L'armée de l'Égypte ptolémaïque était une force de combat bien organisée, formée à la guerre hellénistique. La dynastie ptolémaïque utilisa ses richesses considérables pour entretenir une vaste armée permanente de soldats professionnels. Certaines troupes étaient payées en argent, d'autres recevaient des terres agricoles en échange de leur service. En temps de guerre, les dépenses militaires pouvaient représenter plus des trois quarts des dépenses nationales.
Les premiers membres de l'armée ptolémaïque étaient pour la plupart des étrangers qui avaient immigré en Égypte pour servir la dynastie ptolémaïque. Ces soldats et leurs descendants établirent des communautés grecques, perses, thraces et juives en Égypte. Au fil du temps, des conscrits égyptiens formés aux tactiques grecques vinrent grossir leurs rangs.
Origine, recrutement et composition ethnique
Alexandre le Grand (r. de 336 à 323 av. J.-C.) conquit l'Égypte en 332 av. J.-C. dans le cadre de sa conquête de l'empire achéménide. Après la mort d'Alexandre le Grand, son général Ptolémée Ier se fit roi d'Égypte. D'autres parties de l'empire d'Alexandre furent divisées entre les autres généraux au cours des guerres des Diadoques. L'armée de Ptolémée Ier était à l'origine composée de 4 000 soldats qui avaient été laissés en Égypte par Alexandre, ainsi que de milliers de mercenaires.
En Asie, parmi ceux qui avaient participé au partage des satrapies, Ptolémée s'empara sans difficulté de l'Égypte et traita les habitants avec bienveillance. Trouvant huit mille talents dans le trésor, il commença à rassembler des mercenaires et à former une armée. Une multitude d'amis se rassembla également autour de lui en raison de son équité. (Diodore de Sicile, 18.14.1)
Le noyau de l'armée originelle de Ptolémée Ier était macédonien. Les troupes perses et égyptiennes qui restaient d'avant la conquête d'Alexandre furent absorbées dans cette armée. Alors que les royaumes hellénistiques se livraient des guerres territoriales permanentes, ils reconstituaient leurs armées avec un grand nombre de soldats et de mercenaires. Les soldats professionnels aguerris avaient un avantage sur les nouveaux conscrits et pouvaient obtenir des salaires élevés.
En termes de pouvoir de négociation, les soldats étaient en position de force vis-à-vis des souverains, car ces derniers se livrèrent à une rude concurrence pour les ressources et les territoires dans les décennies qui suivirent la conquête d'Alexandre. Chaque souverain devait à la fois engager des soldats bien entraînés et empêcher ses rivaux d'en engager. (Fischer-Bovet, 167)
Les officiers recruteurs ptolémaïques (xenologoi) parcouraient la Méditerranée orientale pour enrôler des mercenaires, et les troupes ennemies capturées étaient parfois enrôlées. Après la bataille de Gaza en 312 avant notre ère, 8 000 prisonniers de guerre furent renvoyés en Égypte et reçurent des parcelles de terre en échange de leur service. Toutefois, les témoignages qui subsistent indiquent que la plupart des recrues se seraient rendues en Égypte de leur propre initiative, seules ou en petits groupes. Ces personnes étaient attirées par la richesse de l'Égypte et la possibilité de devenir propriétaires terriens ou hauts fonctionnaires du gouvernement ptolémaïque. À partir du IIIe siècle avant notre ère, les nouvelles recrues étaient de plus en plus souvent enrôlées à l'intérieur du territoire ptolémaïque. Ces troupes étaient levées en Grèce, à Cyrène, en Égypte, à Chypre et en Syrie.
La plupart des recrues de l'armée ptolémaïque primitive étaient originaires de Macédoine et de Grèce continentale. Un nombre important de Thraces, de Cariens, de Perses et de Juifs servaient également, en particulier dans la cavalerie. Les descendants de ces troupes continuaient généralement à servir comme soldats. Les Égyptiens constituaient une autre composante majeure de l'armée ptolémaïque, en particulier dans les périodes ultérieures où ils étaient enrôlés en masse. La composition ethnique exacte de l'armée ptolémaïque est inconnue, car les noms ethniques étaient parfois utilisés pour désigner le rang ou la langue plutôt que l'origine ancestrale. Les Galates et les Nubiens servirent également en nombre plus limité.
Unités et grades
Les plus hauts gradés de l'armée étaient les strategoi, ou généraux. Ils étaient généralement issus de familles aristocratiques et rendaient compte directement au monarque régnant. Certains strategoi commandaient des armées, tandis que d'autres gouvernaient principalement les provinces et les colonies de l'Empire ptolémaïque. Les officiers éponymes commandaient à la fois l'infanterie et la cavalerie, bien que les historiens ne s'accordent pas sur la question de savoir s'ils étaient supérieurs ou subordonnés aux strategoi.
Tout au long de l'histoire ptolémaïque, l'équipement général, l'entraînement et l'organisation des forces ptolémaïques restèrent identiques à ceux utilisés par l'armée d'Alexandre le Grand et de son père Philippe II de Macédoine. L'infanterie lourde combattait en formation de phalange, utilisant des lignes d'infanterie serrées avec de longues piques (appelées sarissa) et des boucliers qui se chevauchaient.
Il existait trois principaux types d'infanterie: les hoplites et les peltastes, qui formaient la phalange macédonienne, et l'infanterie légère, généralement composée de mercenaires. L'infanterie était divisée en chiliarchies, composées d'environ 1 000 hommes. Chaque chiliarchie était divisée en unités plus petites. Les officiers responsables des chiliarchies ou des subdivisions portaient souvent le titre d'hégémon ou de commandant.
Les machimoi étaient des fantassins de rang inférieur, souvent utilisés comme gardes et auxiliaires. La majorité des machimoi étaient d'origine égyptienne. Ils constituaient l'une des principales organisations chargées de faire respecter la loi dans l'Égypte ptolémaïque, mais étaient également utilisés dans les guerres étrangères. Les machimoi auraient joué un rôle majeur dans la Grande Révolte de 206 avant notre ère, lorsque la Haute-Égypte tenta de se séparer du royaume ptolémaïque.
La cavalerie était divisée en hipparchies de 400 à 500 hommes, commandées par un hipparque, l'équivalent d'un hégémon. Chaque hipparchie était ensuite divisée en escadrons plus petits. Au fil du temps, les hipparchies reçurent des noms ou des numéros individuels pour les distinguer des autres unités.
Il existait trois unités principales de troupes d'élite: l'agema, la garde royale et la cavalerie de la garde. L'agema était une force de 3 000 cavaliers et fantassins d'élite équipés comme des hypaspistes, divisés en trois chiliarchies. La garde royale était un mélange de troupes d'élite qui gardaient le roi et sa cour. Les officiers les plus gradés étaient les somatophylakes, des gardes du corps qui jouaient le rôle de conseillers militaires du roi. À l'occasion, la garde royale orchestra des coups d'État et des émeutes à Alexandrie, comme l'émeute de 203 avant notre ère. La cavalerie de la garde était une unité d'élite de cavalerie lourde de 700 hommes, en garnison à Alexandrie.
L'unité la plus emblématique de l'armée ptolémaïque était celle des éléphants de guerre. Leur taille et leur force impressionnantes en faisaient des symboles de terreur et de pouvoir royal. L'armée ptolémaïque obtint des résultats mitigés en les déployant dans des combats réels. Les éléphants de brousse africains utilisés par les Ptolémées étaient plus petits et moins courageux que les éléphants indiens utilisés par les Séleucides, et l'armée ptolémaïque finit par cesser d'utiliser des éléphants.
Armures, armes et équipements
L'armée ptolémaïque était entraînée et équipée dans le style hellénistique. L'équipement n'était pas standardisé, mais l'équipement de base utilisé par les soldats était souvent assez homogène. Le gouvernement fournissait souvent l'équipement à ses troupes ou dédommageait les soldats pour l'argent qu'ils dépensaient pour s'équiper. Les cavaliers recevaient des chevaux aux frais de l'État, des écuries étaient créés et des vétérinaires étaient formés pour s'occuper de ces chevaux.
Les soldats portaient généralement une tunique, une cape et des bottes solides. Tous les soldats n'étaient pas armés, mais ceux qui l'étaient portaient une cuirasse et un casque. Les cuirasses de l'époque ptolémaïque pouvaient être fabriquées en fer, en bronze ou en lin. Les cuirasses en lin étaient souples et beaucoup plus légères que les cuirasses en métal, mais elles étaient suffisamment solides pour protéger ceux qui les portaient. Le casque conique phrygien était le modèle le plus répandu. Il n'avait pas de protège-nez et généralement pas non plus de protège-joues, ce qui améliorait la visibilité au détriment de la protection du visage. Alors que les hoplites portaient des boucliers ronds, certains cavaliers légers portaient des boucliers ovales de style celtique.
Les officiers se distinguaient par des manteaux teintés de couleurs vives et des casques à plumes. Des fresques hellénistiques et romaines représentent des soldats ptolémaïques portant des manteaux rouges ou jaunes pour indiquer leur rang. La cavalerie de la garde était équipée de casques plus protecteurs de type thrace ou béotien et de manteaux jaunes à bordure violette.
Les hoplites, l'infanterie lourde de l'armée ptolémaïque, étaient équipés d'un casque, d'une cuirasse, de jambières et d'une pique (sarissa). Ils pouvaient également porter une épée courbe comme arme secondaire pour les combats rapprochés. Alors que les peltastes de l'époque classique portaient un équipement léger comprenant des boucliers en osier et des javelots, les peltastes hellénistiques portaient un équipement plus proche de celui des hoplites. Ils disposaient de boucliers et de javelots plus petits, en plus de leur équipement lourd.
L'équipement typique d'un cavalier lourd ptolémaïque comprenait un plastron, un casque, une ceinture et un manteau. Ils portaient généralement deux lances et une épée courbe à un seul tranchant. La cavalerie légère était souvent dépourvue d'armure et portait des armes plus légères. Les cavaliers devaient également s'assurer qu'ils disposaient d'un équipement d'équitation comprenant des selles, des brides, des rênes et des muselières.
Salaires et budget militaire
L'armée ptolémaïque comprenait des clérouques ou soldats colons, des soldats professionnels et des mercenaires. Dans l'Égypte ptolémaïque, les soldats professionnels et les mercenaires étaient payés sous forme d'argent et de nourriture, mais les professionnels résidaient en permanence en Égypte, tandis que les mercenaires étaient considérés comme des étrangers.
Le salaire moyen des soldats dans l'Égypte ptolémaïque a été estimé à environ une drachme d'argent par jour, ce qui incluait le coût de leur nourriture. Les soldats de base gagnaient moins que cela, tandis que les soldats de haut rang gagnaient plus. La cavalerie pouvait gagner deux drachmes par jour, tandis que les officiers étaient payés bien plus qu'un simple soldat. En outre, les soldats et les officiers ennemis se voyaient parfois offrir des primes élevées pour faire défection. Certains soldats abandonnèrent la cause de Perdiccas après l'échec de son invasion de l'Égypte en 320 av. J.-C.
Lors de la bataille de Raphia en 217 avant notre ère, l'armée ptolémaïque comptait environ 70 000 hommes, dont 11 000 mercenaires et 20 000 machimoi. L'historienne Christelle Fischer-Bovet a estimé que l'armée terrestre de l'Égypte ptolémaïque à la fin du IIIe siècle avant notre ère pouvait compter entre 50 000 et 55 000 hommes en temps de paix. En temps de guerre, ces effectifs auraient pu atteindre entre 89 000 et 94 000 hommes.
Le coût annuel de l'entretien de l'armée et de la marine de l'Égypte ptolémaïque a été estimé à environ 4 500-5 700 talents d'argent (34 % du budget national) en temps de paix et à 10 200-13 400 talents (78 % du budget) en temps de guerre. Lorsqu'elles n'étaient pas en guerre, ces forces étaient utilisées pour patrouiller sur le territoire ptolémaïque, garder les biens et entretenir les garnisons.
Le système des clérouquies
L'Égypte ptolémaïque est connue pour avoir institué un système d'octroi de terres par lequel le gouvernement donnait des parcelles de terres agricoles (kleroi) à certains soldats en guise de paiement pour leur service. Ces soldats, souvent appelés kleruchoi ou clérouques, constituaient la majorité de l'armée ptolémaïque. La pratique consistant à rémunérer les soldats avec des terres a une longue histoire, tant dans l'Égypte ancienne que dans la Grèce classique. En donnant aux soldats leurs propres terres agricoles pour gagner leur vie, les souverains n'avaient pas besoin de les payer à l'année pour entretenir une armée permanente. Cela leur permettait également de répartir l'armée dans la campagne, ce qui réduisait les risques de rébellion. Le système des clérouques ptolémaïque était beaucoup plus vaste que tous les exemples précédents.
On pense que le système ptolémaïque aurait été mis en place sous Ptolémée Ier afin de s'assurer de la loyauté de son armée, qui aurait pu autrement passer à l'un de ses ennemis. En temps de paix, les clérouques n'étaient mobilisés qu'une partie de l'année pour des patrouilles et des garnisons, au cours desquelles ils recevaient une solde. Le reste de l'année, ils n'étaient pas en service et jouaient le rôle de réservistes. Cela permit de créer une classe de soldats propriétaires terriens qui avaient tout intérêt à soutenir un régime grec. Ces clérouques contribuèrent à accélérer le processus d'hellénisation: l'influence de la culture grecque sur la société égyptienne. Les clérouques d'origine égyptienne apprenaient généralement le grec afin de pouvoir progresser plus facilement dans une hiérarchie hellénophone, et nombre d'entre eux prenaient également des noms grecs.
Les implantations militaires aidèrent les Ptolémées à occuper et à coloniser l'Égypte: les colons étaient généralement plus riches - souvent beaucoup plus - que les Égyptiens qui vivaient autour d'eux, ils étaient souvent mieux connectés aux autorités administratives et juridiques et, en tant que militaires, ils représentaient constamment le pouvoir répressif potentiel de l'État ptolémaïque et leur propre potentiel d'intimidation ou de violence. (Johstono, 267)
La quantité de terres attribuée à chaque soldat était déterminée par son rang et son statut. L'unité de mesure standard de ces terres était l'aroura, qui équivalait à 2 025 mètres carrés. Les machimoi recevaient des parcelles plus petites, entre 5 et 20 arouras, suffisantes pour subvenir aux besoins d'une petite famille. Les fantassins recevaient entre 16 et 30 arouras. La cavalerie pouvait s'attendre à recevoir entre 70 et 100 arouras de terre, ce qui était suffisant pour générer un profit appréciable si toutes les terres étaient cultivées. De nombreux officiers de haut rang louaient leurs terres à des métayers et achetaient des maisons en ville pour aller y habiter.
Sous les premiers Ptolémées, un clérouque ne conservait ses terres que pour la durée de sa vie, et la propriété revenait au gouvernement après sa mort. Les fils suivaient souvent leurs pères dans le service militaire et recevaient des parcelles de terre comparables. Dans les générations suivantes, ce système évolua pour permettre aux clérouques de léguer leurs terres à leur famille après leur mort.