
James Monroe (1758-1831) était un homme d'État américain qui fut le cinquième président des États-Unis (1817-1825). Quatrième président à appartenir à la "dynastie de Virginie" et dernier de la génération des Pères fondateurs à occuper cette fonction, Monroe est principalement connu pour la doctrine Monroe et l'ère des bons sentiments.
Jeunesse et révolution
James Monroe vit le jour le 28 avril 1758 dans le comté de Westmoreland, en Virginie. Il était le fils aîné de Spence Monroe, un artisan, et d'Elizabeth Jones Monroe, la fille d'une famille de riches immigrants gallois. James grandit dans la ferme familiale de 600 acres où il était né et, à l'âge de onze ans, il fut inscrit à la Campbelltown Academy, considérée comme la meilleure école de Virginie. Il y excella en latin et en mathématiques et se lia d'amitié avec son camarade John Marshall, futur président de la Cour suprême des États-Unis. Au début des années 1770, les deux parents de Monroe moururent, ce qui l'obligea à abandonner l'école pour s'occuper de ses jeunes frères et sœurs et de la propriété dont il avait hérité et qui comprenait plusieurs esclaves. En 1774, Monroe put retourner à l'école et fréquenta le College of William and Mary, où il s'impliqua de plus en plus dans la politique du parti whig et dans l'opposition aux taxes parlementaires.
Au cours des dix dernières années, le Parlement britannique avait imposé aux colonies une série d'impôts directs que les Whigs américains, ou "Patriotes", avaient condamnés comme inconstitutionnels, au motif qu'ils n'étaient pas représentés au Parlement. Le conflit s'aggrava progressivement jusqu'à ce que, en avril 1775, la guerre d'Indépendance américaine éclate entre la Grande-Bretagne et les colonies rebelles. Dans les jours précédant la guerre, Lord Dunmore, gouverneur royal de Virginie, dissolut l'organe législatif élu de la colonie, la Chambre des bourgeois de Virginie, et envoya des soldats britanniques confisquer les armes et les munitions appartenant aux milices de la colonie. Outrés, Monroe et des centaines d'autres Virginiens suivirent le leader patriote Patrick Henry jusqu'au manoir du gouverneur à Williamsburg, pour exiger la restitution des armes; le conflit, connu plus tard sous le nom d'incident de la poudre à canon (Gunpowder Incident), fut désamorcé lorsque Dunmore accepta de verser 330 livres aux Patriotes. Monroe, estimant que ce n'était pas suffisant, s'introduisit ensuite dans le manoir du gouverneur avec 23 autres étudiants et vola des centaines de mousquets et d'épées pour la cause patriote.
En 1776, Monroe abandonna l'université et s'engagea dans le 3e régiment de Virginie de l'armée continentale. En décembre, il traversa le fleuve Delaware glacé avec le général George Washington et participa à la bataille de Trenton (26 décembre 1776). Au cours de la bataille, il fut gravement blessé à l'épaule lors de la capture d'un canon hessois et manqua de mourir de ses blessures. Après s'être rétabli, il fut promu capitaine pour sa bravoure et participa à la bataille de Brandywine (11 septembre 1777) et à la bataille de Germantown (4 octobre 1777). Il passa l'hiver à grelotter avec le reste de l'armée continentale à Valley Forge, où il se lia d'amitié avec Gilbert du Motier, marquis de Lafayette, et partagea une cabane avec son ancien camarade d'école John Marshall. L'année suivante, il participa à la bataille de Monmouth (28 juin 1778) et fut promu lieutenant-colonel sur recommandation de Washington et d'Alexander Hamilton.
En 1780, Monroe démissionna de l'armée et retourna à Williamsburg pour étudier le droit. Il y fut encadré par Thomas Jefferson, qui le prit sous son aile et influa sur son développement politique. En 1782, il fut élu à la Chambre des délégués de Virginie, ce qui lui servit de tremplin pour se faire élire au Congrès de la Confédération l'année suivante. Au cours des trois années qu'il passa au Congrès, Monroe soutint l'expansion des États-Unis vers l'ouest ainsi que l'Ordonnance du Nord-Ouest, qui définit la procédure par laquelle ces territoires pouvaient être admis dans l'Union en tant qu'États. Il soutint fermement le droit des États-Unis à naviguer sur le fleuve Mississippi - un point de désaccord avec l'Espagne - et s'opposa à la nécessité d'un gouvernement central plus fort que celui prévu par les articles de la Confédération.
Le 16 février 1786, Monroe, âgé de 27 ans, épousa Elizabeth Kortright, la fille de 17 ans d'une grande famille de New York. Monroe se retira du Congrès la même année et le couple s'installa à Fredericksburg, en Virginie, où Monroe ouvrit un cabinet d'avocat. Le couple aurait deux filles: Eliza (1786-1840) et Maria (1802-1850); un fils, James, naquit en 1799 mais mourut tragiquement seize mois plus tard. Monroe renoua avec la politique en 1788 en participant à la convention de ratification de la Virginie, chargée de ratifier la Constitution américaine nouvellement rédigée pour le Commonwealth de Virginie. Bien que Monroe ait désormais reconnu que les faibles articles de la Confédération devaient être modifiés, il craignait que la Constitution ne donne trop de pouvoir au gouvernement fédéral et finit par voter contre. Néanmoins, la Virginie ratifia la Constitution à une courte majorité, et celle-ci entra en vigueur dans tout le pays en mars 1789, avec Washington comme premier président.
Sénateur et diplomate
En 1789, Monroe se présenta à la Chambre des représentants contre James Madison, un autre élève de Jefferson. Les deux hommes se promirent de ne pas laisser l'élection entacher leur amitié et voyageaient souvent ensemble pendant la campagne. Bien que Madison ait remporté le siège, Monroe serait élu au Sénat américain l'année suivante, après que la mort soudaine du titulaire eut libéré le siège. Pendant que Monroe siégeait au Sénat, les premiers partis politiques commencèrent à se former aux États-Unis, opposant le parti fédéraliste d'Alexander Hamilton - favorable à un gouvernement central fort et à des politiques pro-britanniques - au parti républicain-démocrate de Jefferson, partisan d'une plus grande autonomie des États et soutenant la Révolution française. Sans surprise, Monroe se rangea du côté des Jeffersoniens et devint rapidement l'un des critiques les plus virulents de l'administration pro-fédéraliste de Washington au Sénat. Il s'opposa constamment à Hamilton, contribuant à révéler l'implication de ce dernier dans un scandale sexuel en 1792; l'incident faillit conduire à un duel entre les deux hommes.
En 1794, Monroe fut nommé ambassadeur en France. Arrivés peu après la fin du règne de la Terreur, Elizabeth et lui purent user de leur influence pour obtenir la libération de plusieurs personnalités pro-américaines qui avaient été emprisonnées par les révolutionnaires français, notamment Thomas Paine et Adrienne de Lafayette, épouse du marquis. Cependant, au cours de son mandat d'ambassadeur, Monroe se montra beaucoup trop favorable à la France révolutionnaire au goût du président Washington. Il outrepassait constamment ses droits, comme lorsqu'il annonça aux Français que le traité de Londres (un accord commercial entre les États-Unis et la Grande Bretagne qui favorisait des relations chaleureuses entre les deux pays) serait probablement abrogé. Il fut rappelé à son poste en novembre 1796, le moment étant choisi délibérément pour qu'il rentre chez lui après l'élection présidentielle américaine de 1796. Au printemps suivant, Monroe riposta en publiant un pamphlet de 500 pages intitulé A View of the Conduct of the Executive, in the Foreign Affairs of the United States, qui s'en prenait à la conduite des fédéralistes et de l'administration de Washington.
En 1799, Monroe fut élu gouverneur de Virginie, poste qu'il occuperait jusqu'en 1802. Il soutint la candidature de son mentor Jefferson à l'élection présidentielle américaine de 1800. Après la victoire de Jefferson, Monroe fut à nouveau envoyé à Paris pour aider à négocier l'achat de la Louisiane, un accord visant à acquérir 530 000 000 d'acres de terre auprès de la France. Il s'agit là sans doute de la plus grande réussite de l'administration Jefferson, qui fit plus que doubler la taille des États-Unis. Par la suite, Monroe continua à servir l'administration Jefferson en tant qu'ambassadeur en Grande-Bretagne. À ce titre, il participa à la négociation du traité Monroe-Pinckney en 1806, qui aurait étendu l'accord commercial existant entre les États-Unis et la Grande-Bretagne; toutefois, le président Jefferson rejeta le traité, car il ne faisait rien pour lutter contre l'odieuse pratique britannique consistant à enrôler de force les marins américains. Le rejet du traité par l'administration provoqua la brouille de Monroe avec James Madison qui occupait le poste de secrétaire d'État. En 1808, Monroe décida de défier Madison pour l'investiture du parti républicain-démocrate à l'élection présidentielle de cette année-là. Madison remporta finalement l'investiture du parti et l'élection, Monroe ne recevant que peu de soutien en dehors de la Virginie.
Secrétaire d'État
En 1810, Monroe fut à nouveau élu gouverneur de Virginie. Mais son mandat fut écourté lorsque le président Madison, qui s'était réconcilié avec Monroe, lui demanda de rejoindre son administration en tant que secrétaire d'État en avril 1811. Monroe accepta, rejoignant le cabinet à un moment où les relations britannico-américaines se détérioraient rapidement. Le 18 juin 1812, le président Madison demanda au Congrès de déclarer la guerre au Royaume-Uni, ce qui marqua le début de la guerre anglo-américaine de 1812. La guerre se déroula de manière désastreuse pour les États-Unis, les multiples invasions du Canada britannique se soldant par des échecs. Madison et Monroe n'hésitèrent pas à rejeter la responsabilité de ces défaites sur le secrétaire à la Guerre John Armstrong Jr, ce qui provoqua des dissensions au sein de l'administration. En août 1814, une armée britannique envahit la baie de Chesapeake et commença à marcher vers la capitale; Monroe partit en mission de reconnaissance et aida à organiser la ligne de défense américaine lors de la bataille de Bladensburg. Les Américains furent cependant vaincus et les Britanniques s'emparèrent de Washington et l'incendièrent. Armstrong, accusé de ne pas avoir préparé les défenses de la capitale, fut contraint de démissionner; Monroe prendrait alors le contrôle du ministère de la Guerre en plus de ses fonctions au département d'État.
Enfin, le 24 décembre 1814, les diplomates américains et britanniques conclurent le traité de Gand, qui mit fin à la guerre de 1812 en rétablissant les frontières d'avant-guerre. Le traité fut ratifié par le Congrès en février 1815, ce qui renforça la popularité de l'administration Madison, qui affirmait de manière discutable que les États-Unis avaient gagné le conflit. Monroe put profiter de cette popularité en 1816 lorsqu'il se présenta lui-même à l'élection présidentielle. Choisissant Daniel D. Tomkins de New York comme colistier, Monroe l'emporta haut la main sur son adversaire fédéraliste, Rufus King, en remportant 134 voix de grands électeurs (King n'en obtint que 34). L'élection de 1816 porta le coup de grâce au parti fédéraliste, tombé en disgrâce pour son opposition à la guerre de 1812; l'administration Monroe allait donc inaugurer une nouvelle ère, celle de la domination d'un parti unique, les républicains-démocrates. Comme cela mit fin à l'âpreté de l'esprit de parti qui avait frappé la nation depuis les années Washington, la période de la présidence de Monroe serait connue sous le nom d'"Ère des Bons Sentiments".
Premier mandat: 1817-1821
Monroe reçut l'investiture à Washington le 4 mars 1817. Propriétaire d'esclaves depuis toujours, Monroe emmena plusieurs d'entre eux à la Maison Blanche, où ils resteraient pendant toute la durée de sa présidence. Elizabeth et lui, influencés par leur séjour en France, décorèrent la Maison Blanche avec des meubles français et servaient souvent des plats français aux repas. Souvent malade, Elizabeth n'était pas en mesure de remplir les fonctions d'hôtesse de la Première Dame; elles seraient alors confiées à leur fille aînée Eliza. Après avoir pris ses fonctions, Monroe entreprit de constituer son cabinet, qui comprenait John C. Calhoun comme secrétaire à la guerre, William H. Crawford comme secrétaire au trésor et William Wirt comme procureur général. Le choix le plus important de son cabinet était sans doute celui de John Quincy Adams en tant que secrétaire d'État. Yankee de la Nouvelle-Angleterre par excellence, Adams fut choisi pour apaiser le Nord et influencerait une grande partie de la politique étrangère de la présidence de Monroe.
L'une de ces questions de politique étrangère concernait le rétablissement des relations avec la Grande-Bretagne à la suite de la guerre de 1812. L'administration Monroe y parvint avec le traité Rush-Bagot de 1817 qui prit des mesures pour démilitariser la région des Grands Lacs, et avec le traité de 1818, qui fixa la frontière entre les États-Unis et le Canada au 49e parallèle et permit l'occupation conjointe par les Américains et les Britanniques du territoire de l'Oregon. Monroe et Adams réussirent également à atteindre un objectif américain de longue date, à savoir acheter la Floride à l'Espagne. Cette décision faisait suite à la première guerre des Séminoles, au cours de laquelle des soldats américains, sous les ordres du général Andrew Jackson, avaient envahi la Floride espagnole en 1818 pour combattre les Amérindiens séminoles en représailles à l'hébergement d'esclaves fugitifs par ces derniers. Au cours de la guerre, Jackson outrepassa son autorité en s'emparant de la capitale locale, Pensacola, et en établissant le contrôle des États-Unis sur la région. Plutôt que d'ordonner à Jackson de renoncer à son contrôle, l'administration Monroe décida d'entamer des négociations pour acheter la Floride à l'Espagne. Ces négociations aboutirent au traité Adams-Onís de 1819, par lequel les États-Unis achetèrent la Floride pour 5 millions de dollars.
La préoccupation intérieure la plus pressante du premier mandat de Monroe était la question de savoir si le Missouri devait être admis dans l'Union en tant qu'"État esclavagiste". Le Territoire du Missouri avait initialement demandé le statut d'État en 1817 et, en février 1819, la Chambre des représentants examina une loi autorisant les citoyens du Missouri à rédiger une constitution d'État. Naturellement, la question de l'esclavage se posa, et le député new-yorkais James Tallmadge Jr. proposa un amendement à la législation qui interdirait l'arrivée de nouveaux esclaves dans le Missouri et libérerait les enfants des esclaves déjà présents lorsqu'ils atteindraient l'âge de 25 ans. L'amendement dit "Tallmadge" fut adopté par la Chambre des représentants, mais rejeté par le Sénat, ce qui bloqua la question de l'admission du Missouri dans l'Union. Ce débat aboutirait finalement au Compromis du Missouri de mars 1820, dans lequel le Missouri fut admis dans l'Union en tant qu'"État esclavagiste" en échange de l'admission du Maine en tant qu'"État libre". Monroe, bien que personnellement opposé à toute restriction géographique de l'esclavage, signa la loi du compromis.
Deuxième mandat : 1821-1825
En 1820, Monroe fut réélu sans rencontrer d'opposition majeure. En effet, il remporta tous les suffrages électoraux sauf un, le seul résistant, William Plumer, qui vota pour John Quincy Adams. Si le folklore américain affirme que Plumer aurait agi ainsi pour protéger l'héritage de George Washington en tant que seul président élu à l'unanimité, en réalité, il pensait tout simplement que Monroe n'était pas un bon candidat. La politique étrangère du second mandat de Monroe se concentra sur les révolutions latino-américaines, son administration reconnaissant l'indépendance des républiques du Mexique, du Chili, du Pérou, de l'Argentine et de la Colombie. Sur le plan intérieur, il dut faire face aux retombées de la panique de 1819, la première grande dépression économique à frapper les États-Unis depuis les années 1780. Monroe pensait que l'amélioration des infrastructures du pays aiderait l'économie, mais il refusait d'approuver le financement fédéral de tels projets, estimant que cela empiéterait sur l'autonomie des États. Monroe soutint également la relocalisation des Afro-Américains libres dans la colonie du Liberia en Afrique; son soutien était moins dû à sa nature altruiste qu'à sa crainte de soulèvements armés des Noirs dans le Sud. La capitale du Liberia fut néanmoins baptisée Monrovia en son honneur.
La réalisation la plus importante du second mandat de Monroe - et sans doute de toute sa présidence - fut la "doctrine Monroe". Rédigée en étroite collaboration avec le secrétaire d'État Adams, la doctrine Monroe fut formulée pour la première fois par le président dans un message adressé au Congrès le 2 décembre 1823. En substance, la doctrine mettait en garde les puissances européennes contre toute ingérence dans les affaires des Amériques. Les États-Unis resteraient neutres dans les affaires européennes, mais en retour, l'Europe ne devait pas essayer de recoloniser ou de rétablir son influence sur les Amériques, qui se trouvaient désormais dans la sphère d'influence des États-Unis. Bien que la doctrine n'ait pas eu beaucoup d'impact pendant la présidence de Monroe, elle devint la pierre angulaire de la politique étrangère des États-Unis à la fin du XIXe et au XXe siècle.
Retraite et décès
Monroe termina son second mandat, restant largement à l'écart de l'élection présidentielle quadripartite de 1824, qui fut remportée par John Quincy Adams. Après avoir quitté Washington, Monroe se retira dans sa ferme d'Oak Hill, dans le nord de la Virginie. Il quitta la présidence très endetté et fut contraint de demander une aide financière au Congrès, arguant qu'il s'était endetté pour servir le pays. En 1826, le Congrès accepta de lui accorder 30 000 dollars et lui donnerait 30 000 dollars supplémentaires cinq ans plus tard. Monroe passa une grande partie de sa retraite à lire ses livres et commença à travailler sur une autobiographie qu'il n'achèverait jamais. Il n'abandonna cependant pas complètement la vie publique, puisqu'il participa à une convention visant à modifier la constitution de la Virginie en 1829.
Après la mort de sa femme Elizabeth en septembre 1830, Monroe s'installa à New York avec sa fille cadette, Maria, et sa famille. Sa santé déclina régulièrement pendant les six mois qui suivirent, jusqu'à ce qu'il ne meure le 4 juillet 1831 à l'âge de 73 ans, ce qui fit de lui le troisième président américain à mourir le jour de la fête de l'indépendance. On se souvient surtout de Monroe en tant que dernier président de la "dynastie de Virginie" (les autres étant Washington, Jefferson et Madison) et pour la période stable et politiquement calme des "bons sentiments". La question de l'expansion de l'esclavage, qui avait commencé pendant la présidence de Monroe, s'intensifierait dans les décennies à venir, tandis que la "doctrine Monroe" constituerait également une partie importante de son héritage