Jean Lafitte

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Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 03 novembre 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Portrait of Jean Lafitte (by Rosenberg Library, Galveston, Public Domain)
Portrait de Jean Lafitte
Rosenberg Library, Galveston (Public Domain)

Jean Lafitte (également orthographié Laffite, c. 1780 - c. 1820) était un meneur franco-américain de pirates et de corsaires qui captura des navires marchands de différents États dans le golfe du Mexique de 1810 à 1820. Lafitte se révéla un allié précieux pour les États-Unis lors de la guerre de 1812 et de la bataille de la Nouvelle-Orléans en 1815 en aidant le général Andrew Jackson (1767-1845) à remporter la victoire contre les Britanniques.

Lafitte bénéficia d'un pardon officiel du président américain en remerciement de sa participation aux guerres en cours contre la Grande-Bretagne et l'Espagne, mais il ne tarda pas à se retrouver à nouveau sur la liste noire officielle. De retour à la piraterie depuis sa base (aujourd'hui Galveston, au Texas), Lafitte causa des ravages dans les transports maritimes espagnols et américains. Conscient que les représailles ne tarderaient pas à arriver, Lafitte finit par prendre la mer vers un destin inconnu, loin des autorités américaines qui le recherchaient. L'histoire de Lafitte inspira de nombreux écrivains, à commencer peut-être par Lord Byron (1788-1824) qui aurait peut-être été inspiré par ce pirate devenu patriote pour son poème The Corsair (Le Corsaire).

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Enfance

Lafitte naquit vers 1780, probablement en France, mais on ne peut pas dire grand-chose de ses débuts avec certitude. Il dut prendre la mer, car en 1809, il travailla pendant un certain temps avec son frère Pierre comme forgeron, ou du moins fut à la tête d'une telle entreprise à la Nouvelle-Orléans. La forge et les enclumes cachaient probablement les activités de contrebande des deux compères. Les garçons Lafitte revendaient des biens volés et faisaient entrer clandestinement des esclaves dans l'État de Louisiane, le commerce des esclaves ayant été officiellement supprimé par le gouvernement des États-Unis en 1807. Jean Lafitte, cependant, nourrissait une ambition bien plus vaste que cela.

L'historien Jan Rogozinski donne la description physique suivante de Lafitte: "Jusqu'à un âge plus mur, il était un personnage romantique - grand, mince et beau, avec des cheveux et des yeux sombres. Il charma même de nombreuses aristocrates" (189).

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The Lafitte Brothers in Dominique You's Bar
Les frêres Lafitte dans le bar de Dominique You
John Wesley Jarvis (Public Domain)

Pirate et corsaire

À partir de 1810 environ, Lafitte établit sa base dans l'anse isolée de la baie de Barataria, située au sud de La Nouvelle-Orléans et à l'ouest du delta du Mississippi. L'emplacement était idéal car le dédale de voies d'eau peu profondes et de bayous secrets rendait très difficile la recherche de la zone de la part des autorités. D'autre part, elle était suffisamment proche de la Nouvelle-Orléans et des marchands désireux de mettre la main sur des marchandises à bas prix. De là, Lafitte organisa un grand groupe de contrebandiers et de pirates. Il y avait également un certain nombre de corsaires, ceux qui agissaient comme des pirates mais contre un ennemi spécifique d'un état ou d'une colonie particulière. Ces corsaires recevaient des lettres de marque soit des gouverneurs coloniaux français dans les Caraïbes, soit des autorités du port de Carthagène (dans l'actuelle Colombie) qui avaient décidé de déclarer leur indépendance de l'Empire espagnol. Les cargaisons saisies par la bande de Lafitte étaient entreposées sur l'île de Grand Terre, et les esclaves gardés dans des enclos ou des barracons. Les marchandises et les personnes étaient ensuite vendues aux marchands et aux négriers louisianais spécialement invités lors d'enchères secrètes.

LAFITTE fuT APPROCHÉ PAR LES BRITANNIQUES QUI RÉALISèrENT QU'UN HOMME QUI COMMANDait UNE si GRANDE FLOTTE POURRAIT ÊTRE UN ALLIÉ TRÈS UTILE DANS LEUR GUERRE CONTRE LES ÉTATS-UNIS.

À la tête d'une flotte d'au moins dix navires, et toujours aidé par son frère Pierre, Lafitte fit des ravages dans le golfe du Mexique, organisant la capture de navires marchands britanniques, américains et espagnols. Les équipages de Lafitte comprenaient "des Yankees, des Portugais, des Norvégiens, des Français, des Créoles, des Séminoles et des Cajuns" (Konstam, 62). Lafitte lui-même était plus un gestionnaire de pirates qu'un pirate lui-même. En effet, lorsqu'il était à terre, il fréquentait des politiciens, des dirigeants communautaires et des officiers de la marine. Il était surtout connu pour ses fêtes et ses bonnes manières. Ce flair pour les mondanités n'impressionna cependant pas les autorités, et les frères Lafitte furent finalement arrêtés et jugés en 1812. Libérés sous caution, ni Jean ni Pierre ne se présentèrent à leur procès, et en 1813, le gouverneur de la Louisiane demanda leur arrestation immédiate avec une récompense de 750 $ à la clé. Pour ne pas être en reste, Jean Lafitte mit la tête du gouverneur à prix, encourageant ses hommes à appréhender le fonctionnaire avec la promesse d'une récompense de 1 500 $. Lafitte resta en liberté, peut-être en grande partie grâce à la volonté des commerçants légitimes de faire affaire avec le chef pirate qui pouvait leur offrir un flux constant de marchandises à prix réduit. En outre, les autorités américaines étaient complètement absorbées par la guerre de 1812 (juin 1812 - février 1815) entre les États-Unis et l'Espagne, la Grande-Bretagne et ses alliés.

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La guerre de 1812 et la Nouvelle-Orléans

Lafitte fut d'abord approché par les Britanniques qui se rendirent compte qu'un homme qui commandait une si grande flotte pourrait être un allié très utile dans leur guerre contre les États-Unis. Les Britanniques furent impressionnés par la façon dont Lafitte réussit à franchir leur blocus du delta du Mississippi. En septembre 1814, Lafitte se vit offrir monts et merveilles pour qu'il rejoigne le camp britannique et les aide dans leur projet d'attaque de la Nouvelle-Orléans. Il recevrait un grade officiel dans la marine (capitaine), une compensation financière appropriée (30 000 $) et un pardon pour ses activités douteuses passées. Lafitte ne se laissa pas tenter et se rendit plutôt auprès des autorités de la Nouvelle-Orléans pour leur faire part de l'offre de l'autre camp et de leur projet d'attaque. Manquant d'imagination, et aveugles aux événements qui allaient se dérouler, les autorités de la Nouvelle-Orléans ne firent rien pour s'assurer que Lafitte et sa flotte soient de leur côté dans le conflit à venir. En fait, le gouverneur W.C.C. Claiborne fit tout le contraire et, à peine deux semaines plus tard, la base de Barataria fut attaquée par une force navale américaine. Un certain nombre de navires corsaires furent capturés dans le port, mais Lafitte et la plupart de ses hommes s'échappèrent par les terres.

Battle of New Orleans
Bataille de La Nouvelle-Orléans
Edward Percy Moran (Public Domain)

Ce fut alors que la situation changea à la Nouvelle-Orléans, avec la nomination d'un nouveau commandant des défenses de la ville en décembre 1814, un certain général Andrew Jackson. Jackson avait plus de vision que ses prédécesseurs, et il rencontra Lafitte pour savoir comment ils pourraient travailler ensemble. Lafitte fut dûment gracié et reçut un commandement: ses propres hommes furent organisés en unités d'artillerie, connues par la suite sous le nom de Baratariens. La force de Lafitte, qui comptait peut-être environ 16 canons, fut un facteur important dans la défense de la ville, dans ce qui désormais connu sous le nom de bataille de la Nouvelle-Orléans du 8 janvier 1815. L'attaque britannique avec une force numériquement supérieure fut repoussée. Suite à leur aide précieuse, Lafitte et 1 000 de ses hommes furent, sur recommandation d'un général Jackson plus qu'impressionné, tous graciés par le président James Madison (en fonction de 1809 à 1817). Malheureusement, Lafitte ne récupéra pas les biens qui lui avaient été confisqués après l'attaque de son ancienne base du Bayou Barataria, et c'est peut-être cela qui le poussa à reprendre sa vie de criminel.

Galveston et son décès

En 1817, Lafitte et ses 1 000 hommes fidèles, qui formaient l'équipage d'une vingtaine de navires, étaient revenus à la piraterie et attaquaient les navires marchands de l'Empire espagnol. Cette fois, le chef pirate choisit Campêche comme base, une île qui deviendrait Galveston, au Texas, dans ce qui était alors une province espagnole instable et très disputée. Lafitte profita de la politique locale volatile qui impliquait des intérêts américains, espagnols, texans et mexicains, pour devenir gouverneur de la ville en 1819. Galveston était un excellent choix car elle offrait de nombreuses voies navigables intérieures par lesquelles les pirates pouvaient échapper aux navires de la marine qui s'intéressaient de trop près à la côte. À partir de 1817, Campêche/Galveston fut le principal refuge des pirates dans la région.

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LAFITTE DÉCIDa judicieusement DE PRENDRE avec lui SON MEILLEUR ÉQUIPAGE ET DE NAVIGUER AU-DELÀ DE L'HORIZON SUR UN SEUL NAVIRE, LE PRIDE.

Lafitte et ses pirates s'enrichirent grâce à la vente de cargaisons capturées et à la contrebande d'armes et d'esclaves à qui voulait bien les acheter. Lafitte tira ensuite un peu trop sur la corde lorsqu'il a commença à attaquer les navires marchands américains. Attaquer la Louisiane pour s'emparer d'esclaves était une autre de ses combines pour s'enrichir rapidement qui eut cependant des conséquences inévitables.

En novembre 1819, les États-Unis envoyèrent un navire de guerre à Galveston pour enquêter sur ce qui se passait exactement dans ces eaux un peu troubles, mais Lafitte, diplomate à la langue bien pendue, réussit à éviter toute confrontation. Le gouverneur pirate se contenta de faire pendre un de ses hommes qu'il proclama être le chef des attaques de pirates, ce qui, pour un temps, suffit à satisfaire tout le monde. Lafitte continua malgré tout et, près de Matagorda en 1820, son équipe captura puis saborda un navire marchand américain. Prévoyant une deuxième visite inévitable et plus décisive des autorités américaines en 1821 (ou peut-être à cause d'un navire de guerre qui passa devant l'île), Lafitte décida judicieusement de prendre avec lui son meilleur équipage et de s'éloigner par-delà l'horizon à bord d'un seul navire, le Pride. Avant de partir, il rasa Galveston. Lafitte poursuivit ensuite sa vie de pirate contre des cibles espagnoles, peut-être pendant quelques années encore, mais son sort final reste inconnu. Selon certaines rumeurs, il aurait été enterré près de Mérida au Mexique, mais il s'agirait peut-être de son frère. La fin mystérieuse de la piraterie de Lafitte et l'idée qu'il ait pu échapper à la justice pour ses crimes l'ont immédiatement propulsé au rang de légende comme l'un des derniers grands pirates des Amériques.

Lord Byron
Seigneur Byron
Thomas Phillips (Public Domain)

Jean Lafitte dans la fiction

Les exploits hauts en couleur de Lafitte ont fait de lui une figure de prédilection pour les auteurs de fiction. Lord Byron s'y est mis très tôt en écrivant le poème The Corsair, peut-être vaguement inspiré de la vie de Lafitte, mais dont l'action se déroule dans la mer Égée. S'il est effectivement basé sur Lafitte, Byron ne s'est pas limité à une très grande exactitude historique dans son poème publié en 1814. L'œuvre fut extraordinairement populaire et donna lieu à une multitude d'imitations et d'hommages dans divers genres artistiques, du ballet aux ouvertures symphoniques.

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Cet homme solitaire, être mystérieux
Qui ne sourit qu’à peine et rarement soupire,
Dont le nom fait pâlir les plus audacieux,
Tous ces fronts basanés, et d’un terrible empire
Subjugue aussi les cœurs par l’art de commander,
Qui fascine, dirige et glace un cœur vulgaire.
(Le Corsaire, 175-80, trad. A. Regnault)

Un autre écrivain inspiré par Lafitte (et par l'œuvre de Byron) fut le révérend Joseph Holt Ingraham (1809-1860) qui publia en 1836 Laffite, The Pirate of the Gulf. George A. Pierce publia une biographie de Lafitte en 1856, un ouvrage qui n'est pas exempt de fiction pure et simple, comme sa conversion à l'islam et sa mort pittoresque lors d'un duel.

Comme pour la plupart des pirates de l'âge d'or de la piraterie, les ouvrages ultérieurs sur Lafitte ont beaucoup emprunté aux auteurs qui avaient été les premiers à rédiger sa biographie. Lafitte, qui était passé du crime au patriotisme pour en revenir au crime, fascina de nombreux écrivains qui ne purent résister à la tentation d'ajouter des éléments intrigants mais fantaisistes, comme un soi-disant trésor perdu, à cette légende qui ne cessait de grandir. Et c'est ainsi que la tendance se poursuivit au cinéma, comme dans la somptueuse production de Cecil B. De Mille de 1938, The Buccaneer (Les Boucaniers), et son remake de 1958 portant le même titre, où Lafitte est incarné de manière mémorable par Yul Bryner. Enfin, le nom de Lafitte perdure par d'autres moyens, notamment en Louisiane avec la petite ville de pêcheurs de Jean Lafitte et le Jean Lafitte National Historical Park and Preserve.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2021, novembre 03). Jean Lafitte [Jean Lafitte]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20161/jean-lafitte/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Jean Lafitte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 03, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20161/jean-lafitte/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Jean Lafitte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 03 nov. 2021. Web. 20 déc. 2024.

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