Affaire du Chesapeake

10 jours restants

Investissez dans l'enseignement de l'Histoire

En soutenant notre organisation reconnue d'utilité publique, World History Foundation, vous investissez dans l'avenir de l'enseignement de l'Histoire. Votre don nous aide à transmettre à la nouvelle génération les connaissances et les compétences dont elle a besoin pour comprendre le monde qui l'entoure. Aidez-nous à démarrer la nouvelle année prêts à publier des contenus historiques fiables et gratuits pour tous.
$3086 / $10000

Définition

Harrison W. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 19 novembre 2024
Disponible dans ces autres langues: anglais
Écouter cet article
X
Imprimer l'article
USS Chesapeake (by F. Muller, Public Domain)
USS Chesapeake
F. Muller (Public Domain)

L'affaire du Chesapeake fut un incident qui se déroula au large de Norfolk, en Virginie, le 22 juin 1807, lorsque le navire de guerre britannique HMS Leopard tira sur une frégate américaine USS Chesapeake et l'aborda alors qu'il était à la recherche de déserteurs de la Royal Navy. Cet incident fut l'un des événements qui conduisirent à la guerre de 1812.

Le contexte

En 1807, alors que les États-Unis peinaient encore à trouver leur place en tant que nation indépendante, les guerres napoléoniennes faisaient rage en Europe. Napoléon Bonaparte, qui s'était couronné empereur des Français trois ans plus tôt, était confronté à une série de coalitions changeantes de nations européennes soutenues par la Grande-Bretagne. Sur terre, les armées de Napoléon s'étaient révélées dominantes; grâce à de grandes victoires comme la bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805) et la bataille de Friedland (14 juin 1807), il avait conquis l'Europe centrale et exerçait désormais son influence sur la majeure partie du continent. La Grande-Bretagne, quant à elle, avait écrasé la puissance navale française lors de la bataille de Trafalgar (21 octobre 1805) et était désormais le maître incontesté des flots. Cette dichotomie plaçait les États-Unis, pays neutre, dans une position précaire: traiter avec un empire signifiait contrarier l'autre. Le président Thomas Jefferson, qui suivait nerveusement l'évolution de la situation en Europe, exprima les préoccupations de nombre de ses compatriotes lorsqu'il écrivit: "Quel affreux spectacle le monde offre-t-il en cet instant, un homme dominant le continent européen tel un colosse, et un autre errant sans frein sur l'océan" (Wood, 622).

Supprimer la pub
Publicité
En 1807, la valeur combinée des importations et des exportations américaines atteignit 243 millions de dollars, faisant des États-Unis le plus grand transporteur neutre de marchandises au monde.

Même si la guerre avait créé de l'anxiété en Amérique, elle avait également ouvert la porte à de nouvelles opportunités. Les marchands américains ne tardèrent pas à tirer parti de l'interruption du commerce international causée par les combats. La France et l'Espagne n'étant plus en mesure d'envoyer des navires marchands dans leurs colonies des Antilles, ces dernières avaient, à contrecœur, ouvert leurs ports aux navires américains. Les Américains réexportaient alors les marchandises des Caraïbes vers les marchés européens, ce qui leur permit de faire fortune. En 1807, la valeur combinée des importations et des exportations américaines atteignait 243 millions de dollars, faisant des États-Unis le plus grand transporteur neutre de marchandises au monde. Lorsque la Grande-Bretagne se plaignit que la stratégie commerciale intermédiaire des États-Unis violait la règle dite de 1756 - qui empêchait les nations de commercer en temps de guerre avec des ports qui leur avaient été fermés en temps de paix - les Américains contournèrent la règle en important les marchandises des Caraïbes aux États-Unis avant de les réexporter vers l'Europe, les transformant techniquement en cargaison neutre dans le processus.

Le transport maritime américain serait toutefois menacé lorsque la rivalité franco-britannique aboutirait à une situation de blocage. Incapable d'attaquer directement les îles britanniques en raison de la puissance de la Royal Navy, Napoléon décida de forcer la soumission de la Grande-Bretagne en paralysant son économie. En novembre 1806, il publia le décret de Berlin, premier bloc de son système continental, dans lequel il décréta un embargo sur le commerce britannique à l'échelle du continent. Tout navire transportant des marchandises britanniques serait susceptible d'être saisi, y compris ceux appartenant à des pays neutres. La Grande-Bretagne riposta par plusieurs décrets qui imposèrent un blocus à tous les ports qui respectaient l'embargo de Napoléon, stipulant que toutes les nations qui souhaitaient commercer dans ces ports devraient d'abord s'arrêter en Angleterre pour payer les droits de transit. Les marchands américains se retrouvèrent alors dans une situation difficile, car ils ne pouvaient plus commercer dans aucun port européen sans s'attirer les foudres des Français ou des Britanniques. Entre 1803 et 1812, la France saisit 558 navires américains, tandis que les Britanniques en capturèrent 917.

Supprimer la pub
Publicité

Réquisition

Ces saisies suscitèrent l'indignation aux États-Unis, non seulement parce qu'elles entravaient un commerce lucratif, mais aussi parce qu'elles étaient considérées des atteintes à la souveraineté américaine. Les Américains estimaient que si les puissances européennes pouvaient traiter les États-Unis avec un tel manque de respect sans en subir les conséquences, alors les États-Unis ne valaient pas mieux qu'une simple colonie, et la révolution américaine n'aurait servi à rien. Mais la Grande-Bretagne était considérée comme le pire des coupables, car elle s'emparait non seulement des navires et des cargaisons américains, mais aussi des marins américains. Depuis l'ouverture des hostilités, la Grande-Bretagne avait été contrainte de tripler la taille de sa marine, considérée comme le principal moyen de dissuasion contre une invasion française des îles britanniques. Des flottes plus importantes nécessitaient plus de main-d'œuvre, mais de nombreux sujets britanniques hésitaient à s'enrôler en raison des mauvaises conditions de vie à bord des navires de guerre britanniques, qui étaient tristement célèbres. Comme le dit si bien un jour l'écrivain anglais Samuel Johnson, "Aucun homme ne sera marin s'il a assez d'imagination pour se retrouver en prison; car être dans un navire, c'est être en prison, avec la possibilité de se noyer" (cité par Berton, 31).

Impressment of American Sailors into the British Navy
Incorporation de marins américains dans la marine britannique
Howard Pyle (Public Domain)

Par conséquent, de nombreux marins britanniques étaient réquisitionnés d'office et cherchaient la première occasion de quitter le navire. Ils la trouvaient à bord des navires marchands américains. Non seulement les déserteurs britanniques pouvaient facilement se cacher parmi un équipage d'Américains - qui, après tout, leur ressemblaient et parlaient leur langue - mais les navires marchands américains offraient un salaire quatre fois supérieur à celui de la Royal Navy et de bien meilleures conditions de vie. Très vite, le secrétaire américain au Trésor Albert Gallatin estima que 9 000 des 24 000 marins des navires américains étaient des sujets britanniques. Consciente de ce problème, l'Amirauté britannique autorisa ses officiers à monter à bord des navires marchands américains et à réquisitionner tous les marins qui n'avaient pas les documents nécessaires pour prouver qu'ils étaient citoyens américains. Au cours de la période précédant la guerre de 1812, la Grande-Bretagne admettrait plus tard avoir enrôlé 3 000 marins américains dans la Royal Navy, les États-Unis estimant que ce chiffre était au moins deux fois plus élevé. Il s'agissait d'un enlèvement pur et simple, selon les termes de John Quincy Adams, qui déclara qu'"aucune nation ne peut être indépendante si elle souffre que ses citoyens lui soient volés à la discrétion des officiers navals ou militaires d'une autre nation" (cité dans Berton, 30).

Supprimer la pub
Publicité

L'incident

Telle était la situation internationale alors que, en février 1807, la frégate britannique HMS Melampus était ancrée au large de Hampton Roads, dans le sud-est de la Virginie. Parmi l'équipage du navire se trouvaient trois marins américains qui avaient été enrôlés dans le service britannique. Deux d'entre eux - William Ware, un Autochtone, et Daniel Martin, un Noir - étaient marins à bord de l'USS Chesapeake jusqu'à ce qu'ils ne se fassent enrôler par les Britanniques 15 mois plus tôt dans le golfe de Gascogne. Le troisième, John Strachan, un Blanc du Maryland, avait été réquisitionné au large du cap Finisterre deux ans auparavant. Tous trois cherchaient depuis longtemps une occasion d'échapper à leur service forcé, une occasion qu'ils allaient trouver un soir, alors que les officiers du navire se livraient à des festivités sous le pont. Tous les bateaux avaient été hissés à bord, à l'exception de celui du capitaine, ce qui offrait une occasion parfaite. Les trois Américains sautèrent dans le bateau et se sauvèrent. Les marins britanniques tirèrent des coups de mousquet en leur direction mais ne parvinrent pas à préparer une embarcation à temps pour les poursuivre, et les Américains atteignirent le rivage sans encombre.

Le Chesapeake, dont les canons avaient été rangés, ne put tirer qu'un seul coup de riposte avant que tout ne soit terminé.

Les Américains se dirigèrent vers le port et, à la recherche d'un emploi, s'engagèrent à bord du USS Chesapeake, sur lequel Ware et Martin avaient déjà servi. Parmi l'équipage du Chesapeake se trouvait également un homme né à Londres, Jenkin Ratford, un véritable déserteur britannique. Ratford avait eu l'audace de narguer les officiers et les marins britanniques en se pavanant dans les rues de Norfolk, en Virginie, ce qui avait conduit la Royal Navy à ordonner sa capture. Alors que le Chesapeake prenait la mer, le vice-amiral britannique George Berkeley était déterminé à s'emparer des quatre déserteurs à bord; comme le Chesapeake venait d'accueillir de nombreuses autres recrues, Berkeley était convaincu qu'il y avait aussi d'autres déserteurs britanniques à bord, qui servaient sous des noms d'emprunt. À l'époque, Berkeley commandait plusieurs navires de guerre britanniques qui bloquaient deux navires français dans la baie de Chesapeake. Choisissant de rester en arrière avec le reste de sa flotte pour maintenir le blocus, Berkeley envoya son navire amiral - le HMS Leopard, un navire de quatrième rang - à la poursuite du Chesapeake.

Le 22 juin 1807, le Leopard rattrapa le Chesapeake au large des côtes de Norfolk. Le capitaine britannique, Salusbury Pryce Humphreys, héla le navire américain et envoya son lieutenant avec un mandat de perquisition. L'officier de marine américain, le commodore James Barron, était déterminé à protéger les hommes sous son commandement et feignit l'ignorance, affirmant au lieutenant qu'il n'y avait pas de déserteur à bord. Après quelques minutes de discussion, le lieutenant britannique retourna sur le Léopard. Le capitaine Humphreys réitéra alors ses demandes par le biais d'une trompette, sommant une nouvelle fois Barron de lui livrer les quatre déserteurs. Barron refusa à nouveau, ce qui incita le Leopard à tirer un coup de semonce sur la proue du Chesapeake. Mais les Américains choisirent de ne pas répondre.

Supprimer la pub
Publicité

Commodore James Barron
Commodore James Barron
John B. Neagle (Public Domain)

Le Léopard déchaîna alors ses canons bâbord, envoyant 21 boulets sur le flanc tribord du Chesepeake, d'autres boulets abattant son grand mât et trouant ses voiles. Le Chesapeake, dont les canons avaient été rangés, ne put tirer qu'un seul coup de riposte avant que tout ne soit terminé. Après un bombardement de dix minutes, le Chesapeake baissa pavillon; trois marins américains avaient été tués et 18, dont Barron, avaient été blessés. Humphreys refusa de reconnaître la reddition et envoya des hommes à bord pour rassembler l'équipage et rechercher les déserteurs. Il s'avéra qu'une grande partie de l'équipage du Cheseapeake était composée de sujets britanniques, mais Humphreys ne prit que Ratford et les trois hommes qui avaient déserté du HMS Melampus. Puis, laissant le Chesapeake se consumer au large de la Virginie, le Léopard poursuivit sa route jusqu'à Halifax pour faire passer les quatre déserteurs en cour martiale. Jenkin Ratford fut pendu le 31 août 1807, tandis que les trois autres furent condamnés à 500 coups de fouet chacun, mais ces peines furent finalement commuées.

Réponse américaine: La loi sur l'embargo

L'affaire du Chesapeake alla au-delà de l'indignation habituelle causée par les saisies britanniques et les réquisitions; à présent, un navire de guerre de la Royal Navy était allé jusqu'à tirer sur un navire américain et, ce faisant, avait tuéet et blessé des marins américains. Il s'agissait d'un affront flagrant à la souveraineté et à l'honneur américains. Rapidement, les Américains, toutes tendances politiques confondues, s'unirent pour réclamer la guerre, le président Jefferson résumant leur sentiment: "Ce pays n'a jamais été dans un tel état d'excitation depuis la bataille de Lexington" (cité dans Wood, 647). Jefferson interdit immédiatement à tous les navires britanniques d'entrer dans les ports américains, à moins qu'ils ne soient là à des fins diplomatiques ou qu'ils soient en difficulté. Il déclara tous les navires britanniques "ennemis" et commença à élaborer des plans de guerre en privé, discutant avec ses amiraux du renforcement des défenses portuaires et donnant l'ordre aux gouverneurs des États de préparer 100 000 miliciens en vue d'une éventuelle invasion du Canada.

Officers of the USS Chesapeake Surrender to Officers of the HMS Leopard
Les officiers de l'USS Chesapeake se rendent aux officiers du HMS Leopard
Daniel B. Shepp (Public Domain)

Le gouvernement britannique, se rendant compte du guêpier dans lequel il s'était fourré, fut le premier à faire marche arrière. Il présenta ses excuses pour l'incident et rappela Berkeley et Humphreys de leur service dans les eaux américaines. En outre, la Grande-Bretagne proposa de payer les réparations de l'USS Chesapeake et de restituer les trois marins capturés - Ratford ayant déjà été pendu - en signe de bonne volonté. Jefferson, qui espérait lui aussi éviter une guerre, estima néanmoins que les excuses n'allaient pas assez loin. Il ne serait pas apaisé tant que la Grande-Bretagne ne promettrait pas de cesser de réquisitionner les marins des navires américains. Lorsqu'il devint évident qu'aucune concession de ce type n'était envisageable, Jefferson annonça une nouvelle politique le 18 décembre 1807, qui prévoyait un embargo commercial général à l'encontre de toutes les nations étrangères. Le Congrès accepta cette proposition et adopta la loi sur l'embargo de 1807.

Supprimer la pub
Publicité

L'Embargo Act se voulait une démonstration de force sans prendre la décision radicale de déclarer la guerre. Cependant, elle se retourna contre elle, car ses effets négatifs sur l'économie américaine l'emportèrent sur la pression économique qu'elle aurait pu exercer sur la Grande-Bretagne ou la France. Les marchands britanniques s'adaptèrent, se tournant vers les marchés sud-américains pour les marchandises dont ils avaient besoin, tandis que pour Napoléon, la loi sur l'embargo était conforme à son système continental auquel il avait voulu que les Américains adhèrent en premier lieu. Dans le même temps, l'embargo porta préjudice à des régions comme la Nouvelle-Angleterre qui dépendaient du commerce, tandis que le long de la frontière entre New York et le Canada, le commerce illicite se poursuivit en dépit du décret. L'échec de la loi sur l'embargo ne tarda pas à se faire sentir et elle fut finalement abrogée le jour de l'investiture présidentielle de James Madison, le 4 mars 1809.

Conclusion

Bien qu'elle n'ait pas directement provoqué la guerre, l'affaire du Chesapeake marqua un net recul des relations entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Avec le refus de la Grande-Bretagne de cesser de réquisitionner les marins américains et l'incapacité des États-Unis à affirmer leur puissance avec l'Embargo Act, ce n'était qu'une question de temps avant que les deux nations ne s'affrontent lors de la guerre de 1812.

Supprimer la pub
Publicité

Questions & Réponses

Qu'est-ce que l'affaire du Chesapeake?

L'affaire Chesapeake fut un incident qui se déroula le 22 juin 1807, lorsqu'un navire de guerre britannique, le HMS Leopard, tira sur un navire américain, le USS Chesapeake, et l'aborda alors qu'il était à la recherche de déserteurs de la Royal Navy. Ce fut l'un des événements qui conduisirent à la guerre de 1812.

Comment les États-Unis ont-ils réagi à l'affaire du Chesapeake?

Les États-Unis ont réagi en mettant en œuvre l'Embargo Act de 1807, par laquelle ils fermèrent leurs ports aux nations étrangères. Conçu comme une démonstration de force, l'Embargo Act eut un impact négatif sur l'économie américaine et fut abrogé en mars 1809.

Pourquoi le HMS Leopard a-t-il attaqué l'USS Chesapeake?

Le HMS Leopard a attaqué l'USS Chesapeake parce que le commodore américain refusait de livrer quatre déserteurs de la Royal Navy qui servaient à bord du Chesapeake.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Harrison W. Mark
Harrison Mark est diplômé de SUNY Oswego où il a étudié l'histoire et les sciences politiques.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, H. W. (2024, novembre 19). Affaire du Chesapeake [Chesapeake-Leopard Affair]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23733/affaire-du-chesapeake/

Style Chicago

Mark, Harrison W.. "Affaire du Chesapeake." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 19, 2024. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23733/affaire-du-chesapeake/.

Style MLA

Mark, Harrison W.. "Affaire du Chesapeake." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 19 nov. 2024. Web. 21 déc. 2024.

Adhésion