Les quatre guerres de Mysore (1767-1799) opposèrent la Compagnie britannique des Indes orientales (EIC) à l'État de Mysore. Haidar Ali et son fils Tipu Sultan, le "tigre de Mysore", étaient des ennemis implacables de l'expansion britannique dans le sud de l'Inde, mais ils furent finalement soumis par la triple alliance de l'EIC, de la confédération Marathe et du Nizam d'Hyderabad.
Les quatre guerres de Mysore s'étalèrent sur quatre décennies de batailles, de sièges et de guerre psychologique impitoyable:
- Première guerre de Mysore (1767-69)
- Deuxième guerre de Mysore (1780-84)
- Troisième guerre de Mysore (1790-92)
- Quatrième guerre de Mysore (1799)
Expansion de la Compagnie britannique des Indes orientales
La Compagnie britannique des Indes orientales fut fondée en 1600 et, au milieu du XVIIIe siècle, elle profitait de son monopole commercial en Inde pour rendre ses actionnaires immensément riches. La Compagnie était en fait le bras colonial du gouvernement britannique en Inde, mais elle protégeait ses intérêts en utilisant sa propre armée privée et en engageant des troupes de l'armée régulière britannique. Dans les années 1750, la Compagnie souhaitait étendre son réseau commercial et commencer à exercer un contrôle territorial plus actif sur le sous-continent.
Robert Clive (1725-1774) remporta une célèbre victoire pour l'EIC contre le souverain du Bengale, le Nabab Siradj al-Dawla (né en 1733), lors de la bataille de Plassey en juin 1757. Le Nabab fut remplacé par un dirigeant fantoche, l'énorme trésor de l'État fut confisqué et l'exploitation systématique des ressources et de la population du Bengale commença. Le "Clive of India" fut nommé gouverneur du Bengale en février 1758 et, pour la deuxième fois, en 1764. L'EIC remporta une nouvelle victoire importante en octobre 1764. Après sa victoire à la bataille de Buxar, l'empereur moghol Shah Alam II (r. de 1760 à 1806) accorda à l'EIC le droit de percevoir des revenus fonciers (dewani) au Bengale, au Bihar et en Orissa (Odisha). Il s'agissait d'un développement majeur qui permit à la Compagnie de disposer de vastes ressources pour développer et protéger ses commerçants, ses bases, ses armées et ses navires. Malheureusement pour l'EIC, sa croissance l'amena à entrer en conflit avec de nouvelles puissances, dont la principale était l'État méridional de Mysore.
Première guerre de Mysore
Le souverain de Mysore était Haidar Ali (1721-1782), au pouvoir depuis 1761, date à laquelle il avait usurpé le trône et pris possession du palais royal à Seringapatam (Srirangapatna), la capitale du royaume située sur la rivière Kaveri. Ali, général expérimenté, souhaitait étendre son royaume qui couvrait la partie sud de l'Inde. Il en avait les moyens grâce à une série de réformes fiscales et de revenus qui lui permettaient de financer une grande armée. Un autre avantage pour Mysore résidait dans les innovations en matière d'armement, en particulier l'utilisation de fusées portatives, généralement tirées par des cavaliers.
Le problème pour Ali était que cette partie du sous-continent était une zone particulièrement occupée par des États concurrents. Au sud se trouvait Travancore, au nord-ouest la confédération Marathe (1674-1818) - une confédération souple de princes hindous, et au nord-est et à l'est le Nizam d'Hyderabad. Cette partie de l'Inde était également la principale présence de la Compagnie française des Indes orientales, mais elle avait été sérieusement bousculée par le militarisme accru de la Compagnie britannique des Indes orientales, en particulier le long de la côte orientale, souvent appelée la côte de Coromandel. À partir du milieu des années 1750, les Britanniques remportèrent plusieurs victoires importantes qui leur permirent de contrôler des centres commerciaux comme Pondichéry et Arcot. Haidar Ali courtisait les Français en tant qu'alliés et, alors que l'EIC semblait occupée à se développer au Bengale, dans le nord-est de l'Inde, dans les années 1760, Ali vit l'opportunité de s'étendre dans la présidence de Madras, une région administrative moins puissante de l'EIC. En août 1767, il déclara la guerre à la Compagnie britannique des Indes orientales. Il disposait de 50 000 soldats bien entraînés et bien équipés, dont une cavalerie de chameaux tirant des fusées, des canons plus nombreux et plus gros que ceux de l'EIC, et une logistique supérieure reposant sur de vastes enclos permanents de bœufs utilisés comme moyen de transport (il fallait des dizaines de bœufs pour déplacer des canons lourds, par exemple).
Lorsque l'EIC se rendit compte que Madras était gravement menacée et que les directeurs virent avec horreur l'effondrement du cours de l'action de l'EIC à Londres, la société prit des mesures décisives. L'EIC joignit ses forces à celles du Nizam d'Hyderabad pour attaquer Mysore en 1767. Ali mena une politique de terre brûlée tout en achetant les Marathes avec une énorme quantité d'argent. Le retrait des Marathes conduisit le Nizam d'Hyderabad à changer de camp. Tous deux furent alors vaincus à la bataille de Tiruvannamalai (septembre 1767) par une armée de l'EIC dirigée par le colonel Joseph Smith. Hyderabad changea à nouveau de camp, mais Haidar Ali continua à se battre. Une autre force de l'EIC se mobilisa alors à partir de Bombay (Mumbai), sur la côte occidentale.
Pris entre trois armées, Haidar Ali décida de demander la paix, ce que l'EIC accepta volontiers compte tenu des coûts déjà élevés de la guerre. La première guerre de Mysore se termina donc par une alliance entre l'EIC et Mysore, assortie d'une clause de protection mutuelle contre toute menace future des Marathes. La confédération marathe avait défié et conquis des territoires de l'empire moghol dans les régions méridionales et occidentales de l'Inde au cours du XVIIIe siècle et constituait peut-être la plus grande menace pour tous les autres, mais les Marathes étaient un groupe ravagé par des conflits internes, ce qui limitait leur efficacité dans les guerres. Les Marathes seraient tour à tour alliés et ennemis de l'EIC au cours des trois guerres anglo-marathes, jusqu'à ce que la domination des Britanniques ne soit définitivement établie en 1819. Alors que ces différentes puissances se disputaient la suprématie dans le sud de l'Inde, les perturbations de la vie paysanne qui en résultaient se manifestèrent par une terrible famine en 1770.
Deuxième guerre de Mysore
La deuxième guerre entre le Mysore et l'EIC vit Haidar Ali envahir la côte de Coromandel à l'est avec une immense armée de 70 000 à 100 000 hommes. Tout au long de l'année 1780, de nombreux forts britanniques isolés furent capturés et Madras fut de nouveau sérieusement menacée. Ali disposait de canons bien plus nombreux et plus gros que ceux des Britanniques, et il veillait toujours à ce que le terrain local protège son artillerie lors des batailles, afin qu'elle puisse être emportée si l'infanterie se montrait hostile.
Les Britanniques, en grande partie à cause d'une mauvaise planification et d'une logistique encore plus médiocre, subirent une retentissante défaite lors de la bataille de Pollilur en septembre 1780. Le commandant en chef était Sir Hector Munro, vainqueur de la célèbre bataille de Buxar en 1764, mais Munro n'était plus au mieux de sa forme et, ce qui fut fatal, il n'avait pas réussi à faire la jonction avec une seconde armée de l'EIC dirigée par le colonel William Baillie. C'est la force de Baillie qui fut détruite à Pollilur en dépit d'une courageuse résistance.
Cette défaite à Pollilur, que Munro décrit comme "le coup le plus dur que les Anglais aient jamais subi en Inde" (Dalrymple, 255), fut très préjudiciable à la réputation de la Compagnie dans le sous-continent. En outre, des milliers de soldats britanniques furent faits prisonniers, "bien que beaucoup aient été libérés par la suite, certains se sont convertis à l'islam, ont reçu des épouses et ont été incorporés dans son armée [celle d'Ali]" (Barrow, 87). On raconte également des histoires de circoncisions forcées, de membres écrasés à coups de marteau et de longs séjours dans des cellules inondées pour les Britanniques qui avaient eu la malchance d'être capturés.
Au moins, la domination des mers britannique signifiait que l'allié traditionnel de Mysore, la France, était limité dans l'aide logistique qu'il pouvait apporter au royaume indien. Finalement, les ressources supérieures de l'EIC et sa capacité à renouveler ses armées et son armement commencèrent à se faire sentir. L'EIC remporta la bataille de Porto Novo (Parangipettai) en juillet 1781 grâce à son commandant surdoué, Sir Eyre Coote (1726-1783). Coote avait exploité le fait que Haidar Ali avait imprudemment laissé son flanc gauche sans protection, pensant que les collines de sable à cet endroit suffiraient. Néanmoins, le Mysore poursuivit la guerre, se concentrant désormais sur des attaques sporadiques contre le réseau de ravitaillement de l'EIC. Haidar Ali mourut de maladie, peut-être d'un empoisonnement du sang ou d'un cancer, en décembre 1782. Le fils et successeur d'Ali, Tippoo Sahib (r. de 1782 à 1799), poursuivit la politique expansionniste agressive de son père, en particulier contre ses voisins méridionaux de Cochin, Malabar et Travancore. Tippoo se présentait comme le "tigre de Mysore" en référence à ses prouesses militaires et à la profusion de tigres qui parcouraient alors le sud de l'Inde. Tippoo alla encore plus loin dans l'association en gardant une ménagerie de tigres dans son palais et en utilisant l'animal comme logo sur tout, des bannières à ses armes à feu personnelles; le sultan fit même fabriquer un tigre mécanique pour lui (Contrairement à son propriétaire, l'engin a survécu et est aujourd'hui exposé au Victoria and Albert Museum de Londres).
L'EIC remporta la deuxième guerre de Mysore après que Tippoo Sahib eut été contraint de demander la paix à la suite du retrait du soutien naval français dirigé par l'amiral Pierre André de Suffren. Le traité de Mangalore de 1784 rétablit essentiellement les frontières telles qu'elles étaient avant la guerre.
Troisième guerre de Mysore
Le gouverneur général de l'EIC à partir de 1786 était Lord Charles Cornwallis (1738-1805). Il poursuivit la politique d'accul du Mysore par le biais d'alliances, assurant l'hostilité continue du Nizam d'Hyderabad et de la confédération Marathe à l'encontre du royaume méridional. Le manque d'intérêt de Tippoo Sahib à cultiver des alliés serait, en fin de compte, la principale raison de sa perte. La guerre en cours apporta également aux Britanniques un nouvel allié désireux de défendre ses propres frontières avec Mysore. Il s'agissait du royaume de Travancore. L'EIC était déterminé à ce que Travancore ne soit pas englouti par Mysore. En outre, l'EIC était tout aussi déterminé à briser l'alliance Mysore-France qui, selon les renseignements militaires, impliquait des livraisons d'armes françaises vers le sud de l'Inde en passant par l'île Maurice. Plus utiles encore à Tippoo Sahib étaient les quelques centaines de mercenaires français qui non seulement combattaient pour lui, mais aidaient à former son armée et à améliorer sa fabrication d'armes, même si c'était à petite échelle.
Lorsque Tippoo Sahib attaqua Travancore le 29 décembre 1789, les différents traités d'alliance entrèrent en vigueur et la troisième guerre de Mysore éclata. En décembre 1790, le Mysore attaqua à nouveau la côte de Coromandel où villes, villages et temples furent rasés.
Une armée de l'EIC composée de 19 000 cipayes et dirigée en personne par Cornwallis s'empara d'abord de Bangalore, la deuxième ville du Mysore, puis fit la jonction avec ses alliés d'Hyderabad, qui se présentaient sous la forme de 18 000 cavaliers. Cornwallis eut du mal à trouver du ravitaillement face à la célèbre tactique de la terre brûlée de Tippoo Sahib, mais il fut renforcé par une armée marathe de 12 000 hommes. Cette force combinée finit par assiéger Seringapatam. La capitale fortifiée de Tippoo Sahib était un casse-tête redoutable, car elle avait été conçue par des ingénieurs français utilisant les toutes dernières idées sur la façon de résister à l'artillerie et au minage. Des tirs de barrage et des attaques soutenus finirent par persuader Tippoo Sahib de se rendre en janvier 1792. Les termes du traité de Seringapatam étaient sévères: Tippoo Sahib devait céder une grande partie de son royaume, verser à l'EIC des sommes régulières pour sa "protection", libérer tous les prisonniers et laisser deux de ses fils en otage à la Compagnie. Au moins, le souverain de Mysore eut la chance de pouvoir poursuivre sa vie, ou plus exactement de mener une autre guerre.
Quatrième guerre de Mysore
Le quatrième et dernier épisode de cette série de guerres intermittentes pour le contrôle du sud de l'Inde vit Tippoo Sahib former une fois de plus une alliance avec les Français. Tippoo Sahib avait même écrit à Napoléon Bonaparte (1769-1821) pour lui envoyer une armée, mais le futur empereur avait déjà jeté son dévolu sur l'Égypte pour attaquer au mieux les intérêts britanniques à l'étranger. De retour en Inde, l'EIC était déterminée à rompre cette alliance potentiellement menaçante, et Lord Richard Colley Wellesley (1760-1842), le nouveau gouverneur général de l'EIC (nommé en 1798), se démontra le gouverneur le plus agressif. Wellesley rassembla une immense armée pour écraser le Mysore une fois pour toutes. Wellesley bénéficiait également du soutien constant de la confédération marathe et du Nizam d'Hyderabad, dont l'armée était dirigée par Arthur Wellesley (futur duc de Wellington et vainqueur de Waterloo). Il y avait également un bataillon d'élite de 1 400 grenadiers de l'armée britannique et un bataillon de Highlanders écossais. Alors que l'EIC rassemblait ses pièces les plus puissantes pour cette dernière manche du jeu des empires qui durait depuis quatre décennies, la situation de Mysore semblait bien sombre. En février 1799, 50 000 combattants étaient en marche pour attaquer à nouveau Seringapatam.
Le 7 avril 1799, l'armée de l'EIC dirigée par le major-général David Baird (ancien prisonnier de Tippoo Sahib) et ses alliés indiens entamèrent un siège d'un mois de la forteresse de Seringapatam. Le 2 mai, les 40 énormes canons de 18 livres des assaillants - apportés dans la capitale dans ce but précis - avaient enfin percé suffisamment de trous dans les formidables murs de fortification pour permettre à l'infanterie de prendre la ville d'assaut et de remporter la guerre. Un nombre stupéfiant de 927 canons furent capturés à la forteresse de Seringapatam, soit dix fois plus que ce que possédaient les Britanniques. Tippoo Sahib fut tué au combat ou dans ses suites immédiates, et les membres restants de sa famille furent exilés. 10 000 hommes du côté de Mysore furent tués, contre 350 seulement pour les assaillants. La ville fut systématiquement pillée et, pendant 24 heures, ses 100 000 civils subirent les terreurs indicibles de ceux qui devaient faire face à une armée victorieuse hors de contrôle.
Le Mysore signa un traité avec l'EIC en 1799, et l'État, dont le territoire était désormais très réduit, passa sous domination britannique grâce à la réinstallation d'un souverain fantoche, Krishnaraja Wadiyar III , de la famille régnante traditionnelle des Wadiyar (qui régnait avant la prise de pouvoir de Haidar Ali). Les Britanniques prirent le contrôle direct de Mysore en 1831. La victoire sur Mysore avait, pour l'EIC, "éliminé une bête noire qui avait éclipsé toutes leurs activités en Inde du Sud pendant trente ans" (Spear, 102). La prise de Seringapatam marqua la première occasion pour l'EIC de délivrer des médailles à tous les grades de ses armées, allant de médailles en or massif pour un général à des versions en étain pour les soldats, britanniques et indiens.
Suites
Si l'EIC montra au sous-continent le sort final de tout royaume qui osait la contrarier, le spectre de Tippoo Sahib jeta une ombre considérable sur la psyché britannique. L'EIC avait rarement rencontré un ennemi aussi déterminé, et Tippoo fut diabolisé en Grande-Bretagne, à tel point que les Indiens de Grande-Bretagne devaient souvent faire face à des enfants dans les rues qui leur criaient "Tippoo, Tippoo !". Les quatre guerres de Mysore sont entrées dans la légende et ont constitué un sujet de prédilection pour les dramaturges londoniens du XIXe siècle, tandis que la disparition de Tippoo Sahib a captivé l'imagination d'innombrables peintres et graveurs. Plus récemment, le règne et le caractère de Tippoo Sahib ont été réexaminés plus attentivement par les historiens, et l'étude, par exemple, des registres des temples montre qu'il était un généreux bienfaiteur des sanctuaires hindous. Nous savons également qu'il possédait une bibliothèque de 2 000 ouvrages et qu'il collectionnait les instruments scientifiques les plus récents. Le souverain de Mysore était certainement coupable d'avoir conçu des morts atroces pour ses captifs, mais il est aujourd'hui présenté moins comme un fanatique musulman déterminé à assassiner des Hindous et des Européens qu'en tant qu'administrateur industrieux, un souverain éclairé et un général doué qui fut, en fin de compte, la victime de l'expansion coloniale implacable de ses voisins plus puissants.