Le siècle des Lumières fut une révolution de la pensée en Europe et en Amérique du Nord qui se déroula de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle. Le siècle des Lumières donna lieu à de nouvelles approches dans les domaines de la philosophie, de la science et de la politique. Par-dessus tout, la capacité de raisonnement de l'homme était présentée comme l'outil permettant d'étendre nos connaissances, de préserver la liberté individuelle et d'assurer le bonheur.
Origines des Lumières
Le siècle des Lumières est généralement daté du dernier quart du XVIIe siècle au dernier quart du XVIIIe siècle. À la Renaissance (1400-1600), lorsque les intellectuels et les artistes se tournèrent vers l'Antiquité pour y puiser leur inspiration, le mouvement humaniste vit le jour; il mettait l'accent sur la promotion de la vertu civique, c'est-à-dire sur la réalisation du plein potentiel d'une personne, à la fois pour son propre bien et pour le bien de la société dans laquelle elle vit. Les idées des Lumières se développèrent à partir de ces racines et s'épanouirent grâce à des événements tels que la Réforme protestante (1517-1648), qui réduisit le pouvoir traditionnel de l'Église chrétienne dans la vie quotidienne. La plupart des penseurs éclairés ne voulaient pas remplacer l'Église, mais ils souhaitaient une plus grande liberté religieuse et une plus grande tolérance.
Les Lumières cherchaient à se démarquer de ce que l'on considérait alors comme les "ténèbres" du Moyen-Âge. Nous savons aujourd'hui que la période médiévale n'était peut-être pas aussi "sombre" qu'on le pensait, mais il n'en reste pas moins que la religion, la superstition et le respect de l'autorité imprégnaient cette période de l'existence humaine avant que les philosophes ne commencent à remettre ces concepts en question au XVIIe siècle. Il n'était plus possible d'accepter la sagesse reçue comme une vérité simplement parce qu'elle avait été incontestée pendant des siècles.
Dans cette nouvelle atmosphère de relative liberté intellectuelle, la raison remettait en question les croyances généralement acceptées. À l'instar des expériences pratiques menées par les scientifiques lors de la révolution scientifique pour découvrir les lois de la nature, les philosophes étaient désireux d'appliquer la raison à des problèmes séculaires: comment vivre ensemble dans des sociétés, comment être vertueux, quelle est la meilleure forme de gouvernement et qu'est-ce que le bonheur? Il s'agissait d'une bataille de la raison contre l'émotion, la superstition et la peur, dont les principales armes étaient l'optimisme en un monde meilleur et la liberté et la capacité de remettre absolument tout en question. Ce n'est pas pour rien que les nouveaux philosophes éclairés étaient appelés "libres penseurs".
Les penseurs d'avant les Lumières
Le siècle des Lumières fut animé par des philosophes, bien que nombre d'entre eux aient également écrit des ouvrages non philosophiques ou se soient même lancés dans la politique, et qu'il vaudrait mieux les qualifier aujourd'hui d'intellectuels. Ces penseurs remirent en question les idées reçues et, il est important de le souligner, se remirent en question les uns les autres, car il n'y a jamais eu de consensus sur les réponses aux questions auxquelles chacun essayait de répondre. Ce qui est sûr, c'est que ce processus d'examen et de construction de la connaissance fut long et qu'il se déroula en plusieurs endroits. Avec le recul, nous pouvons reconstituer la chaîne d'idées que nous appelons collectivement les Lumières, mais les participants de l'époque étaient conscients d'être impliqués dans un nouveau mouvement de pensée.
Il existe un groupe de penseurs que l'on appelle souvent les philosophes "pré-Lumières", car ils avait posé certains des fondements essentiels sur lesquels les Lumières allaient s'appuyer. Ce groupe comprend Francis Bacon (1561-1626), Thomas Hobbes (1588-1679), René Descartes (1596-1650), Baruch Spinoza (1632-1677) et John Locke (1632-1704).
Bacon souligna la nécessité d'une nouvelle méthode combinant l'expérimentation empirique (c'est-à-dire l'observation et l'expérience) et la collecte de données communes afin que l'humanité puisse enfin découvrir tous les secrets de la nature et s'améliorer. Cette approche fut adoptée par de nombreux philosophes éclairés. Les idées de Bacon sur la nécessité de tester nos connaissances pour voir si elles sont vraies et sa conviction que nous pourrions construire un monde meilleur si nous nous appliquions tous eurent également une grande influence.
Hobbes, homme politique et penseur anglais, proposa l'idée d'un état de nature, d'une existence brutale avant que nous ne nous réunissions en sociétés. Hobbes pensait que les citoyens devaient sacrifier certaines libertés afin d'obtenir la sécurité de la société et qu'ils le faisaient en formant un contrat social entre eux, c'est-à-dire une promesse collective de respecter certaines règles de comportement. En raison de sa vision pessimiste de la nature humaine, où les gens agissent uniquement par intérêt personnel, il pensait également qu'une autorité politique très forte était nécessaire, son Léviathan, nommé d'après le monstre biblique. Ces idées et la tentative de Hobbes de dissocier la philosophie, la morale et la politique de la religion allaient toutes inspirer les penseurs du siècle des Lumières, soit en les soutenant, soit en proposant des modèles alternatifs.
Descartes, philosophe rationaliste français, proposa que toute connaissance soit soumise au doute parce que nos sens ne sont pas fiables, que nous rêvons peut-être ou que nous vivons peut-être dans une tromperie créée par un démon. La conclusion de Descartes, qui consiste à appliquer le doute à tout, est son principe fondateur de vérité indubitable : Cogito, ergo sum ("Je pense, donc je suis"). Les idées de Descartes donnèrent naissance au cartésianisme et à la position selon laquelle l'esprit et le corps (ou la matière) sont deux choses distinctes mais qui, d'une manière que les penseurs n'avaient pas encore déterminée, interagissent l'une avec l'autre. Si certains critiques soulignent que la chasse aux doutes menée par Descartes peut conduire à des absurdités et à un scepticisme total, sa stratégie est importante pour le siècle des Lumières car elle démontre l'intérêt de tout remettre en question et de ne pas prendre pour argent comptant les connaissances que nous avons héritées des générations précédentes et qui peuvent, en fait, s'avérer ne pas être des connaissances mais seulement des croyances.
Le Néerlandais Spinoza s'attaqua aux superstitions et remit en question le rôle traditionnel de Dieu dans les affaires humaines, suggérant que Dieu n'interfère pas dans notre vie quotidienne. Combinant rationalisme et métaphysique, Spinoza s'intéressait beaucoup à la science et pensait qu'en utilisant notre raison et en étudiant la nature, nous pouvions mieux nous connaître nous-mêmes et mieux connaître le divin. Il appelait également à une plus grande tolérance religieuse.
L'Anglais Locke proposait de limiter le pouvoir de l'État afin de garantir certaines libertés, notamment le droit de propriété qu'il considérait comme un droit naturel (c'est-à-dire qu'il n'est pas conféré par un gouvernement ou un code de lois). L'État parfait de Locke comporte une séparation des pouvoirs et le gouvernement ne peut fonctionner que s'il a le consentement du peuple. En outre, les citoyens peuvent renverser un gouvernement s'il ne remplit pas son rôle de protection de leurs droits. Locke pensait que les hommes pouvaient travailler ensemble pour le bien commun. Il estimait que les individus étaient plus importants que les institutions telles que les monarques absolus et l'Église. Il pensait que tous les citoyens étaient égaux et que l'État devait éduquer ses citoyens pour qu'ils deviennent des citoyens raisonnés et tolérants. Plus que tout autre penseur, peut-être, les idées de Locke ont non seulement inspiré d'autres penseurs, mais aussi influencé les affaires du monde réel.
De nombreux autres penseurs ont influencé le siècle des Lumières, mais les limites de longueur de texte ne nous permettent pas d'en parler ici; des hommes tel que le polymathe allemand Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), qui pensait que toutes les connaissances étaient liées entre elles. En bref, tout un groupe de penseurs internationaux avait déjà élaboré les cartes essentielles du jeu des Lumières avant même qu'il n'ait commencé. Les philosophes ultérieurs les ont rebattues, en ont sélectionné certaines et en ont rejeté d'autres dans leur quête de la main gagnante sur la manière dont les êtres humains devraient vivre et dont le savoir devrait être acquis.
10 penseurs clés du siècle des Lumières
Après avoir posé les fondations, une nouvelle vague de penseurs s'attela à la construction d'un nouvel édifice du savoir occidental. En désaccord aussi souvent qu'en accord les uns avec les autres, tous les penseurs avaient pour objectif commun de trouver un monde meilleur dans lequel vivre.
L'un des premiers textes du siècle des Lumières proprement dit est le Principia Mathematica d'Isaac Newton (1642-1727), publié en 1687. Le livre de Newton est à bien des égards le point culminant de la révolution scientifique. Il présente l'idée que le monde qui nous entoure peut être compris et que le meilleur outil à cette fin est la science, en particulier les mathématiques. En découvrant la force de gravité (et d'autres encore), Newton montra que l'empirisme et la déduction étaient les meilleures méthodes pour accroître les connaissances. Les philosophes reprirent cette approche dans leurs propres travaux. Newton montra également qu'il y avait de l'harmonie et de l'ordre dans la nature, ce que les philosophes cherchèrent à recréer dans la société humaine.
Le philosophe français Montesquieu (1689-1757) se préoccupait surtout d'éviter les gouvernements autoritaires. Allant plus loin que Locke, il fit des recherches sur l'histoire de la politique - fondant ainsi la science politique - et formula de manière célèbre une séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Lui aussi prônait la protection de la liberté individuelle par des lois, la non-ingérence de l'État et la tolérance. Pour donner une idée de la lutte contre les institutions auxquelles de nombreux penseurs éclairés devaient faire face, le livre de Montesquieu L'esprit des lois fut mis à l'index des livres interdits de l'Église catholique en 1751.
L'auteur français Voltaire (1694-1778), "plus que tout autre, incarnait les Lumières aux yeux de ses contemporains" (Chisick, 430). Moins un philosophe original qu'un destructeur des anciennes attitudes, Voltaire critiquait le pouvoir de l'Église catholique, appelait à plus de liberté individuelle et de tolérance religieuse, et défendait le pouvoir de notre raison et notre capacité innée à nous comporter moralement. Voltaire reprochait également aux philosophes de ne pas proposer de solutions pratiques aux problèmes de la société.
David Hume (1711-1776) était un philosophe écossais qui présentait une vision positive de la nature humaine - nous possédons tous une capacité de sympathie et un sens moral naturel - mais une vision sceptique de l'utilité de la religion. Hume pensait que la connaissance ne provenait que de l'expérience et de l'observation, mais il reconnaissait également qu'il y avait des choses que nous ne pouvions jamais savoir, par exemple pourquoi le mal existe-t-il dans le monde? Hume élargit aussi la notion de raison pour y inclure l'émotion.
Le penseur suisse Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) contribua à mélanger Hobbes et Locke en affirmant que les hommes à l'état de nature sont libres, égaux et ont deux instincts fondamentaux: le sens de la préservation de soi et la pitié pour les autres. Le peuple doit se rassembler en une communauté fondée sur le consentement et dont l'objectif ultime est le bien commun. Pour Rousseau, la volonté générale est un compromis dans lequel les individus sacrifient une liberté totale pour atteindre la meilleure option possible: une restriction de la liberté afin d'éviter une situation où il n'y aurait pas de liberté du tout. Quelle que soit la volonté générale, c'est elle qui sera la bonne. Rousseau reconnaît la nécessité d'un système de lois et d'un gouvernement fort pour guider la volonté générale du peuple lorsqu'elle peut se tromper par inadvertance et pour protéger la propriété, qui est pour lui une création malheureuse de la société. Rousseau était également soucieux de débarrasser la société de ses inégalités et injustices manifestes en faisant en sorte que l'État encourage ses citoyens, par le biais de l'éducation, à adopter une approche moins égoïste de la vie en société.
La pensée du Français Denis Diderot (1713-1784) peut être résumée comme une croyance humaniste en l'autonomie individuelle et l'utilisation positive d'arguments et de méthodes modernes, non religieux et, si possible, scientifiques pour remettre en question les connaissances ancestrales fondées uniquement sur la foi et la superstition. Diderot était l'éditeur de l'Encyclopédie en plusieurs volumes, souvent décrite comme la "Bible des Lumières" et résumée par N. Hampson comme "une anthologie d'opinions "éclairées" sur la politique, la philosophie et la religion" (86). Diderot travailla en tant que conseiller de Catherine II de Russie (impératrice régente de Russie, 1762-1796) et de Frédéric le Grand en Prusse (1712-1786), exemples de ce que l'on appelle les "despotes éclairés".
Adam Smith (1723-1790) était un philosophe et économiste écossais. Il pensait que l'économie était une science et qu'elle suivait certaines lois, qu'il appelait la "main invisible". Ces lois, comme toutes les lois de la nature, peuvent être découvertes par l'usage de la raison. Smith prônait le libre-échange et une ingérence limitée des gouvernements dans les marchés, ce qui lui vaut d'être considéré comme le fondateur de l'économie libérale. A. Gottlieb décrit La richesse des nations de Smith comme "le texte fondateur de l'économie moderne" (198).
Le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) contestait la prédominance de l'empirisme et du rationalisme dans la pensée des Lumières, estimant que certaines connaissances doivent être indépendantes de la sensation, comme par exemple nos concepts d'espace et de temps. Ces choses sont des connaissances a priori, des choses auxquelles nous pouvons penser sans jamais en faire l'expérience directe. Par conséquent, Kant déplaça le centre d'intérêt de la philosophie vers un examen des concepts et catégories généraux. Dans le domaine de l'éthique, Kant affirme que la valeur morale provient des intentions d'une personne et non des résultats de ses actions, qui peuvent être accidentels. Les bonnes actions découlent du respect de règles sans exception, comme "ne jamais mentir", ce qu'il appelait les impératifs catégoriques. Kant souligna également la nécessité de la tolérance, de l'éducation et de la coopération entre les nations.
Edmund Burke (1729-1797) déclara que toute nation et ses institutions, y compris les institutions religieuses, étaient le produit d'une histoire riche et longue, et qu'une génération particulière ne devait donc pas simplement rejeter ces gardiens éprouvés de notre sécurité et de notre liberté. Burke pensait également que l'intuition et l'imagination étaient des outils tout aussi importants que la raison pour comprendre notre monde.
Thomas Paine (1737-1809), dans son pamphlet Le Sens commun, lança un appel célèbre aux colonies américaines pour qu'elles se rebellent contre la domination britannique. Paine dénonça l'esclavage, s'opposait à toute forme de privilège, estimait que tous les hommes étaient égaux et devraient avoir le droit de vote, et appela à un système d'imposition progressif qui permettrait de financer une société plus juste.
Nous n'avons considéré ici que dix penseurs éclairés, mais il y en avait bien sûr beaucoup d'autres, que l'espace ne permet malheureusement pas de mentionner. La tendance à appliquer la pensée éclairée aux problèmes pratiques de la vie quotidienne se poursuivit. Cesare Beccaria (1738-1794) appela à une réforme des prisons et à la fin des punitions excessives pour les criminels. Mary Wollstonecraft (1759-1797) demanda l'égalité des chances en matière d'éducation pour les hommes et les femmes, et souligna les avantages pour la société de l'amélioration de la situation des femmes. Jeremy Bentham (1748-1832) proposa un moyen de mesurer le succès des nouvelles lois avec son utilitarisme et son "principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre". Penser à un monde meilleur avait été la priorité du siècle des Lumières, mais au fur et à mesure que le XVIIIe siècle avançait, c'est l'instauration concrète d'un monde meilleur qui devenait la nouvelle priorité.
Un grand brassage d'idées
Pour que les idées se répandent et s'enracinent, il fallait qu'il y ait une interaction entre les intellectuels, ce qui fut rendu possible (au-delà de la simple visite physique) grâce à plusieurs nouveaux moyens. La presse à imprimer permit de distribuer non seulement des livres à un prix relativement bas, mais aussi des traités, des pamphlets et des magazines. Jamais auparavant autant de papier n'avait circulé à travers l'Europe. Les idées, et peut-être plus important encore, les réactions critiques à ces idées et donc le stimulus pour d'autres idées, pouvaient être diffusées plus rapidement que jamais auparavant.
L'essor des académies et des sociétés, qui publiaient des articles dans des revues internes et organisaient des réunions et des débats, constituait un autre moyen pour les intellectuels d'interagir. Les gens se rencontraient également dans les cafés pour discuter de nouvelles idées. Un autre moyen de diffusion des idées était les salons, en particulier à Paris, bien que l'idée se soit rapidement répandue partout. Ces salons, souvent tenus par des femmes, favorisaient la transmission des idées, non seulement entre les intellectuels, mais aussi entre les différentes couches de la société. Pour la première fois peut-être, des philosophes, des artistes, des hommes politiques et des hommes d'affaires pouvaient se rencontrer de manière informelle. En outre, les salons permettaient même de mélanger les différentes couches de la société, puisque les intellectuels et les créateurs artistiques pouvaient désormais rencontrer des aristocrates et des personnes fortunées, une rencontre qui débouchait souvent sur du mécénat et qui permettait de créer encore plus d'idées.
Impact des Lumières
L'une des idées clés des penseurs des Lumières était la conviction que l'existence humaine pouvait être améliorée grâce à l'effort humain. Les progrès de la science et de la technologie, ainsi que la pensée progressiste de la philosophie politique, signifiaient qu'un meilleur niveau de vie pouvait être atteint pour tout le monde. Les réformes préconisées visaient à réduire les inégalités au sein de la société et à diminuer l'impact de phénomènes négatifs, mais trop présents, tels que la famine, la maladie et la pauvreté. Les réformateurs appelèrent à un véritable changement dans l'éducation, afin que davantage de jeunes puissent aller à l'école et devenir de meilleurs citoyens en développant leur capacité naturelle à raisonner. Tout comme les individus devaient être laissés libres de poursuivre leur propre liberté et leur propre bonheur dans la nouvelle politique du libéralisme, l'idée de laisser-faire l'économie se développa, c'est-à-dire de minimiser l'intervention de l'État pour laisser l'économie se développer comme les marchés le dictaient. Les démocraties libérales modernes furent donc fondées sur l'idée des Lumières selon laquelle certains domaines de la vie ne relèvent pas de l'État, ce qui constitue une différence notable par rapport aux sociétés du Moyen Âge.
À ces conséquences générales du siècle des Lumières s'ajoutent des conséquences pratiques précises. Comme le souligne N. Hampson, spécialiste des Lumières, le danger d'étudier les Lumières uniquement en termes intellectuels peut conduire à la conclusion que "les Lumières étaient tout en général et rien en particulier". (Cameron, 296). Parmi les particularités pratiques, on peut citer la fin de la persécution des hérétiques, la fin des bûchers pour les sorcières, la fin du servage et la suppression de la torture dans les procédures judiciaires. De puissants mouvements furent lancés pour mettre fin à l'esclavage et à la peine de mort. L'Église fut officiellement séparée de l'État dans certaines régions, notamment en France. Un plus grand nombre d'universités et de bibliothèques furent fondées. Les systèmes électoraux devinrent plus équitables.
L'impact des progrès de la science serait visible dans la révolution industrielle britannique (1760-1840) et ses équivalents dans le monde entier. De nombreux penseurs éclairés avaient également prévu le côté sombre du "progrès", comme un individualisme effréné opposé au bien commun et un développement technologique contrôlé par des minorités qui aliènent de larges groupes de personnes et détruisent l'environnement.
Les intellectuels n'étaient pas les seuls à croire qu'ils pouvaient façonner un avenir meilleur. Il fallut beaucoup de temps pour que les grandes idées des intellectuels ne descendent dans les classes inférieures, mais elles finirent par y parvenir. Les gens ordinaires de toutes les classes sociales envisageaient désormais de prendre des mesures directes pour améliorer leur sort et les systèmes politiques dans lesquels ils vivaient. Les deux exemples les plus clairs de cette action en faveur d'un monde meilleur sont la Révolution française et la guerre d'indépendance des États-Unis. Dans les deux cas, les révolutionnaires s'inspirèrent des œuvres de philosophes éclairés et les citèrent souvent; leurs documents révolutionnaires, comme la Déclaration française des droits et la Déclaration d'indépendance des États-Unis, sont remplis des termes utilisés par ces philosophes, tels que "droits inaliénables" et "recherche du bonheur".
Dans certains domaines, comme les arts, il y eut une réaction aux Lumières et à la nouvelle domination de la raison. Cette réaction se manifesta le plus clairement dans le mouvement que nous appelons le romantisme (1775-1830) où, dans la littérature et l'art, l'accent était mis sur de nouvelles formes et de nouveaux modes d'expression émotionnelle et spontanée.
Au XXIe siècle, les acquis du siècle des Lumières, en particulier la liberté, la liberté de pensée et la tolérance, existent encore dans de nombreux endroits, mais certainement pas partout. Comme le souligne l'historien H. Chisick, ces libertés ne sont pas à l'abri de menaces omniprésentes telles que le racisme, l'extrémisme politique et le fanatisme religieux:
Apparemment, les valeurs clés des Lumières ne sont pas acquises une fois pour toutes. Au contraire, elles doivent faire l'objet d'une appropriation par chaque génération et chaque culture à tour de rôle, sous peine d'être submergées et perdues. (160).