Drôle de Guerre

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 03 janvier 2025
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Anderson Shelter, London (by Imperial War Museums, CC BY-NC-SA)
Abris Anderson, Londres
Imperial War Museums (CC BY-NC-SA)

La Drôle de guerre était la période qui s'étendit du début de la Seconde Guerre mondiale (1939-45), après que la Grande-Bretagne et la France eurent déclaré la guerre à l'Allemagne le 3 septembre, jusqu'au début d'une action militaire significative à l'Ouest au printemps 1940. Alors que la Pologne subissait de plein fouet l'agression allemande, les civils d'Europe occidentale attendaient anxieusement leur tour.

Hitler envahit la Pologne

Adolf Hitler (1889-1945), le chef de l'Allemagne nazie, poursuivit une politique étrangère agressive tout au long des années 1930 en brisant les restrictions imposées par le traité de Versailles, qui avait officiellement conclu la Première Guerre mondiale (1914-18), en formant l'Anschluss, ou union, avec l'Autriche et en occupant les Sudètes tchèques en 1938. Des puissances comme la Grande-Bretagne et la France, craignant les coûts terribles d'une nouvelle guerre mondiale, avaient opté pour une politique d'apaisement à l'égard d'Hitler, mais elles finirent par prendre position après l'occupation de la Tchécoslovaquie par Hitler en mars 1939, lorsque le dirigeant nazi menaça la Pologne. La Grande-Bretagne et la France ayant promis de protéger la Pologne en cas d'attaque, l'invasion de la Pologne en 1939 conduisit les deux pays à déclarer la guerre à Hitler s'il ne se retirait pas. Cette déclaration fut faite le 3 septembre, mais Hitler n'y donna pas réponse et poursuivit son plan d'invasion, se partageant des territoires de la Pologne avec l'URSS, comme cela avait été convenu dans le pacte nazi-soviétique le mois précédent.

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En réalité, compte tenu des distances géographiques, la Grande-Bretagne et la France ne pouvaient pas faire grand-chose pour aider le gouvernement polonais en termes d'aide militaire - l'une des principales raisons pour lesquelles Hitler pensait que son invasion ne mènerait pas à la Seconde Guerre mondiale. Pendant ce temps, les États-Unis poursuivaient une politique isolationniste et l'Italie, pour l'instant, restait neutre. Si la France avait mobilisé son armée et avait attaqué l'Allemagne par l'ouest, Hitler se serait peut-être retiré, mais les généraux français avaient déjà misé sur la défense plutôt que sur l'offensive. La Grande-Bretagne ne fit rien de concret non plus, comme le fit si bien remarquer le député Robert Boothby (1900-1986): "Nous étions entrés en guerre pour défendre la Pologne, nous avions donné une garantie unilatérale à la Pologne et, en fin de compte, nous n'avons rien fait du tout pour aider la Pologne" (Holmes, 74).

L'expression phoney war fut inventée par un journal américain.

Alors que les Polonais subissaient de plein fouet les tactiques de guerre éclair à grande vitesse de l'Allemagne, ce n'est qu'au printemps 1940 que les populations d'Europe occidentale furent directement impliquées dans la guerre. Cette période initiale d'action non militaire à l'Ouest, où tout le monde s'attendait à ce que les bombes, les tirs d'artillerie et les chars d'assaut arrivent à tout moment, a été appelée la "drôle de guerre". Le terme anglais Phoney War (litt. guerre bidon) fut inventé par un journal américain. Une partie de la presse britannique qualifia cette période de "Bore War" (guerre rasoir), tandis que le Premier ministre Neville Chamberlain (1869-1940) l'appela "Twilight War" (guerre crépusculaire). En Allemagne, il s'agissait de la Sitzkrieg (guerre assise).

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Europe on the Eve of WWII, 1939
L'Europe à la veille de la Seconde Guerre mondiale, 1939
Simeon Netchev (CC BY-NC-ND)

France

Le gouvernement français profita de la Drôle de guerre pour accroître le réarmement:

Au cours des six premiers mois de 1940, les usines anglo-françaises ont produit 1 412 chars d'assaut, contre 558 pour les Allemands. Le chaos qu'était la production aéronautique française fut amélioré et porta la production aéronautique anglo-française à 6 794 avions, soit le double de celle de l'Allemagne (Deighton, 171-2).

Sur le terrain, l'armée française n'entreprit que des actions militaires timides contre l'Allemagne, bien que l'artillerie française ait été en mesure de tirer facilement sur l'Allemagne sans quitter la ligne de défense Maginot. La ligne Maginot, nommée d'après le ministre français de la guerre André Maginot, était une ligne massive de défenses statiques composée de bunkers, de fortifications, de canons lourds et de tunnels souterrains, qui, espérait-on, protégerait la frontière de la France avec l'Allemagne. Une reconnaissance autour de Sarrebruck fut tout ce que l'armée française put faire en matière d'engagement militaire significatif contre l'ennemi. Après avoir rejeté des projets aussi fous que la lutte contre l'Allemagne dans des régions lointaines comme les champs pétrolifères du Caucase, le haut commandement français se contenta de s'abriter derrière ce qu'il considérait comme les inexpugnables défenses Maginot, qui étaient désormais tenues par une formidable force de 400 000 soldats bien entraînés. Or, les généraux allemands contournèrent la ligne Maginot en attaquant par les Ardennes et Sedan, à la frontière belge, un terrain jugé totalement inadapté aux chars d'assaut. Le pari de la France sur sa ligne de défense s'avéra avoir été une folie.

La Grande-Bretagne

La British Expeditionary Force (BEF), composée de quelque 150 000 hommes et de 12 escadrons de la Royal Air Force (RAF), était présente en Europe continentale pendant la drôle de guerre, mais se contentait d'effectuer des patrouilles autour de la frontière belge. Au printemps 1940, la BEF fut portée à environ 400 000 hommes, mais il s'agissait encore essentiellement d'infanterie, et l'armée ne disposait donc pas de chars pourtant indispensables pour faire face à la force hautement mécanisée de l'ennemi. Comme pour l'armée française, la Grande-Bretagne équipa le BEF comme une force défensive et non offensive. Le gouvernement britannique espérait essentiellement que le BEF maintiendrait le statu quo pendant que l'armée française et sa ligne Maginot laisseraient le temps au réarmement de se poursuivre à un rythme soutenu. Il espérait également qu'un blocus naval de l'Allemagne réduirait tellement ses ressources qu'Hitler retarderait, voire abandonnerait, tout tentative d'attaque à l'Ouest. Là encore, ces espoirs seraient bientôt anéantis.

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British Expeditionary Force, France
Corps expéditionnaire britannique, France
E.A. Taylor - Imperial War Museums (CC BY-NC-SA)

Le gouvernement britannique, surtout lorsqu'il était encore dirigé par Neville Chamberlain (premier ministre de mai 1937 à mai 1940), était particulièrement préoccupé par les attaques aériennes. Si la RAF pouvait frapper l'Allemagne, le gouvernement n'était que trop conscient qu'il y aurait ensuite des représailles, peut-être sur des villes britanniques, et pas seulement sur des cibles militaires. Il subsistait également des scrupules quant à ce qui constituait des cibles légitimes; dans un rapport officiel, l'usine de munitions allemande d'Essen était considérée hors cadre parce qu'il s'agissait d'une "propriété privée". Il y eut un bombardement sur des navires de guerre à Wilhelmshaven, car cette attaque n'était pas considérée comme aussi incorrecte que de frapper des cibles sur terre. Ces petites attentions seraient balayées lorsque le conflit commencerait pour de bon, mais pendant la Drôle de Guerre, il y avait encore beaucoup d'espoir naïf que tout serait réglé par la diplomatie, et avant que des affrontements ne soient nécessaires. Winston Churchill (1874-1965), alors premier lord de l'Amirauté, était l'un des partisans d'une conduite plus agressive de la guerre. Churchill préconisait le largage de mines dans le Rhin, mais le gouvernement français y opposa son veto.

Hitler semblait tout aussi prudent lorsqu'il s'agissait de déclencher une guerre aérienne contre la Grande-Bretagne.

Au moins, la production d'armements s'accéléra, comme nous l'avons vu plus haut, et les défenses aériennes britanniques ainsi que le réseau de stations radar, connu sous le nom de "système Dowding", furent grandement améliorés. Fortement tributaire des volontaires, le Service des gardes aériens avait recruté 750 000 gardes aériens en septembre 1939. En prévision des bombardements, le service des pompiers britanniques fut élargi pour compter 75 000 membres, dont 85 % d'auxiliaires. De même, le Women's Voluntary Service for Civil Defence comptait 300 000 volontaires en 1939.

Hitler semblait tout aussi prudent lorsqu'il s'agissait de se lancer dans une guerre aérienne contre la Grande-Bretagne. La Luftwaffe (l'armée de l'air allemande) reçut le feu vert pour bombarder la cible la plus éloignée qu'elle puisse trouver, les îles Shetland, qui furent touchées le 13 novembre 1939. Hitler savait pertinemment que ses forces armées étaient encore loin de celles de la Grande-Bretagne et de la France, de sorte que tout retard dans l'engagement contre ces pays était bienvenu et lui permettait de se concentrer sur la Pologne. Pour ces raisons, les premières victimes militaires britanniques en France ne tombèrent qu'en décembre 1939.

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Retracting Gun Turret, Maginot Line
Tourelle rétractable, ligne Maginot
Association des Amis de la Ligne Maginot (CC BY-SA)

C'est en mer que la Grande-Bretagne mena le combat contre l'Allemagne. L'une des premières attaques contre les navires britanniques eut lieu au large des Hébrides écossaises, contre le paquebot Athenia. Le navire de 13 500 tonnes fut touché le 3 septembre par une torpille tirée par un sous-marin U-boat. 128 personnes trouvèrent la mort dans cet incident. La Royal Navy perdit ensuite le cuirassé HMS Royal Oak en octobre, toujours à cause d'un sous-marin. La vengeance fut acquise lors de la bataille du Rio de la Plata, en Amérique du Sud, en décembre, où le capitaine allemand du cuirassé de poche Admiral Graf Spee fut amené, par la ruse, à saborder son propre navire.

Le point de vue des civils

Les civils britanniques étaient sans doute soulagés de ne pas être affectés par les combats qui se déroulaient ailleurs, mais ils devaient faire face à de nombreux désagréments. Le gouvernement britannique insistait pour que les lumières soient éteintes la nuit - le black-out - afin d'éviter d'offrir des cibles faciles aux avions ennemis. L'absence d'éclairage public et l'obligation pour les véhicules de n'utiliser que des lumières tamisées provoquèrent des milliers d'accidents, souvent mortels, pendant le black-out. Les lieux de divertissement tels que les théâtres, les cinémas et les music-halls furent temporairement fermés et, lorsqu'ils rouvrirent, les capacités d'accueil furent réduites par mesure de précaution contre l'impact direct d'une bombe. Les mêmes restrictions furent appliquées aux stades. Les hôpitaux furent vidés de tous les patients, à l'exception des plus indispensables, pour faire place à un potentiel raz-de-marée de victimes de guerre. Des abris anti-aériens furent construits un peu partout, la plupart d'entre eux mal construits. Les enfants (âgés de 5 à 14 ans, l'âge de fin de scolarité à l'époque) furent séparés de leurs parents, le gouvernement encourageant un système d'évacuation vers des zones rurales plus sûres. L'évacuation des enfants en Grande-Bretagne en temps de guerre divisa les familles et provoqua souvent des traumatismes, mais le programme, malgré un bref revirement lorsque la drôle de guerre commença à s'éterniser et que les parents devinrent sceptiques quant à sa nécessité, finit par concerner 6 millions de femmes et d'enfants.

Le gouvernement craignant la menace qui pesait sur la marine marchande et les voies d'approvisionnement vitales de la nation, la Drôle de guerre fut marquée par le rationnement. Le rationnement en Grande-Bretagne en temps de guerre impliquait des restrictions sur la quantité de denrées alimentaires non essentielles, de carburant et de vêtements que les gens pouvaient acheter. De nombreuses autres règles devaient être respectées, car "plus de lois d'urgence furent adoptées au cours des deux premières semaines de la guerre qu'au cours de la première année de la Première Guerre mondiale" (Dear, 691). Les fenêtres furent recouvertes de ruban adhésif pour éviter que les éclats de verre des bombes ne volent partout, et les panneaux de signalisation furent enlevés pour ne pas aider les parachutistes ennemis. La population fut encouragée à porter des masques à gaz en permanence, à cultiver ses propres légumes et à apprendre à reconnaître les silhouettes des avions ennemis afin de pouvoir les signaler avec précision aux autorités. Les ministères commencèrent à publier des affiches de propagande diabolisant l'ennemi et mettant en garde les civils contre les propos inconsidérés et le gaspillage de ressources vitales.

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Policeman Helping Child Evacuees
Un policier vient en aide aux enfants évacués
Imperial War Musuems (CC BY-NC-SA)

Alors que la Drôle de Guerre s'éternisait et qu'aucune bombe ne tombait, les gens commencèrent à considérer les restrictions comme une source d'irritation totalement inutile. Les bombardements ne tarderaient pas à arriver. La première victime civile britannique fut tuée lors d'un raid de bombardement sur Scapa Flow, la base navale des Orcades, le 16 mars 1940. Le Blitz dévastateur de Londres, avec ses raids presque nocturnes, commença en septembre 1940 et dura jusqu'en mai 1941.

La guerre à l'Ouest commence

La Seconde Guerre mondiale commença en Europe occidentale au printemps 1940. Après une période de mauvais temps, qui retarda davantage encore les plans d'Hitler, l'armée allemande occupa le Danemark et attaqua la Norvège le 9 avril. Les Pays-Bas, la Belgique et la France furent ensuite confrontés à la tactique allemande de la guerre éclair, dans laquelle les chars, l'artillerie, l'infanterie et l'aviation étaient utilisés conjointement et rapidement pour submerger l'ennemi. L'effondrement des défenses françaises fut si rapide que la BEF fut contrainte de battre en retraite vers la Grande-Bretagne lors de l'évacuation de Dunkerque (du 10 juillet au 31 octobre 1940). Paris fut occupé le 14 juin. Le gouvernement français se rendit le 22 juin. La chute de la France se produisit en quelques semaines. Les Britanniques craignaient désormais une invasion imminente de le part de l'Allemagne, un événement qui ne se produirait jamais, grâce au succès de la RAF dans la bataille d'Angleterre. Pour beaucoup, la Seconde Guerre mondiale avait mis beaucoup de temps à démarrer, mais il y aurait encore six années d'épreuves avant que les Alliés ne remportent finalement le conflit en 1945.

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Questions & Réponses

Que fit la Grande-Bretagne pendant la Drôle de guerre?

Pendant la Drôle de guerre, la Grande-Bretagne imposa un blocus à l'Allemagne, continua à réarmer et prépara les civils à un état de guerre par des mesures telles que le black-out, le rationnement et l'évacuation des enfants des villes.

Quel nom les Anglais et les Allemands ont-ils donné à la "drôle de guerre"?

En Allemagne, la drôle de guerre s'appelait Sitzkrieg ("guerre assise"), tandis qu'en Angleterre, elle s'appelait la "Phoney War" (guerre bidon).

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2025, janvier 03). Drôle de Guerre [Phoney War]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23861/drole-de-guerre/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Drôle de Guerre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 03, 2025. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23861/drole-de-guerre/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Drôle de Guerre." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 03 janv. 2025. Web. 20 janv. 2025.

Adhésion