Britomartis

Définition

Nathalie Choubineh
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 14 janvier 2025
Disponible dans ces autres langues: anglais, persan, espagnol
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Artemis/Diktynna (by Carole Raddato, CC BY-SA)
Artémis/Dictynna
Carole Raddato (CC BY-SA)

Britomartis, également connue sous le nom de Dictynna, était la déesse crétoise de la chasse et des filets de pêche dans la mythologie grecque. Bien que qualifiée de nymphe et vénérée localement, elle avait au moins deux sanctuaires importants et actifs, l'un en Crète et l'autre à Égine, où les fidèles apportaient des offrandes. Ils la considéraient comme une jeune fille disparue, immortalisée et déifiée par Artémis.

Selon son mythe le plus populaire, Britomartis, qui signifie "douce jeune fille", était une chasseresse exceptionnelle et une compagne aimée d'Artémis. En tant que telle, elle avait fait le vœu de rester vierge. Néanmoins, le roi Minos la désirait et la poursuivit sans relâche pendant neuf mois. Il finit par la surprendre au sommet d'un pic et tenta de s'emparer d'elle, mais Britomartis sauta de la falaise dans la mer pour s'enfuir. Elle fut récupérée par des filets de pêcheurs (diktuon) et amenée sur l'île d'Égine. Là, Artémis la transforma en déesse des filets, Dictynna, pour qu'elle préside son propre culte.

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Malgré ses origines crétoises évidentes, Britomartis/Dictynna était probablement une déesse mineure qui fut réintroduite dans le panthéon de l'âge du bronze de l'île par les auteurs grecs classiques. Au fil du temps, Dictynna fut associée aux généalogies divines et fut même incluse parmi les enfants de Léto par Zeus, Apollon et Artémis. Son culte resta populaire pendant les périodes hellénistique et impériale romaine, comme en témoignent les vestiges archéologiques de ses sanctuaires et les pièces de monnaie à son effigie.

Dans la religion minoenne

Constamment honorée et louée par les auteurs grecs à partir du 5e siècle avant notre ère, Britomartis/Dictynna était explicitement liée à Artémis.

Le système crétois de croyances et de pratiques sacrées était marqué par des processions impressionnantes, des sacrifices et des offrandes généreuses, des symboles mystérieux tels que la double hache (labrys) et des activités rituelles telles que le saut de taureau. On y trouvait également des images peintes et sculptées de personnages féminins communément interprétés comme des déesses ou des prêtresses, le plus souvent les bras levés. Certaines de ces déesses/prêtresses tiennent des serpents, ce qui conduisit Sir Arthur Evans (1851-1941), personnage clé dans la découverte de la civilisation minoenne, à suggérer qu'elles pourraient représenter une "Grande Déesse Mère" et ses compagnes.

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La découverte de nombreuses inscriptions à Knossos, un site archéologique qu'il croyait être le palais du roi Minos, convainquit Evans que le déchiffrage de ces inscriptions permettrait de comprendre clairement ses découvertes matérielles et leur signification dans la religion et la culture minoennes. Il consacra sa vie à cet effort, mais il se rendit compte que les inscriptions représentaient trois écritures différentes: Les hiéroglyphes crétois, le linéaire A et le linéaire B. Alors que les deux premiers restent indéchiffrés, le linéaire B a fini par être déchiffré par Michael Ventris (1922-1956). Comme presque toutes les tablettes lues depuis lors ne contiennent que des documents administratifs et commerciaux, la compréhension de la religion minoenne est restée largement tributaire de l'établissement de parallèles entre des éléments visuels provenant de l'art, de l'archéologie et de l'architecture. En d'autres termes, nous ne disposons pas encore de preuves écrites nous permettant de savoir comment les Minoens appelaient leur(s) déesse(s).

Minoan Snake Goddess, Knossos.
Déesse aux serpents minoenne, Knossos
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Néanmoins, les spécialistes s'accordent à dire que la religion minoenne, comme de nombreux autres aspects de cette culture, aurait été adoptée ou adaptée par la suite par les Mycéniens et les Grecs. Tout comme Michael Ventris a démontré que la langue des inscriptions linéaires B est une forme précoce du grec classique, des chercheurs tels que Jennifer Larson expliquent que:

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Dès ses débuts à l'âge du bronze, la religion "grecque" était une synthèse. La forte influence des idées et de l'esthétique minoennes est clairement perceptible dans la culture matérielle de la religion mycénienne...

(138)

L'idée de la prédominance persistante de plusieurs dieux et déesses tels que Zeus, Apollon, Dionysos et Athéna, de la culture minoenne à la culture mycénienne et gréco-romaine, trouve un soutien matériel dans les noms de ces divinités sur quelques tablettes du Linéaire B. Ces tablettes furent découvertes dans le palais de Nestor, dans la ville mycénienne de Pylos, vers 1200 avant notre ère. Elles énumèrent les offrandes et les sacrifices dédiés, ou devant être dédiés, à chaque divinité. Sur l'une des tablettes, Tn 316, les divinités destinataires des vases d'or sont Zeus, Hermès, Héra et Potnia. Le nom Potnia, écrit po-ti-ni-ja en linéaire B, signifie "le dieu féminin qui a du pouvoir". Ce titre fut donné à plusieurs déesses importantes de la Crète minoenne, parfois comme épithète, par exemple Potnia Athena, parfois pour désigner l'attribut géographique ou fonctionnel de la déesse, par exemple Potnia Hippia (Maîtresse des chevaux), et parfois uniquement comme son nom ou son titre. Si nous pensons que Potnia doit être la désignation minoenne/mycénienne des figures féminines sacrées dans l'art minoen parce qu'elles sont toutes deux remarquablement fréquentes, il est probable que cette grande déesse minoenne/mycénienne ait survécu à l'effondrement de l'âge du bronze et se soit frayé un chemin dans le panthéon grec archaïque sous la forme d'une ou de plusieurs divinités féminines.

Étant donné que la déesse de l'âge du bronze était souvent associée à la guerre et à la protection, la plupart des spécialistes suggèrent qu'Athéna serait la renaissance grecque de Potnia. Néanmoins, la déesse crétoise qui fut constamment honorée et louée par les écrivains grecs à partir du 5e siècle avant notre ère était Britomartis/Dictynna. Elle était explicitement liée à Artémis et, plus tard, à sa famille divine.

Minoan Gold Signet Ring with Three Figures before a Temple
Chevalière en or minoenne avec trois figures devant un temple
Nathalie Choubineh (CC BY-NC-SA)

Dans la Grèce classique

Même si le lien entre la ou les déesses crétoises intitulées Potnia et la protectrice locale des chasseurs et des pêcheurs connue sous le nom de Britomartis/Dictynna n'est pas clair, cette divinité crétoise était certainement connue et largement vénérée aux époques classique, hellénistique et romaine. À Athènes, au Ve siècle avant notre ère, les comédies d'Aristophane font appel à elle pour ses pouvoirs sur les filets de pêche et la chasse:

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Je ne vois rien de mieux que de ronger mon filet.

Que la déesse de la chasse me pardonne !

(Guêpes, 367)

Toi, Dictynna, déesse virginale, belle Artémis, parcours, avec tes chiens, la demeure entière. Et toi, fille de Zeus, Hécate, prends deux torches dans tes mains agiles, et éclaire-moi jusque chez Glyca, afin que j'y découvre son larcin.

(Grenouilles, 1358)

Le lien entre Dictynna et Artémis revient sans cesse dans la littérature grecque ancienne, soulignant la popularité de sa légende dans la Grèce classique. Le récit le plus ancien de cette légende apparaît dans l'Hymne 5, à Artémis de Callimaque:.

La Nymphe qui te fut la plus chère, ce fut la Nymphe de Gortys, cette Nymphe redoutée des faons, Britomartis au coup d'oeil assuré. Minos, brillant pour ses charmes, la poursuivit longtemps sur les montagnes de Crète, mais elle se cachait tantôt sous des chênes touffus, tantôt au fond des marais. Neuf mois entiers il erra parmi les précipices et les monts. Enfin il était près de l'atteindre lorsqu'elle s'élança du haut d'un rocher dans les flots. Les filets d'un pêcheur la sauvèrent, et c'est de là que la Nymphe et le roc d'où elle s'était précipitée, reçurent des Cydoniens l'une le nom de Dictynne, l'autre celui de Dicté. Ils lui ont aussi dressé des autels et consacré des fêtes. Les couronnes qu'ils y portent sont de jonc ou de pin ; le myrte en est banni ; le myrte est haï de la Nymphe, parce qu'une branche de cet arbre, s'embarrassant dans sa robe, l'avait arrêtée dans sa fuite. O Diane ! à tous les noms sous lesquels tu es honorée, les Crétois ont encore ajouté celui de cette Nymphe..

(188 et suivants)

Le sanctuaire central de Dictynna en Crète, le Dictynnaion, était situé sur le mont Dicté près de Cydonia (la Canée moderne) sur la côte nord-ouest de l'île. Selon Hérodote, célèbre visiteur de l'enceinte au Ve siècle avant notre ère, le sanctuaire de Dictynna vaita été construit par les colons de Samos pendant leur courte période d'habitation vers 524-519 avant notre ère (Histoires, 3.59).

Temple of Aphaea
Temple d'Aphaïa
Jan van der Crabben (Copyright)

Diodore de Sicile (Ier siècle av. J.-C.), tout en se concentrant sur le culte crétois de Britomartis/Dictynna en relation avec Artémis, la présente comme la fille de Zeus et de Carmé, et une petite-fille de Déméter (5.76.3). Pausanias (IIe siècle de notre ère) est d'accord avec cette lignée, mais remplace Déméter par Carmanor, qui purifia Apollon après qu'il eut tué Python. Pausanias ajoute également que Dictynna fut immortalisée par Artémis et que son culte s'étendit à Égine, où elle était adorée exclusivement sous le nom d'Aphaïa (ou Aphéa, qui signifie "seule") (2.20.3). Cela suggère que, dans certaines parties du monde grec pendant la période hellénistique, Britomartis/Dictynna était incluse dans le groupe de divinités liées aux enfants de Léto, Artémis et Apollon.

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Période romaine et au-delà

Les plus anciennes découvertes sur le site du sanctuaire du Dictynnaion remontent à la fin du 7e ou au 6e siècle avant notre ère. À l'époque hellénistique, le sanctuaire de Britomartis/Dictynna était probablement sous le contrôle de la ville de Polyrrhénium, non loin de Cydonia. Polyrrhénium fut probablement fondée pendant la période grecque archaïque et continuait d'exister à l'époque byzantine. Au cours de la période hellénistique tardive, peut-être après la dernière conquête romaine de la Crète en 66 avant notre ère, le sanctuaire de Dictynna fut partiellement reconstruit. Son apogée, cependant, eut lieu lorsqu'un nouveau temple vit le jour sous l'empereur romain Hadrien (r. de 117 à 138 de notre ère). Le culte de Dictynna prit alors une importance particulière. Elle apparut également sur les pièces de monnaie romaines, où son lien avec Zeus, cette fois en tant que mère divine, et avec le mythe crétois de sa vie d'enfant dans la grotte du mont d'Ida est mis en évidence.

Trajan Cretan Silver Coin Showing Diktynna and Infant Zeus
Pièce de monnaie crétoise en argent de Trajan représentant Dictynna et l'enfant Zeus
The Trustees of the British Museum (CC BY-NC-SA)

Dictynna et son sanctuaire devaient être fascinants. Son culte et son charisme ont inspiré un grand nombre d'écrivains de l'époque, de Silius Italicus (c. 215 av. J.-C.) à Ptolémée et Apulée (IIe siècle de notre ère). Selon Philostrate, le sanctuaire fut visité par Apollonios de Tyane au milieu du premier siècle de notre ère. La richesse du sanctuaire était telle qu'il était gardé par des chiens aussi forts que des ours, du moins comme le prétendaient les Crétois (Philostrate, Vie d'Apollonios 8.30). Des fidèles venus de toute la Grèce et de la Méditerranée se rendaient sur le site et apportaient des offrandes. La coutume voulait qu'ils s'approchent pieds nus, portant leurs précieux cadeaux en contact direct avec la terre et la nature, incarnées par la déesse.

Le temple d'Aphaïa à Égine, une structure dorique en calcaire mesurant environ 30 mètres sur 13, fut construit vers 500 avant notre ère pour remplacer un ancien temple en bois qui avait été détruit par le feu. La découverte de nombreuses figurines féminines datant du 14e siècle avant notre ère suggère la poursuite du culte d'une déesse-mère d'origine minoenne sur ce site. Le temple archaïque abritait une importante collection de sculptures, qui furent pillées par Louis Ier de Bavière (r. de 1825 à 1848) et emportées à Munich. Ces sculptures, ainsi que les vestiges du temple, sont aujourd'hui exposés à la Staatliche Antikensammlungen und Glyptothek.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Nathalie Choubineh
L'autrice, traductrice et chercheuse, aime se plonger dans les danses anciennes, les croyances et les rituels, les mythes et les histoires, les œuvres d'art et les autres formes d'expression culturelle et leurs imbrications. Elle aime apprendre et partager.

Citer cette ressource

Style APA

Choubineh, N. (2025, janvier 14). Britomartis [Britomartis]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23882/britomartis/

Style Chicago

Choubineh, Nathalie. "Britomartis." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 14, 2025. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-23882/britomartis/.

Style MLA

Choubineh, Nathalie. "Britomartis." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 14 janv. 2025. Web. 29 mars 2025.

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