire environ 700 lignes par jour. Proclus écrivit de nombreux commentaires sur les œuvres d'éminentes figures de la philosophie grecque, telles que Platon, Aristote et Euclide. Dans ces commentaires, il ne se contente pas de répéter et d'analyser leurs points de vue, mais il cherche à les enrichir d'écrits mystiques tels que les Oracles chaldéens et les textes orphiques mentionnés plus haut. Bien que la plupart de ses commentaires aient été perdus, Proclus est toujours considéré comme l'un des commentateurs les plus complets et les plus systématiques de Platon.
Selon Proclus, les textes platoniciens constituent un système unique et Proclus estime que Platon ne s'est jamais contredit. Non seulement Proclus systématise les œuvres de Platon, mais il les interprète souvent de manière à approuver les anciennes divinités grecques. Par exemple, dans son commentaire de la République, un dialogue dans lequel Platon discute du droit, de la politique et de la justice, Proclus utilise les arguments de Platon sur la poésie pour fournir une justification intellectuelle de l'importance et de la validité des mythes d'Homère. Dans ses commentaires sur le Timée, Proclus présente une vue d'ensemble de la hiérarchie divine du panthéon grec. Proclus combine ici les vues platoniciennes sur la création de l'univers et soutient qu'elles sont cohérentes avec la mythologie grecque.
Outre ses commentaires, Proclus est également connu pour sa métaphysique élaborée. Comme Plotin, Proclus soutient qu'il y a l'Un qui est le premier principe de l'univers. Dans ses principaux ouvrages systématiques, tels que les Éléments de théologie et la Théologie platonicienne, il présente un compte rendu détaillé de la façon dont tout procède de l'Un de manière ordonnée. Comme l'écrit le spécialiste Tarrant:
Proclus s'est efforcé d'être encore plus systématique et "scientifique" que ses prédécesseurs, même lorsqu'il abordait des sujets que nous ne devrions pas considérer aujourd'hui comme susceptibles d'être traités scientifiquement, comme dans les Éléments de théologie. (42)
Héritage
Malgré l'intention de Proclus de défendre les divinités païennes, son travail ne put empêcher le christianisme de finir par éclipser complètement les croyances préexistantes. Cependant, Proclus exerça une influence considérable sur les penseurs et théologiens chrétiens, en particulier ceux de l'Empire byzantin. Ces érudits utilisèrent Proclus et d'autres philosophes platoniciens pour justifier la théologie chrétienne. Par exemple, Pseudo-Denys l'Aréopagite (Ve-VIe siècle), un éminent mystique chrétien, reprit de nombreuses caractéristiques du système de Proclus pour expliquer la hiérarchie des anges.
De nombreux érudits chrétiens moins connus, tels que Michel Psellos (c. 1018 - c. 1082), Guillaume de Moerbeke (c. 1215-1286) et Nicolas de Cues (c. 1401-1464), étudièrent la pensée de Proclus. Cela permit à la pensée de Proclus de survivre. Au XVe siècle, les œuvres de Proclus furent étudiées par Marsile Ficin (alias Marsilio Ficino, 1433-1499), un éminent platonicien. Ficin travailla sur les interprétations mystiques de Platon et traduisit ses dialogues en italien. Il utilisa le commentaire de Proclus sur Platon pour rédiger une version chrétienne de sa théologie platonicienne. Il utilisa également les idées de Proclus sur l'immortalité de l'âme pour justifier la théologie chrétienne. Cependant, ce n'est qu'au XIXe siècle que les idées de Proclus reçurent une attention significative grâce au travail de Thomas Taylor (1758-1835), l'érudit anglais qui traduisit toutes les œuvres de Proclus en anglais. Aujourd'hui, la contribution la plus importante de ses œuvres est qu'elles nous donnent un aperçu inestimable des traditions philosophiques et religieuses païennes de l'Antiquité tardive.
Conclusion
Proclus consacra toute sa vie à la défense du polythéisme grec et à la systématisation de la théologie platonicienne. Il est sans doute l'un des derniers grands intellectuels païens dont les œuvres témoignent de la tradition philosophique préchrétienne de la Grèce antique. Comme beaucoup de philosophes antiques, son système fut utilisé par des penseurs chrétiens qui transformèrent ses idées sous différentes formes. Wildberg résume l'œuvre de Proclus comme suit:
Tout au long de sa vie, il s'est soumis à une pression énorme pour réussir dans sa quête de la meilleure vie possible, déversant toute son énergie physique, intellectuelle et spirituelle dans la réanimation d'une culture de paganisme intellectuel et spirituel en perte de vitesse. Bien qu'il ait été, selon toute vraisemblance et à bien des égards, "une personne difficile", à la fois exigeante et égocentrique, la postérité lui doit beaucoup (20).