Urbanisation

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Caroline Martin
publié le 07 avril 2014
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais, espagnol, Turc
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Aerial View of Pompeii (by Brooklyn Museum Archives. Goodyear Archival Collection. Visual materials [6.1.024]: Pompeii. Theaters, Pompeii, Italy., Public Domain)
Vue aérienne de Pompéi
Brooklyn Museum Archives. Goodyear Archival Collection. Visual materials [6.1.024]: Pompeii. Theaters, Pompeii, Italy. (Public Domain)

L'urbanisation est le processus par lequel des communautés rurales se développent pour former des villes, ou des centres urbains, et, par extension, la croissance et l'expansion de ces villes. L'urbanisation commença dans l'ancienne Mésopotamie à la période Uruk (4300-3100 av. JC) pour des raisons sur lesquelles les spécialistes ne se sont pas encore mis d'accord. On suppose toutefois qu'un village particulièrement prospère et efficace attira l'attention d'autres tribus, moins prospères, qui se se rattachèrent alors à cette implantation réussie.

L'historien Lewis Mumford note que :

...bien que les villages permanents ne datent que de l'époque néolithique, l'habitude de recourir aux grottes pour y accomplir collectivement des cérémonies magiques semble remonter à une période plus ancienne... L'ébauche de la ville en tant que forme extérieure et modèle de vie intérieure pourrait être trouvée dans de tels assemblages (1).

Ce processus donna donc naissance aux centres densément peuplés que l'on a appelés « villes ». L'historienne Helen Chapin Metz propose que la croissance des villes de Mésopotamie ait été le résultat de la lutte des habitants contre l'environnement. Elle écrit :

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La vie civilisée qui a émergé à Sumer a été façonnée par deux facteurs contradictoires : l'imprévisibilité des fleuves, le Tigre et l’Euphrate, qui pouvaient à tout moment déclencher des inondations dévastatrices qui anéantissaient des peuples entiers, et l'extrême fécondité de leurs vallées fluviales, causée par des dépôts de boues séculaires. Ainsi, alors que les vallées fluviales du sud de la Mésopotamie attiraient les migrations des peuples voisins et rendaient possible, pour la première fois dans l'histoire, la culture d'excédents alimentaires, la volatilité des cours d'eau nécessitait une forme de gestion collective pour protéger les terres basses et marécageuses des inondations. À mesure que la production excédentaire augmentait et que la gestion collective devenait plus avancée, un processus d'urbanisation s'est développé et la civilisation sumérienne a pris racine (2).

L'essor de la ville

Les spécialistes actuels considèrent que Uruk est la première ville à s’être élevée dans la région de la Mésopotamie, vers 4500 av. JC, suivie par Ur, vers 3800 av. JC. Elles étaient toutes deux situées à proximité des rives de l'Euphrate. Pour les Sumériens, cependant, la première ville, Eridu, fut fondée en 5400 av. JC, mais ce n'était probablement pas une « ville » au sens où l'on pourrait définir Uruk ou Ur (voir la définition de « ville »). Dans le mythe d'Inanna et du dieu de la sagesse, les préceptes de la civilisation, connus sous le nom de Me, sont transférés d'Eridu à Uruk. On pense que le sujet de ce poème représente le changement de paradigme d'un mode de vie plus pastoral (symbolisé par Eridu) à un mode de vie plus urbanisé (représenté par Uruk). La structure de la ville, et la sécurité de la vie urbaine, semblent avoir attiré la population de la région vers les centres urbains, bien qu’une théorie fut suggérée comme quoi la population a été retirée de force des exploitations agricoles et relocalisée dans les villes dont les dirigeants se sont ensuite approprié les terres pour l'État. Cette théorie, cependant, ne rend pas compte de la poursuite de l'urbanisation tout au long de l'histoire de la Mésopotamie ou de sa reproduction dans d'autres nations.

En l'an 2600 av. JC, Ur était une métropole prospère et, en 2900 av. JC, c’était une ville fortifiée comptant environ 65 000 habitants. L'urbanisation s'est toutefois poursuivie, la ville s' est étendue et, avec le temps, les champs autrefois fertiles qui nourrissaient la population ont été épuisés. La surexploitation des terres, associée à un mystérieux déplacement de l'Euphrate qui a éloigné les eaux de la ville, a entraîné l'abandon définitif du complexe vers 500 av. JC. Eridu, pour des raisons peut-être similaires, a été abandonnée en 600 av. JC et Uruk en 650 av. JC. Bien que de nombreux facteurs aient sans doute contribué au déclin des villes comme Ur (Sargon d'Akkad a pillé la ville en 2340 av. JC, par exemple, et des excursions militaires répétées contre la ville ont persisté à travers les âges, les Élamites ayant finalement mis la ville à sac en 1750 av. JC), il a été suggéré que l'urbanisation et, en particulier, la surutilisation des terres environnantes pour l'agriculture, ont été la cause principale.

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Palmyra
Palmyre
Bernard Gagnon (CC BY-SA)

Urbanisation et surexploitation des ressources

Au centre d'Ur, comme dans toutes les villes de l'ancienne Mésopotamie, se trouvait le grand temple où se déroulaient les cérémonies et les affaires commerciales et sociales. Les activités religieuses, comme les festivals, étaient les principaux rassemblements sociaux de l'époque et ces occasions étaient souvent utilisées pour distribuer les surplus de nourriture et de fournitures à la population de la ville. Les prêtres du temple, qui étaient également les dirigeants de la ville à partir de 3400 av. JC, étaient responsables de cette distribution et ils comptaient beaucoup sur les agriculteurs de la région pour leur fournir les excédents comme ils en avaient besoin (un rôle qui allait être repris par le roi, la royauté ayant supplanté la classe sacerdotale au troisième millénaire av. JC avec l'émergence du roi-guerrier connu sous le nom de « Lugal », qui signifie « Grand Homme »). Cette production excédentaire de la campagne permettait non seulement d'approvisionner la population de la ville en nourriture, mais aussi d'accroître le commerce de longue distance avec les autres villes situées le long de l'Euphrate, comme Tikrit et Eridu. Cependant, à mesure que l'urbanisation se poursuivit, le besoin de matières premières toujours plus nombreuses épuisa les ressources naturelles de la région et, finalement, entraîna un manque de biens nécessaires et l'abandon de la ville.

La réponse de l'Égypte à l'urbanisation

L'urbanisation se répandit de la Mésopotamie à l'Égypte et, de là, à la Grèce et il semble que, très tôt, la leçon de la ville d'Ur, et d'autres villes, ait été prise en compte par les centres urbains ultérieurs. En Égypte, en particulier, on prit grand soin de la terre pour éviter que les conséquences moins souhaitables de l'urbanisation ne fassent chuter les grandes cités pharaoniques afin de pouvoir se concentrer sur les aspects culturels tels que le développement de l'écriture, de l'architecture, des lois, de l'administration, de l'hygiène, du commerce et de l'artisanat (dont on pense qu'ils ont tous leur origine en Mésopotamie, à Uruk). Le professeur George Modelski, de l'université de Washington, écrit :

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Certains étudiants de l'époque antique étaient connus pour soutenir que, contrairement à la Mésopotamie, l'Égypte n'avait rien qui puisse être considéré comme des villes en termes modernes. Ce grand pays a bien eu des temples, des palais et des cimetières, souvent avec des proportions monumentales, dès les quatrième et troisième millénaires, mais ses capitales semblent avoir manqué de taille remarquable et elles n'ont laissé que peu de traces de vie intellectuelle ou d'activité commerciale. Comme l'a dit John A. Wilson : « Pendant près de trois mille ans, jusqu'à la fondation d'Alexandrie, l'Égypte ancienne était une civilisation sans une seule grande ville ».

Cette affirmation est toutefois contrée par le professeur M.E. Smith de l'Arizona State University qui affirme que :

Parce que les archéologues n'ont pas réussi à trouver de grandes villes en Égypte avant la capitale d'Akhenaton à Amarna dans la période du Nouvel Empire (1350 av. JC), l’Égypte a parfois été comparée à la Mésopotamie comme une « civilisation sans villes ». Cette étiquette masque cependant une forme d'urbanisme distincte... L'Égypte ne manquait pas de villes ; ses systèmes urbains étaient plutôt structurés différemment de la forme plus familière des villes mésopotamiennes (The Sage Encyclopedia of Urban Studies, 26).

L'Égypte, semble-t-il, avait compris à la fois les avantages et les coûts de l'urbanisation et elle opta pour « une urbanisation dispersée, caractérisée par des établissements urbains plus petits et plus spécialisés » (26). Ce même paradigme est valable pour les centres urbains des Mayas, du moins dans leur planification, mais la progression apparemment universelle de l'urbanisation conduisit à l'épuisement des ressources naturelles et, comme le note Smith,

Presque toutes les sociétés urbaines anciennes se sont livrées à la déforestation, avec des conséquences souvent désastreuses pour les sols et les nappes phréatiques. Dans les latitudes tempérées, les forêts ont été abattues pour le bois de chauffage et les matériaux de construction... Dans les milieux forestiers tropicaux, les forêts ont été défrichées pour la production agricole. La plupart des villes anciennes ont finalement été détruites ou abandonnées (27).

Temple of Hatshepsut, Aerial View
Temple d'Hatchepsout, vue aérienne
N/A (CC BY)

L'essor et la chute des villes

L'environnement artificiel de la ville, qui soumet le milieu naturel environnant aux besoins de la population, finit toujours par épuiser et détruire les ressources mêmes qui ont donné naissance à la ville. Au fur et à mesure que l'urbanisation augmente, les terres rurales diminuent et, comme l'écrit Mumford,

...les forces aveugles de l'urbanisation, qui suivent les lignes de moindre résistance, ne montrent aucune aptitude à créer un modèle urbain et industriel qui soit stable, autosuffisant et auto-renouvelable. Au contraire, au fur et à mesure que la congestion s'épaissit et que l'expansion s'étend, le paysage urbain et rural est défiguré et dégradé, tandis que les investissements non rentables dans les remèdes... ne servent qu'à promouvoir davantage la dégradation et le désordre qu'ils cherchent à pallier (14).

Ce cycle d'essor et de déclin des villes est observé de manière répétée dans de nombreuses cultures à travers le monde. La question de savoir pourquoi ce phénomène est si fréquent dans certaines régions, comme la Mésopotamie, et pas dans d'autres, comme la Grèce, est toujours débattue par les chercheurs et les historiens. Certains affirment qu'il s'agit simplement d'une question de surpopulation (comme dans le cas des Mayas), tandis que d'autres mettent en avant une utilisation excessive des terres (comme à Ur et dans d'autres villes mésopotamiennes). Aucune de ces réponses n'est totalement satisfaisante et il est fort probable que ce soit une combinaison de nombreux facteurs, dont un manque de prévoyance, qui ait conduit à la destruction ou à l'abandon de tant de villes anciennes.

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Bibliographie

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Traducteur

Caroline Martin
Française, ayant vécu au Royaume Uni pendant 20 ans, Caroline Martin est totalement bilingue. Lectrice passionnée depuis son plus jeune âge, elle a développé un amour de l'histoire qui remonte a ses années sur les bancs de l’école. Elle s'intéresse maintenant beaucoup à l'histoire en général et à la géopolitique.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, avril 07). Urbanisation [Urbanization]. (C. Martin, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-46/urbanisation/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Urbanisation." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. modifié le avril 07, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-46/urbanisation/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Urbanisation." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 07 avril 2014. Web. 20 nov. 2024.

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