Œnone était une nymphe de la mythologie grecque, fille du dieu de la rivière Cébren et sœur de la nymphe Astérope/Hespéria. Elle reçut le don de prophétie de Rhéa (mère des dieux) et le don de guérison d'Apollon. Son nom vient du mot grec oinos, qui signifie "vin". Elle vivait sur le mont Ida où elle rencontra le jeune prince Pâris de la ville de Troie, alors qu'il n'était qu'un berger, ignorant tout de sa propre naissance noble.
Ils se marièrent et profitèrent de leur vie commune jusqu'à ce que Pâris ne soit choisi par Zeus pour choisir entre les déesses Athéna, Aphrodite et Héra la plus belle. Il choisit Aphrodite qui lui avait promis la plus belle femme du monde s'il la choisissait. Cette femme était Hélène de Sparte, l'épouse de Ménélas, le roi de Sparte et Pâris quitta Œnone pour se rendre à Sparte où il rencontra Hélène et l'enleva, déclenchant ainsi la guerre de Troie décrite dans l'Iliade d'Homère.
L'histoire d'Œnone, comme la mort d'Achille, ne figure pas dans l'Iliademais provient de sources ultérieures qui ont également développé le récit de la mort de Pâris. Son abandon par Pâris, ses efforts pour le reconquérir auprès d'Hélène et sa mort tragique ont inspiré des œuvres artistiques et littéraires ultérieures, notamment celles d'Ovide (43 av. J.-C. - 18 ap. J.-C.) et du poète anglais Alfred, Lord Tennyson (1809-1892), bien que son histoire ait été développée par de nombreux autres auteurs. Elle est toujours présentée favorablement en tant que femme amoureuse d'un jeune homme superficiel et ingrat qui n'a pas la capacité de lui rendre son amour.
Son nom se traduit souvent par "Amoureuse de Pâris" sans tenir compte des racines étymologiques. L'île grecque d'Égine était à l'origine connue sous le nom d'Œnone ou Oinone, "île du vin", en raison de l'excellence du vin qui y était produit, avant que le roi Éaque ne la rebaptise du nom de sa mère. Il est généralement admis que le nom original de l'île n'avait rien à voir avec la nymphe grecque.
Naissance de Pâris, prophétie et Œnone
Abstraction faite des considérations sur l'historicité de l'Iliade, la création du personnage littéraire de Pâris est attribuée au poète grec Homère (vers le VIIIe siècle avant notre ère). Par la suite, d'autres auteurs développèrent l'histoire et les personnages d'Homère dans leurs propres œuvres, ajoutant ainsi à la richesse de l'histoire, et le personnage de Pâris est l'un de ceux qui sont le plus souvent cités.
Selon Homère et ces récits ultérieurs, Pâris était l'un des nombreux fils du roi Priam et de la reine Hécube de Troie. Juste avant sa naissance, Hécube rêva qu'elle donnait naissance à une torche de flamme vive. Ce rêve fut interprété par Ésaque, un autre des fils de Priam qui était aussi voyant (qui aima aussi, et perdit, Astérope, la sœur d'Œnone). Ésaque comprit que le rêve signifiait que l'enfant apporterait la ruine à Troie et devait être tué. Une fois que Pâris fut né, ni son père ni sa mère ne purent se résoudre à lui faire du mal et Priam le confia à Agélaos, son fidèle berger, pour qu'il l'emmène hors du palais et s'en débarrasse.
Agélaos ne put pas non plus supporter de faire du mal au garçon, mais ne pouvait pas non plus le ramener à Priam; il le laissa donc seul sur le mont Ida pour qu'il y meure. Lorsqu'il revint neuf jours plus tard, il trouva l'enfant en pleine forme, allaité quotidiennement par une ourse. Agélaos ramena alors le bébé dans sa propre maison pour l'élever comme s'il fut le sien.
Pâris grandit et devint berger sur le mont Ida, en apparence le fils d'Agélaos, mais son héritage noble était bel et bien visible dans sa grande beauté, son courage et son intelligence naturelle. Après avoir chassé un groupe de voleurs, il fut connu sous le nom d'Alexandros ("défenseur des hommes"), le nom le plus couramment utilisé pour lui par les auteurs ultérieurs. Il attira l'attention d'Œnone qui tomba amoureuse de lui, bien qu'il n'ait été que humble berger et elle une nymphe et la fille du dieu du fleuve; il lui jura son amour éternel et lui promit de ne jamais la quitter. Ils se marièrent, Œnone donna à Pâris un fils, Corythos, et la famille vécut heureuse sur le mont Ida.
Quelques années plus tard, Pâris emmena à Troie l'un des taureaux du troupeau d'Agélaos comme offrande lors d'une grande fête, sans savoir que cet événement était une commémoration de sa propre "mort" consistant en des jeux funéraires en son honneur. Il participa à ces jeux et gagna le taureau qu'il avait apporté ainsi que l'admiration de beaucoup mais certains, y compris ses propres frères, lui reprochèrent sa présomption puisqu'il n'était qu'un berger et qu'il avait pourtant réussi à faire mieux que ses supérieurs et même mieux que le dieu Arès qui avait participé sous la forme d'un taureau. Mais avant qu'ils ne puissent l'attaquer, il fut identifié par sa sœur Cassandre qui avait le pouvoir de prophétie comme étant le prince supposé mort.
Œnone, Corythos et Pâris s'installèrent alors à Troie et furent accueillis dans la famille royale. L'expert Robert E. Bell écrit :
Le bref séjour parmi les princes et princesses de Troie a dû être difficile pour [Œnone] car elle, nymphe simple et sans prétention, n'était pas à sa place parmi sa belle-famille urbaine. (330)
Selon certaines sources, les trois demeurèrent à Troie tandis que, selon d'autres, ils retournèrent au Mont Ida. On dit qu'Œnone utilisa ses pouvoirs pour faire oublier la prophétie concernant Pâris et que tous l'acceptent comme un fils retrouvé. Il n'existe aucun compte rendu de la façon dont Hécube ou Priam auraient réagi en apprenant le retour du fils qu'ils pensaient avoir envoyé à la mort.
Jugement de Pâris et trahison
Le jugement de Pâris est mentionné avec désinvolture par Homère dans l' Iliade, ce qui suggère que son public connaissait déjà l'histoire et qu'il n'était pas nécessaire de la développer. Les premières sources du récit ont été perdues, si tant est qu'elles aient été écrites, et l'histoire existante provient d'auteurs postérieurs.
L'histoire raconte qu'un grand banquet fut organisé par Zeus, le roi des dieux, pour célébrer le mariage de Pélée et Thétis (les futurs parents du héros Achille) mais qu'il n'invita pas Éris, la déesse de la discorde, car Zeus craignait qu'elle ne gâche la fête. Éris, insultée, arriva tout de même au banquet et lança dans la salle de Zeus une pomme d'or sur laquelle était écrit "Pour la plus belle".
Les déesses Athéna, Aphrodite et Héra réclamèrent toutes la pomme et, comme aucune d'entre elles ne voulait céder, elles demandèrent à Zeus de les départager. Zeus, refusant de choisir entre les trois, confia l'affaire à Pâris qui avait si bien réussi aux jeux de Troie qu'il avait même vaincu Arès. Il demanda à Hermès, son dieu messager de confiance, de guider les trois déesses jusqu'au mont Ida où elles allèrent se baigner dans une source proche de celle où se trouvait Pâris qui, bien que reconnu par la cour de Troie comme le prince autrefois disparu, s'en était retourné s'occuper du bétail de son père adoptif Agélaos (bien que, dans certaines sources, ce récit précède sa reconnaissance).
Elles lui demandèrent de juger entre elles qui était la plus belle. Héra lui offrit le pouvoir en tant que roi de toute l'Europe et de l'Asie s'il la choisissait. Athéna lui promit sagesse et prouesses martiales. Aphrodite lui assura qu'il aurait la plus belle femme du monde. Pâris choisit Aphrodite qui le récompensa en lui offrant l'amour d'Hélène de Sparte - une femme qu'il n'avait pas encore rencontrée - l'épouse du roi Ménélas.
Lorsque Hélène, qui avait été courtisée par de nombreux prétendants exceptionnels, épousa Ménélas, le roi d'Ithaque, Ulysse, dit au père d'Hélène, Tyndare, que tous jureraient de protéger ce mariage. Pâris dit à Œnone qu'il devait voyager pour rencontrer Ménélas au sujet d'une question de diplomatie entre Troie et Sparte alors qu'en réalité, c'était pour réclamer le prix qu'Aphrodite lui avait promis.
Dévotion et mort d'Oenone
Œnone avait reçu le don de prophétie de Rhéa et avait donc prévu les résultats des actions de Pâris à Sparte et avait essayé de le dissuader d'y aller. Mais Pâris refusa et Œnone lui dit que, s'il était blessé dans son entreprise, il devrait revenir la voir car elle seule pouvait le guérir grâce au pouvoir que lui avait donné Apollon.
Une fois arrivé à Sparte, Pâris enleva Hélène (ou, selon d'autres sources, elle tomba amoureuse de lui et partit de son plein gré), et Ménélas fit appel à la promesse faite par Ulysse à son père pour que les anciens prétendants et ses amis défendent son mariage. Ces alliances lancèrent les mille navires qui quittèrent la Grèce pour ramener Hélène et défendre l'honneur de Ménélas, ce qui donna lieu à la guerre de Troie qui dura dix ans.
Pâris ramena Hélène à Troie où leur mariage fut célébré. Œnone, abandonnée, jura de se venger de son mari infidèle, et lorsque les Grecs achéens arrivèrent, elle demanda à Corythos de les guider vers Troie. Comme la guerre se prolongeait, elle envoya à nouveau Corythos pour séduire Hélène et prouver à Pâris que sa nouvelle épouse était infidèle et ne méritait guère son affection. Pâris trouva Corythos au lit avec Hélène et, ne reconnaissant pas son fils devenu adulte, le tua.
Pâris, à l'origine de la guerre, était le plus faible participant au conflit dont le seul exploit fut de tuer le héros achéen Achille en tirant la flèche qui toucha son talon; c'était la seule partie de son corps non protégée par les promesses de tous les éléments et aspects de la terre qui avaient juré à sa mère de le défendre. Pâris fut ensuite touché par la flèche du héros achéen Philoctète et fut transporté sur le mont Ida pour être sauvé par les potions d'Œnone.
Celle-ci, blessée par sa trahison avec Hélène de Sparte, refusa de l'aider et il fut ramené à Troie où il mourut. Œnone se repentit de sa décision et se précipita à Troie mais elle arriva trop tard. Dans son chagrin et remplie de regret, elle se jeta sur le bûcher funéraire et mourut. Selon deux versions différentes de la vie d'Œnone, elle se serait pendue ou jetée d'une falaise près de Troie.
Œnone dans les sources ultérieures
Alfred, Lord Tennyson, écrivit un célèbre poème sur Œnone en 1833, qui suscita un grand intérêt pour la légende et inspira les artistes de la période romantique à approfondir les thèmes de l'histoire. Depuis lors, les écrivains ont repris ce thème qui ne connaît pas de frontières temporelles ou culturelles particulières afin d'explorer les relations entre hommes et femmes.
L'histoire d'Œnone est relatée dans les œuvres d'un certain nombre d'écrivains de l'Antiquité, tels que Bacchylide (5e siècle avant J.-C.), Lycrophon (3e siècle avant J.-C.) et le poète et grammairien Parthenios de Nicée (m. 14 de notre ère). Les mentions d'Œnone par les auteurs précédents sont des fragments, tandis que le récit de Parthenios reste intact dans son Erotica Pathemata (Les douleurs de l'amour romantique) qui présente des histoires d'amour tragiques tirées de l'histoire ou de la mythologie. Le récit d'Œnone par Parthenios est donné comme suit :
Alexandre, fils de Priam et pasteur sur le mont Ida, conçut de l'amour pour Œnone, fille de Cébrène. Inspirée par un dieu, cette jeune fille, dit-on, prédisait l'avenir, et jouissait d'ailleurs d'une grande réputation de prudence et de sagesse. Alexandre l'emmena de la maison paternelle sur le mont Ida, où parquaient ses troupeaux, et l'épousa; il lui jurait qu'il ne l'abandonnerait jamais, et qu'il lui garderait un respect sans bornes. Je sais, répondait-elle, que vous m'aimez maintenant avec ardeur; mais un temps viendra où vous me délaisserez pour passer en Europe, et là, épris des charmes d'une femme étrangère, vous amènerez la guerre dans votre patrie. Elle ajoutait qu'il serait blessé dans cette guerre, et qu'elle seule pourrait le guérir. Elle lui répétait souvent cette prédiction, et chaque fois il en repoussait la pensée.
Cependant Alexandre, dans la suite, épouse Hélène : Œnone reproche à son époux son inconstance, et se retire chez Cébrène son père. La guerre s’était déclarée. Alexandre est blessé d'une flèche par Philoctète; il se souvient alors de la prédiction d'Œnone, et se rappelle qu'il ne peut espérer de guérison que d'elle seule. Il lui envoie un héraut pour la prier de venir sans retard à son secours, et d'oublier le passé, qu'il fallait, disait-il, attribuer à la volonté des dieux. Qu'il envoie près d'Hélène, répond-elle avec fierté; c'est à elle qu'il doit porter ses prières. Néanmoins elle se hâtait de se rendre aux lieux où il gisait mourant. Mais, hélas ! le héraut l’avait devancée, et quand Alexandre apprit cette réponse cruelle, il perdit tout espoir et expira. Œnone en arrivant ne trouva plus qu'un cadavre sans vie; elle fit éclater sa douleur par ses gémissements et ses pleurs, et se donna la mort.
(Chapitre IV, trad. Remacle)
Son histoire est également racontée par Ovide dans ses Héroïdes (écrites vers 4-8 de notre ère) mais là elle est présentée comme une lettre d'Œnone à Paris. La version d'Ovide comprend également des éléments que l'on ne retrouve ni chez Parthenios ni chez les auteurs antérieurs. La pièce d'Ovide commence par Œnone qui insulte la virilité de Pâris en lui demandant s'il sera autorisé à lire sa lettre ou si sa nouvelle épouse le lui interdira et qu'il n'aura pas le courage ou l'autorité suffisante pour la défier.
La lettre continue en lui rappelant son vœu d'amour éternel et le bonheur qu'ils ont connu ensemble, notant comment elle s'est abaissée - en tant que fille d'un dieu - pour se marier avec quelqu'un qui n'était pas seulement un mortel mais, pour autant qu'elle le sache, seulement un fils de berger et même pas de naissance noble. Elle lui rappelle le temps qu'ils ont passé ensemble, comment il a gravé leurs noms dans le tronc d'un arbre après avoir promis de ne jamais la quitter et comment il a juré que son père pourrait faire reculer le fleuve Xanthe s'il venait à rompre cette promesse.
Ovide fait en sorte qu'Œnone rappelle comment elle a supplié Pâris de ne pas aller à Sparte; elle pleurait en le regardant partir, et lui dit que Ménélas avait eu raison de lancer la guerre pour ramener sa femme et que, puisqu'Hélène avait été infidèle à Ménélas, elle le serait aussi à Pâris. Elle lui dit que beaucoup l'ont désirée, avant et après sa rencontre avec Pâris, mais qu'elle lui avait toujours été fidèle. La lettre d'Œnone se termine par une supplique pour qu'il se souvienne de leur amour et de jours plus heureux et qu'il revienne vers elle.
L'histoire est également racontée par le poète et érudit britannique Robert Laurence Binyon (1869-1943), célèbre pour son poème For the Fallen publié en 1914 et régulièrement récité lors du Remembrance Day en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. En 1906, Binyon publia son œuvre, Paris and Œnone : A Tragedy in One Act, basée sur l'œuvre Quintus de Smyrne, Posthomerica, chapitre X. 259-489 (4e siècle de notre ère).
La pièce de Binyon commence avec Œnone en pleurs au sujet la trahison de Pâris pour Hélène. Paris entre alors en scène, mortellement blessé, et lui rappelle sa promesse de le guérir si jamais il était blessé. Œnone refuse, toujours blessée par sa désertion, et Pâris s'éloigne en boitant pour aller mourir. Œnone se repent alors et part à sa recherche, mais trouve Hélène qui tente elle aussi de retrouver Pâris et de l'aider. Œnone dit à Hélène qu'elle peut sauver Pâris grâce à ses herbes magiques et aux compétences que lui a enseignées Apollon, mais au moment où elle le fait, elle et Hélène apprennent que Pâris est mort et son bûcher funéraire est allumé derrière elles. Œnone, consumée par le chagrin de son unique amour, se met à courir et saute dans les flammes, tandis qu'Hélène assiste impuissante à la scène.
Conclusion
Dans toutes les versions de l'histoire, Œnone est représentée comme l'épouse dévouée et aimante qui est abandonnée par son grand amour et qui s'enlève la vie en retour. Bell écrit :
Œnone pourrait facilement être considérée comme l'exemple même de l'épouse abandonnée mais qui ne veut pas accepter son sort sans recourir à une série d'actions pour retrouver son amour perdu. Sa première tentative fut de raisonner, mais elle échoua. Elle essaya ensuite de déjouer les plans en offrant son fils comme arme pour mettre fin rapidement à la guerre. Comme cela ne suffit pas, elle essaya de discréditer sa rivale. Enfin, elle permit la mort de son ex-mari autodestructeur, mais se repentit et, dans un dernier geste désespéré, essaya de le sauver. Après cela, il ne restait plus que sa propre destruction. (331)
Œnone continua - et continue - d'être remémorée de cette façon tel un avertissement aux femmes qui se consacrent à des hommes qui ne méritent pas leur amour. De nos jours, elle est également citée dans les thérapies de deuil pour souligner le danger de refuser de laisser partir ce qui a été perdu.