La guerre de Smalkalde (1546-1547) opposa la ligue protestante de Smalkalde aux armées catholiques de Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, qui, n'ayant pas réussi à obtenir l'unité religieuse de ses sujets lors de la diète d'Augsbourg en 1530, cherchait à l'imposer par la force. Charles Quint remporta la guerre mais ne parvint pas à réprimer le mouvement protestant.
La Diète impériale d'Augsbourg avait été convoquée par Charles Quint (r. de 1519 à 1556), en partie pour unifier ses sujets face à la menace d'une invasion par les Turcs de l'Empire ottoman. Le réformateur allemand Martin Luther (1483-1546) avait lancé la Réforme protestante en 1517, divisant l'Église catholique auparavant unifiée, et ses efforts avaient encouragé d'autres personnes, comme Huldrych Zwingli (1484-1531), à plaider également en faveur de la réforme. En 1530, l'animosité et la division régnaient non seulement entre les protestants et les catholiques, mais aussi entre les différentes sectes protestantes.
Les luthériens présentèrent à la diète leur Confession d'Augsbourg, rédigée par Philippe Melanchthon (1497-1560), afin de clarifier leurs convictions et de parvenir à un accord avec les catholiques. La confession fut rejetée et les négociations n'aboutirent à aucun compromis. Par la suite, les princes luthériens, qui craignaient que Charles Quint ne les oblige à se convertir au catholicisme, formèrent la Ligue de Smalkalde, une alliance militaire. Comme cela ne se produisit pas, les membres de la ligue poursuivirent leur programme en confisquant les terres catholiques et en établissant la vision chrétienne luthérienne en Allemagne.
Charles Quint n'avait cependant pas oublié les protestants allemands; il était seulement occupé à mener d'autres guerres. En 1546, il envoya ses armées sous le commandement de Fernando Álvarez de Tolède, troisième duc d'Albe (1507-1582), pour régler le problème. L'habile manipulation par Charles Quint du prince protestant Maurice, électeur de Saxe (1521-1553), la neutralité de certains nobles qui auraient pu aider le camp protestant, le brio du duc d'Albe et, probablement le plus important, l'incapacité des princes luthériens à présenter un front uni conduisirent à une victoire catholique et à la fin de la Ligue de Smalkalde.
La deuxième guerre de Smalkalde eut lieu en 1552 après que Charles Quint, espérant unir les protestants et les catholiques par un décret, eut publié son Intérim d'Augsbourg qui n'avait fait qu'accroître les tensions. Les protestants remportèrent la deuxième guerre de Smalkalde, obligeant Charles Quint à réaliser qu'il ne pourrait pas supprimer le mouvement protestant. Les luthériens furent reconnus en tant qu'entité religieuse légitime lors de la paix d'Augsbourg en 1555, bien que d'autres sectes protestantes, telles que les calvinistes, aient toujours été persécutées et que les tensions religieuses n'aient toujours pas été résolues.
Réforme, division et confession d'Augsbourg
En 1517, lorsque les 95 thèses de Martin Luther déclenchèrent la Réforme protestante, l'Allemagne faisait partie du Saint Empire romain germanique et il n'existait qu'une seule autorité religieuse en Europe: l'Église catholique romaine. La protestation de Luther contre la politique de l'Église consistant à vendre des indulgences - des brefs censés raccourcir le temps passé au purgatoire - inspira une révolte généralisée contre l'autorité ecclésiastique et, l'Église étant intimement liée aux différentes monarchies, contre l'ordre établi.
Luther fut excommunié en 1521 et, après sa comparution à la Diète de Worms, il devint le point de ralliement de ceux qui considéraient que l'Église soutenait les politiques injustes et inéquitables des nobles qui profitaient du travail quasi servile de la paysannerie. Le discours de Luther à la Diète de Worms, transcrit et publié en langue vernaculaire, donna à beaucoup l'espoir qu'une nouvelle vision religieuse remplacerait désormais celle de l'Église catholique et conduirait à une réforme sociale et culturelle. La guerre des paysans allemands (1524-1525) fut la première expression de cet espoir, mais d'autres régions commencèrent également à prôner des réformes, ce qui fit éclater l'unité religieuse de l'Europe.
Charles Quint avait déclaré Luther hors-la-loi par l'Édit de Worms, mais il était devenu si populaire qu'il ne pouvait pas être arrêté, et comme il était soutenu par le puissant noble Frédéric III (le Sage, 1463-1525), il put continuer à écrire et à publier ses enseignements, encourageant de nouvelles conversions à la nouvelle foi protestante. En 1522, à Zurich, Zwingli rompit publiquement avec l'Église et y établit la Réforme, tandis que, dans le même temps, d'autres groupes au sein des mouvements protestants de Luther et de Zwingli commencèrent à articuler leurs propres visions.
En conséquence, en 1530, l'Europe était en proie à des troubles religieux et sociaux, et Charles Quint convoqua une conférence à Augsbourg; il espérait qu'elle résoudrait les problèmes et ramènerait les protestants sous l'autorité de l'Église. Charles Quint était d'autant plus préoccupé par ces divisions qu'il s'attendait à une invasion de l'Empire ottoman et qu'il avait besoin d'une population unie pour contrer une telle attaque. La délégation de Luther présenta à Charles la Confession d'Augsbourg, un document clarifiant les croyances luthériennes et réfutant les enseignements et les politiques catholiques, que Melanchthon avait soigneusement rédigé dans l'espoir que les deux parties parviennent à un compromis. La Confession d'Augsbourg fut cependant rejetée par Charles et la délégation catholique, et les divisions religieuses ne firent que s'aggraver.
Ligue de Smalkalde
Un certain nombre de nobles allemands avaient adhéré à la vision de Luther, notamment Jean Frédéric Ier, électeur de Saxe (1503-1554), fils aîné de l'électeur Jean (dit Jean l'Assuré, 1468-1532), le frère cadet de Frédéric III le Sage. Philippe Ier de Hesse (1504-1567), allié à Jean Frédéric, était, comme la famille de Jean Frédéric, un fervent partisan du mouvement de Luther. Après l'échec des négociations à la Diète d'Augsbourg, ces nobles (et d'autres) craignirent que Charles Quint n'impose l'unité qu'il recherchait par une action militaire. Ils se réunirent donc dans la ville de Smalkalde (alias Schmalkalden) en Allemagne et formèrent une alliance militaire, la Ligue de Smalkalde, en 1531. Le spécialiste Diarmaid MacCulloch commente:
À la fin de l'année 1530, les princes et les villes évangéliques de l'Empire décidèrent qu'ils devaient créer une ligue défensive contre l'attaque éventuelle des catholiques, maintenant que l'empereur avait rejeté les ouvertures protestantes: ils conclurent leur alliance dans la ville hessoise de Smalkalde. Jusqu'à sa destruction à la fin des années 1540, cette ligue de Smalkalde fut la force politique protestante la plus puissante d'Europe, et ce qui est particulièrement significatif dans toutes ses activités politiques et militaires, c'est qu'elles étaient inspirées par le zèle religieux. La Ligue n'existait que pour accomplir l'œuvre de Dieu, elle n'était pas une simple association diplomatique de convenance. Cela n'augurait rien de bon pour la paix future de l'Europe. (174)
Pour adhérer à la Ligue, il fallait accepter les principes de la Confession d'Augsbourg et promettre une assistance militaire aux autres membres, indépendamment de la qualité des relations que l'on pouvait entretenir avec eux par ailleurs. Au départ, la Ligue était donc un groupe étroitement ciblé, prêt à défendre les terres allemandes contre les agressions catholiques. Charles Quint, cependant, avait d'autres problèmes à régler sous la forme de diverses guerres étrangères, et les nobles allemands furent donc laissés à eux-mêmes. Libres d'agir à leur guise, ils s'emparèrent des terres catholiques et dissolvèrent les monastères et les couvents, réaffectant les bâtiments au bien commun.
Si les princes luthériens étaient sincères dans leur désir de défendre la nouvelle foi contre l'ancienne, ils étaient également motivés par leur intérêt personnel, car les terres anciennement catholiques étaient désormais à leur disposition et pouvaient les enrichir considérablement. Entre 1531 et 1544, les princes poursuivirent leur politique qui apporta à la région la stabilité nécessaire à la diffusion des doctrines de Luther et à l'établissement de l'Église luthérienne. En 1544, cependant, Charles Quint mit fin aux conflits qui l'opposaient à d'autres pays et revint au problème de ses sujets allemands.
Charles Quint et les princes
Charles Quint commença la guerre avant même qu'aucune armée ne soit déployée en approchant Maurice de Saxe, cousin de Jean Frédéric, et en lui promettant le titre et les terres de Jean en échange de son allégeance militaire. Maurice détestait son cousin et n'aurait été que trop heureux d'aider l'empereur à se débarrasser de lui, mais il était déchiré dans sa loyauté, car Philippe Ier de Hesse était son beau-père et ils avaient noué des relations chaleureuses. Malgré cela, le désir de Maurice d'obtenir davantage de terres et de pouvoir l'emporta sur ses sentiments pour Philippe, et il se rangea du côté de Charles Quint.
Charles Quint encouragea alors son frère cadet, Ferdinand Ier (1503-1564), qui pouvait commander une force importante en tant que roi de Bohême, de Hongrie et de Croatie et archiduc d'Autriche, à déclarer sa neutralité dans le conflit à venir, et fit de même avec Guillaume IV, duc de Bavière (1493-1550). Guillaume IV, d'abord favorable à la cause protestante, était devenu aussi inquiet que Charles Quint des divisions et du chaos social qu'elle encourageait. Les négociations de Charles Quint avec ces princes privèrent la Ligue de smalkalde d'alliés potentiels et lui fournirent également une zone de rassemblement pour sa force d'invasion.
Après avoir organisé son invasion, il choisit le duc d'Albe pour la diriger. Fernando Álvarez de Toledo, troisième duc d'Albe, était soldat depuis l'âge de 17 ans et avait prouvé à de nombreuses reprises qu'il était un chef militaire efficace. Il avait servi Charles Quint contre les Turcs ottomans et dans les guerres contre la France depuis 1532, et il était convaincu de pouvoir s'occuper de quelques princes allemands rebelles.
Les princes luthériens, conscients de la mobilisation de Charles Quint, convinrent qu'il était dans leur intérêt de frapper les premiers, mais ne s'entendirent pas sur la manière de le faire. Martin Luther, qui avait dénoncé la rébellion contre un monarque sauf dans certaines circonstances, était mort en février 1546 et ne pouvait donc pas s'opposer aux propositions de rébellion armée. Néanmoins, certains princes adhérèrent à son point de vue et s'abstinrent d'apporter un soutien total. La Ligue poursuivit la politique qu'elle avait toujours menée, mais avec des membres plus mobilisés pour la guerre, et s'empara du village catholique de Fussen, provoquant l'invasion que Philippe Ier et Jean Frédéric avaient espéré arrêter.
Guerre de Smalkalde
La guerre de Smalkalde dura moins d'un an et se caractérisa par le même manque d'unité entre les princes luthériens que Charles Quint avait dénoncé à Augsbourg en 1530. Philippe Ier de Hesse et Jean Frédéric avaient déposé le duc catholique Henri V de Brunswick-Lüneberg (1489-1568) en 1542, confisquant ses terres. Henri V, avec le soutien de Charles Quint, se mobilisa contre eux en 1545 pour récupérer ses territoires, mais il fut vaincu et capturé. En 1546, Charles Quint mit Philippe Ier et Jean Frédéric au ban de l'Empire, les déclarant hors-la-loi, ce qui leur coûta le soutien total des princes protestants du sud, qui hésitaient à déclarer une rébellion pure et simple contre l'empereur.
Philippe Ier et Jean Frédéric poursuivirent leur attaque contre les forces de l'empereur à l'automne 1546, mais Maurice, avec le soutien de Ferdinand Ier, envahit les territoires de Jean Frédéric, l'obligeant à se retirer et à chasser les forces de Maurice. Il envahit ensuite le territoire de Maurice avant que le climat hivernal n'interrompe les hostilités. Lorsque la guerre reprit en mars, les forces de Charles Quint, sous les ordres du duc d'Albe, étaient mobilisées et unies, tandis que celles de la Ligue de Smalkalde étaient essentiellement des armées disparates qui se battaient chacune de leur côté.
Le manque d'unité entre les princes du nord et du sud laissa Jean Frédéric seul face à lui-même lorsqu'en avril 1547, il campa près de la ville de Mühlberg sur la rive droite de l'Elbe. Jean Frédéric était à la tête d'une force importante et, bien qu'il ait su que l'armée de Charles Quint se trouvait à proximité, il ne pensait pas qu'elle attaquerait, d'autant plus que l'Elbe les séparait et qu'il n'y avait aucun moyen de traverser, à l'exception d'un ponton gardé par ses hommes. Comme la probabilité d'une attaque semblait si faible, peu de gardes étaient postés à cet endroit ou ailleurs le long du périmètre du camp.
Le 23 avril, un épais brouillard s'installa, permettant à Charles Quint d'envoyer des éclaireurs traverser l'Elbe à la nage sans se faire repérer. Ceux-ci tuèrent un certain nombre de gardes saxons et sécurisèrent le ponton, tandis que le duc d'Albe repérait un gué qu'il ordonna à l'armée de traverser. Le lendemain, 24 avril, l'armée de Charles Quint était mobilisée autour du camp avant même que Jean Frédéric ne sache qu'ils avaient traversé l'Elbe. Il se positionna dos à la forêt pour éviter d'être encerclé et prépara sa défense, mais la cavalerie de Charles Quint, menée par le duc d'Albe à droite et Maurice à gauche, rompit ses lignes, et le duc d'Albe ordonna alors l'intervention de ses troupes d'élite depuis le centre; elles déchirèrent ce qui restait des lignes de Jean Frédéric et les dispersèrent. Jean Frédéric fut blessé, fut fait prisonnier et fut emprisonné.
La bataille de Mühlberg fut une victoire décisive pour Charles Quint qui, bien qu'affligé à l'époque d'une goutte si grave qu'il avait dû être transporté à la bataille sur une litière, immortalisa plus tard son triomphe grâce au portrait qu'en fit l'artiste le Titien. MacCulloch commente:
Charles a bénéficié à la fois du commandement d'une armée beaucoup plus importante que celle de l'Électeur et d'une attaque surprise; ce fut l'un des grands moments de sa vie et il le commémora par un portrait du Titien qui est devenu l'une des images les plus célèbres de l'empereur, en armure complète sur son cheval, un chevalier chevaleresque resplendissant dans la cause de Dieu et de l'Empire. (272)
L'armée saxonne subit près de 3 000 pertes contre 50 à 60 pour Charles Quint. Philippe Ier de Hesse, reconnaissant que la cause était perdue, se rendit et demanda grâce, mais il fut emprisonné et, par la suite, les villes qui l'avaient soutenu, lui et Jean Frédéric, furent condamnées à de lourdes amendes, et la Ligue de Smalkalde fut dissoute.
Conclusion
Charles Quint convoqua une nouvelle Diète impériale d'Augsbourg en 1548, à la suite de laquelle il publia le décret connu sous le nom d'Intérim d'Augsbourg, dont le but était de ramener les protestants dans le droit fil de la doctrine catholique tout en faisant des concessions qu'il pensait qu'ils accepteraient (ou devraient accepter), telles que la pratique des mariages cléricaux et la communion du pain et du vin offerte aux laïcs. L'intérim d'Augsbourg ne fit qu'accentuer les divisions, car les partisans de la ligne dure des deux camps considéraient le compromis comme un péché. Philippe Melanchthon tenta, comme en 1530, de plaider en faveur de négociations pacifiques pour parvenir à un accord, mais cela s'avéra impossible.
Les princes protestants d'Allemagne du Nord conclurent une alliance avec Henri II de France (r. de 1547 à 1559), qui envahit l'Allemagne en 1551 avec leur soutien. Un certain nombre de villes allemandes qui avaient soutenu Philippe Ier de Hesse et Jean Frédéric n'avaient toujours pas payé leurs amendes à l'empereur, et cette même année, Maurice de Saxe fut envoyé par Charles Quint pour punir l'une d'entre elles, Magdebourg, et revenir avec les amendes. La réputation de Maurice avait souffert depuis la défaite de la Ligue de Smalkalde en 1547, les autres princes du Nord le considérant comme un traître. Voyant un moyen de se racheter, Maurice s'allia à Henri II, épargna la ville de Magdebourg et se joignit au roi de France en 1552 pour soumettre les villes du sud fidèles à Charles Quint.
Cette année de conflit est connue sous le nom de deuxième guerre de Smalkalde, ou révolte des princes, qui se termina par la paix de Passau en 1552. Philippe Ier de Hesse et Jean Frédéric furent libérés, ainsi que d'autres captifs, et les princes allemands mirent fin à leur alliance avec la France. Charles Quint comprit alors que le mouvement protestant s'était établi trop solidement pour être réprimé ou réduit au silence, et la paix de Passau constitua la base de la paix d'Augsbourg en 1555, qui reconnut le luthéranisme comme un système de croyance légitime. Les calvinistes, disciples du réformateur Jean Calvin (1509-1564), continuèrent cependant d'être persécutés et les tensions religieuses se poursuivirent, contribuant au conflit de la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui fit au moins 8 millions de morts et détruisit les régions qui avaient survécu aux batailles des guerres de Smalkalde.