L'Agneau Mystique

10 jours restants

Investir dans l'enseignement de l'histoire

En soutenant notre organisation caritative World History Foundation, vous investissez dans l'avenir de l'enseignement de l'histoire. Votre don nous aide à donner à la prochaine génération les connaissances et les compétences dont elle a besoin pour comprendre le monde qui l'entoure. Aidez-nous à commencer la nouvelle année en étant prêts à publier des informations historiques plus fiables, gratuitement pour tous.
$3081 / $10000

Définition

Mark Cartwright
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 29 novembre 2021
Disponible dans d'autres langues: Anglais, Néerlandais
Écouter cet article
X
Imprimer l'article
The Ghent Altarpiece by Jan van Eyck (by Web Gallery of Art, Public Domain)
Le retable de Gand de Jan van Eyck
Web Gallery of Art (Public Domain)

Le retable de Gand, également connu sous le nom d'Adoration de l'agneau mystique, est un retable à panneaux peints créé en 1432 pour la chapelle Vijd de l'église Saint-Jean-Baptiste, aujourd'hui la cathédrale Saint-Bavon, à Gand, en Belgique. L'œuvre est attribuée à Jan van Eyck (vers 1390-1441) ou à Hubert van Eyck ou aux deux artistes.

Largement considérés comme faisant partie des chefs-d'œuvre de l'art de la Renaissance, les panneaux du retable présentent des scènes rendues par de vibrantes peintures à l'huile qui ont un thème collectif : la rédemption de l'humanité. Sauvé de la destruction par les réformistes, pillé par les armées françaises une fois et allemandes deux fois, il est aujourd'hui de retour dans l'église pour laquelle il avait été commandé.

Paternité

L'auteur exact du retable de Gand fait toujours l'objet de débats entre spécialistes. L'artiste le plus souvent associé au retable est le maître belge Jan van Eyck, célèbre de son vivant pour sa grande maîtrise de la peinture à l'huile. Avant même la commande de Gand, il s'était déjà imposé comme artiste renommé, travaillant pour des personnages tels que Jean III, duc de Bavière et comte de Hollande (1374-1425), Philippe le Bon, duc de Bourgogne (r. 1419-1467) et Jean Ier de Portugal (r. 1385-1433). Van Eyck avait une maîtrise particulière de la coloration et de la réalisation de scènes naturalistes. Il était également très attentif aux moindres détails et utilisait les pinceaux les plus fins pour les réaliser. Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans le Retable de Gand.

Un deuxième artiste lié à l'œuvre est Hubert van Eyck (m. 1426), peut-être le frère aîné de Jan, mais la certitude fait défaut car il reste un personnage mystérieux. Sur le retable lui-même, on trouve une inscription en latin qui, traduite, dit :

Le peintre Hubert van Eyck, dont on ne trouve pas plus grand que lui, commença cette œuvre; Jan, son frère, second en art, acheva cette lourde tâche à la demande de Joos Vijd. Le 6 mai, il vous invite à regarder ce qui a été fait.

(Nash, 12)

Man in a Red Turban by Jan van Eyck
L'homme au turban rouge de Jan van Eyck
The Yorck Project (Public Domain)

L'authenticité de cette inscription, qui est en fait une transcription du XVIe siècle de l'original (possible), a été mise en doute par certains historiens de l'art et linguistes. D'autres historiens ont accepté l'inscription et ont donc essayé d'identifier quels panneaux ont été peints par quel frère, bien qu'aucun consensus n'ait été atteint là non plus. Le problème majeur est qu'il n'existe aucune autre référence à la participation d'Hubert à l'œuvre et que les commentaires de personnalités telles qu'Albrecht Dürer (1471-1528), qui vit le retable en personne en 1521, ne mentionnent personne d'autre que Jan van Eyck. L'historien Marcus van Vaernewyck n'en parle pas non plus lorsqu'il évoque l'autel en 1562. Il y a bien eu, semble-t-il, un Hubert van Eyck puisqu'il apparaît à trois reprises dans les archives municipales de Gand. Cependant, la datation du bois des panneaux latéraux par des tests de dendrochronologie montre que les arbres furent abattus vers 1421. Comme le bois dut ensuite être séché pendant au moins une décennie, ces panneaux, au moins, ne peuvent pas avoir été peints par Hubert, mort en 1426. Comme le résume l'historien de l'art H. L. Kessler, "la question de savoir si ce Hubert van Eyck était apparenté à Jan et pourquoi, au XVIe siècle, on lui attribuait la majeure partie du Retable de Gand sont des questions qui restent sans réponse".

VU DE LOIN PAR LA CONGRÉGATION, LE SPECTATEUR AURAIT SURTOUT ÉTÉ FRAPPÉ PAR LES COULEURS VIBRANTES, SEMBLABLES À DES BIJOUX, ET PAR LA FEUILLE D'OR SIMULÉE.

Retables à panneaux

Les retables sont devenus un élément standard des églises depuis le 13e siècle. Ils sont conçus pour être placés sur ou juste derrière l'autel principal consacré ou les autels subsidiaires de l'église. Ces œuvres d'art devenaient ainsi le centre d'attention de la congrégation pendant le service et montraient des scènes de la Bible en rapport avec l'église, ses bienfaiteurs et même le service en question. Le retable de Gand est un exemple du type de polyptyque, qui comporte plusieurs panneaux conçus pour être fermés en repliant les panneaux latéraux à charnière. Cette conception était particulièrement populaire en Europe du Nord et permettait de mieux protéger les principales images centrales lorsqu'elles n'étaient pas utilisées et de créer un sentiment de révélation lorsque le retable était entièrement ouvert lors d'occasions spéciales.

Le retable de Gand est composé de 12 panneaux encadrés en chêne baltique qui ont été peints sur les deux faces à la peinture à l'huile. Tout d'abord, une couche préparatoire de craie et de colle animale fut appliquée sur le bois, puis un dessin au trait fut réalisé pour guider le peintre. Ensuite, une couche d'apprêt d'huile légèrement teintée mais encore transparente fut ajoutée, ce qui permit de garder le dessin au trait visible. Enfin, on utilisa des peintures à l'huile et les scènes furent rendues avec un aspect tridimensionnel grâce à des effets de coloration et d'ombrage. Les personnages des scènes sont dotés de détails hyperréalistes qui ne peuvent être pleinement appréciés qu'en regardant l'œuvre de près. Vu de loin par la congrégation, le spectateur aurait surtout été frappé par les couleurs vibrantes, semblables à des bijoux, et par la feuille d'or simulée qui, combinées, auraient fait briller les scènes dans la sombre niche dans laquelle l'autel était placé.

Le retable porte une date: 6 mai 1432. Lorsqu'il est entièrement ouvert, le retable mesure 5,2 x 3,75 mètres. Il était à l'origine destiné à être placé dans ce qui était alors la chapelle Vijd de l'église Saint-Jean-Baptiste, devenue depuis la cathédrale Saint-Bavon de Gand, en Belgique.

Detail from the Ghent Altarpiece
Détail du retable de Gand
Web Gallery of Art (Public Domain)

Les panneaux extérieurs

Le retable fut commandé par Jodocus (alias Joost) Vijd, qui apparaît dans le panneau extérieur inférieur gauche ; sa femme, Lysbette Borluut, apparaît dans le panneau inférieur droit. Les autres panneaux du côté extérieur présentent une scène d'Annonciation. Au centre, l'intérieur d'une pièce donne sur un paysage urbain. En haut de la pièce, on trouve (de gauche à droite) des représentations du prophète Zacharie, de la sibylle érythréenne, de la sibylle cuméenne et du prophète Michée. De chaque côté de la scène architecturale se trouvent l'archange Gabriel (à gauche) et la Vierge Marie (à droite). Les deux panneaux centraux inférieurs représentent Saint Jean le Baptiste et Saint Jean l'Apôtre/Évangéliste, tous deux peints de façon magistrale pour donner l'impression d'être des sculptures.

Les panneaux intérieurs

Le côté intérieur, et en particulier la partie centrale des retables, étaient généralement réservés aux plus belles œuvres d'art, car celles-ci étaient non seulement les plus grandes et les plus visibles, mais pouvaient être protégées en repliant les ailes. Par conséquent, l'artiste fut plus ambitieux à cet endroit et utilisa des pigments de couleur plus coûteux comme le bleu, le rouge et les verts.

Les panneaux centraux supérieurs intérieurs montrent Dieu trônant, tandis qu'à gauche se trouve la Vierge Marie et à droite Saint Jean Baptiste. Les panneaux situés de part et d'autre de ce trio central montrent divers anges chantant et jouant de l'orgue. Le panneau de l'extrême gauche montre un Adam nu, avec une expression tangible d'anxiété et des détails minutieux tels que des veines et des poils. Le personnage semble se diriger vers le spectateur grâce à l'utilisation d'ombres derrière lui et aux orteils relevés du pied droit d'Adam, comme s'il faisait un pas en avant.

Closed View of the Ghent Altarpiece
Vue fermée du retable de Gand
Flanderstoday.eu (Public Domain)

Adam rappelle également l'intérêt de la Renaissance pour l'art classique puisqu'il est représenté dans la pose de la Venus Pudica ("Vénus modeste"). Le panneau d'extrême droite montre Ève. Au-dessus d'Adam et d'Ève se trouve un petit panneau incurvé représentant une sculpture fictive. Au-dessus d'Adam se trouve une scène en relief représentant le Sacrifice de Caïn et Abel, au-dessus d'Ève, une œuvre similaire représentant le Meurtre d'Abel.

"LA PLUS BELLE PEINTURE DE LA CHRÉTIENTÉ" ANTONIO DE BEATIS.

Le panneau central inférieur, de loin le plus grand de tous les panneaux, donne son nom au retable - L'adoration de l'agneau de Dieu par les élus ou Adoration de l'agneau mystique - et montre une foule adorant un agneau, symbole de Jésus-Christ et de son sacrifice à la crucifixion. Au-dessus de l'agneau se trouve la colombe du Saint-Esprit. La foule illustre, de part et d'autre de l'agneau, est composée de saints, d'apôtres, de martyrs et de confesseurs. Les panneaux de chaque côté montrent, à gauche, des juges et des chevaliers qui s'approchent et, à droite, des saints ermites et pèlerins. Le thème dominant de tous les panneaux des deux côtés semble être la rédemption de l'humanité.

Histoire ultérieure et récupération

Le Retable de Gand fut immédiatement reconnu comme un chef-d'œuvre, à tel point qu'il fut rapidement considéré comme l'une des œuvres déterminantes qui marquèrent le début de l'art de la Renaissance. Des historiens de l'art renommés du XVIe siècle, tels que Ludovico Guicciardini (1521-89) et Karel van Mander (1548-1606), commencèrent leurs analyses de la période par le Retable de Gand. L'œuvre était admirée par tous, du maître Albrecht Dürer à Antonio de Beatis (secrétaire du cardinal d'Aragon). Dürer nota que le retable était "une peinture très précieuse, pleine de pensée" (Nash, 36) tandis que de Beatis alla plus loin, le décrivant en 1517 comme "la plus belle peinture de la chrétienté" (Nash, 11).

Adoration of the Mystic Lamb, Ghent Altarpiece
Adoration de l'agneau mystique, retable de Gand
Jan van Eyck (Public Domain)

Le retable, précisément en raison de sa qualité et de sa renommée, a connu une histoire remarquablement mouvementée. Il fut d'abord menacé de destruction pendant la Réforme du XVIe siècle, lorsque tout art visuel orné dans les églises était considéré comme superflu. En 1566, alors que des émeutiers iconoclastes parcouraient Gand de long en large pour détruire tout art religieux, l'œuvre fut démontée en ses panneaux constitutifs et entreposée dans la tour de l'église. Redescendue, elle fut à nouveau cachée lors d'une deuxième vague de destructeurs d'icônes, dix ans plus tard.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

Des soldats français volèrent quatre des panneaux pour le nouveau musée de Napoléon à Paris au XVIIIe siècle. Exposés au Louvre, les panneaux ne furent rendus à Gand qu'en 1815. L'incident suivant fut la décision d'un chanoine de vendre certains des panneaux de l'aile à un marchand d'art local ; ils furent finalement restitués à la suite de l'indignation publique suscitée par cet acte.

Le retable fut volé par les troupes allemandes pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), mais les vainqueurs étaient si soucieux de le récupérer que le retable fut spécifiquement mentionné dans le traité de Versailles de 1919. Le traité contenait une clause selon laquelle l'Allemagne devait rendre le retable au peuple belge. Il fut restitué, mais la hausse des prix de l'art incita des voleurs à s'emparer de deux panneaux en 1934. L'un de ces panneaux fut retrouvé, mais l'autre pas. Le panneau manquant représentait les Juges justes (panneau intérieur inférieur gauche) et a depuis été remplacé par une copie.

L'ensemble du retable fut de nouveau volé par les occupants allemands de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Heureusement, le retable fut récupéré de sa cachette dans une mine de sel autrichienne par les troupes américaines en 1945. Plus tard, dans les années 1940, il fut la première œuvre d'art de la Renaissance à subir une analyse scientifique détaillée. Aujourd'hui, le retable a retrouvé sa place dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand, même s'il n'est pas dans sa position d'origine. Des travaux de restauration ont été effectués sur le retable entre 2012 et 2020. Le retable de Gand continue d'inspirer et de fasciner, sa récupération spectaculaire après la Seconde Guerre mondiale ayant été présentée dans le film The Monuments Men de 2014.

Questions et réponses

Pourquoi le retable de Gand est-il important ?

Le retable de Gand est important car il est considéré par les historiens de l'art comme l'un des plus beaux exemples de l'art de la Renaissance.

Que représente l'agneau du retable de Gand ?

L'agneau du panneau central du retable de Gand représente Jésus-Christ et son sacrifice lors de la crucifixion.

Qui a peint le retable de Gand ?

La plupart des experts considèrent que le retable de Gand a été peint soit par Jan van Eyck (vers 1390-1441), soit par Hubert van Eyck, soit par les deux artistes.

Où se trouve aujourd'hui le retable de Gand ?

Le retable de Gand se trouve aujourd'hui dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand, en Belgique.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer ce travail

Style APA

Cartwright, M. (2021, novembre 29). L'Agneau Mystique [Ghent Altarpiece]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20268/lagneau-mystique/

Le style Chicago

Cartwright, Mark. "L'Agneau Mystique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification novembre 29, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20268/lagneau-mystique/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "L'Agneau Mystique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 29 nov. 2021. Web. 21 déc. 2024.

L'adhésion