Les trois guerres anglo-marathes (1775-1819) opposèrent la confédération marathe de l'Inde (alias les Mahrattes, 1674-1818) à la Compagnie britannique des Indes orientales (EIC). Les princes hindous marathes étant rarement unifiés, l'EIC réduisit progressivement leur pouvoir par un mélange de diplomatie et de guerre, ce qui conduisit à la victoire finale et à la dissolution de la confédération.
Il y eut trois guerres anglo-marathes entre la Compagnie des Indes orientales et la confédération marathe:
- Première guerre anglo-marathe (1775-1782)
- Deuxième guerre anglo-marathe (1803-1805)
- Troisième guerre anglo-marathe (1817-1819)
Expansion de la Compagnie des Indes orientales
La Compagnie des Indes orientales fut fondée en 1600 et, au milieu du XVIIIe siècle, elle profita de son monopole commercial en Inde pour rendre ses actionnaires immensément riches. La Compagnie était en fait le bras colonial du gouvernement britannique en Inde, mais elle protégeait ses intérêts en utilisant sa propre armée privée et en engageant des troupes de l'armée régulière britannique. Dans les années 1750, la Compagnie souhaitait étendre son réseau commercial et commencer à exercer un contrôle territorial plus actif sur le sous-continent.
Robert Clive (1725-1774) remporta une célèbre victoire pour l'EIC contre le souverain du Bengale, le Nabab Siradj al-Dawla (né en 1733), lors de la bataille de Plassey en juin 1757. Le Nabab fut remplacé par un dirigeant fantoche, l'énorme trésor de l'État fut confisqué et l'exploitation systématique des ressources et de la population du Bengale commença. L'EIC remporta une autre victoire importante en octobre 1764 lors de la bataille de Buxar (alias Bhaksar) contre l'empereur moghol Shah Alam II (r. de 1760 à 1806). L'empereur accorda ensuite à l'EIC le droit de percevoir des revenus fonciers (dewani) au Bengale, au Bihar et en Orissa. Il s'agissait d'un développement majeur qui permit à la Compagnie de disposer de vastes ressources pour développer et protéger ses commerçants, ses bases, ses armées et ses navires.
Malheureusement pour l'EIC, sa croissance l'amena à entrer en conflit avec de nouvelles puissances, au premier rang desquelles l'État méridional de Mysore et la confédération Marathe. Le Nizam d'Hyderabad, le plus grand État princier de l'Inde mais rarement efficace sur le plan militaire, constituait une troisième puissance majeure dans le sud de l'Inde. La compétition pour le contrôle territorial entre ces quatre puissances donna lieu à un jeu complexe d'empires qui impliqua de multiples guerres et des alliances de convenance sans cesse changeantes. En fin de compte, l'EIC remporta la victoire, mais elle dut d'abord mener quatre guerres de Mysore (1767-1799) contre le royaume de Mysore et trois guerres anglo-marathes.
Confédération marathe
La Confédération marathe était une alliance souple de plusieurs princes hindous indépendants. Leur nom (utilisé depuis le XVIIe siècle) provient de la région qu'ils gouvernaient, le Maharashtra. Cette région était composée de "collines rocheuses et de vallées couvertes de jungle situées sur le versant occidental du Deccan" (Heathcote, 13).
Le premier grand souverain fut Shivaji (r. de 1674 à 1680), qui prit le titre royal de Chatrapati. Le petit-fils de Shivaji, Shahu (r. de 1708 à 1748), créa le titre de Peshwâ, chef suprême ou exécutif de la confédération, une fonction qui devint héréditaire. Le Peshwâ était basé à Pune, mais les dirigeants des différents États Marathes n'étaient que nominalement sous sa souveraineté.
La confédération marathe avait défié et conquis des territoires de l'empire moghol (1526-1857) dans les régions méridionales et occidentales de l'Inde tout au long du XVIIIe siècle et constituait potentiellement la puissance militaire la plus redoutable de la région une fois unifiée. Le problème des Marathes était qu'ils travaillaient rarement en collaboration pour faire face à un ennemi commun. La menace d'une autre religion, en particulier l'islam, les unit cependant.
Les Marathes finirent par contrôler une vaste partie de l'Inde centrale, de l'Orissa à l'est jusqu'à Delhi au nord. Cette expansion signifie que leurs frontières méridionale et orientale empiétaient sur des territoires convoités respectivement par Mysore et l'EIC. En outre, la frontière septentrionale de l'empire marathe l'amena à entrer fréquemment en conflit avec des souverains afghans comme Ahmad Shah Durrani (1722-1773), qui affaiblit sérieusement les Marathes avec sa victoire à la bataille de Pânipat, le 13 janvier 1761. À partir de cette date, la confédération marathe se composait du Peshwâ de Pune et des souverains des États princiers indiens de Gwalior, Indore, Berar et Baroda, tous monarques héréditaires. Ces souverains étaient parfois en concurrence les uns avec les autres pour les ressources et les territoires. Les querelles entre les familles régnantes marathes étaient fréquentes. Les raids aveugles sur les territoires non marathes les rendirent impopulaires auprès de tous leurs voisins.
Les Marathes auraient pu remplacer l'Empire moghol en ruine en tant que première puissance de l'Inde, mais leur manque d'unité, leur incapacité à convaincre les guerriers hindous du désert, les chefs Rajput, de se joindre à eux, et leurs revers militaires face aux Afghans empêchèrent la réalisation de cette ambition. Les Marathes étaient également impopulaires en raison de leur politique consistant à prélever un quart de l'impôt sur le revenu, le chauth, partout où ils dominaient. Toujours aussi redoutables, les Marathes se révéleraient à la fois une aide et un obstacle pour les différentes puissances rivales qui se disputaient le contrôle de l'Inde.
La guerre marathe
Les Marathes étaient certainement des adeptes de la guerre, utilisant la cavalerie légère et les pièces d'artillerie légères pour déplacer rapidement les armées en cas d'offensive et les fortifications de collines en cas de défense. L'une de leurs faiblesses était leur formation et leur artillerie inférieures à celles de l'EIC (et de Mysore), mais ils s'améliorèrent dans ces domaines au fil du temps grâce à la formation de mercenaires européens (typiquement français et britanniques), ce qui leur permit de se tenir au courant des derniers développements militaires. Les Marathes apprirent à utiliser l'artillerie si bien qu'elle devint un obstacle redoutable aux victoires de l'EIC sur le terrain. Une autre caractéristique des armées marathes était qu'il n'était pas rare que les femmes combattent en utilisant des fusils à mèche, des épées et en tant que cavalières.
Première guerre anglo-marathe (1775-1782)
De 1767 à 1769, l'EIC participa à la première guerre de Mysore. Haidar Ali (1721-1782) avait pris le contrôle du royaume de Mysore en 1761 et, désireux d'étendre son territoire, il déclara la guerre à l'EIC en 1767. Avec 50 000 soldats bien entraînés et bien équipés, dont une cavalerie de chameaux tirant des roquettes, Ali était un adversaire redoutable, et il s'assura que les Marathes ne se joignent pas aux combats en les achetant avec une énorme quantité d'argent. La Première Guerre de Mysore (1767-69), indécise, se termina par un traité qui incluait une clause de protection mutuelle contre toute menace future des Marathes.
En 1774, Warren Hastings (1732-1818) fut nommé gouverneur général de la Compagnie des Indes orientales, poste qu'il occuperait jusqu'en 1785. Après plusieurs années d'escarmouches, la Compagnie des Indes orientales attaqua directement la confédération marathe en 1778, mais elle fut vaincue à la bataille de Wadgaon, près de Pune, en janvier 1779. Les Marathes avaient coupé les lignes de ravitaillement de l'armée de l'EIC et avaient pratiquement encerclé la force ennemie, obligeant les Britanniques à battre en retraite après avoir jeté leurs lourds canons dans la piscine d'un temple hindou. Une série de batailles s'ensuivit au cours des trois années suivantes, les vainqueurs alternant dans une lutte équilibrée.
La première guerre anglo-marathe se termina par un compromis boiteux, le traité de Salbai de mai 1782, qui permit au moins d'instaurer la paix entre les deux parties. Les termes du traité signifiaient seulement que, tôt ou tard, l'EIC et les Marathes s'affronteraient à nouveau. Ce fut une occasion manquée pour les Marathes, car s'ils avaient poursuivi la guerre, ils auraient pu prendre le dessus sur l'EIC, qui était à l'époque criblée de dettes et confrontée à d'autres ennemis. En fin de compte, le traité garantit une longue période de paix avec les Marathes, ce qui permit à l'EIC de se rétablir et de se développer ailleurs, en particulier en ce qui concernait la guerre en cours avec Mysore, la deuxième guerre anglo-mysore (1780-84).
Deuxième guerre anglo-marathe (1803-1805)
Au cours de la décennie qui précéda la deuxième guerre anglo-marathe, l'EIC fut occupé à soumettre le royaume de Mysore dans deux autres guerres: 1790-92 et 1799. Les Marathes fournirent même 12 000 hommes (cavalerie légère) pour combattre pour l'EIC. Le souverain du Mysore, Tipû Sâhib (r. de 1782 à 1799), fut vaincu et tué, et le royaume fut repris par l'EIC, qui installa un jeune souverain fantoche. L'EIC fut alors libre de se concentrer à nouveau sur les Marathes.
Dans le cadre de la longue et fructueuse stratégie de l'EIC consistant à combiner diplomatie, intrigues et puissance militaire, le traité de Bassein de 1802 avait déjà fait du Peshwâ, Baji Rao II (r. de 1796 à 1818), un allié subsidiaire de l'EIC, et une pension lui avait été accordée. Rao avait été expulsé de sa propre capitale par des Marathes rivaux, et c'était le prix à payer pour obtenir le soutien de l'EIC et son rétablissement au pouvoir. En 1805, les souverains de Gwalior et d'Indore avaient également signé des alliances subsidiaires, mais après avoir appris qu'eux et le Peshwâ étaient obligés d'autoriser un résident de l'EIC à leur cour et de payer pour la garnison des troupes de l'EIC sur leur territoire, deux des souverains marathes restants décidèrent de lutter pour leur indépendance dans un conflit qui est devenu connu sous le nom de deuxième guerre anglo-marathe. Les deux souverains qui combattirent l'EIC sont Daulat Rao Sindhia (1779-1827) et Raghuji Bhonsle II (mort en 1816). Un troisième souverain marathe, Jaswant Rao Holkar (1776-1811), resta neutre dans l'espoir que les autres souverains et l'EIC s'affaibliraient mutuellement au cours d'une longue guerre, une situation dont il pourrait alors tirer parti.
Lors de la bataille d'Assaye, le 23 septembre 1803, le général Sir Arthur Wellesley (1769-1852, futur duc de Wellington) organisa la victoire de l'EIC sur l'armée marathe de Daulat Rao Sindhia, chef de l'État de Gwalior. La cause fut grandement favorisée par Wellesley, qui constitua d'abord des réserves régulières, puis soudoya des officiers mercenaires britanniques et anglo-indiens à l'emploi des Marathes pour qu'ils ne se battent pas. Lorsque les Marathes eurent vent de ce subterfuge, ils renvoyèrent rapidement tous leurs officiers européens, les jugeant tous d'une loyauté suspecte. La conséquence malheureuse pour les Marathes était que leur armée n'avait plus de structure de commandement et qu'elle fut mise en déroute, mais pas avant que leur artillerie n'ait causé d'énormes dégâts aux Britanniques. La victoire de l'EIC dans cette bataille sanglante coûta cher: environ un tiers de son armée fut tué ou blessé. 6 000 soldats marathes furent tués à Assaye. Les officiers britanniques expérimentés étaient tous d'accord pour dire que l'artillerie marathe était aussi bien organisée et aussi meurtrière que celle de n'importe quelle armée européenne qu'ils avaient jamais affrontée. La capture de 98 canons marathes constitua une certaine consolation pour les pertes humaines. Wellesley remporta ensuite une autre bataille à Argaum (alias Argaon) en novembre 1803, mais à la fin de sa carrière et même après avoir battu Napoléon Bonaparte (1769-1821) à Waterloo en juin 1815, Wellesley déclara que son plus grand défi militaire avait été celui d'Assaye.
Le 1er novembre 1803, l'EIC remporta une autre victoire décisive à la bataille de Laswari, cette fois avec une force de 10 000 hommes sous le commandement avisé du général Gerard Lake (1744-1808), un vétéran de la guerre d'indépendance américaine. Une fois de plus, le coût de la victoire fut élevé: environ 838 soldats de l'EIC furent tués ou blessés. L'EIC s'empara alors de Delhi et des territoires environnants. Il y eut quelques succès mineurs des Marathes, comme la défense de Bhurtpore (alias Bharatpur) contre de multiples attaques britanniques au début de 1805, mais avec les pertes importantes subies par Wellesley dans le centre de l'Inde et par Lake dans le nord de l'Inde, la confédération marathe n'était plus que l'ombre d'elle-même. Les princes hindous furent largement contraints de suivre les politiques de l'EIC et de supporter un résident permanent soutenu par les cipayes (troupes indiennes de l'EIC). Cependant, un autre conflit allait avoir lieu dans le cadre d'un effort voué à l'échec pour reconquérir l'indépendance perdue par les Marathes.
Troisième guerre anglo-marathe (1817-1819)
Entre 1814 et 1816, l'EIC fut occupée dans le nord du sous-continent où elle remporta la guerre anglo-népalaise (ou guerre des Gurkhas). Puis, en 1817, l'EIC se tourna à nouveau vers le sud. Les Marathes n'étaient pas du tout satisfaits du niveau d'ingérence politique que l'EIC orchestrait dans le centre de l'Inde, tandis que, de l'autre côté, l'EIC commençait à en avoir assez des bandes de Pindarî (des raiders censés être sous le contrôle des Marathes) qui pillaient ce qu'elle considérait comme sa propriété. L'EIC disposait alors de la plus grande armée d'Asie - quelque 113 000 hommes furent mobilisés - et lorsqu'elle déclara officiellement la guerre à la confédération marathe, son destin était scellé.
La troisième guerre anglo-marathe, également connue sous le nom de guerre des Pindarî, vit Baji Rao II vaincu par une armée de l'EIC à la bataille de Kirki (alias Kirkee ou Khadki) le 5 novembre 1817, puis à la bataille de Koregaon le 1er janvier 1818. Quant aux deux princes Marathes restants, le Raja de Nagpur perdit la bataille de Sitabaldi le 27 novembre 1817 et une autre le 16 décembre, cette fois à l'extérieur de Nagpur. L'EIC battit ensuite Malhar Rao Holkar III (r. de 1811 à 1833) à la bataille de Mahidpur (alias Mahdipore) le 20 décembre 1817. La supériorité numérique, l'entraînement, la discipline et le manque de loyauté de l'opposition sont autant de raisons qui expliquent les victoires de l'EIC, comme le résume l'historien L. James:
...de nombreux Marathes et Pindarî ont fait défection, attirés dans l'armée de la Compagnie par la perspective de salaires plus élevés, payés régulièrement. Un nouveau modèle de guerre se dessine: la Compagnie divise, conquiert, puis recrute. (73)
Après cette troisième guerre, la confédération marathe cessa d'exister car l'EIC contrôlait désormais le Gujarat, le Maharastra, le Rajasthan et le Berar. Baji Rao II fut donc le dernier Peshwâ des Marathes, mais il reçut au moins une généreuse pension jusqu'en 1853. Les princes marathes furent obligés de signer l'alliance subsidiaire familière que l'EIC imposait aux vaincus, ne leur laissant que le contrôle des affaires domestiques mineures. L'EIC était désormais la seule grande puissance en Inde. De nombreux Marathes n'oublièrent pas les guerres et se soulevèrent contre l'EIC lors de la célèbre rébellion de 1857-1858, connue sous le nom de "Révolte des Cipayes" qui se solda par un échec. Cette rébellion conduisit le gouvernement britannique à s'emparer des territoires de l'EIC, et c'est ainsi que commença le Raj (gouvernement) britannique de l'Inde.