Spotted Tail (Sinte Galeska, 1823-1881) était un chef sioux Brûlé Lakota connu pour avoir préféré la diplomatie au conflit militaire dans sa lutte contre la politique d'expansion du gouvernement américain au XIXe siècle. Bien qu'il soit devenu un guerrier respecté dans sa jeunesse, il en vint à considérer que la résistance militaire à l'expansion euro-américaine sur les terres autochtones était futile.
Il était l'oncle de Crazy Horse (c. 1840-1877) et le contemporain de Red Cloud (1822-1909) et de Sitting Bull (c. 1837-1890). Tout comme Red Cloud, il signa le traité de Fort Laramie de 1868, qui mit fin à la guerre de Red Cloud (1866-1868), bien qu'il n'y ait pas pris part. Spotted Tail et Red Cloud poursuivirent alors leurs négociations diplomatiques avec le gouvernement américain, tandis que Crazy Horse et Sitting Bull continuèrent la résistance armée jusqu'à la Grande Guerre Sioux de 1876.
Spotted Tail (nommé ainsi en raison de la queue de raton laveur qu'il portait dans sa coiffe) se rendit aux autorités en 1854 après l'Affaire Grattan (massacre de Grattan) afin d'épargner à son peuple d'autres pertes et, après deux ans de prison, il revint en héros et fut nommé chef. Pendant sa détention, il apprit à parler et à écrire l'anglais, ce qui fit de lui, plus tard, un émissaire important pour le gouvernement américain. Après sa libération, il fut nommé chef et contribua à négocier les conditions de l'avenir de son peuple.
Son rôle dans la reddition de Crazy Horse en 1877, qui aboutit à l'assassinat de ce dernier la même année par les autorités américaines, retourna une partie de son peuple contre lui, alors que beaucoup se méfiaient déjà de lui en raison de ses relations apparemment amicales avec les autorités des hommes blancs. Il fut assassiné par le guerrier lakota Crow Dog (1833-1912) en 1881, peut-être à cause d'une femme, mais plus probablement en raison des politiques de coopération avec les autorités euro-américaines qu'il avait encouragées.
Texte
Le médecin et auteur sioux Charles A. Eastman (également connu sous le nom d'Ohiyesa, 1858-1939) mentionne Spotted Tail dans son ouvrage Indian Heroes and Great Chieftains (1916), considéré comme une biographie fidèle du chef sioux. La version suivante provient de l'édition de 1939, republiée en 2016, et éditée pour des raisons de place. La version intégrale en anglais se trouve dans la section Liens externes ci-dessous.
Parmi les chefs sioux de la "période de transition", un seul fut assez perspicace pour lire les événements à venir sous leur vrai jour... Spotted Tail était un orphelin, élevé par ses grands-parents et contraint très tôt de se débrouiller seul. Dans l'ensemble, on ne se souvient pas aussi bien de son enfance que de celle de la plupart de ses contemporains, probablement parce qu'il n'avait pas de parents pour le présenter fréquemment au peuple, comme c'était la coutume pour les enfants bien nés, dont chaque étape de leur progression vers l'âge adulte était annoncée publiquement lors d'un festin donné en leur honneur.
On sait cependant qu'il commença très tôt à se tailler une place. Seules les qualités personnelles font la différence au sein de notre peuple, et le jeune Spotted Tail gagnait à tous les coups. À l'âge de dix-sept ans, il était devenu un tireur sûr et un chasseur habile, mais surtout, il avait déjà montré qu'il possédait un esprit supérieur. Il était entré en contact avec les Blancs dans les différents postes de traite et, selon sa propre histoire, il avait étudié avec soin les habitudes et les modes de pensée de l'homme blanc, en particulier son trait étrange d'économie et son désir intense d'accumuler des biens. Il avait l'habitude de surveiller de près et d'écouter attentivement chaque fois qu'un membre de cette race étrange avait affaire à son peuple. Lorsqu'un conseil se tenait et que les autres jeunes gens se tenaient à distance, leur tunique sur le visage pour ne pas être reconnus, Spotted Tail se mettait toujours en position pour entendre tout ce qui se disait de part et d'autre, et pesait tous les arguments dans son esprit.
Lorsqu'il partit pour la première fois sur le sentier de la guerre, il semble qu'il ait fait preuve d'un zèle excessif pour s'imposer aux yeux de son peuple. En fait, il lui fut particulièrement difficile d'acquérir une position assurée parmi les Brûlés, avec lesquels il vivait, à la fois parce qu'il était orphelin et parce que son père avait appartenu à une autre tribu. Pourtant, il ne tarda pas à réaliser son ambition, même si, ce faisant, il reçut plusieurs vilaines blessures. C'est au cours d'une bataille contre les Utes qu'il servit pour la première fois son peuple et sa cause.
Les Utes étaient les attaquants et les Sioux étaient beaucoup plus nombreux qu'eux à cette occasion. Beaucoup de leurs jeunes hommes les plus courageux étaient tombés, et les Brûlés se trouvaient face à un anéantissement total, lorsque Spotted Tail, avec une poignée de cavaliers audacieux, contourna le flanc de l'ennemi et leur tomba dessus par l'arrière avec tant de fougue qu'ils supposèrent que de puissants renforts étaient arrivés, et battirent en retraite dans la confusion. Les Sioux les poursuivirent à cheval, et c'est au cours de cette poursuite que le célèbre chef Two Strike acquit son nom historique. Mais c'est à Spotted Tail que revinrent les plus grands honneurs du combat. Les anciens chefs, Conquering Bear et les autres, le remercièrent et le nommèrent immédiatement chef de guerre.
Spotted Tail était fermement convaincu qu'il n'était pas judicieux de laisser à l'homme blanc autant de liberté dans notre pays, bien avant que les chefs plus âgés n'y voient un quelconque inconvénient. Après l'ouverture de la piste de l'Oregon, il surveilla plus que tout autre la conduite des Américains qui se dirigeaient vers le soleil couchant, et plus d'une fois il fit remarquer en conseil que ces hommes blancs n'étaient pas comme les Français et les Espagnols, avec lesquels nos anciens chefs avaient l'habitude de traiter. Il n'était pas entièrement satisfait de l'accord conclu avec le général Harney, mais en tant que jeune guerrier qui venait tout juste d'obtenir sa place au sein du conseil, il ne pouvait pas imposer son point de vue aux hommes plus âgés.
A peine la piste de l'Oregon fut-elle libérée des Sioux que Fort Laramie et d'autres postes frontaliers furent renforcés, et les soldats devinrent plus insolents et plus autoritaires que jamais. On découvrit bientôt que les Blancs étaient prêts à violer la plupart des articles du traité tel qu'il était compris par les Indiens...
En [1854], Spotted Tail avait prouvé son courage tant à l'étranger qu'à l'intérieur du pays. Il s'était battu en duel avec l'un des petits chefs qui l'avait attaqué. Il tua son adversaire d'une flèche, mais reçut lui-même un coup de hache de guerre sur la tête qui le fit tomber à terre sans connaissance. On le laissa pour mort, mais il revint heureusement à la vie au moment où les hommes préparaient son corps pour l'enterrer.
Les Brûlés le soutinrent dans cette querelle, car il avait agi en état de légitime défense, et pendant quelques années, il les conduisit dans des raids sanglants contre les Blancs le long de la piste historique. Il tendit des embuscades à de nombreuses diligences et trains d'émigrants et fut responsable du détournement de la diligence de Kincaid avec vingt mille dollars. Ce harcèlement incessant des voyageurs amena bientôt le général Harney chez les Sioux Brûlés pour leur demander des explications et des réparations.
Les vieux chefs des Brûlés firent alors appel à Spotted Tail et à ses jeunes guerriers pour qu'ils n'entraînent pas de calamité générale sur la tribu. À la surprise générale, Spotted Tail déclara qu'il se rendrait. Il dit qu'il avait défendu les droits de son peuple de son mieux, qu'il avait vengé le sang de son chef, Conquering Bear, et qu'il n'avait pas peur d'en accepter les conséquences. Il se rendit donc volontairement au général Harney, et deux de ses lieutenants, Red Leaf et Old Woman, suivirent son exemple...
C'est ainsi qu'il se retrouva soudain en prison, otage de la bonne conduite de ses partisans. Les rumeurs allaient bon train quant au châtiment qui lui était réservé; mais heureusement pour Spotted Tail, les promesses du général Harney aux chefs Brûlés à son égard furent fidèlement tenues. L'un de ses codétenus se suicida, mais l'autre résista courageusement pendant les deux années que dura son emprisonnement. Au cours de la deuxième année, il fut bien compris qu'aucun des deux hommes ne chercherait à s'échapper, et ils bénéficièrent d'une grande liberté. Ce fut une bonne école pour Spotted Tail, cet infatigable observateur des coutumes de l'homme blanc! Il est indéniable que ses qualités personnelles attachantes lui valurent gentillesse et sympathie au fort avant que ne vienne le moment de sa libération...
Peu après, il fut rendu aux siens qui l'honorèrent en faisant de lui le successeur de l'ancien chef, Conquering Bear, dont il avait vengé le sang, acte dont il avait assumé l'entière responsabilité. Il avait fait bon usage de ses deux années passées au fort et avait à ses yeux, achevé ses études de civilisation. Désormais, il souhaitait réconcilier l'Indien et l'homme blanc, comprenant parfaitement l'inutilité de l'affrontement...
En 1860-1864, les Cheyennes du Sud et les Comanches étaient en guerre contre les Blancs, et certains des Brûlés et des Ogallala, qui étaient leurs voisins et leurs proches, étaient soupçonnés de complicité avec les ennemis. Quelques-uns de leurs jeunes hommes étaient sans doute impliqués; en tout cas, Thunder Bear et Two Face, avec quelques autres qui se promenaient avec les tribus en guerre, achetèrent deux femmes blanches captives et les amenèrent à Fort Laramie. Cependant, on rapporta au poste que ces deux hommes avaient maltraité les femmes pendant qu'elles étaient sous leur garde.
Bien entendu, le commandant exigea de Spotted Tail, alors grand chef, qu'il livre les coupables, et il fit donc arrêter les deux hommes et les livra au fort. Cela souleva un tollé parmi les siens, mais le commandant fit valoir que si les accusations étaient vraies, les hommes méritaient d'être punis, et que si elles étaient fausses, ils devaient être jugés et innocentés par la loi. Les Indiens ne surent jamais quelles preuves avaient été produites à la cour martiale, mais quoi qu'il en soit, les deux hommes furent pendus et, comme ils avaient de nombreuses relations influentes, leurs proches ne tardèrent pas à fomenter des troubles. Les Sioux campaient alors à proximité du fort, et c'était le milieu de l'hiver, ce qui les tint en échec pendant un mois ou deux; mais une fois le printemps arrivé, ils déplacèrent leur camp de l'autre côté de la rivière et se rebellèrent. Une bataille rangée s'engagea, au cours de laquelle les soldats furent malmenés. Même le chef associé, Big Mouth, s'opposa à Spotted Tail, qui fut pratiquement contraint, contre sa volonté et son meilleur jugement, de reprendre les armes.
C'est à ce moment-là que survint le soulèvement soudain et sanglant des Sioux du Minnesota à l'est et que la campagne de Sitting Bull au nord commença sérieusement, tandis qu'au sud, les Cheyennes du Sud, les Comanches et les Kiowas étaient tous sur le sentier de la guerre. C'est à cette époque que Spotted Tail semble avoir eu l'idée d'unir tous les Indiens des montagnes Rocheuses dans une grande confédération. Il déclara un jour: "Notre cause est celle d'un enfant, comparée à la puissance de l'homme blanc, à moins que nous puissions cesser de nous quereller entre nous et unir nos énergies pour le bien commun." Mais les antagonismes d'antan étaient trop forts; et il était probablement freiné aussi par sa conscience du fait que les Indiens l'appelaient "l'ami de l'homme blanc", et que les militaires avaient encore en lui une certaine confiance qu'il ne voulait pas perdre. Il était sans aucun doute l'un des Sioux les plus intelligents et les plus brillants qui aient jamais vécu; et s'il ne pouvait s'empêcher d'être, dans une large mesure, en sympathie avec les sentiments de sa race contre l'envahisseur, il était cependant le seul à prévoir l'issue inévitable, et le problème tel qu'il se présentait à lui était tout simplement le suivant: "Quelle est la meilleure politique à suivre dans la situation actuelle?".
Voici son discours tel qu'il m'a été transmis, prononcé lors du grand conseil sur la Powder River, juste avant l'attaque de Fort Phil Kearny. On peut imaginer qu'il a mis tout son merveilleux tact et son magnétisme personnel dans ce dernier effort de conciliation.
"Ha, Ha, Ha! Hélas, hélas! Ainsi parle le vieil homme lorsqu'il sait que sa vigueur et sa liberté d'antan lui ont échappé à jamais. C'est ainsi que nous pouvons nous exclamer aujourd'hui: "Hélas! Il y a un temps pour tout. Songez un instant aux multitudes de tribus animales que nous avons nous-mêmes détruites! Regardez la neige qui apparaît aujourd'hui, demain c'est de l'eau! Écoutez le chant des feuilles sèches, qui étaient vertes et vigoureuses quelques lunes auparavant! Nous faisons partie de cette vie et il semble que notre temps soit venu.
"Pourtant, remarquez comment la décadence d'une nation en revigore une autre. Cet étrange homme blanc - considérez-le, ses dons sont multiples! Son cerveau infatigable, sa main active, font des merveilles pour sa race. Les choses que nous méprisons, il les tient pour des trésors; et pourtant il est si grand et si florissant qu'il doit y avoir quelque vertu et quelque vérité dans sa philosophie. Je voudrais vous dire, mes amis: Ne vous laissez pas émouvoir par des discussions passionnées et des pensées de vengeance! C'est pour les jeunes. Nous ne sommes plus jeunes; pensons bien et donnons des conseils en tant que vieillards!
Ces paroles furent accueillies par un silence inquiétant. Il n'y eut même pas le "Ugh!" d'assentiment habituel après le discours, et Sitting Bull se leva immédiatement pour répondre par la célèbre harangue qui sera présentée sous son propre nom dans un autre chapitre. La situation était critique pour Spotted Tail, le seul homme présent à prôner la soumission à la race la plus forte dont il reconnaissait la suprématie finale comme certaine. La décision d'attaquer le fort Phil Kearny était unanime sans lui, et afin de maintenir sa position parmi les membres de sa tribu, il se joignit à la charge. Plusieurs balles traversèrent sa coiffe de guerre et il fut légèrement blessé.
Lorsque la commission de 1867-1868 fut envoyée pour négocier avec les Sioux, Spotted Tail était prêt à les rencontrer et désireux d'obtenir pour son peuple les meilleures conditions possibles. Il les déconcerta et les embarrassa souvent par ses discours remarquables, les questions pointues qu'il posa et les allusions qu'il fit regardant les négociations antérieures. Entre-temps, Red Cloud ne vint au conseil qu'après que plusieurs délégations d'Indiens lui eurent été envoyées, et Sitting Bull refusa de venir.
Le fameux traité fut signé et, à partir de ce moment, Spotted Tail ne prit plus jamais les armes contre les Blancs. Au contraire, c'est principalement grâce à son influence que les ennemis furent soumis bien plus tôt que prévu. Il se rendit dans la réserve avec sa bande, encouragea ses jeunes hommes à s'enrôler comme éclaireurs du gouvernement et apporta une aide matérielle dans toutes les négociations. Les chefs ennemis n'influençaient plus son action et, dès qu'ils furent placés sous contrôle militaire, le général Crook nomma Spotted Tail chef des Sioux, humiliant ainsi Red Cloud et suscitant la jalousie et la rancune des Ogallala. Afin d'éviter tout problème, il se sépara prudemment des autres bandes et s'installa dans la nouvelle agence de Beaver Creek (Fort Sheridan, Nebraska), appelée "Spotted Tail Agency".
Juste avant que l'audacieux chef de guerre Crazy Horse ne se rende aux militaires, il se rendit à l'agence et réprimanda vertement Spotted Tail pour avoir renoncé à la liberté de son peuple. Du point de vue des irréconciliables, le chef diplomatique était un "opportuniste" et un traître; et beaucoup de Sioux ont tenté de l'impliquer dans la conspiration contre Crazy Horse qui avait conduit à son assassinat, mais je soutiens que les faits ne confirment pas cette accusation.
Le nom de Spotted Tail est resté très présent dans l'esprit des gens pendant le reste de sa vie. Orphelin quelconque il s'était distingué par sa bravoure et sa sagacité, mais il imita de trop près le politicien blanc après son entrée dans la réserve. Il devint un bon manipulateur et fut rendu vaniteux et autoritaire par les attentions des militaires et du grand public. En outre, il y avait une vieille querelle dans son groupe immédiat qui le touchait de près. Depuis de nombreuses années, il avait contre lui les partisans de Big Mouth, qu'il avait tué en duel, ainsi qu'un groupe dirigé par un fils et un neveu de l'ancien chef, Conquering Bear, à qui Spotted Tail avait succédé à sa mort. Ces deux hommes avaient espéré que l'un ou l'autre d'entre eux obtiendrait la succession.
Crow Dog, le neveu de Conquering Bear, a plus d'une fois nargué Spotted Tail en lui disant qu'il était devenu chef non pas par la volonté de la tribu, mais grâce à l'aide des soldats blancs, et il lui a dit qu'il "garderait une balle pour lui" au cas où il déshonorerait sa haute position. C'est ainsi que le châtiment le guettait alors qu'il était au sommet de sa gloire. À cette époque, plusieurs de ses agissements, notamment sa fugue avec la femme d'un autre homme, augmentèrent son impopularité auprès d'une grande partie de sa propre tribu. À la veille du départ du chef pour Washington, afin de négocier (du moins le pensaient-ils) la vente d'une plus grande partie de leurs terres, Crow Dog prit son fusil et mit sa menace à exécution, se considérant, et étant considéré par ses partisans, non pas comme un meurtrier, mais comme un bourreau.
Telle fut la fin de celui que l'on peut à juste titre appeler le Pontiac de l'Ouest. Il possédait un esprit remarquable et une clairvoyance extraordinaire pour un sauvage sans instruction; et pourtant il est le seul de nos grands hommes dont le souvenir soit plus honoré par l'homme blanc, peut-être, que par son propre peuple.