Le massacre de Sand Creek (29 novembre 1864) fut un massacre de citoyens des nations Arapaho et Cheyenne par la troisième cavalerie du Colorado des volontaires américains sous le commandement du colonel John Chivington. Le nombre de victimes est estimé à plus de 150 dans le campement autochtone, ce qui est conforme aux mesures des autorités américaines.
Black Kettle (c. 1803-1868), chef des Cheyennes du Sud, avait toujours recherché la paix avec les colons blancs depuis la signature du traité de Fort Laramie en 1851. Il avait rejeté l'appel à la guerre lancé par d'autres, notamment le chef Tall Bull des Chiens soldats et Roman Nose (guerrier cheyenne), et avait continué à faire confiance aux représentants du gouvernement américain qui lui avaient assuré que les Cheyennes seraient laissés en paix. Ces représentants avaient l'impression que Black Kettle parlait au nom de tous les Cheyennes en signant le traité de Fort Laramie en 1851 ou le traité de Fort Wise en 1861, mais il n'avait en fait aucun contrôle sur d'autres chefs comme Tall Bull (1830-1869) ou Roman Nose (c. 1830-1868), qui continuaient à résister à l'empiètement des Euro-Américains sur leurs terres.
Les hostilités s'intensifièrent en juin 1864 avec le massacre de Hungate, au cours duquel le meurtre d'une famille blanche fut attribué à des guerriers cheyennes. John Evans (1814-1897), alors gouverneur du Colorado, fit savoir aux communautés autochtones que tous ceux qui étaient amicaux envers les États-Unis devaient se réfugier près de Fort Lyon, et que tous les autres seraient considérés comme hostiles. Black Kettle, ainsi que d'autres chefs dont White Antelope (c. 1789-1864), Little Wolf (c. 1820-1904) et le chef Niwot (Left Hand) des Arapahos du Sud (c. 1825-1864), acceptèrent l'invitation et déplacèrent leur peuple à Big Sandy Creek, à environ 65 km au nord-ouest de Fort Lyon.
Le matin du 29 novembre 1864, le colonel John Chivington (1821-1894), à la tête de la troisième cavalerie du Colorado, mena une attaque surprise contre le campement - bien que Black Kettle, conformément aux instructions, ait fait flotter le drapeau américain et le drapeau blanc au-dessus de sa hutte - massacrant plus de 150 innocents, principalement des jeunes enfants, des femmes et des personnes âgées. Par la suite, Chivington affirma que cet engagement était une grande victoire militaire contre une alliance armée de Cheyennes et d'Arapahos, jusqu'à ce que les rapports des survivants - comme l'interprète Cheyenne-Anglo George Bent (c. 1843-1918) - et des soldats comme le capitaine Silas Soule (1838-1865) - ne le contredisent.
L'enquête qui s'ensuivit établit que le conflit était un massacre d'innocents et que seule une petite force armée de guerriers cheyennes et arapahos présents dans le camp avait été tuée pour se défendre et défendre leurs familles. L'événement fut néanmoins qualifié de "bataille" par la presse de l'époque et est encore souvent désigné comme tel aujourd'hui. En 2007, la zone du massacre a été déclarée site historique national et, en 2014, le gouverneur du Colorado, John Hickenlooper, a présenté des excuses aux descendants des personnes assassinées à Sand Creek; mais les politiques qui rendirent ce massacre possible n'ont jamais été reconnues et le gouvernement américain n'a jamais présenté d'excuses similaires.
Contexte
La ruée vers l'or californien de 1848 envoya des dizaines de mineurs et leurs familles sur les terres des Arapahos, des Cheyennes, des Sioux et autres, perturbant leur vie, dispersant - et tuant - les bisons (principale source de nourriture des Indiens des plaines) et détruisant la prairie avec leurs chariots et leur bétail. Les affrontements entre Autochtones et colons aboutirent au traité de Fort Laramie de 1851, qui établit des territoires pour les nations autochtones de la région sur lesquels, selon ce traité, les États-Unis n'avaient aucune prétention.
Black Kettle et d'autres chefs signèrent le traité en se fiant à la parole des délégués américains qui leur assuraient qu'ils ne seraient plus importunés. Le traité ne fut cependant jamais respecté par les colons blancs ou leur gouvernement, et fut complètement abandonné en 1858 lors de la ruée vers l'or de Pike's Peak. Lorsque les autochtones se battirent à nouveau pour défendre leurs terres, un autre traité fut proposé - le traité de Fort Wise de 1861 - auquel le gouvernement américain et ses citoyens ne prêtèrent pas plus d'attention qu'à celui qu'ils avaient présenté aux habitants des Plaines en 1851. Les Chiens soldats - l'une des sociétés militaires des Cheyennes - répondirent à l'invasion par une résistance armée sous la direction de leur chef Tall Bull, tandis que Roman Nose menait sa propre bande pour défendre les terres cheyennes dans ce qui fut connu en tant que Guerre du Colorado (1864-1865).
Bien que Black Kettle - et d'autres "chefs de la paix" - aient rejeté la voie empruntée par Tall Bull et Roman Nose, ils ne pouvaient rien faire pour les arrêter. Les Cheyennes disposaient d'un gouvernement représentatif, le Conseil des quarante-quatre, qui prenait des décisions pour l'ensemble de la nation, mais le chef de chaque bande était libre d'accepter ou de rejeter leurs conclusions. Le conseil n'avait rien à dire sur les déclarations de guerre qui relevaient de la responsabilité des chefs individuels des sociétés militaires. La signature d'un traité par Black Kettle n'obligeait en rien Tall Bull à le reconnaître.
Massacre de Hungate, Evans & Chivington
Le traité de Fort Wise de 1861, au lieu de protéger les terres des Indiens des Plaines de tout nouvel empiétement, les limita à d'étroites étendues où ils étaient censés pratiquer l'agriculture telle que définie par le gouvernement américain et, en échange, ils recevraient des fournitures et des provisions adéquates. Les marchandises promises n'arrivèrent jamais et les autochtones commencèrent à s'emparer de la nourriture, du bétail et de tout ce dont ils avaient besoin dans les colonies environnantes. Ces biens étaient parfois volés discrètement dans la nuit, mais parfois aussi par des groupes de raiders tels que ceux dirigés par Tall Bull, Roman Nose et d'autres chefs de guerre.
Le 11 juin 1864, la famille Hungate - Nathan et Ellen et leurs deux jeunes filles Laura et Florence - fut massacrée et leur maison incendiée lors de l'un de ces raids. Leurs corps mutilés furent ramenés à Denver depuis le ranch où Nathan travaillait, ce qui suscita l'indignation de l'opinion publique et des appels à la vengeance. Le gouverneur Evans avait auparavant donné au colonel John Chivington - qui commandait alors le 1er régiment de volontaires du Colorado - la liberté de tuer tout Cheyenne ou Arapaho qu'il voyait en représailles des raids menés dans la région et, après le massacre de Hungate, cette politique fut poursuivie sans se soucier de savoir si les personnes tuées avaient quelque chose à voir avec l'incident de Hungate ou non. En fait, il ne fut jamais déterminé qui avait tué la famille et ne fut même jamais établi si les meurtres étaient l'œuvre des Arapahos ou des Cheyennes.
Evans et Chivington ayant tous deux des aspirations politiques liées à la sécurisation du territoire du Colorado contre les "attaques indiennes", ils ne se souciaient guère de savoir qui avait tué la famille Hungate tant qu'ils pouvaient en imputer la responsabilité aux autochtones - ce qui était facile à faire puisque les Chiens soldats et d'autres attaquaient régulièrement les colonies et les propriétés des Blancs - et leur politique de meurtre aveugle des Autochtones non seulement ne fut remise en cause, mais fut applaudie. Il convient toutefois de noter que si les traités de 1851 et 1861 avaient été respectés par le gouvernement américain et les colons blancs, les Chiens soldats - ou d'autres - n'auraient pas eu besoin de lancer de raids.
Conformément à la politique qu'il avait déjà adoptée, Evans promit toutefois la sécurité à toutes les bandes autochtones qui se rendraient pacifiquement et chercheraient refuge à Fort Lyon - alors sous le commandement du major Edward W. Wynkoop (1836-1891), sympathisant de la cause autochtone. En septembre 1864, Black Kettle conduisit ses Cheyennes du Sud et le chef Niwot ses Arapahos à Fort Lyon, où on leur demanda peu après de déplacer leurs camps à Big Sandy Creek, à environ 65 km au nord-ouest du fort. En novembre, le major Wynkoop fut réaffecté à Fort Riley (Kansas) et remplacé à Fort Lyon par le major Scott Anthony, qui ne partageait aucune des sensibilités de Wynkoop à l'égard des Arapahos et des Cheyennes et approuvait la politique d'Evans et de Chivington, qui tuaient tous les autochtones qu'ils rencontraient par hasard.
Lorsque Anthony annonça le plan d'attaque du campement de Sand Creek, les lieutenants James Connor et Joseph Cramer ainsi que le capitaine Silas Soule s'y opposèrent, arguant qu'il s'agissait d'innocents qui se conformaient pleinement à la politique d'Evans. Chivington aurait menacé Soule de mort s'il n'obtempérait pas, mais Anthony adopta une autre approche, assurant à Soule, Cramer et Connor que Chivington menait ses hommes contre des ennemis - vraisemblablement près du campement - et non contre le peuple de Black Kettle ou le chef Niwot.
Massacre de Sand Creek
Le matin du 29 novembre 1864, Chivington arriva au campement de Sand Creek et donna l'ordre de tirer. Le capitaine Soule et le lieutenant Cramer refusèrent et demandèrent à leurs hommes de quitter leurs positions. Aucun autre soldat ne s'opposa au massacre. Le spécialiste Ari Kelman donne le récit que Soule fit du massacre, envoyé par la suite dans une lettre au major Wynkoop:
Soule se souviendrait plus tard que "nous sommes arrivés au camp de Black Kettle et de Left Hand aux premières lueurs du jour". Après que les hommes de Chivington eurent ouvert le feu sans avertissement, un soldat du 1er Colorado et un interprète négociant dans le camp "sont sortis en courant avec des drapeaux blancs", signalant que les Indiens étaient pacifiques. Les troupes n'y prêtèrent pas attention". "Des centaines de femmes et d'enfants venaient vers nous", se souvient Soule, "se mettant à genoux pour demander grâce". Le major Anthony réagit en criant: "Tuez ces fils de pute." Soule, horrifié, raconte dans sa lettre à Wynkoop qu'il a "refusé de tirer". Au lieu de cela, après avoir fait traverser la crique à sa compagnie, à l'écart de la mêlée, Soule regarda, consterné, l'artillerie pilonner les autochtones: "Les batteries leur tiraient dessus, et vous pouvez vous faire une idée du massacre". "Lorsque les Indiens comprirent qu'il n'y avait plus d'espoir pour eux, ils se dirigèrent vers le ruisseau, s'enterrèrent dans le sable des berges. Ici, Soule offrit un point de vue différent sur les fortifications que Chivington citait souvent comme preuve définitive qu'il avait attaqué un village débordant d'Indiens hostiles qui ne demandaient qu'à se battre. [Soule ajoute: "Il n'y avait aucune organisation au sein de nos troupes, ils formaient un gang parfait."
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Selon une lettre du lieutenant Cramer à Wynkoop, "Black Kettle a dit, lorsqu'il nous a vus arriver, qu'il était content, car c'était le major Wynkoop qui venait faire la paix" (Vasicek, 2). Le drapeau américain et le drapeau blanc de la trêve flottaient tous deux et Black Kettle demanda à son peuple de se placer en cercle en dessous pour montrer qu'ils étaient pacifiques, mais les soldats de Chivington avaient déjà commencé à tirer et ne voulaient pas s'arrêter. Robert Bent, frère de George Bent, avait été capturé par Chivington et avait été forcé de guider les troupes jusqu'au camp. Il rapporta plus tard:
J'ai vu le drapeau américain flotter et j'ai entendu Black Kettle dire aux Indiens de se tenir autour du drapeau, et c'est là qu'ils se sont regroupés - hommes, femmes et enfants. J'ai également vu un drapeau blanc hissé. Ces drapeaux étaient si bien placés qu'ils ont dû être vus. Lorsque les troupes ont tiré, les Indiens ont couru, certains des hommes dans leurs huttes, probablement pour récupérer leurs armes... Je pense qu'il y avait 600 Indiens en tout. Je pense qu'il y avait 35 braves et quelques vieillards, environ 60 en tout... le reste des hommes était loin du camp, en train de chasser.
(Vasicek, 2)
Le massacre dura sept heures - White Antelope et le chef Niwot furent tous deux tués - et de nombreux soldats revinrent le lendemain matin pour achever les survivants. Ceux qui avaient réussi à se cacher pendant le massacre - notamment Black Kettle et sa femme, le chef Morning Star, ainsi que Charles, Julia et George Bent - avaient remonté la rivière pour se mettre à l'abri avec d'autres bandes. George Bent raconte:
Tout le monde pleurait, même les guerriers, les femmes et les enfants... Presque toutes les personnes présentes avaient perdu des parents ou des amis, et beaucoup d'entre elles, dans leur chagrin, s'entaillaient avec leurs couteaux jusqu'à ce que le sang coule à flots.
(Vasicek, 4)
Entre-temps, Chivington et Anthony avaient ramené leurs troupes à Fort Lyon, où Chivington s'empressa d'informer son supérieur, le général Samuel Curtis, de sa grande victoire, notant fièrement qu'"à la lumière du jour ce matin, nous avons attaqué un village cheyenne de 130 huttes, fort de 900 à 1 000 guerriers" (Kelman, 9). Il rédigea ensuite des lettres similaires qui furent rapidement envoyées aux rédacteurs en chef des journaux de Denver, qualifiant le massacre de "bataille" au cours de laquelle ses vaillants soldats avaient vaincu des Cheyennes et des Arapahos lourdement armés qui avaient fortifié leur camp contre le gouvernement américain qui leur avait si gentiment offert la sécurité.
C'est cette version de l'événement qui fut rapportée par d'autres journaux à travers le pays en décembre 1864 et qui fut défendue plus tard, lorsque la vérité sur ce qui s'était passé à Sand Creek commença à être révélée à la fin de ce mois. C'est également cette version de l'événement qui colore les interprétations d'aujourd'hui, qui continuent à parler de "bataille" alors qu'en fait, il n'en est rien.
Conséquences et enquête
Avant la fin du mois de décembre 1864, il y avait déjà suffisamment de preuves pour contredire le récit de Chivington sur la "bataille" de Sand Creek, et les partisans de Chivington s'opposaient déjà aux allégations de "massacre" avant même que le président Lincoln, le Congrès et le ministère de la Guerre ne concluent, en janvier 1865, que ces allégations étaient suffisamment sérieuses pour justifier une enquête formelle. Les partisans de Chivington nièrent les allégations de massacre et défendirent l'événement comme une "bataille", contribuant ainsi à établir cette définition de l'événement. Un article du Rocky Mountain News de Denver du 30 décembre 1864 se lit comme suit:
L'affaire de Fort Lyon, Colorado, au cours de laquelle le colonel Chivington a détruit un grand village indien et tous ses habitants, va faire l'objet d'une enquête du Congrès. Des lettres reçues de hauts fonctionnaires du Colorado indiquent que les Indiens ont été tués après s'être rendus et qu'une grande partie d'entre eux étaient des femmes et des enfants.
L'indignation s'est exprimée bruyamment et sans équivoque, et certains des garçons les moins prévenants ont demandé avec insistance qui étaient ces "hauts fonctionnaires", en laissant entendre qu'ils avaient à moitié l'intention de "s'en prendre à eux". Ce discours sur les "Indiens amicaux" et le village "qui s'était rendu pourrait être conté "à d'autres", mais pour nous, ici, ce ne sont que des balivernes.(Éditoriaux sur le massacre de Sand Creek)
L'enquête officielle se poursuivit cependant et il fut conclu, sur la base des récits de témoins oculaires tels que Silas Soule, que le conflit de Sand Creek fut bel et bien un massacre d'Autochtones pour la plupart désarmés. Chivington démissionna de l'armée et Evans et lui-même abandonnèrent leurs objectifs politiques (Evans fut démis de ses fonctions), mais personne ne fut jamais poursuivi pour le massacre de Sand Creek. Silas Soule, qui avait témoigné contre Chivington, fut assassiné à Denver le 23 avril 1865 par les partisans de Chivington. Les Cheyennes et les Arapahos se souviennent aujourd'hui de lui comme d'un héros.
Le massacre fit éclater la hiérarchie cheyenne, huit membres du Conseil des quarante-quatre ayant été tués, mais, plus important encore, il apparut clairement à de nombreux Cheyennes que leurs dirigeants avaient eu tort de faire confiance aux fonctionnaires américains et que des chefs de guerre tels que Tall Bull et Roman Nose étaient dans le vrai. Black Kettle perdit de son prestige au profit de Tall Bull, mais continua à rechercher la paix avec le gouvernement américain et ses citoyens. Aucun des raiders cheyennes et arapahos n'était présent à Sand Creek le matin du massacre, et Tall Bull et Roman Nose continuèrent comme avant, jusqu'à ce que Roman Nose ne soit tué à la bataille de Beecher Island en septembre 1868 et Tall Bull à la bataille de Summit Springs en juillet 1869.
Conclusion
Au moment de la mort de Tall Bull, Black Kettle et sa femme, ainsi que 60 à 150 autres personnes, avaient été assassinés par les troupes du lieutenant-colonel George Armstrong Custer (1839-1876) lors du massacre de Washita le 27 novembre 1868 - également désigné comme une "bataille" par les autorités américaines - et la résistance des Cheyennes à la politique d'expansion des États-Unis était brisée. Les efforts ultérieurs des chefs cheyennes du Nord, Morning Star (Dull Knife, c. 1810-1883) et Little Wolf, furent réprimés en 1878. Le peuple cheyenne a cependant survécu et demeure aujourd'hui une fière nation autochtone.
Les descendants des victimes du massacre de Sand Creek continuent d'honorer leurs morts en participant, chaque année en novembre, à la course/marche de guérison spirituelle de Sand Creek, un événement de 173 miles (278 km) au cours duquel les participants suivent l'itinéraire emprunté par les troupes américaines après le massacre, depuis le site jusqu'à Denver. Comme le note Kelman, "le massacre de Sand Creek n'est pas un événement relégué dans le passé, mais fait partie intégrante de l'identité contemporaine du peuple Cheyenne" (130), et l'événement est commémoré au même titre que les attentats du 11 septembre 2001.