
La Khamsa (également connue sous le nom de Quintette ou Panj Ganj) est l'œuvre la plus connue de Nizami Gandjavi (c. 1141-1209) et sans aucun doute l'une des œuvres les plus importantes de la littérature persane. Rédigée au cours des dernières décennies du XIIe siècle, la Khamsa de Nizami contient cinq poèmes et environ 30 000 couplets.
Nizami Gandjavi
Ilyas Yusuf Nizami Gandjavi fut l'un des plus grands poètes romantiques de la littérature persane. Il vit le jour en 1141 à Gandja (aujourd'hui Azerbaïdjan) et vécut sous la dynastie seldjoukide (c. 1037-1194), vaste confédération tribale turque qui régnait alors sur la Perse. Cette période connut un essor culturel remarquable, en particulier dans le domaine de la littérature, et, comme l'indique Kamran Talattof, parmi les illustres contemporains de Nizami figurent les poètes Khaqani Shirvani (1121-1199), Awhad al-Din Anvari (1126-1189) et Farid al-Din Attar (1142-1220), qui occupent tous une place éminente dans la littérature persane en particulier et dans le monde de la littérature en général.
On ne sait pas grand-chose de la vie personnelle du poète en raison du manque de sources primaires et du fait qu'il n'a pas servi la cour royale mais a trouvé des mécènes parmi les princes locaux de la dynastie seldjoukide. Par conséquent, la plupart des informations qui existent à son sujet sont extraites de sa poésie, qui contient des informations autobiographiques. Il semble qu'il ait passé la quasi-totalité de sa vie à Gandja; il y est né et y est décédé. Il a été marié et veuf trois fois, mais seul le nom de l'une de ses femmes, Afaq, nous est connu. Une théorie veut que Nizami ait composé Khosrow et Chirine, un poème de genre romantique dans sa Khamsa, en hommage à Afaq.
Nizami s'est inspiré des chefs-d'œuvre précédents et des figures littéraires persanes, comme le Shâhnâmeh (Le Livre des rois) de Firdousi, Varqe et Golšâh d'Ayyuqi et Vis et Ramin de Gorgani, ainsi que d'anecdotes arabes et de récits oraux. Cela dit, il s'est tenu à l'écart de la simple imitation et a créé des documents nouveaux et novateurs dans un style d'écriture qui lui est propre. Les mêmes traits et la même approche se retrouvent dans sa Khamsa.
Son œuvre est une synthèse des réalisations littéraires persanes jusqu'à son époque - l'héroïsme de Firdousi, le fatalisme de Khayyam, l'humanisme de Sanaï, le lyrisme d'Onsori et de Farrukhi, et l'érotisme de Gorgani. Nizami a enrichi cette tradition riche et variée d'un mysticisme contemporain, de ses connaissances encyclopédiques et de son sublime don poétique. (Chelkowski, 2)
On peut donc affirmer avec certitude que Nizami a atteint la célébrité et la réputation grâce à sa poésie et à son utilisation habile de la langue, plutôt qu'en raison d'une quelconque affiliation avec la famille royale.
La Khamsa de Nizami
La Khamsa (Quintette) est le chef-d'œuvre le plus célèbre de Nizami et, comme son nom l'indique, il contient un recueil de cinq poèmes et environ 30 000 couplets. Les cinq poèmes, dans l'ordre où ils ont été composés, sont les suivants:
- Makhzan al-Asrar (La maison du trésor des mystères)
- Khosrow et Chirine
- Majnoun et Leïla
- Haft Peykar (Les sept beautés)
- Eskandar Nâmeh (Le livre d'Alexandre).
L'intrigue et la belle langue de chaque poème (en particulier Khosrow et Chirine, Majnoun et Leïla, et Haft Peykar) ont fourni à la peinture miniature persane un contexte riche et ont fait de la Khamsa l'une des œuvres les plus fréquemment illustrées de la littérature persane, avec le Shâhnâmeh de Firdousi.
Makhzan al-Asrar
Le premier poème de la Khamsa, et aussi le plus court, est Makhzan al-Asrar (La maison du trésor des mystères). Contrairement à la narration continue des quatre autres poèmes, cette œuvre consiste en une collection de contes contenant des leçons et des instructions spirituelles et morales. Cela dit, elle a également servi de base aux chapitres introductifs des masnavis (poèmes avec des couplets rimés) de Nizami et de tous ceux qui ont été écrits par la suite:
Dans cette épopée, Nizami établit un modèle pour les chapitres d'introduction de ses masnavis ultérieurs et de presque tous les masnavis écrits par la suite. Ils comprennent des versets d'adoration de Dieu, suivis d'un chapitre de louange et de vénération du prophète Mahomet et d'une description de l'ascension de Mahomet dans les cieux. Viennent ensuite une prière pour l'auteur, un éloge du souverain, un chapitre expliquant pourquoi le poème a été créé et, enfin, un chapitre sur l'excellence du monde littéraire. (6)
Comparé aux autres poèmes, Makhzan al-Asrar n'a pas été bien accueilli.
Khosrow et Chirine
Khosrow et Chirine marque un tournant dans la philosophie mystique et le romantisme de la Khamsa. Il existe plusieurs théories concernant ce changement soudain. Certains pensent qu'il s'agit d'une stratégie marketing de Nizami pour attirer l'attention, d'autres considèrent qu'il s'agit d'une commande spécifique d'un mécène particulier, et d'autres encore pensent que le poème serait un hommage à sa femme Afaq. Quelle que soit la raison, Khosrow et Chirine a atteint un apogée dans la littérature persane:
C'est le premier poème de la littérature persane à atteindre une unité structurelle et artistique complète. (6)
Le poème raconte la relation et l'histoire d'amour entre Khosrow II de l'empire sassanide (r. de 590 à 628) et la princesse arménienne Chirine. Bien que cette histoire ait déjà été abordée par Firdousi (940-1020) dans le Shâhnâmeh, Nizami se concentre sur la relation romantique entre les deux personnages plutôt que sur les détails historiques et les événements de l'époque mentionnés par Firdousi. Le poème entier se compose de 100 chapitres ajoutés à différents moments, ce qui donne une chronologie assez complexe.
Majnoun et Leïla
Le troisième poème de la Khamsa, Majnoun et Leïla, est une histoire d'origine arabe déjà populaire dans le monde islamique. Même avant Nizami, l'histoire avait été racontée par différents poètes et auteurs. Néanmoins, en suivant la même approche que dans d'autres récits, Nizami a examiné cette histoire d'amour d'un point de vue nouveau.
Le poème raconte l'histoire d'amour entre les deux personnages de Kaïs et Leïla qui tombent amoureux l'un de l'autre après s'être rencontrés à l'école. Kaïs est atteint par la folie de l'amour et se retire de l'humanité, ce qui lui vaut d'être appelé Majnoun (littéralement "fou") tout au long de l'histoire. Le poème suit les épreuves des deux amants qui sont séparés l'un de l'autre après la révélation de leur amour et qui restent séparés jusqu'à la fin de leur vie. Bien que, tout au long de l'histoire, l'amant et l'aimé ne s'unissent pas, Majnoun et Leïla sont restés, même aujourd'hui, des emblèmes de l'amour fort, passionné et véritable.
Haft Peykar
La quatrième histoire de la Khamsa est Haft Peykar (sept corps au sens propre, sept beautés au sens figuré), qui raconte une biographie romancée du souverain sassanide Bahram Gour (Bahram V, r. de 420 à 438 de notre ère). Comme pour Khosrow et Chirine, l'histoire avait déjà été partiellement racontée par Firdousi dans le Shâhnâmeh. Haft Peykar peut être considéré comme un récit en trois étapes, commençant par la lutte de Bahram pour le trône qui lui revient de droit, se poursuivant par sa visite aux princesses, et se terminant par les efforts de Bahram pour reprendre le contrôle du royaume et rétablir l'ordre.
Le chiffre sept dans le titre du poème correspond aux sept princesses des sept climats qui sont devenues les épouses de Bahram après son accession au trône. De plus, ce chiffre fait allusion aux sept dômes de sept couleurs (selon les sept planètes qui gouvernent les sept climats) sous lesquels résident les princesses. Le récit a un aspect à la fois érotique et moralisateur, puisque ce sont les relations amoureuses de Bahram avec ses femmes qui l'ont détourné des affaires du royaume, et ce n'est qu'en abandonnant ces plaisirs qu'il a pu reprendre le contrôle et se débarrasser du chaos.
Eskandar Nâmeh
Eskandar Nâmeh est le cinquième et dernier poème de la Khamsa:
Toujours fasciné par l'œuvre de Firdousi, Nizami s'était fixé pour objectif d'écrire une épopée héroïque de la même envergure. (7)
Le poème est également connu sous le nom de Roman d'Alexandre et est basé sur les récits grecs de la vie d'Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.). L'histoire est divisée en deux parties: Sharafnâmeh et Iqbalnâmeh. La première relate l'histoire de la conquête d'Alexandre, de la Macédoine à l'Inde, tandis que la seconde se concentre sur son parcours intellectuel et son évolution, qui lui ont permis de devenir un sage.
Conclusion
À l'exception de Majnoun et Leïla, la date des quatre autres poèmes ne peut être déterminée qu'indirectement, sur la base des événements et des noms contenus dans les récits eux-mêmes. En outre, des poèmes tels que Majnoun et Leïla et Khosrow et Chirine permettent de déceler le traitement non conventionnel des femmes par Nizami, qui a élevé le personnage féminin au rang de personnage fort, vertueux et intellectuel, mais aussi passionné et tendre; autant de traits qui, dans les poèmes épiques, étaient attribués aux personnages masculins, faisant d'eux les protagonistes de toute action se déroulant dans le récit. Chaque poème de la Khamsa est d'une grande valeur non seulement dans la littérature persane, mais aussi dans le monde entier. Les poèmes sont encore lus, analysés et traduits aujourd'hui, influençant continuellement les œuvres littéraires.