La danse du soleil est une cérémonie rituelle observée par les Indiens des plaines des régions du Canada et des États-Unis pour réveiller la terre, renouveler la communauté, remercier le soleil et demander les faveurs du Grand Esprit ou bien le remercier. La cérémonie met l'accent sur la gratitude et le sacrifice de soi pour le bien commun.
C'est l'un des sept rites sacrés de la nation sioux et une cérémonie d'une importance vitale pour les peuples des Plaines en général. Son origine est inconnue, mais certains spécialistes, dont Michael G. Johnson, pensent que la forme la plus courante du rituel se serait inspirée de la cérémonie Mandan Okeepa (Okipa), une célébration du Nouvel An destinée à réveiller le monde naturel après l'hiver et à assurer une récolte prospère et de grands troupeaux de bisons, l'animal qui fournissait aux Indiens des Plaines de la nourriture, des peaux pour les vêtements et les abris, des outils fabriqués à partir d'os, entre autres usages, et qui était également considéré comme un don sacré des dieux.
La durée de la danse du soleil variait d'une nation à l'autre, mais durait généralement entre quatre jours et deux semaines. Les jeunes hommes s'adonnaient à des danses rituelles et à des épreuves d'endurance physique (y compris l'auto-torture) pour honorer le Grand Esprit, les dons du monde naturel, réveiller la terre et revitaliser la communauté. L'experte Adele Nozedar écrit:
Chez les Indiens des Plaines, une cérémonie particulière primait sur toutes les autres: la danse du soleil. Elle était pratiquée par les Arapahos, les Assiniboines, les Pieds-Noirs, les Cheyennes, les Crows, les Dakotas, les Kiowas, les Mandans, les Omahas, les Poncas, les Shoshones, les Siksikas et les Utes. Pour les peuples qui la pratiquaient, la danse du soleil avait des variantes, mais pour tous, l'essence de la danse était l'accomplissement très sérieux d'une promesse faite au Grand Esprit en échange d'une bénédiction quelconque - par exemple, la victoire dans une bataille, ou le rétablissement de la santé d'un ami ou d'un membre de la famille. (457)
La danse du soleil n'était pas seulement une cérémonie d'action de grâce, mais elle était comprise comme un devoir des peuples envers leur Créateur. Le Grand Esprit leur avait donné toutes les nécessités de la vie et, en exécutant la Danse du Soleil, ils lui rendaient la pareille en signe de reconnaissance tout en participant à l'œuvre du Créateur en éveillant le monde créé par le chant, la danse et le sacrifice.
Une hutte temporaire était construite pour le festival, ce qui encourageait l'unité de la communauté en impliquant tous les membres du village dans différents rôles et pour différentes tâches. En préparation et, pour certains, pendant la cérémonie, les gens jeûnaient et priaient pour le bien de la communauté, pour les besoins individuels, pour les visions, pour la générosité continue du monde et en remerciement des cadeaux offerts. La hutte servait d'étape centrale à la cérémonie et, à la fin de celle-ci, elle était démontée à l'exception du poteau central, laissé en souvenir de l'événement de cette année-là.
Le gouvernement américain interdit la Danse du Soleil en 1881-1883 et le gouvernement canadien en 1882, dans le cadre de sa politique de suppression de la culture auttochtones et de rupture de l'unité communautaire. Le rituel continua d'être observé en secret par les Sioux et d'autres nations jusqu'à ce que les interdictions ne soient levées dans les années 1950. Aujourd'hui, la danse du soleil est toujours observée par les peuples des Plaines comme elle l'était dans le passé, mais sans l'élément d'auto-torture.
Origine et sept rites sacrés
Les origines de la danse du soleil sont inconnues, mais, comme nous l'avons vu, certains chercheurs ont suggéré que la forme la plus tardive du rituel provenait du festival Mandan. Johnson écrit:
La danse du soleil était probablement liée à la cérémonie d'O-kee-pa décrite de façon saisissante par l'artiste explorateur George Catlin dans les années 1830. Elle [la cérémonie O-kee-pa] était centrée sur "l'homme seul", qui avait restauré la terre après une grande inondation en utilisant le "Grand Canoë" ou arche de planches de bois représentant symboliquement un mur de protection. Le rituel était une cérémonie cosmique du nouvel an visant à assurer l'abondance des bisons et un nouveau départ, impliquant des quêtes de vision collectives - et non individuelles - ainsi qu'une instruction et une initiation spirituelles pour les jeunes. Les deux rituels véhiculaient l'idée d'un univers religieux unifié. (96)
George Catlin (1796-1872), avocat devenu artiste, parcourut la frontière nord-américaine dans les années 1830, relatant la vie des Indiens des Plaines dans des portraits et des écrits. Il décrit la cérémonie d'O-kee-pa qui commençait par la construction d'une hutte temporaire, tandis que ceux qui devaient y participer jeûnaient pendant quatre jours et se privaient de boire ou de dormir. La cérémonie commençait par une danse pour invoquer le bison, puis les jeûneurs étaient conduits à la hutte, ouverte au sommet, où ils se plaçaient pour regarder le soleil à travers l'ouverture.
Leurs poitrines étaient percées et des chevilles de bois y étaient insérées, attachées à des cordes. Pendant qu'ils regardaient le soleil, d'autres participants les hissaient en l'air où ils restaient suspendus, le regard toujours tourné vers le soleil, jusqu'à ce que les chevilles ne déchirent leur chair et ne les fassent tomber au sol ou qu'ils ne s'évanouissent et ne soient redescendus. La combinaison du jeûne, du manque de sommeil et de boisson, et de la douleur physique extrême produisait des visions qui étaient considérées comme bénéfiques non seulement pour le participant, mais aussi pour la communauté tout entière. La cérémonie se terminait par la participation des jeûneurs à une course d'endurance et, vraisemblablement, par le partage de leurs visions avec les hommes-médecine (chamans), qui les transmettaient ensuite à d'autres.
Une version de la cérémonie d'O-kee-pa est décrite dans le film Un homme nommé cheval (1970). Les détails de cette cérémonie diffèrent entre les Sioux Lakota, les Hidatsas, les Cheyennes et d'autres, mais la forme et l'objectif de base sont les mêmes: remercier, se sacrifier pour le bien d'autrui, célébrer le renouveau et les nouveaux départs. Les Mandans étaient apparentés aux Hidatsas, aux Sioux Lakota et à d'autres par la langue siouane, mais ils formaient une nation distincte avec ses propres rituels et son propre calendrier, le festival O-kee-pa étant le plus important. Les Sioux ont inclus leur version de la cérémonie dans les sept rites sacrés observés pour honorer Wakan Tanka, le Grand Esprit (ou Grand Mystère) tout au long de l'année:
- La conservation de l'âme (conservation de l'âme du défunt jusqu'au moment opportun de sa libération dans le monde des esprits)
- Le rite de purification (se purifier en vue d'une quête de vision)
- Pleurer pour une vision (travailler activement à une quête de vision)
- La danse du soleil (célébrée pour réveiller la terre après l'hiver et rendre grâce)
- La création de liens de parenté (conclure des pactes d'amitié)
- Le passage à l'âge adulte de la jeune fille (rituel de la puberté d'une jeune fille)
- Le lancer de la balle (rituel symbolisant la relation de Wakan Tanka avec le peuple, l'harmonie et l'équilibre).
Il est possible que la danse du soleil soit née de la cérémonie d'O-kee-pa, mais il est également possible qu'elles soient toutes deux issues de la même source. Chez les Sioux, les sept rites sacrés avaient tous la même importance, mais la Danse du Soleil était particulièrement importante parce qu'elle impliquait directement le peuple dans le renouvellement annuel du monde. La danse du soleil impliquait également l'ensemble de la communauté à différents niveaux, encourageant les liens d'amitié, la famille et le sens de l'objectif individuel, et attirant les personnes apparentées par la langue ou le sang d'autres villages en tant que spectateurs ou participants.
Préparation
La préparation et l'exécution de la danse du soleil varient d'une nation à l'autre, mais comportent généralement les mêmes aspects. Le rituel était initié par quelqu'un (généralement un homme) qui avait reçu une vision lui disant de le faire ou de faire un sacrifice dans l'espoir de prières exaucées ou pour remercier les prières exaucées ou en tant qu'offrande communautaire pour la prospérité du village, des récoltes abondantes et des bisons en abondance. Elle avait généralement lieu au début de l'été, vers le mois de juin, et commençait par l'instruction des participants par les sages du village (hommes-médecine/chamans), qui enseignaient aux jeunes hommes les chants sacrés, les danses et les rites de purification.
Pendant ce temps, les habitants des villages voisins arrivaient et un arbre (généralement un peuplier) était abattu pour servir de poteau central. D'autres poteaux étaient ensuite disposés en cercle autour de ce poteau, ils représentaient le lien entre la Terre et le Ciel (servant d'arbre sacré du monde), puis des jeunes arbres étaient utilisés (attachés entre le sommet du poteau central et les poteaux environnants) pour construire la hutte qui était composée d'un toit et de murs en peaux de bisons. Un chasseur réputé du village était envoyé pour tuer un buffle d'un seul coup de feu, et la tête ou le crâne du buffle (parfois la peau) était fixé au sommet du poteau central.
Des bandes de cuir (ou des cordes) étaient attachées au sommet du mât, pour être utilisées plus tard par les danseurs. L'entrée de la hutte était orientée vers l'est, en direction du soleil levant. Un autel était construit à l'intérieur de la hutte, juste en face de l'entrée, et des rondins étaient placés verticalement de part et d'autre du poteau central, divisant l'intérieur entre les joueurs de tambour, les chanteurs et les spectateurs et le sol sacré de l'autel où les participants dansaient et où les hommes-médecine dirigeaient le rituel sur l'autel. Certaines nations tribales construisaient la hutte avec une ouverture au sommet, au-dessus du mât central/de la tête de buffle, parfois l'intérieur était complètement fermé.
Danse du soleil
Les danseurs, qui participaient directement à la cérémonie, jeûnaient, priaient, s'abstenaient de boire ou de dormir pendant un certain nombre de jours avant la cérémonie et se purifiaient. La cérémonie commençait par une procession officielle des guérisseurs, des guérisseuses, des chanteurs, des chanteuses, des joueurs de tambour et des danseurs, suivie par les spectateurs, jusqu'à la loge. Les danseurs se peignaient en blanc pour symboliser la pureté de l'esprit et portaient des "paquets de médecine" - une peau d'animal contenant des objets de pouvoir spirituel - et de la sauge. Une fois à l'intérieur de la hutte, ils choisissaient un endroit sur le côté sud pour déposer leur sauge et suspendre leur faisceau de médecine. Parfois, l'homme-médecine principal initiait le rituel en saluant les esprits avec un scalp récemment arraché à un ennemi lors d'un combat. La pipe cérémonielle (chanunpa) de tabac sacré (appelée lela wakan = "très sacré") était allumée par l'homme-médecine principal, offerte aux quatre points cardinaux et au Grand Esprit, puis à ses collègues.
Des chanteurs et des joueurs de tambour, hommes et femmes, se placçaient sur le côté sud de la hutte, à gauche de l'entrée, et un feu était allumé à l'est du mât central. Les danseurs, debout sur le sol sacré, se soulevaient et s'abaissaient sur leurs orteils tout en regardant le soleil à travers l'ouverture au sommet de la hutte ou la tête de bison. Les spectateurs étaient les derniers à entrer et se tenaient debout ou s'asseyaient à droite et à gauche de l'entrée. Les danseurs offraient alors de la nourriture aux membre de leur famille paternelle qui se trouvaie(nt) dans l'assistance (ou cela était fait plus tôt). Une fois le feu allumé et tout le monde en place, les joueurs de tambour commençaient et les chanteurs entamaient les chants sacrés tandis que les danseurs commençaient leur danse.
Comme nous l'avons vu, il existait différentes formes de danse du soleil (certaines appelées "vœu du soleil"), comme celle décrite dans Un homme nommé cheval, où le personnage principal, un homme blanc, se joint aux Sioux en participant au rite. L'universitaire Larry J. Zimmerman décrit une autre version de la cérémonie sioux, différente de celle décrite dans le film:
Autour du mât, les danseurs masculins s'exécutent jusqu'à ce qu'ils ne s'effondrent dans une transe frénétique ou par pur épuisement. La plupart des danses sont de longues épreuves. Les guerriers jeûnent et dansent autour de l'arbre sacré pendant des heures chaque jour. Le dernier jour, les danseurs qui ont opté pour l'auto-torture sont attachés à l'arbre par des lanières de cuir reliées à des brochettes de bois qui sont enfoncées dans de profondes entailles dans la chair de leur poitrine, de leur dos ou de leurs épaules. Ils doivent endurer cette agonie pendant les vingt-quatre chants de la danse, ce qui prend plusieurs heures. Au point culminant de la danse, les danseurs épuisés se penchent vers l'extérieur pour exercer une pression maximale sur les broches jusqu'à ce qu'elles ne se détachent de leur chair déchirée, symbolisant ainsi la libération des liens de l'ignorance. Une danse est considérée comme réussie si l'un des participants éprouve une transe ou une vision au cours de cette longue épreuve. Certains dévots utilisaient également les brochettes pour traîner de lourds crânes de buffles autour du cercle du camp. Les guerriers restaient debout ou dansaient pendant des heures, voire des jours, le regard fixé sur le soleil. Les participants à ce rituel jouissaient d'un grand prestige, en particulier chez les Lakotas, et les guerriers arboraient fièrement leurs cicatrices de la Danse du Soleil jusqu'à la fin de leur vie. (234)
Les chercheuses Margot Edmonds et Ella Clark donnent la version Hidatsa de l'aspect autotorture du rituel:
Deux petites fentes étaient pratiquées dans la peau de l'épaule, une lanière de cuir était enfilée avec une épingle en bois attachée à l'extrémité, empêchant la lanière de sortir de la fente. Les autres extrémités de ces lanières étaient attachées au sommet du mât solaire (semblable à un mât de mai). Le prêtre et le chanteur faisaient tourner chaque jeüneur [danseur] quatre fois, ses pieds touchant à peine le sol, puis le jeûneur se libérait, tournait et tournait autour du mât solaire. Mais il n'osait pas toucher la lanière avec ses mains... Lorsque le jeûneur se détachait finalement du mât, il tombait sur le sol. Le prêtre et le chanteur le déposaient délicatement sur son lit de sauge curative. Il y restait et jeûnait de deux à quatre jours... Ils avaient des rêves et des visions qu'ils racontaient au prêtre. S'ils étaient satisfaisants, le jeûneur quittait la hutte du soleil car ses supplications avaient été exaucées par le dieu-soleil (197-198).
La cérémonie durait généralement quatre jours, mais l'ensemble du festival pouvait durer deux semaines ou plus. Johnson note:
Lors des phases préliminaires et publiques du rite, des cérémonies moins importantes se déroulaient en parallèle. Celles-ci comprenaient l'initiation des hommes et des femmes aux sociétés, la guérison des malades, les démonstrations de pouvoirs surnaturels, le récit des exploits des guerriers et la distribution des richesses. (95)
Une fois la cérémonie terminée, la hutte était démontée à l'exception du poteau central qui était laissé en souvenir de l'événement, des sacrifices consentis, des visions partagées, des histoires racontées et des liens tissés.
Conclusion
On ne sait pas depuis combien de temps la cérémonie de la Danse du Soleil était observée par les Indiens des Plaines avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, mais au XIXe siècle, alors que les politiques expansionnistes américaines encourageaient la colonisation toujours plus à l'ouest, les immigrants furent mis en contact plus étroit avec les peuples des Plaines et trouvèrent la Danse du Soleil, en particulier l'aspect de l'auto-torture, répréhensible. Zimmerman écrit:
Au XIXe siècle, les observateurs blancs furent choqués par l'auto-torture associée à la Danse du Soleil et, en 1881, la pratique fut interdite, en partie parce qu'elle était considérée comme un foyer de résistance aux politiques gouvernementales. Ce fut un coup dur pour les Indiens des Plaines qui pensaient que sans cet élément essentiel [l'auto-torture], la danse du soleil ne serait pas efficace et que le monde ne serait pas renouvelé. Par la suite, certains Indiens commencèrent à exécuter des danses du soleil en public pour les Blancs, en simulant le perçage de la chair à l'aide de harnais. Cependant, de nombreux autres groupes continuèrent à organiser des danses traditionnelles en secret, avec le perçage, tandis que des guetteurs surveillaient les officiels. (234)
Au Canada et aux États-Unis, l'organisation et la participation à la danse du soleil étaient illégales entre les années 1880 et les années 1950. La loi fut modifiée au Canada en 1951 et aux États-Unis en 1934, avec des restrictions, puis en 1958, accordant aux Autochtones le droit de pratiquer leur religion sans craindre d'être persécutés ou incarcérés. Aux États-Unis, les Autochtones n'ont obtenu le plein droit de pratiquer leurs rituels religieux qu'en 1978, grâce à la loi sur la liberté religieuse (American Indian Religious Freedom Act). La danse du soleil fut reprise publiquement par certaines nations dans les années 1960, par d'autres plus tard, et est aujourd'hui observée chaque année au Canada et aux États-Unis.