Reinhard Heydrich (1904-1942) était un lieutenant-général de l'organisation nazie SS, chef de la Gestapo et chef de la sécurité du Reich. Favori d'Adolf Hitler (1889-1945), Heydrich contrôlait toutes les activités policières du Troisième Reich et joua un rôle déterminant dans la persécution, la détention et l'assassinat à grande échelle des Juifs, des communistes, des rivaux politiques et d'autres personnes considérées comme des ennemis de l'État nazi.
Heydrich était le plus haut responsable nazi dans la Tchécoslovaquie occupée par l'Allemagne, où son régime brutal lui valut le surnom de "boucher de Prague". Heydrich fut assassiné par la résistance tchèque en mai 1942. S'il avait survécu, il est certain qu'il aurait été pendu au procès de Nuremberg en 1945 pour ses crimes systématiques contre l'humanité, en particulier pour son rôle direct dans l'Holocauste et l'assassinat de six millions de Juifs.
Début de carrière
Reinhard Heydrich vit le jour à Halle, en Allemagne de l'Est, le 7 mai 1904. Son père, Bruno Heydrich, était un éminent musicien, compositeur et professeur de musique de Dresde. La mère de Heydrich était Elizabeth Maria Anna Amalie Krantz, dont la propre mère était juive. Elizabeth était une actrice modeste, mais ce sont ses liens juifs qui minèrent la confiance de Heydrich tout au long de sa carrière de nazi antisémite virulent.
Heydrich rejoignit la marine allemande en 1922. Il impressionna ses supérieurs et gravit les échelons, travaillant principalement dans les domaines de la communication et du renseignement. Pendant son temps libre, il était "un escrimeur de première classe, un excellent cavalier, un pilote expérimenté et un talentueux violoniste" (Boatner, 214). En avril 1931, Heydrich fut contraint de quitter la marine à la suite d'une relation scandaleuse avec la fille d'un directeur de chantier naval. La jeune fille tomba enceinte, mais Heydrich refusa de l'épouser. Heydrich avait déjà une relation à long terme avec Lina von Osten (1911-1985), qu'il épousa à la fin de l'année 1931.
C'est également en 1931 que Heydrich adhéra au Parti national socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) ou Parti nazi. Lina était membre du parti nazi avant Heydrich et était aussi antisémite que son mari. Heydrich rejoignit également le groupe paramilitaire nazi des SS (Schutzstaffel), où il bénéficia d'une série de promotions rapides. En juillet 1934, il atteignit le grade d'Obergruppenführer (lieutenant-général). Heydrich convenait parfaitement aux nazis:
L'image même de la beauté aryenne blonde... Sa beauté aux yeux bleus, ses prouesses athlétiques, son air arrogant et son talent musical cachaient une personnalité névrosée, profondément divisée, incertaine et perfide.
(Cher 416)
Selon Albert Speer (1905-1981), ministre nazi de l'armement, Heydrich était "toujours bien habillé et bien élevé... capable de prendre des décisions inattendues à tout moment, et une fois qu'il y était parvenu, il les mettait en œuvre avec une rare obstination" (Speer, 503-4).
Heydrich, qui avait acquis de l'expérience dans le département du renseignement militaire lorsqu'il était dans la marine, reçut l'ordre de créer une branche équivalente au sein de la SS. Le SD ou Sicherheitsdienst fut fondé en 1934. Étoile montante du nazisme, Heydrich fut nommé la même année chef de la Gestapo prussienne, la police secrète nazie. La carrière d'Heydrich progressa grâce à son "sens de l'organisation, son génie de l'intrigue et sa soif de pouvoir" (Boatner, 215). Heydrich prouva sa valeur en contribuant à l'organisation de la Nuit des longs couteaux en juin 1934, lorsque le groupe paramilitaire nazi Sturmabteilung (SA) fut, sur ordre d'Hitler car il devenait trop puissant, impitoyablement purgé et que ses principaux commandants furent exécutés.
En 1936, Heydrich prit la tête d'une nouvelle organisation nazie au sein du ministère de l'Intérieur, la police de sécurité, connue sous le nom de Sipo ou Sicherheitspolizei. Cela signifiait que Heydrich contrôlait à la fois la Gestapo et la police criminelle ou Kriminalpolizei (alias Kripo) et faisait de lui l'adjoint du redouté chef SS Heinrich Himmler (1900-1945). L'historien H. Thomas décrit Heydrich comme le "second assidûment brutal mais servile de Himmler" (40). L'équipe Himmler-Heydrich fonctionnait bien ensemble, mais Heydrich méprisait Himmler en privé, disant un jour à sa femme qu'il l'imaginait "en slip et alors tout allait bien" (Cimino, 54).
Heydrich utilisa ses pouvoirs de manière impitoyable pour emprisonner, torturer et exécuter toute personne qu'il considérait une menace pour l'État ou pour sa propre position au sein du parti nazi. Heydrich ne s'embarrassait pas de conventions telles que la collecte préalable de preuves contre l'accusé, mais préférait les mesures préventives, c'est-à-dire l'arrestation de personnes susceptibles de devenir des ennemis de l'État avant qu'elles ne puissent faire le moindre mal. Il poursuivit sans relâche toute personne considérée comme un ennemi de l'Allemagne nazie, comme les juifs, les communistes, les francs-maçons, les homosexuels, les criminels d'habitude et les membres de l'Église. Heydrich conservait des milliers de dossiers et de fiches sur les suspects, tous soigneusement codés par couleur pour indiquer de quelle infraction particulière au nazisme ils étaient coupables. La responsabilité du pogrom de la Nuit de Cristal contre les Juifs allemands (vaguement définis par les lois de Nuremberg de 1935) de novembre 1938 est parfois imputée à Heydrich, mais celui-ci avait depuis longtemps insisté auprès d'Hitler pour que la persécution des Juifs soit plus systématique et plus légale que de simples nuits de terreur.
Lorsque Hitler chercha un prétexte pour attaquer la Pologne, c'est Heydrich qui organisa une mission sous fausse bannière à la station de radio de Gleiwitz. Lors de cette mission, des SS déguisés laissèrent des corps mitraillés pour faire croire que des Polonais avaient attaqué la station allemande. Hitler donna alors le feu vert à l'invasion de la Pologne en 1939. En septembre 1939, Heydrich fut dûment récompensé par sa nomination à la tête du Bureau principal de la sécurité du Reich ou RSHA (Reichssicherheitshauptamt), une nouvelle organisation qui signifiait qu'Heydrich contrôlait désormais la Gestapo, la Sipo, la Kripo et le SD. Le RSHA avait trois rôles principaux: le maintien de l'ordre et la répression des ennemis du nazisme, la collecte de renseignements et l'élimination des personnes identifiées par les nazis comme étant inférieures sur le plan racial. Le RSHA n'était limité par aucune restriction légale dans l'exercice de ces fonctions. L'objectif ultime de Heydrich était de mettre en place ce qu'il décrivait comme "une surveillance policière totale et permanente de tout le monde" (Stone, 164).
La solution finale
Heydrich fut l'un des principaux promoteurs de la Solution finale. En tant que chef du RSHA, il organisa, avec son principal lieutenant Adolf Eichmann (1906-1962), la déportation des Juifs vers l'est du Troisième Reich. L'émigration forcée était la première "solution" au "problème juif" d'Hitler. La seconde "solution" consista à enfermer ceux qui restaient en créant des ghettos dans les villes. Heydrich eut l'idée de faire porter aux Juifs, qu'il qualifiait de "sous-hommes" (Friedländer, 313), une étoile jaune de David pour faciliter leur identification et les humilier. Au milieu de l'année 1941, la "solution finale" fut décidée: exécuter les Juifs en masse. Heydrich communiqua ce changement de politique à son personnel de police lors de la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, qui se tint à l'extérieur de Berlin. Heydrich se vanta qu'il veillerait à l'élimination de 11 millions de Juifs. À cette fin, il ordonna la transformation des camps de concentration en camps de la mort, Auschwitz devenant le plus célèbre d'entre eux. Ce plan diabolique fut nommée Opération Reinhard.
Les Juifs et les autres "ennemis" pâtirent également lorsque l'armée allemande occupa de nouveaux territoires, en particulier sur le front de l'Est. Dans ce cas, l'armée régulière était suivie par des groupes SS de forces de sécurité mobiles, les Einsatzgruppen. Ces "groupes de déploiement", contrôlés en dernier ressort par Heydrich et tenus hautement secrets, assassinaient et déportaient tous ceux qu'ils jugeaient utiles, y compris les femmes et les enfants. Très souvent, des villages entiers étaient rassemblés et exécutés, mais les cibles particulières étaient les Juifs, les fonctionnaires locaux, les partisans, les prisonniers de guerre, les Roms et les personnes souffrant de handicap mental. En général, les victimes étaient forcées de creuser leur propre tombe avant d'être fusillées ou gazées dans des camions. Une fois les nouveaux territoires entièrement occupés, les nazis appliquèrent les mêmes "solutions" aux personnes qu'ils qualifiaient d'indésirables, comme ils l'avaient fait en Allemagne et en Autriche.
Assassinat: Opération Anthropoïde
En mars 1939, Hitler occupa la Tchécoslovaquie. Alors que la région slovaque s'était détachée et que la Hongrie avait revendiqué des parties de l'ancienne Tchécoslovaquie au sud, les nazis traitèrent ce qui restait comme une zone administrative au sein du Troisième Reich. Cette région fut appelée Protectorat de Bohême et de Moravie. Heydrich fut nommé Reichsprotektor adjoint de Bohême et de Moravie, un titre qui, comme souvent dans les plans pervers des nazis, camouflait le fait qu'Heydrich était tout sauf un protecteur du peuple tchèque. Le premier acte du Reichsprotektor fut de mauvais augure: il fit flotter le drapeau SS sur la tourelle du château de Prague. Heydrich promit de "germaniser cette vermine tchèque" (Boatner, 215). Heydrich voulait rendre plus efficace l'industrie lourde tchèque, vitale pour l'effort de guerre allemand, et mit en place des politiques impitoyables telles que le retrait des cartes de rationnement alimentaire aux travailleurs qui n'étaient pas à la hauteur.
Heydrich, dans ses tentatives d'étouffer le mouvement de résistance clandestin, ordonna des milliers d'arrestations d'hommes et de femmes tchèques, dont beaucoup furent ensuite exécutés en public. La brutalité du régime de Heydrich était telle qu'il fut surnommé la "Bête blonde", le "Pendu du Reich" et le "Boucher de Prague". Les services de renseignements tchèques et les services de renseignements militaires britanniques informèrent le gouvernement britannique de ces événements et, pour la seule fois au cours de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), l'assassinat d'un haut responsable du régime nazi fut ordonné. Les Tchèques donnèrent leur accord final, car Heydrich était si brutal par rapport à ses prédécesseurs que même si des représailles étaient exercées, son élimination permettrait probablement de sauver plus de vies innocentes à long terme.
Deux membres de la Résistance tchèque furent tout d'abord formés en Grande-Bretagne. Dans le cadre d'une opération au nom de code Anthropoïde, Jan Kubiš et Jozef Gabčík furent ensuite parachutés en Bohême le 29 décembre 1941. Les deux agents commencèrent à étudier les mouvements de Heydrich afin de déterminer le meilleur moment et le meilleur endroit pour attenter à sa vie. La tâche fut d'autant plus facile que Heydrich suivait bêtement exactement les mêmes routines, comme l'utilisation du même itinéraire pour se rendre de son quartier général au Château de Prague à sa villa de Panenské Břežany, à 10 km au nord de la capitale. Frapper Heyrich à bord de sa Mercedes fut immédiatement considéré comme le meilleur moyen de tuer le nazi, d'autant plus qu'il n'avait généralement pas d'escorte et qu'il était toujours assis bien en évidence sur le siège avant. L'endroit de l'attaque fut choisi: un virage serré dans la banlieue où le conducteur serait obligé de ralentir.
Kubiš, Gabčík et leurs complices se rassemblèrent dans la zone cible choisie le 27 mai 1942, et lorsque la voiture de Heydrich ralentit, Gabčík sortit sur la route. À une distance presque à bout portant, Gabčík pointa sa mitrailleuse Sten sur le chef nazi, mais l'arme s'enraya. Les Allemands qui se trouvaient dans la voiture tirèrent sur leur assaillant avec leurs pistolets, atteignant Gabčík à deux reprises dans les jambes. Kubiš s'interposa alors et lança une grenade sur la voiture. La grenade toucha la porte arrière et explosa, faisant un trou dans la voiture. Heydrich sortit de la voiture en titubant et s'écroula sur la route. Gabčík, Kubiš et le reste de l'équipe s'échappèrent de la scène. Heydrich fut emmené dans un hôpital voisin et soigné pour une blessure profonde au côté, mais sa vie n'était pas considérée comme en danger. Cependant, les matières étrangères qui avaient pénétré dans la blessure de Heydrich, telles que des parties de la carrosserie et du revêtement de la voiture, provoquèrent un empoisonnement du sang quelques jours plus tard. Heydrich mourut le 4 juin. Il reçut des funérailles nationales à Berlin, en présence de Hitler qui déposa une couronne sur le cercueil de Heydrich.
Représailles
Heydrich fut remplacé au poste de Reichsprotektor par Karl Hermann Frank (1898-1946), qui offrit une énorme récompense en espèces pour toute information concernant les assassins. Il lança également un avertissement inquiétant: toute personne surprise en train d'aider les agents tchèques serait fusillée, ainsi que tous les membres de sa famille. Les sept agents directement impliqués dans le complot furent trahis par le traître Karel Čurda, mais ils se battirent jusqu'à la mort lorsque les nazis prirent d'assaut l'église dans laquelle ils se cachaient, l'église Saint-Cyrille et Saint-Méthode de Prague. Quatre ecclésiastiques furent alors exécutés pour avoir aidé les agents, ainsi que plus de 250 autres Tchèques soupçonnés d'avoir contribué à l'opération.
Les représailles nazies pour cet assassinat furent extrêmement brutales, mais pas aussi horribles qu'Hitler l'avait d'abord envisagé, à savoir l'exécution immédiate de 10 000 Tchèques. Frank le lui avait déconseillé, non pas pour des raisons humanitaires, mais parce que cela aurait donné l'impression que les nazis n'avaient aucun contrôle sur leur protectorat. Le 9 juin, Frank choisit comme première cible le village de Lidice, près de Prague, principalement parce qu'il était considéré comme un foyer de résistants. Lors du massacre de Lidice, 199 hommes et garçons furent fusillés, 11 femmes furent emprisonnées, 198 femmes furent déportées au camp de concentration de Ravensbrück, au nord de Berlin, et 98 enfants furent emmenés en Allemagne pour y être adoptés, bien que 81 d'entre eux aient été par la suite exécutés pour des raisons raciales. Le village à proprement parler fut entièrement rasé et les ruines furent détruites à la dynamite; toute cette opération fut filmée. D'autres villages, notamment Ležáky et Bernartice, subirent le même traitement. Après la guerre et la chute du Troisième Reich, le nom de Lidice fut adopté par de nombreuses villes à travers le monde en souvenir de la perversion du régime nazi, un règne de terreur que Heydrich avait contribué à infliger aux peuples d'Europe.