
Diego Velázquez de Cuéllar (1465-1524) était un conquistador espagnol qui conquit Cuba en 1511, devint le premier gouverneur de l'île pendant la décennie suivante et parraina des expéditions de conquête dirigées vers le continent américain, notamment celle menée par Hernán Cortés (1485-1547) qui conquit la civilisation aztèque du Mexique.
Velázquez fonda des ports de commerce coloniaux aussi importants que La Havane et Santiago, qui servirent tous deux de base aux expéditions qui poursuivirent la conquête espagnole des Amériques. L'autorité de Velázquez en tant qu'administrateur chargé de l'exploitation des ressources sur le continent américain fut contestée et finalement supplantée par Cortés après que celui-ci eut renvoyé en Espagne l'argument convaincant des tonnes d'or mésoaméricain entre autres trésors.
Jeunesse et début de carrière
Diego Velázquez de Cuéllar vit le jour en 1465 dans l'ancienne ville castillane de Cuéllar, en Espagne. Sa famille était de haut rang; Velázquez pouvait compter parmi ses ancêtres un certain nombre de commandants de châteaux, de juges et de courtisans royaux, ainsi que le fondateur du prestigieux ordre militaire de Calatrava. Velázquez avait acquis une expérience militaire pendant la Reconquista avant de décider de mettre ces compétences au service de la colonisation et d'essayer de se faire un nom et une fortune dans le Nouveau Monde.
Conquête de Cuba
L'exploration espagnole des Amériques commença en 1492 avec le premier voyage de Christophe Colomb (1451-1506). Velázquez arriva dans le Nouveau Monde lors du deuxième voyage de Christophe Colomb en 1493. S'ensuivit toute une série d'expéditions de colonisation, à commencer par l'île d'Hispaniola (actuelle République dominicaine/Haïti) en 1494. C'est là que Velázquez se fit un nom. En réprimant impitoyablement les rébellions des Indiens arawaks et en faisant fortune par la même occasion, Velázquez devint l'assistant de Nicolás de Ovando, alors gouverneur d'Hispaniola (1502-1509). Il se révéla être un administrateur colonial compétent et très discipliné.
L'empire espagnol continua de s'étendre dans les Caraïbes, à Porto Rico en 1508 et à la Jamaïque en 1509. Les Espagnols recherchaient des ressources naturelles, en particulier de l'or et de l'argent, mais aussi des esclaves et des terres susceptibles d'être exploitées à des fins agricoles et d'accueillir des colonies. Ils souhaitaient également répandre la religion chrétienne. En 1511, les Espagnols tournèrent leur regard cupide vers la grande île de Cuba, alors connue sous le nom de Fernandina.
Velázquez fut nommé gouverneur de Cuba par Diego Colomb (1480-1526), chef nominal des Indes occidentales espagnoles (l'empire espagnol des Amériques), mais il devait d'abord conquérir les habitants de l'île. Vélasquez dut également financer lui-même l'expédition. Il débarqua d'abord à l'est de l'île, dans ce qui deviendrait la ville de Baracoa en 1511, puis se dirigea vers l'ouest. Les armes et la cavalerie espagnoles permirent de remporter des victoires sur les tribus autochtones, mais il y avait des poches de résistance acharnée, notamment les Indiens Taino dirigés par le chef Hatuey. Ce chef fut finalement capturé et, inévitablement, condamné à mort pour avoir osé protéger sa patrie. Selon le frère et chroniqueur dominicain Bartolomé de Las Casas (1484-1566), Hatuey se vit proposer une exécution rapide s'il se convertissait d'abord au christianisme et sauvait son âme. Hatuey rejeta cette offre au motif que s'il allait au paradis, il serait obligé de passer l'éternité avec des Espagnols. Le chef Taino fut brûlé sur le bûcher.
Des colonies furent également établies à Bayamo, La Havane, Puerto Principe, Trinidad et Santiago de Cuba (qui devint la capitale). Velázquez s'avéra être un expert dans le choix de l'emplacement des nouvelles villes, et la plupart d'entre elles continuent aujourd'hui à dominer leurs régions respectives. La Havane, en particulier, avec son magnifique port, deviendrait pendant des siècles le joyau de la couronne coloniale de l'Espagne. Le manoir en pierre de Velázquez se dresse encore aujourd'hui au centre de Santiago.
Cependant, à Cuba, au début des années 1510, il fallut trois ans et d'innombrables massacres pour que l'île soit enfin entièrement soumise à l'autorité espagnole. Comme sur les autres îles contrôlées par les Espagnols, Velázquez donna à ses partisans les plus fidèles des encomiendas, c'est-à-dire le droit d'extraire du travail forcé gratuit. Les Espagnols prospérèrent grâce aux riches terres agricoles qui permettaient la création de grandes plantations. Il y avait également une bonne quantité d'or à prélever sur l'île. En revanche, le nouvel ordre brutal et l'arrivée de maladies européennes réduisirent considérablement la population locale, à tel point que l'île était pratiquement dépeuplée. La main-d'œuvre pour les plantations de sucre dut être fournie de l'extérieur, en l'occurrence par des esclaves africains.
La péninsule du Yucatán
Une fois Cuba soumise, Velázquez commença à regarder plus loin, notamment vers la péninsule du Yucatán. Une expédition fut envoyée en 1517 sous le commandement de Francisco Hernández de Córdoba (1474-1517), qui fut tué avec la plupart de ses hommes après une rencontre avec des guerriers mayas, mais pas avant d'avoir envoyé leur rapport de reconnaissance à Cuba. Une autre expédition fut lancée en avril 1518, dirigée par Juan de Grijalva (1489-1527). Pedro de Alvarado (c. 1485-1541), qui ne s'entendait pas avec Grijalva, faisait partie de cette seconde expédition et dénonça son chef à Velázquez.
Velázquez avait été ravi de découvrir dans le rapport de Grijalva que le Mexique n'était pas une île comme on le pensait à l'époque. Il était également très intrigué par les rapports supplémentaires concernant d'étranges et apparemment anciens monuments de pierre et par les objets en or que les conquistadors avaient ramenés du Mexique. Grijalva fut réprimandé par Velázquez pour ne pas avoir rapporté plus d'or, mais les objets qu'il avait acquis correspondaient bien aux rumeurs autochtones selon lesquelles, loin à l'ouest, vivait un grand et riche souverain appelé le "Seigneur de Culhua". Nous savons aujourd'hui qu'il s'agissait effectivement d'un des titres honorifiques du souverain aztèque Motecuhzoma II (alias Montezuma, r. de 1502 à 1520). En 1519, Hernán Cortés fut chargé de trouver des informations plus concrètes sur la région et sur ce mystérieux seigneur, mais il avait des idées plus ambitieuses; peut-être planifiait-il déjà une campagne de conquête territoriale.
Bataille juridique contre Cortés
Lorsque Cortés réunit une force d'expédition inhabituellement importante, composée de plus de 500 combattants et de onze navires, Velázquez se rendit compte que son commandant pourrait bien transformer une mission de reconnaissance et de commerce en une mission de conquête et usurper ainsi sa propre position en tant que colonisateur le plus puissant des Caraïbes. À la dernière minute, Velázquez tenta même de rappeler Cortés, mais il était trop tard. Cortés se trouvait dans une petite embarcation qui se dirigeait vers son navire amiral lorsque Vélasquez lui cria à travers le port: "Comment se fait-il, compadre, que tu partes maintenant?". La réponse distante de Cortés fut simplement que tout allait bien et que tout se déroulait comme prévu. La question était de savoir: prévu par qui?
La question qui préoccupait Velázquez était liée au processus de conquête établi que les Espagnols suivaient depuis quelques décennies. La Couronne espagnole attribuait à un individu le statut d'adelantado, qui lui conférait un droit de conquête et lui permettait de conserver un certain nombre de richesses acquises au cours de ce processus. C'est Velázquez qui avait le droit d'être adelantado, et non Cortés. Ce duo compétitif avait d'ailleurs une longue histoire. Cortés avait été le secrétaire de Velázquez à Santiago de Cuba, mais ce dernier s'était méfié de la loyauté de Cortés et l'avait fait arrêter pour conspiration. Les deux hommes s'étaient ensuite réconciliés puisque Velázquez avait ensuite accordé à Cortés le titre d' alcalde, ou premier magistrat, à Santiago. Conscient de l'ambition de Cortés, Velázquez avait au moins eu la sagesse de placer quelques-uns de ses propres hommes dans l'expédition du Mexique - des conquistadors comme Diego de Ordaz - afin qu'ils fassent des rapports sur les activités de Cortés.
Cortés débarqua sur la côte du Tabasco, à Potonchan, sur le continent américain, en mars 1519. Il établit ensuite une garnison à Veracruz, sur la côte, mais ignora les nouvelles instructions de Vélasquez qui lui demandait de retourner à Cuba. De plus, il se fiit élire par ses hommes capitaine général, ce qui lui donnait théoriquement le droit de conquérir. Le gouverneur de Cuba réagit de manière énergique et envoya une nouvelle force de conquistadors pour traduire Cortés en justice. Dirigée par Pánfilo de Narváez, cette force était deux fois plus importante que celle de Cortés. Velázquez aurait pu diriger cette expédition en personne puisqu'elle était destinée à poursuivre la conquête sous le titre d'adelantado du gouverneur, mais il était alors préoccupé par une épidémie de variole à Cuba. Cortés vainquit une partie des nouveaux arrivants lors d'une escarmouche et persuada les autres de se rallier à sa cause, ce qui ne fut pas si difficile, tant l'attrait de l'or aztèque était grand.
Cortés prit soin d'envoyer directement au roi d'Espagne, Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique (r. de 1519 à 1556), une quantité des trésors qu'il avait acquis, accompagnée de lettres demandant le soutien royal. Le roi, sans doute conscient de la délicatesse de la situation entre ses principaux administrateurs coloniaux, resta prudemment neutre, n'appelant pas à la fin de la conquête de Cortès et n'approuvant pas son expansion. En fin de compte, l'or s'avéra être un argument gagnant, et grâce à son trésor pillé et à ses lettres d'accusation selon lesquelles le gouverneur cubain n'était qu'un homme avide de richesse personnelle, Cortés remporta le conflit. En octobre 1522, Cortés obtint le statut d'adelantado et put ainsi poursuivre sa conquête; il reçut également le titre de gouverneur de la Nouvelle-Espagne, nom donné à cette nouvelle partie de l'empire espagnol.
Velázquez, quant à lui, avait été démis de ses fonctions en 1521. Il retrouva son poste de gouverneur en 1523, après que Cortés eut été discrédité par de nouvelles accusations d'avoir outrepassé son autorité et par l'accusation beaucoup plus grave de ne pas avoir donné à la Couronne la part des richesses de la Mésoamérique qui lui revenait. Velázquez n'eut guère le temps de profiter de son retour au pouvoir puisqu'il mourut de maladie l'année suivante. Comme c'est souvent le cas dans le monde impitoyable des conquistadors, Velázquez avait créé une base solide à partir de laquelle il était possible de lancer une conquête spectaculaire, mais ce sont ses successeurs qui en récoltèrent les fruits.