Le roi Taejong de Joseon (r. de 1400 à 1418) fut le troisième souverain de la dynastie Joseon en Corée. Taejong joua un rôle moteur dans la consolidation et le renforcement du pouvoir du roi. Bien qu'il ait été un souverain efficace, les moyens violents qu'il utilisa pour conquérir et conserver le pouvoir créèrent un dangereux précédent dans la politique de la première période de la dynastie Joseon.
Rôle dans la fondation de Joseon
Taejong vit le jour le 13 juin 1367 sous le nom de Yi Bang-won de Yi Seong-gye (1335-1408), futur roi Taejo de Joseon (1392-1398), et de son épouse Han Sinui (1337-1391). Bang-won était le cinquième fils de Seong-gye et de Sinui. Il avait également un frère cadet et deux demi-frères cadets nés de la seconde épouse de son père, Sindeok (1356-1396).
En 1388, Yi Seong-gye planifia et exécuta un coup d'État visant à renverser la dynastie Goryeo (918-1392). Seong-gye, alors général, fut chargé par le roi U de Goryeo (r. de 1374 à 1388) d'envahir la région de Liaodong en Chine. Lorsqu'il atteignit l'île de Wihwado, à la frontière du Liaodong et de la Corée, sur le fleuve Yalu, Seong-gye fit rebrousser chemin à son armée pour commencer son coup d'État. Seong-gye impliqua Bang-won dans la planification du coup d'État, et Bang-won aida son père à mener à bien le coup d'État qui donna naissance à la dynastie Joseon (1392-1897).
Si le coup d'État à proprement parler ne fit pas couler beaucoup de sang, Bang-won fut à l'origine de la plupart des complots visant à consolider et à légitimer le pouvoir de Seong-gye, et il tua de nombreux opposants à Seong-gye au cours des années qui suivirent, et ce, contre la volonté de son père. La victime la plus connue de Bang-won fut Jeong Mong-ju (1338-1392). Jeong était un homme politique influent et un cadre érudit à la fin de la dynastie Goryeo et l'un des plus grands opposants au règne de Seong-gye. Alors que Seong-gye voulait le garder en vie et s'efforcer de le faire changer d'avis, ce qui changerait l'opinion de ses partisans, Bang-won avait d'autres idées et il le tua après une fête organisée en son honneur.
Avant de tuer Jeong, Bang-won rédigea un sijo, un poème coréen particulier, pour tenter une dernière fois de détourner sa loyauté de Goryeo vers Joseon. Le poème était le suivant:
Et si nous faisions ceci, et si nous faisions cela.
Et si les vignes de la montagne Mansu (montagne de dix mille ans) étaient liées les unes aux autres?
Nous jouirons ainsi ensemble de nos vies pendant les cent prochaines années prospères. (Roh, 18)
Ce à quoi Jeong Mong-ju répondit par un sijo de son cru:
Mon corps peut mourir encore et encore pendant cent fois.
Mon corps peut se transformer en un tas d'os et devenir poussière.
Mon seul et unique esprit envers vous [le roi précédent] ne disparaîtra pas. (Roh, 18)
L'assassinat de Jeong Mong-ju fut l'un des derniers éléments mis en place avant la confirmation de Seong-gye en tant que roi Taejo (r. de 1392 à 1398).
Première guerre des princes
Après avoir accédé au trône, le roi Taejo désigna son plus jeune fils, Bang-seok (1382-1398), comme héritier. Bang-won en voulait à son père d'avoir nommé Bang-seok héritier à sa place, car c'était lui qui avait le plus aidé son père à remporter la couronne. Tous les fils de Taejo disposaient d'une armée privée et, en 1389, Bang-won utilisa son armée pour tuer ses deux demi-frères Bang-seok et Bang-beon (1381-1398). Bang-won tua également deux conseillers de son père au cours de ce conflit, Jeong Do-jeon (1342-1398) et Nam Eun (1354-1398). Jeong et Bang-won avaient des points de vue très différents sur la façon dont la nouvelle dynastie devait être dirigée. Jeong pensait que les ministres et les érudits devaient diriger Joseon, tandis que Bang-won pensait que le roi devait régner en tant que monarque absolu. Pour ne rien arranger, Jeong et Nam étaient tous deux favorables à la désignation de Bang-seok comme héritier au détriment de Bang-won.
À la suite de ce conflit, Bang-won persuada Taejo de nommer son fils aîné survivant, Bang-gwa (1357-1419), comme héritier, afin de montrer que son objectif n'était pas de conquérir le trône pour lui-même. Portant le deuil de ses fils et de sa femme, décédée de manière brutale un peu plus tôt, Taejo abdiqua et Bang-gwa devint le roi Jeongjong (r. de 1399 à 1400). Jeongjong déplaça très vite la capitale de Joseon de Séoul à Kaesong, la ville où il préférait vivre.
Deuxième guerre des princes et accession au trône
Bien que Jeongjong ait été roi de nom, c'était Bang-won qui tirait les ficelles en coulisses, aucun ordre royal n'étant donné sans sa bénédiction,tout comme son père, Yi Seong-gye, l'avait fait pour le dernier roi de Goryeo, Gongyangan (r. de 1389 à 1392). Bang-won demanda notamment à Jeongjeon d'interdire toutes les armées privées. Même si Bang-won avait récemment tué le prince héritier avec une armée privée, il voulait que toutes les armées soient dissoutes pour s'assurer que personne ne puisse défier Jeongjong - ce qui remettrait en cause le pouvoir de Bang-won.
Après la mort de Jeong Do-jeon et de Nam Eun, le frère aîné de Bang-won, Bang-gan (1364-1421), devint son principal rival au trône. Bang-won et Bang-gan développèrent tous deux des armées personnelles en secret - puisqu'elles étaient désormais illégales - avant que Bang-gan ne lance une attaque contre Bang-won en 1400. C'est ce que l'on a appelé la deuxième guerre des princes. Bang-won réussit à vaincre l'armée de son frère et, au lieu de tuer Bang-gan, Bang-won l'exila mais tua les conseillers qui avaient incité son frère à construire une armée afin de l'attaquer.
Après que Bang-won eut tué un autre de ses frères, Jeongjong - qui était déjà sous la coupe de Bang-won avant même la Seconde Guerre des Princes - le nomma héritier et abdiqua. Bang-won fut couronné roi Taejong (r. de 1400 à 1418) et ramena la capitale à Séoul au lieu de Kaesong, la ville que son père avait initialement établie comme capitale de Joseon. Après avoir vu son fils tuer tant de personnes qui lui étaient proches pour conquérir le trône, l'ancien roi Taejo quitta la capitale pour finir ses jours dans sa ville natale de Hamheung.
Début de règne et consolidation du pouvoir
Taejong passa la majeure partie de son règne à étendre et à consolider le pouvoir du trône. Au cours des premières années de son règne, il exila et tua les frères de son épouse afin qu'ils ne puissent pas briguer le trône ou avoir une mauvaise influence sur elle. L'un des premiers ordres de Taejong en tant que roi fut de réorganiser l'Uijeongbu (Conseil d'État de Joseon). Le nouvel Uijeongbu était l'organe suprême du gouvernement et se composait de sept membres chargés de conseiller et d'exécuter les ordres du roi vis-à-vis des organes gouvernementaux de niveau inférieur. Le pouvoir de l'Uijeongbu était limité par rapport à celui du Topyeongeuisasa (Conseil suprême), l'organe gouvernemental comparatif de Goryeo. Toutes les décisions prises par l'Uijeongbu devaient être approuvées par le roi, ce qui étendait le pouvoir du trône.
Sous l'Uijeongbu se trouvaient de nombreux niveaux de gouvernement régional et local. Chaque niveau de gouvernement devait prendre des décisions par l'intermédiaire de son superviseur, de sorte que le roi avait l'autorité suprême sur toutes les questions relatives à la gestion du pays - ce qui était la philosophie de Bang-won et la raison pour laquelle il avait tué Jeong Do-jeon et Nam Eun lors de la Première guerre des princes.
Taejong, en réorganisant le gouvernement pour le rendre plus efficace, divisa la Corée en huit provinces, chaque province étant divisée en comtés. Au total, le territoire était divisé en 350 comtés. Chaque province et chaque comté étaient dotés de fonctionnaires chargés de veiller au bon fonctionnement de l'administration régionale et locale. Il s'agissait d'un réel changement par rapport à la politique de Goryeo, où de nombreuses divisions du territoire n'avaient pas de fonctionnaires. C'était une autre façon pour Taejong de consolider le pouvoir du trône.
Amélioration de la vie en Corée
Même si Taejong s'était montré impitoyable, rusé et violent pour conquérir le trône, il fut un souverain efficace et apporta plusieurs changements à la politique qui améliorèrent la vie des Coréens. L'une de ces politiques était le Sangso, un moyen pour toute personne d'envoyer ses opinions au souverain. Tout fonctionnaire du pays pouvait envoyer un Sangso de son bureau local au roi en personne. Le roi pouvait les lire pour connaître l'opinion de ses sujets. Cette pratique était unique et inédite à l'époque.
Une autre politique, qui aurait pu nuire à certains individus mais qui, dans l'ensemble, créa un meilleur environnement pour le public, consistait à créer des cartes d'identité après un recensement de 1413 portant sur près de 5 millions de personnes. Ces tablettes Hopae étaient obligatoires pour tous les hommes de plus de 16 ans et comprenaient les dates et lieux de naissance, ainsi que d'autres informations. Cela permettait aux paysans de continuer à cultiver leurs champs au lieu de les abandonner en période difficile, ce qui permettait à Joseon de mieux utiliser ses terres agricoles. Ces cartes permettaient également de s'assurer qu'aucun homme ne pouvait se soustraire au service militaire obligatoire. Sous le règne de Taejong, le service obligatoire était encore plus important qu'auparavant, car il augmenta la taille et la force de l'armée en interdisant les armées personnelles.
Au cours de son règne, Taejong libéra également des centaines de milliers d'esclaves, soit près d'un tiers de la population du Joseon ancien, dont beaucoup étaient nés roturiers mais avaient été contraints à l'esclavage pendant la période Goryeo pour rembourser des dettes ou pour subvenir aux besoins de leur famille. Taejong permit à ces anciens esclaves de devenir des artisans ou des industriels, de subvenir à leurs besoins et de s'enrichir sans avoir à payer d'impôt.
Enfin, Taejong assouplit les classes sociales rigides de Goryeo et permit une mobilité ascendante, même s'il était encore difficile de passer d'une classe à l'autre. Comme l'a noté Jinwung Kim, "au cours de cette première période, la mobilité ascendante, bien que singulière, n'était pas impossible". Néanmoins, Joseon était certainement une société hiérarchisée" (202).
Préparation du terrain pour le roi Sejong et abdication
En modifiant le pouvoir du trône, l'organisation du gouvernement et la structure sociale, Taejong put préparer le terrain pour que son troisième fils, qui allait devenir le roi Sejong le Grand (r. de 1418 à 1450), puisse mettre en œuvre des politiques qui bénéficièrent grandement à Joseon et à son peuple. Taejong, comme il l'avait fait plus tôt dans sa vie, dut comploter pour que son troisième fils devienne roi sans contourner la tradition de nommer son fils aîné héritier.
Taejong finit par désigner Sejong comme héritier en 1418 et abdiqua peu de temps après. Le pouvoir de Taejong ne prit cependant pas fin aussi rapidement que cela. Taejong gouverna par l'intermédiaire de Sejong en tant que roi-marionnette, tout comme il avait gouverné par l'intermédiaire de son frère Jeongjeon près de 20 ans auparavant. En outre, il planifia de nouveau et mena un assaut contre les opposants politiques en tuant tous les membres du gouvernement qui s'opposaient à ce que Taejong désigne Sejong en tant qu'héritier. Taejong tua également le beau-père de Sejong et deux des oncles de sa femme afin de consolider le pouvoir de Sejong. Taejong finit par relâcher son emprise sur le pouvoir au cours de la dernière année de sa vie et mourut le 30 mai 1422.
Héritage
Le roi Taejong fut et est toujours une figure très controversée de l'histoire coréenne. S'il fut un bon souverain qui améliora la vie de ses sujets et jeta les bases de l'une des plus grandes figures historiques de la Corée, il planifia et exécuta également de nombreuses agressions brutales contre les membres de sa famille et les représentants du gouvernement.
Son penchant pour la violence afin d'obtenir, de conserver et de renforcer le pouvoir "créa un précédent de purges sanglantes au sein de la royauté et de la bureaucratie qui se poursuivirent tout au long de la dynastie Joseon et contribuèrent grandement à l'affaiblissement du royaume" (Jinwung Kim, 189). Ces événements ternissent encore aujourd'hui les décisions politiques bénéfiques qu'il mit en œuvre.