Le philosophe grec Aristote, du IVe siècle avant notre ère, a écrit dans son essai Politique: "Si la liberté et l'égalité [...] se trouvent principalement dans la démocratie, c'est lorsque toutes les personnes participent de la même façon au gouvernement qu'elles sont le mieux réalisées." Malheureusement pour Rome, lorsque le roi étrusque fut finalement chassé en 509 avant notre ère, les familles aristocratiques de la ville - les patriciens - prirent le contrôle du gouvernement et créèrent une république, mais une république qui n'avait de république que le nom. Les nobles patriciens se considéraient comme privilégiés et mieux à même de gouverner; certaines personnes étaient nées pour diriger et d'autres étaient destinées à suivre. La majorité des citoyens, les plébéiens, n'avaient aucun droit de regard sur la manière dont ils étaient gouvernés, ni sur les personnes qui les gouvernaient.
Sous le règne des rois étrusques, les patriciens (le mot vient du latin patres qui signifie "pères") possédaient la plupart des terres, et bien qu'il y ait eu de nombreux plébéiens riches (un mot qui signifie "le grand nombre"), une poignée de familles patriciennes s'élevèrent pour devenir des conseillers et des chefs de guerre du roi, bien que certains historiens soutiennent que même le roi n'a peut-être pas toujours été un patricien. Pendant des décennies, toutes les familles patriciennes ont pu retracer leur ascendance à ces clans originaux. Parmi eux, les Claudii, les Julii ou les Cornelii. Ce droit naturel, le droit de gouverner, devint héréditaire et permit aux patriciens de se distinguer de ceux qu'ils considéraient une classe inférieure. Avec l'avènement de la république, les patriciens cherchèrent à maintenir leur emprise sur le pouvoir gouvernemental.
Ce nouveau gouvernement était vraiment unique et, selon toute apparence, représentatif. Il y avait une assemblée centuriate ou Comitia Centuriate, un Sénat et deux co-consuls. Ces derniers étaient élus par l'assemblée pour un mandat d'un an mais disposaient des pouvoirs d'un roi. Tout cela n'était ouvert qu'aux patriciens et ne concernait que leur bien-être. Cette autorité extrême leur permit de maintenir leur statut économique et politique, mais ce ne fut pas la seule méthode utilisée pour réprimer la plèbe. Un autre moyen fut la prêtrise, qu'ils contrôleraient pendant des années. La religion a toujours fait partie intégrante de la vie d'un citoyen romain, et l'une des méthodes utilisées pour réprimer toute rébellion éventuelle parmi la plèbe consistait pour les patriciens à conserver leur rôle de "gardiens des dieux". Ils dominaient à la fois le collège des prêtres et le poste de pontifex maximus. Les patriciens prétendaient simplement avoir une connaissance particulière des dieux et servaient donc de gardiens de la loi religieuse avec l'autorité de punir les contrevenants.
Malheureusement pour les patriciens, cette domination ne pouvait et ne devait pas durer. Les relations entre les deux classes ont toujours été très limitées, voire inexistantes - la loi leur interdisait même de se marier. Les patriciens commencèrent peu à peu à perdre le contrôle lorsque les plébéiens les plus riches voulurent s'assurer une voix au gouvernement, menaçant plus d'une fois de quitter Rome. En tant que majorité des citoyens romains, les plébéiens formaient un groupe hétérogène. Ils étaient les pauvres des villes, les riches agriculteurs, les commerçants, ainsi que le noyau de l'armée républicaine. Les fonctions subalternes de commerçant ou d'artisan n'ont jamais été considérées comme un travail pour un patricien; celui-ci pensait qu'il était plus apte à occuper des postes de direction dans les domaines de la politique, du droit ou de l'armée. Cependant, les patriciens réalisèrent qu'ils avaient plus besoin de la plèbe que celle-ci n'avait besoin d'eux et décidèrent de céder une partie de leur autorité, mais pas la totalité. Malheureusement, cette bataille entre les deux classes allait se poursuivre pendant des décennies.
Cette menace d'abandon de la ville aboutit finalement à un compromis: le Conflit ou Lutte des Ordres, un accord entre les deux classes qui permit à la plèbe d'avoir son mot à dire dans le gouvernement. Le Concilium Plebis ou Conseil de la plèbe, une assemblée législative chargée d'élaborer des lois relatives aux préoccupations de la plèbe, fut créé en 494 avant notre ère. Plus de deux siècles plus tard, en 287 avant notre ère, la Lex Hortensia fut adoptée, rendant toutes les lois promulguées par l'assemblée de la plèbe contraignantes pour tous les citoyens, y compris les patriciens. À l'origine, deux fonctionnaires ou tribuns étaient élus par le Conseil pour agir au nom de la plèbe, mais ce nombre fut ensuite porté à dix. Cependant, la création du Conseil ne suffit pas. En l'absence de tout code juridique, les plébéiens craignaient d'éventuels abus de la part des patriciens. C'est pourquoi une série de lois, les Douze Tables, fut promulguée en 450 avant notre ère. Ces lois s'avérèrent être le fondement de la justice romaine; une loi qui subsista, mais qui fut abandonnée par la suite, était l'interdiction des mariages mixtes entre les deux classes.
Dans son Histoire de Rome, l'auteur et historien romain Tite-Live évoque le souci des patriciens de préserver la pureté de leur classe :
... un tribun de la plèbe, introduisit une loi concernant les mariages entre patriciens et plébéiens. Les patriciens considéraient que leur sang en serait contaminé et que les droits particuliers des maisons s'en trouveraient troublés. Les plébéiens ... introduisirent alors une mesure autorisant le peuple à élire les consuls parmi les plébéiens ou les patriciens, selon son choix. Les patriciens pensaient que si cette mesure était adoptée, le pouvoir suprême ne serait pas seulement dégradé ... mais passerait entièrement des mains des chefs de l'État à celles de la plèbe.
Cette dernière préoccupation ne fut pas écartée aussi facilement par les deux parties. Peu à peu, au fil du temps, les lois furent assouplies, permettant aux plébéiens de devenir consuls, le premier ayant été élu en 367 avant notre ère.
Alors que les plébéiens commençaient à contrôler de plus en plus leur propre gouvernement, plusieurs d'entre eux s'élevèrent au niveau de dictateur, une position qui permettait à un individu d'assumer le pouvoir suprême en cas d'urgence. Tibère Gracchus, un tribun du IIe siècle avant notre ère dont la mère était patricienne, proposa de donner gratuitement des terres aux agriculteurs pauvres et sans emploi, une idée qui n'était pas très appréciée par les riches patriciens du Sénat. Tibère fut tué, ainsi que 300 de ses partisans. Son frère Caius ne ferait pas mieux. En 81 avant notre ère, Sulla, un autre tribun, accéda au pouvoir et prit le titre de dictateur. L'une de ses premières mesures fut d'éliminer toute opposition, en exécutant plus de 1 500 patriciens, bien que certains aient choisi de se suicider pour permettre à leur famille de conserver leurs richesses; un individu exécuté aurait renoncé à toutes ses richesses au profit de Sulla.
Au fil du temps, la classe patricienne conserva une certaine influence au sein du gouvernement, en grande partie grâce à sa richesse et à ses propriétés foncières. Malheureusement, l'ancienne idée du droit d'aînesse changea; l'identité avec les anciens clans n'était plus valable. Jules César créa de nouveaux patriciens issus de la plèbe afin de renforcer son pouvoir. L'empereur Auguste nomma également de nouvelles familles patriciennes dans le but de revitaliser le sens moral au sein de l'empire, ainsi que la loyauté envers les cultes de l'État. Il rétablit les anciens collèges sacerdotaux (en se nommant lui-même pontifex maximus) et fit reconstruire les anciens temples et sanctuaires. Bien que la classe patricienne ait existé longtemps dans l'empire byzantin, elle n'était pas la même que le petit groupe de familles qui avait fondé la République. L'empereur Constantin n'utiliserait le terme "patricien" qu'en tant que titre. La tentative des patriciens de contrôler le pouvoir au sein de la République fut de courte durée, car la plèbe choisit de se soulever et de réclamer une voix. Comme le disait Aristote, une démocratie ou une république ne peut véritablement exister que si tous les citoyens y participent.