La Grande Remontrance

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 14 février 2022
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Attempted Arrest of Five MPs by Charles I (by Charles West Cope, Public Domain)
Tentative d'arrestation de cinq députés par Charles Ier
Charles West Cope (Public Domain)

La Grande Remontrance de 1641 était une liste de griefs émis par le Parlement contre le roi Charles Ier d'Angleterre (r. de 1625 à 1649). Elle faisait état de ce que le Parlement considérait comme un abus de pouvoir de la part du monarque, de la levée illégale d'impôts en dehors du Parlement, de la promotion de certaines réformes religieuses indésirables et du recours à des conseillers peu avisés. Le rejet par Charles de la Remontrance finit par conduire à la guerre civile.

Le règne personnel

Les problèmes du roi avec le Parlement remontaient à la toute première année de son règne. À la suite de querelles avec le Parlement sur la collecte de fonds pour financer sa guerre contre la France et de l'humiliante limitation de la prérogative royale connue sous le nom de Pétition des droits de 1628, Charles dissolut le Parlement de 1629 et n'en convoqua pas d'autre avant 1639. La période intérimaire est souvent appelée "règne personnel" ou "Tyrannie des onze ans", lorsque le roi réussit relativement bien à réunir ses propres finances et à gouverner seul son royaume. Puis, les événements firent que le roi dut rappeler le Parlement pour lever des fonds urgents pour une armée afin de faire face à une nouvelle invasion écossaise du nord de l'Angleterre en 1640. Cela faisait suite à l'ingérence du roi dans l'Église presbytérienne écossaise, notamment sa décision d'imposer un nouveau Livre de la prière commune.

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Le Court Parlement se réunit en avril 1640 pour trois semaines seulement et ne parvint à rien, si ce n'est à contrarier le roi lorsque John Pym prononça un discours le 17 avril dans lequel il demandait plus de pouvoirs pour le Parlement et la protection du privilège d'indépendance des députés, la défense de l'Église anglicane et la fin des impôts illégaux (impôts levés sans l'autorité du Parlement). Cela ressemblait beaucoup à la campagne de la Pétition des droits, une fois de plus. Ce n'est qu'une fois ces doléances réglées que les députés envisagèrent de débattre des questions financières. Le 5 mai, le roi dissolut le Court Parlement, mais les trois points chauds qu'étaient le pouvoir parlementaire, la religion et les impôts allaient briller dans les débats politiques passionnés qui feraient rage pendant les deux années suivantes.

De nombreux députés estimaient que le roi était un homme raisonnable mais qu'il était fourvoyé par ses conseillers.

Les besoins financiers du roi n'ayant pas disparu, il convoqua un autre parlement en novembre suivant, cette fois connu sous le nom de Long Parlement. Les députés, sachant que le roi n'avait nulle part où aller pour obtenir plus d'argent, pouvaient maintenant forcer Charles à faire des réformes politiques et des concessions.

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Le roi contre le Parlement

Le roi et le Parlement n'étaient tout simplement pas d'accord sur plusieurs questions clés. L'une des principales revendications des députés était que Charles remplace certains de ses conseillers. De nombreux députés estimaient que le roi était un homme raisonnable mais qu'il était mal avisé par ses conseillers qui le poussaient à prendre inutilement des décisions politiques extrêmes. Charles, quant à lui, considérait l'invasion écossaise comme une crise d'une telle importance qu'il estimait qu'il était du devoir patriotique du Parlement de mettre de côté ses autres revendications et d'accorder au roi les fonds nécessaires pour défendre l'ordre de son royaume.

Une autre différence majeure entre le monarque et le Parlement se situait dans le domaine des réformes religieuses. Charles avait commencé à promouvoir l'arminianisme dans l'Église anglicane dès 1627. Cette branche du protestantisme mettait l'accent sur le rituel, les sacrements et le clergé, et ne correspondait donc pas au style de prédication observé dans d'autres branches plus proches du calvinisme. En effet, certains députés craignaient que Charles n'ait l'intention de défaire la Réforme anglaise et de revenir au catholicisme. C'était exagéré, car le roi était lui-même un haut anglican, c'est-à-dire qu'il avait certaines sympathies pour des aspects de l'Église chrétienne tels que les cérémonies, l'élévation du clergé et des évêques, et ce qu'il percevait comme la beauté et l'ordre apportés par certaines décorations dans l'édifice religieux. Pour beaucoup, cependant, il était difficile de faire la distinction avec les pratiques "papales" et la doctrine catholique romaine. Il y avait aussi des préoccupations plus concrètes concernant le soutien apparent des Arminiens à une monarchie absolue et leur droit de percevoir des impôts et des droits de douane comme ils le souhaitaient, domaine traditionnel du Parlement.

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William Laud
Guillaume Laud
Anthony van Dyck (Public Domain)

Soit Charles était parfaitement inconscient des préoccupations liées à l'arminianisme, soit il les ignorait tout simplement dans une approche plutôt sourde de la gouvernance de l'Église dont il était le chef. Par exemple, en 1633, le roi nomma William Laud (1573-1645), un arminien, archevêque de Canterbury. Laud était détesté par les puritains qui dominaient le Parlement. De nombreux députés souhaitaient une plus grande liberté pour les congrégations "indépendantes" qui se réunissaient selon la conscience de chaque croyant et leur propre interprétation de la Bible. Laud scandalisa les puritains lorsqu'il réintroduisit dans l'Église anglicane, plus austère, ce qui était largement considéré comme des pratiques catholiques. Il s'agissait notamment de décorer les églises, d'installer des grilles autour de l'autel ou de la table de communion pour en limiter l'accès au seul clergé, et d'encourager la musique. Laud interdit la prédication tout autre jour que le dimanche et la remplaça par le catéchisme. Il interdit également les conférences en semaine que les puritains appréciaient tant.

Le Long Parlement

Le Long Parlement de 1640 poursuivit l'attitude du Court Parlement : aucune discussion sur les finances sans concessions du roi dans d'autres domaines. En fait, leur position était encore plus forte, et certains députés voulaient ajouter la condition que Charles remplace également ses conseillers actuels avant le début des discussions.

Le Parlement lèverait des fonds pour rembourser l'armée écossaise, comme Charles l'avait promis, mais seulement si des lois étaient adoptées, à savoir qu'un parlement devait être convoqué au moins une fois tous les trois ans, qu'il ne pouvait être dissous par la seule volonté du monarque, que les ministres royaux devaient désormais être approuvés par le Parlement et que la Ship Money (une forme d'impôt) devienne illégale. Le Parlement, en partie inspiré par la pétition radicale Root and Branch de plusieurs comtés (qui demandait l'abolition des évêques), voulait également revenir sur certaines des réformes arminiennes de l'Église anglicane. À cette fin, William Laud fut mis en accusation.

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John Pym
John Pym
Edward Bower (Public Domain)

Une des décisions du Parlement qui frappa particulièrement Charles et envenima plus que jamais ses relations fut le procès pour trahison et l'exécution de son plus proche conseiller Thomas Wentworth, comte de Stafford (1593-1641) le 12 mai 1641. Stafford avait été accusé de se préparer à faire entrer en Angleterre une armée irlandaise pour venir en aide au roi, ce qui ne fut jamais prouvé. Ce qui était peut-être plus significatif, c'était la crainte de la part du Parlement de ce que le talentueux et totalement impitoyable Stafford prévoyait de faire à son égard.

En août 1641, le roi accepta de ne plus lever de fonds en dehors du Parlement. En ce qui concernait les appels continus du Parlement pour que le roi change ses conseillers, Charles répondit : "Sa Majesté ne connaît pas de mauvais conseillers" (Bennett, 16). Il y eut ensuite un développement majeur avec le déclenchement d'une importante rébellion en Irlande en octobre 1641. Les rebelles s'opposaient aux politiques de confiscation des terres par les Anglais et à l'emploi exclusif d'immigrants anglais et écossais dans de nombreux grands domaines. Le roi souhaitait que le Parlement trouve les fonds nécessaires à la création d'une armée pour réprimer la rébellion, mais les députés tenaient à ce que le roi utilise une telle force en Irlande et non contre eux-mêmes. Ce fut également une nouvelle occasion pour le Parlement d'insister pour que le roi change ses conseillers. Les députés regroupèrent alors toutes leurs revendications de longue date dans un seul et même document : la Grande Remontrance.

La Grande Remontrance fut officiellement présentée au roi le 1er décembre, mais celui-ci refusa de l'accepter.

La Grande Remontrance

La Grande Remontrance, ou Remontrance sur l'état du royaume comme on l'appelait à l'origine, énumérait, en plus de 200 clauses, ce que le Parlement considérait comme des abus de pouvoir de la part du roi. Charles était accusé "d'un dessein malin et pernicieux de subvertir les lois et les principes fondamentaux du gouvernement" (cité dans Bennett, 19). Le roi n'était pas la seule cible, mais aussi ses conseillers et les évêques, le clergé et les papistes qui souhaitaient déstabiliser le pays et faire reculer la Réforme.

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L'extrait suivant est tiré de la pétition de la Grande Remontrance:

Nous, vos très humbles et obéissants sujets, en toute fidélité et humilité, implorons votre Majesté, -

1. Que vous ayez la bonté d'accéder aux humbles désirs de votre peuple par voie parlementaire, afin de préserver la paix et la sécurité du royaume contre les desseins malveillants du parti popiste.
Pour priver les évêques de leurs votes au Parlement, et réduire leur pouvoir immodéré usurpé sur le clergé et les autres bons sujets, dont ils ont pernicieusement abusé au péril de la religion, et au grand préjudice et à l'oppression des lois du royaume et de la juste liberté de votre peuple.
Pour faire cesser les oppressions en matière de religion, de gouvernement et de discipline de l'Église, qui ont été introduites et fomentées par eux : -
Pour unir tous vos loyaux sujets qui partagent les mêmes vérités fondamentales contre les papistes, en supprimant certaines cérémonies oppressives et inutiles par lesquelles certaines consciences faibles ont été méprisées, et semblent être divisées du reste, et pour la bonne exécution de ces bonnes lois qui ont été faites pour assurer la liberté de vos sujets.

2. Que Votre Majesté veuille également écarter de votre conseil tous ceux qui persistent à favoriser et à promouvoir l'une quelconque de ces pressions et corruptions dont votre peuple a été affligé, et qu'à l'avenir Votre Majesté veuille bien employer dans vos grandes affaires publiques et prendre près de vous dans les lieux de confiance ceux en qui votre Parlement peut avoir des raisons de se confier ; que dans votre bonté princière envers votre peuple vous rejetterez et refuserez toute médiation et sollicitation contraire, si puissante et si proche soit-elle.

3. Vous voudrez bien vous abstenir d'aliéner les terres confisquées et en déshérence en Irlande qui reviendront à votre Couronne en raison de cette rébellion, afin que la Couronne puisse être mieux soutenue et que vos sujets de ce royaume soient satisfaits des grandes dépenses qu'ils devront subir dans cette guerre. (Bennett, 112-113)

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Parliament's Trial of the Earl of Stafford
Procès du comte de Stafford devant le Parlement
Wenceslaus Hollar (Public Domain)

La Grande Remontrance fut adoptée par le Parlement aux premières heures du 23 novembre 1641, mais de justesse, avec 159 voix pour et 148 contre. Certains députés estimaient que les pouvoirs du roi étaient injustement bafoués (notamment le fait qu'il ne pouvait pas choisir ses propres conseillers ou chefs militaires) et que l'ensemble de la Remonstrance constituait une attaque trop personnelle et était trop radicale dans sa volonté de s'adresser directement au peuple et de passer ainsi au-dessus du roi et de la Chambre des Lords. De l'autre côté, les membres les plus radicaux souhaitaient limiter encore plus les pouvoirs du roi. Les foules à l'extérieur du Parlement acclamèrent son adoption, même si elle n'avait aucune autorité légale puisqu'elle n'avait pas été adoptée par la Chambre des Lords. De nombreux députés modérés furent poussés à soutenir la monarchie par ces manifestations publiques de soutien, auxquelles participaient des personnes qu'ils considéraient comme n'ayant pas le droit d'interférer en politique. La monarchie était encore la seule institution à même de garantir un avenir de gouvernement ordonné. Les foules arrivèrent de tous les horizons, car le Parlement lança un appel pour que les roturiers puissent exprimer leurs doléances à travers des pétitions. Des milliers de personnes répondirent à l'appel et marchèrent vers Londres avec leur pétition, créant une atmosphère d'agitation. C'était le début d'une nouvelle ère politique où les députés étaient soumis à un contrôle public sans précédent pour leurs actions au Parlement.

La Grande Remontrance fut officiellement présentée au roi le 1er décembre, mais il refusa de l'accepter, la qualifiant d'"antiparlementaire" (Bennett, 20) et l'exclamation "Par Dieu ! Vous m'avez demandé ce que l'on n'a jamais demandé à un roi" (Dicken, 86). Le fossé entre le monarque et le Parlement s'élargit encore lorsque ce dernier, dans un geste sans précédent, adopta le 7 décembre le Militia Bill qui insistait pour que le Parlement choisisse le commandant de l'armée qu'il allait envoyer en Irlande. Le long conflit politique était sur le point de devenir un conflit militaire.

Répercussions

Le 4 janvier 1642, Charles, accompagné de quelques centaines de soldats, entra en personne au Parlement - une violation importante du protocole - et il tenta d'arrêter les cinq députés considérés comme les architectes de la Grande Remontrance. Le roi souhaitait les juger pour trahison. Ces cinq hommes étaient John Pym, John Hampden, Sir Arthur Hesilrige, Denzil Holles et William Strode. Aucun d'entre eux ne se trouvait à la Chambre des communes, ayant été prévenu à l'avance du plan du roi. Le roi demanda au président de la Chambre des communes, William Lenthall, de l'aider à déterminer où ils se trouvaient, mais celui-ci répondit : "[Je n'ai] ni yeux pour voir, ni langue pour parler, en ce lieu, mais comme cette Chambre se plaît à me diriger, j'en suis le serviteur ici" (Bennett, 22).

L'ensemble de l'exercice fut un échec humiliant pour le roi qui dut se retirer. Le Parlement, outré par la violation de son intégrité en tant qu'institution indépendante et craignant pour la sécurité de ses membres, se retira également, mais lui, au Guildhall de Londres. Les foules à Londres chahutèrent maintenant leur roi. Charles s'installa à Hampton Court, puis à York et enfin à Nottingham en août 1642 où une armée royale fut rassemblée. Charles était maintenant encouragé par le manque évident d'unité au sein du Parlement, comme l'avait démontré l'adoption de justesse de la Grande Remontrance et la discorde avec les députés les plus modérés au sujet de sa publication le 15 décembre. Pour la première fois, il semblait que s'il se tournait vers une solution militaire aux conflits avec le Parlement, il pourrait obtenir un soutien suffisant pour en sortir vainqueur. Le Parlement commença également à rassembler ses ressources et ses forces. Ainsi commença la longue et sanglante série de conflits connus sous le nom de "guerres civiles anglaises", qui se terminerait par l'exécution de Charles et l'abolition de la monarchie en Angleterre.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2022, février 14). La Grande Remontrance [Grand Remonstrance]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20546/la-grande-remontrance/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "La Grande Remontrance." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 14, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-20546/la-grande-remontrance/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "La Grande Remontrance." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 14 févr. 2022. Web. 21 nov. 2024.

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